LE BURKINA FASO FAIT DE LA REFORME DES LOIS ET DE L'IMPLICATION DE LA SOCIETE CIVILE LES AXES DE SA LUTTE CONTRE LES PRATIQUES COUTUMIERES
Communiqué de Presse
FEM/1109
LE BURKINA FASO FAIT DE LA REFORME DES LOIS ET DE L'IMPLICATION DE LA SOCIETE CIVILE LES AXES DE SA LUTTE CONTRE LES PRATIQUES COUTUMIERES
20000127Pour les expertes, les dispositions récentes prises contre les mutilations génitales ont valeur d'exemple pour l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest
Les 23 expertes du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes ont entamé, ce matin, les deuxième et troisième rapports périodiques combinés du Burkina Faso, qui ont été présentés par Mme Mariam Marie-Gisèle Guigma, Ministre de la promotion de la femme. Cette dernière a expliqué que, conscient de la nécessité de lutter contre les contraintes coutumières et traditionnelles qui pèsent encore lourdement sur les femmes du pays, le Gouvernement burkinabé a entrepris un vaste programme de réformes institutionnelles et juridiques. Le travail du Ministère de la promotion de la femme est ainsi désormais relayé par deux commissions nationales, dont l'une dédiée spécifiquement à la lutte contre les discriminations, et tous les plans nationaux de développement adoptent une approche sexospécifique. Leurs efforts conjugués ont permis de poser l'égalité des droits et la capacité juridique de la femme dans le nouveau Code des personnes et de la famille de 1990. Ce texte pose en outre pour la première fois des restrictions à la pratique de la polygamie. De plus, le Code pénal de 1996 traite désormais des atteintes spécifiques et exclusives à l'intégrité physique de la femme et de la petite fille en interdisant et en réprimant les mutilations génitales féminines. La Ministre a également indiqué que son pays entend signer très prochainement le Protocole facultatif à la Convention, qui donne aux femmes la possibilité de déposer une plainte directement auprès du Comité.
Le problème est que dans la réalité et malgré ces textes, les choses ne se passent toujours pas sur la base d'une relation égalitaire que ce soit dans le couple ou dans l'ensemble des secteurs socioéconomiques, a reconnu la Ministre. Outre les importantes contraintes financières liées à la mauvaise situation économique, le Gouvernement se heurte dans la mise en oeuvre de sa politique à la prévalence des mentalités et coutumes traditionnelles et
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à la résistance à tout changement de la part d'une population à grande majorité rurale et peu alphabétisée. Pour surmonter ces obstacles, les autorités ont adopté une politique de concertation et d'implication constante de l'ensemble des acteurs sociaux, y compris les dirigeants religieux et les chefs coutumiers.
Pour les expertes, il est évident que le Burkina Faso fait un effort considérable pour respecter la Convention et instaurer une véritable concertation avec la société civile. Les initiatives prises en vue d'éliminer les pratiques coutumières et notamment la plus néfaste d'entre elles, à savoir les mutilations génitales, ont été largement saluées. Par cette initiative, le Burkina Faso fait figure de véritablement leader dans la région de l'Afrique occidentale, ont estimé certaines expertes, avant d'insister pour que le pouvoir judiciaire applique sans aucune complaisance la loi révisée. Il n'en demeure pas moins que les défis sont énormes, et que les ressources allouées sont minimes, ont fait observer plusieurs membres du Comité, s'inquiétant du très faible budget alloué au Ministère de la promotion de la femme. Des efforts importants doivent par exemple être consentis pour améliorer les indicateurs de santé qui sont tous fort bas. Mais ce qui doit changer en priorité est la perception que les femmes ont d'elles-mêmes, a-t-on insisté et pour cela il faut mobiliser les femmes aussi bien que les hommes, et garantir à tous l'éducation.
Le Comité poursuivra son dialogue avec l'Etat partie, cet après-midi, à partir de 15 heures.
