LES EXPERTES INSISTENT SUR LE ROLE PRIORITAIRE QUE DOIT JOUER L'EDUCATION DANS L'AMELIORATION DE LA CONDITION DE LA FEMME AU BURKINA FASO
Communiqué de Presse
FEM/1110
LES EXPERTES INSISTENT SUR LE ROLE PRIORITAIRE QUE DOIT JOUER L'EDUCATION DANS L'AMELIORATION DE LA CONDITION DE LA FEMME AU BURKINA FASO
20000127Les deux cas d'opposition au mariage forcé déjà portés devant les tribunaux témoignent d'un changement encourageant dans les mentalités
La poursuite, cet après-midi, du dialogue entre la délégation du Burkina Faso et les expertes du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, a permis de mettre en exergue le rôle prioritaire que doit jouer l'éducation dans l'amélioration de la condition de la femme. Une experte a notamment fait valoir que l'éducation ne doit pas seulement se limiter à l'alphabétisation mais doit aussi viser à l'éducation civique et à la connaissance des droits humains. Par ailleurs, l'Etat partie a mis l'accent lui-même sur la nécessité de voir un changement de mentalité s'imposer parmi les femmes au Burkina Faso. Des signes encourageants de ce changement commencent à faire leur apparition. Ainsi deux cas d'opposition au mariage forcé ont déjà été portés en justice et, dans les permanences juridiques mises en place sur l'ensemble du pays par le Gouvernement, l'objectif d'accueillir un minimum de 50 femmes par mois a été largement dépassé, puisque ce sont actuellement en moyenne 192 femmes qui s'adressent à ces centres pour dénoncer notamment des cas de lévirat et d'excision.
Les expertes se sont également inquiétées de la grande pauvreté des femmes rurales alors que leur participation à la main-d'oeuvre agricole est parmi les plus élevées au monde (77% d'entre elles en font partie). Répondant à cette inquiétude, la délégation du Burkina Faso a indiqué qu'à l'heure actuelle, les femmes rurales elles-mêmes participent à l'élaboration et à l'exécution des programmes de développement, lesquels mettent l'accent sur la prise de décision. Les expertes ont enfin suggéré à l'Etat partie de prendre de mesures temporaires spéciales, notamment en fixant des quotas, afin de favoriser la participation des femmes à la vie politique et publique.
Demain, à partir de 10 heures 30, le Comité examinera le troisième rapport périodique du Bélarus.
SUITE DE L'EXAMEN DES DEUXIEME ET TROISIEME RAPPORTS PERIODIQUES DU BURKINA FASO
Le rapport a été présenté dans notre communiqué FEM/1109.
Dialogue entre les expertes et l'Etat partie
Mme YUNG-CHUNG KIM, experte de la République de Corée, a rappelé le caractère urgent de l'éducation des femmes qui est la porte ouverte à la pleine application de la Convention. Elle a fait remarquer que le taux de scolarisation des petites filles reste décourageant. Prenant à sont tour la parole, Mme ROSARIO MANALO, experte des Philippines, a identifié les trois grands facteurs qui, de son avis, font obstacle à la lutte contre l'analphabétisme, à savoir la pauvreté, les insuffisances du système éducatif et les stéréotypes liés aux coutumes. Rappelant avec regret que, dans bien des pays en développement, la pauvreté et l'analphabétisme ont le visage des femmes, l'experte a souhaité que dans le cadre des projets pilotes tels que ceux qui sont à la base des écoles satellites, des dispositions spécifiques soient prises ciblant les filles. Mme Manalo a par ailleurs engagé le Gouvernement à investir davantage de ressources dans les programmes de planification familiale et à entreprendre des actions de sensibilisation en faveur d'une discrimination positive des femmes dans les lois sur l'emploi. L'experte s'est étonnée du manque de données sur les impacts, qu'ils soient du reste positifs ou négatifs, de la mondialisation dans le rapport de l'Etat partie. L'experte a enfin suggéré à l'Etat partie de prendre des mesures pour renforcer le rôle des femmes dans les petites et moyennes entreprises.