EXAMEN DES DEUXIEME ET TROISIEME RAPPORTS DU BURKINA FASO
Rapports (CEDAW/C/BFA/2-3)
Le Burkina Faso a ratifié le 28 novembre 1984 la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et son adhésion n'est devenue effective qu'en 1987. Le rapport couvre essentiellement une période de huit ans après l'établissement du rapport initial en 1989.
L'article 1er de la loi fondamentale de 1991 pose le principe d'égalité et de non-discrimination entre l'homme et la femme en ces termes: "Tous les hommes naissent libres et égaux en droits". Les discriminations de toutes sortes, notamment celles fondées sur la race, l'ethnie, la religion, la couleur, le sexe, la langue, la caste, les opinions politiques, la fortune et la naissance, sont prohibitées". Cette condamnation par le pouvoir constituant de toutes les formes de discrimination était déjà affirmée dans des textes antérieurs. Elle est aujourd'hui réaffirmée dans des textes postérieurs. Ainsi le Code de travail reconnaît à tous les Burkinabé un égal accès au travail. Le législateur ne fait enfin aucune distinction entre les assurés sociaux. Tous les travailleurs soumis aux dispositions du Code du travail sont assujettis au régime de sécurité sociale. Le Code des personnes et de la famille entré en vigueur le 4 août 1990 comporte de nombreuses dispositions protégeant la femme dans le cadre du mariage et en cas de dissolution de celui-ci. Le régime légal du mariage est la monogamie avec une possibilité pour les époux d'opter pour la polygamie avant le mariage. La femme peut ainsi dans le cadre d'un mariage monogamique demander la nullité du second mariage de son époux.
Par ailleurs, si les femmes bénéficient d'une protection juridictionnelle au même titre que les hommes, les pesanteurs socioculturelles, les pratiques traditionnelles, la réticence, l'ignorance des textes, l'analphabétisme, le coût de la justice et l'éloignement des tribunaux, limitent leur accès à la justice. On peut regretter l'absence, dans le droit positif de mesures appropriées pour lutter contre les actes et pratiques étatiques discriminatoires qui ne cessent de croître en nombre aussi bien dans les administrations publiques, parapubliques, paramilitaires, dans les entreprises publiques et privées, dans les organisations internationales et représentations diplomatiques, qu'au niveau des particuliers et ce malgré la proclamation du principe de non discrimination.
Parmi les mesures spéciales prises en faveur des femmes, l'Etat partie mentionne notamment la révision de la loi en sa partie relative à la contraception; les textes législatifs et réglementaires relatifs à la protection de la maternité; l'adoption et application d'un code des personnes et de la famille garantissant les droits de la femme; l'adoption des politiques de population et de planification familiale.
Cependant, certaines difficultés apparaissent dans l'application de ces mesures: insuffisance de moyens financiers et matériels pour l'acquisition de fournitures scolaires en quantité suffisante; réticence des personnes âgées contre la pratique de l'excision; méconnaissance du contenu du Code des personnes et de la famille.
Parmi les mesures institutionnelles étatiques, sont citées: l'interdiction du lévirat; l'illégalité de la dot; la mise en oeuvre du projet bien-être familial et parenté responsable. En ce qui concerne la participation des femmes à la vie politique et publique, il est indiqué que la plus forte participation des femmes au gouvernement a été observée en 1987, leur nombre s'étant considérablement réduit de nos jours.
Restent à surmonter: le poids des traditions, notamment à travers l'éducation des enfants; l'insuffisance de solidarité entre les femmes; la discrimination subtile au niveau des listes électorales; le manque de motivation et compte tenu de leur place d'épouse, de mère et de ménagère, les femmes n'ont pas les mêmes chances d'accès à l'éducation formelle et non formelle.