Mme CHIKAKO TAYA, experte du Japon, s'est, quant à elle, dite étonnée de constater la grande pauvreté des femmes rurales alors que leur participation à la main-d'oeuvre agricole est parmi les plus élevée au monde. Il est nécessaire, a recommandé l'experte, de faciliter l'accès des femmes rurales à la propriété terrienne, d'autant plus qu'il semblerait que ces femmes aient fait l'objet d'une ségrégation dans le cadre de la dernière réforme agraire. Mme MAVIVI MYAKAYAKA-MANZINI, experte de l'Afrique du Sud, a, pour sa part, félicité l'Etat partie de la franchise des informations fournies. Elle s'est demandée toutefois si le Gouvernement burkinabé a envisagé des mesures de quotas pour accroître la participation des femmes à la vie politique. Reconnaissant, par ailleurs, que la polygamie n'est pas une question facile à traiter, l'experte a insisté pour que l'Etat joue un rôle actif afin de protéger les femmes et les enfants dans de tels mariages, notamment celles qui s'opposent à ce type d'union. Quelles mesures sont prises pour protéger les femmes qui ont eu le courage de s'y opposer? a-t-elle demandé. Dans le même contexte, l'experte a souhaité connaître le taux de divorces au Burkina Faso.
Répondant aux questions des expertes, Mme CLEMENCE ILBOUDO, Conseillère technique du Ministre de la promotion de la femme au Burkina Faso et Présidente de la Commission nationale de la lutte contre les discriminations faites aux femmes, a expliqué que dans une situation où le mari viendrait à braver l'opposition de son épouse à un second mariage, c'est le tribunal qui interdirait formellement ce second mariage après dépôt de la plainte par l'épouse. Mme Ilboudo a également indiqué que le taux de divorces au Burkina Faso est peu élevé en raison du poids important de la famille, laquelle procède toujours à des démarches de réconciliation auprès des époux. La Conseillère a enfin fait remarquer que selon la jurisprudence burkinabé, le changement de l'option de la polygamie vers la monogamie est autorisé alors que l'inverse n'est pas toléré.
Prenant à son tour la parole pour répondre aux questions des expertes, Mme ROSE MARIE SAMWIDI-ZOUNGRANA, ingénieur agronome chargée de la promotion des activités des femmes à la Direction de la vulgarisation agricole au sein du Ministère de l'agriculture, a confirmé que le Burkina Faso accorde une place prioritaire aux femmes rurales. Les bailleurs de fonds, par exemple, leur font une place de choix dans les programmes de développement. A l'heure actuelle, les femmes participent par ailleurs elles-mêmes à l'élaboration et à l'exécution de ces programmes, à tel point que leur charge de travail s'en trouve souvent fortement alourdie, ce qui devient problématique. Dans les programmes de développement, l'accent est mis sur la prise de décision des femmes. Par ailleurs, l'éloignement des centres d'alphabétisation des lieux de vie de la femme rurale constitue souvent un frein aux activités entreprises dans ce domaine. Par ailleurs, on constate souvent chez certaines femmes rurales qui ont peu d'accès aux documents rédigés en langue nationale un retour à l'analphabétisme. Répondant aux questions sur l'accès au crédit, Mme Samwidi-Zoungrana a indiqué qu'en l'absence de titres fonciers en milieu rural, c'est le groupe qui apporte la caution solidaire, c'est-à-dire que c'est un groupement reconnu qui se porte garant lorsque l'un de ses membres souhaite obtenir un crédit. Mme Samwidi-Zoungrana a en outre assuré les membres du Comité que l'éducation est un domaine de préoccupation prioritaire pour le Gouvernement qui élabore périodiquement des plans d'action, le dernier en date portant sur la période 2000-2009. Dans le cadre de ce plan dont les coûts s'élèvent à 235 milliards de francs CFA, le taux de scolarisation visé pour les filles d'ici à l'an 2002 est de 44,03%, de 52,06% d'ici à l'an 2008 et de 65% d'ici à l'an 2009. Répondant aux questions de Mme Manalo, Mme Samwidi-Zoungrana a informé le Comité que des études sont actuellement menées pour évaluer les impacts de la mondialisation sur le développement des femmes au Burkina Faso et que des projets de formation visent à améliorer la compétitivité des femmes dans le milieu des entreprises. Dans les zones rurales, les projets mettent surtout l'accent sur la transformation des activités artisanales, qui permettent aux femmes d'obtenir des revenus monétaires, en des microentreprises.
Se prononçant sur l'application des textes législatifs, Mme AGNES KABORE-OUATTARA, Directrice de la promotion de la femme au Ministère de l'action sociale et de la famille, a souligné que l'éducation n'est pas le seul moyen pour permettre le respect des textes législatifs relatifs aux droits de la femme. Il faut d'abord que les femmes puissent avoir accès à l'information et qu'elles aient le courage de porter plainte. Un changement d'attitude s'impose donc avant tout. Ce changement de comportement, bien qu'il soit lent, commence à s'installer. Pour y parvenir, des campagnes d'information et des permanences juridiques ont été mises en place. L'objectif que s'étaient fixés ces centres de permanence, à savoir accueillir un minimum de 50 femmes par mois, a été largement dépassé puisque ce sont actuellement en moyenne 192 femmes qui s'adressent à ces centres pour dénoncer notamment des cas de lévirat et d'excision. Par ailleurs, deux cas de jugements de parents ont été prononcés suite à la dénonciation par leurs filles du mariage forcé auxquels ils voulaient les soumettre. Le courage qu'a nécessité chez ces filles la dénonciation de leurs parents témoigne d'un changement de mentalité qui est en train de se mettre en place.
Abordant pour sa part la question de l'avortement, Mme SEG-NOGO OUEDRAOGO-SAWADOGO, Conseillère de santé et Directrice générale de l'Ecole nationale de santé publique, a expliqué que plusieurs actions sont prises, notamment auprès des jeunes, pour prévenir les grossesses non désirées chez les adolescentes et les avortements provoqués qui en résultent. Elle a toutefois reconnu que de manière générale les différents programme de santé reproductive souffrent du manque de compétences du personnel de santé. C'est pourquoi les séminaires de formation sont destinés désormais tant aux sages- femmes qu'aux infirmières et aux agents de santé itinérants, et prennent en compte tous les éléments de la santé génésique. En outre, des études sont actuellement en cours pour éventuellement intégrer les services de planification familiale aux soins de santé primaires. La transformation qualitative du personnel de santé devrait donc permettre dans quelques années d'enregistrer une amélioration des indicateurs de santé.
Formulant des observations et questions supplémentaires, Mme IVANKA CORTI, experte de l'Italie, a souligné que l'espoir et l'optimisme ne sont rien dans le domaine de la promotion de la femme sans un combat constant et réel. Le problème numéro un du Burkina Faso est certes celui de l'éducation, toutefois aucun progrès sensible et aucune émancipation réelle ne pourront être enregistrés sans la pleine participation des femmes à la vie politique et à la prise de décisions, a-t-elle poursuivi. Pour Mme Corti, la politique d'éducation doit passer par 3 stades: tout d'abord l'alphabétisation, puis l'éducation civique notamment pour lutter contre la violence à l'égard des femmes et changer les mentalités, et enfin l'éducation aux droits humains. Concernant l'avortement, elle a plaidé en faveur d'une nouvelle loi qui permettrait aux femmes de disposer librement de leur corps et de prendre
de manière autonome leur décision. Dans la mesure où le Burkina Faso dépend pour une large part de l'aide financière extérieure, les autorités devraient au maximum s'appuyer sur l'expérience et le savoir-faire de ces pays pour améliorer la situation des femmes, a-t-elle également suggéré.
Réagissant aux commentaires de Mme CORTI, Mme MIRIAM MARIE-GISELE GUIGMA, Ministre de la promotion de la femme, s'est dite pleinement consciente du fait que le problème-clef est bien celui de l'éducation. S'agissant de la participation des femmes à la vie politique et publique, elle a indiqué qu'une véritable prise de conscience et une mobilisation des femmes a eu lieu ces dernières années. Par exemple, certains partis ont déjà décidé d'un quota de 25% pour les femmes et les noms des candidates féminines ne sont plus placés en fin de liste. Mme ILBOUDO a pour sa part affirmé que les autorités attachent la plus haute importance à la question des droits humains. Elles prévoient ainsi d'introduire très prochainement des cours d'instruction civique dès le primaire. De plus, la Commission nationale de lutte contre les discriminations faites aux femmes ne limite pas son travail à l'application de la Convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes mais examine l'ensemble des instruments internationaux signés par le pays. Mme GUIGMA a, en conclusion, repris brièvement la parole pour lancer un appel aux bailleurs de fonds en leur demandant de renouveler leur aide à l'exécution des programmes de promotion de la femme.
Dans ses observations de conclusion, la Présidente du Comité, Mme AIDA GONZALEZ MARTINES, experte du Mexique, a salué la volonté et l'ouverture d'esprit dont fait preuve le Gouvernement du Burkina Faso en faveur de la promotion des femmes. Elle s'est déclarée certaine que les recommandations et observations formulées par les expertes seront prises en compte et contribueront à renforcer et établir de nouveaux programmes pour atténuer les problèmes dans les domaines notamment de la violence, de l'éducation et de la santé. Elle s'est aussi dite confiante que des activités seront menées à bien pour éliminer les stéréotypes et les coutumes défavorables aux femmes. Mme Gonzalez Martines a en outre demandé au Gouvernement du Burkina Faso de tout mettre en oeuvre pour diffuser largement au sein de la population et auprès de tous les agents socioéconomiques les remarques, recommandations et suggestions du Comité.
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