Au Burkina Faso, le taux de scolarisation demeure l'un des plus faibles au monde, soit 37,7% en 1995-1996. Les politiques et systèmes éducationnels adoptés depuis l'indépendance se sont révélés inadéquats, sélectifs et discriminatoires. Le taux d'alphabétisation est de 20% environ. Le système non formel s'occupe de l'alphabétisation et de la formation des adultes ainsi que des adolescents. Une série de mesures et actions ont conduit notamment à l'accroissement continu du taux de scolarisation des filles qui de 23,55% en 1991 est passé en 1995 à 28,55%.
L'état de santé de la population est extrêmement précaire. Les principales raisons sont à attribuer aux taux élevé de mortalité infantile et maternelle dû aux maladies infectieuses, au manque d'hygiène, à la malnutrition et à l'insuffisance des structures sanitaires, au coût élevé de la prise en charge du malade nonobstant une mise en place de politique des médicaments essentiels génériques. On estime à 40% le taux de couverture en service et soins de santé aux femmes enceintes; 10% celui des enfants de 0 à 5 ans; 42% des femmes enceintes n'effectuent pas de consultations prénatales; 36% ne sont pas vaccinés contre le tétanos. Le taux de mortalité maternelle était de 566 pour 100 000 naissances d'enfants vivants en 1991. La politique nationale en matière de santé met l'accent sur la promotion des soins de santé primaire à travers des programmes destinés entre autres à motiver la participation communautaire; améliorer la formation du personnel sanitaire; créer les conditions requises pour une meilleure prise en charge des malades; améliorer la qualité des soins dans les services sanitaires. Cette politique se heurte notamment aux difficultés suivantes: manque de moyens financiers; réticence des hommes à la contraception; manque de motivation des agents.
En ce qui concerne les droits reconnus de la femme en droit civil, deux systèmes coexistent: un statut de droit moderne ayant sa base dans le droit écrit d'inspiration française tel qu'applicable à la date de l'indépendance et un statut de droit traditionnel fondé sur les coutumes et les religions. Ce dualisme est appelé à disparaître pour être remplacé par une législation civile unique, applicable à tous les burkinabé. En ce qui concerne les libertés essentielles, à savoir, droit d'aller et de venir, de choisir sa résidence et son domicile, elles ont été reconnues à la femme au même titre qu'à l'homme par la constitution de 1991 et précisées par le Code des personnes et de la famille. La question de l'administration de ses biens est aussi réglée en partie par le même code des personnes et de la famille qui dispose que chaque époux conserve la pleine propriété de ses biens propres.
En matière de droit de la famille, le Burkina Faso, connaissant plusieurs formes de mariages, le législateur a dû opérer un choix politique en instituant des mesures ayant pour but d'affranchir la femme et de la protéger contre toutes discriminations en matière de mariage et dans les rapports familiaux. Il a ainsi posé les principes fondamentaux suivants: le principe de la liberté matrimoniale; l'obligation d'inscription du mariage sur un registre officiel; l'égalité des droits et devoirs entre les époux; la protection de l'enfant; la protection extrapatrimoniale et patrimoniale de la femme; la liberté de décider du nombre et de l'espacement des naissances et d'accès aux informations et à l'éducation.
Questions du groupe de travail présession
Le groupe a noté que la Loi fondamentale ou les autres lois du Burkina Faso posant le principe d'égalité et de non-discrimination entre l'homme et la femme, ne comportaient cependant pas de définition conforme à la Convention du terme "discrimination". Il s'est félicité de ce que des ONG et des associations de femmes aient également pris part à l'établissement des rapports. Le groupe de travail a aussi noté que les rapports fournissaient des renseignements précieux mais que, à l'encontre des directives du Comité, ils ne contenaient aucune donnée statistique sur l'application de la Convention, notamment les articles concernant l'éducation, l'emploi, la santé et les femmes rurales.
Il a souhaité que l'Etat partie fournisse des renseignements sur la pratique de l'excision. Quelles ont été les répercussions de l'adoption 1996 du Code des personnes et de la famille contre cette pratique? Le groupe a également demandé: des renseignements sur les répercussions que les politiques d'ajustement structurel et la dévaluation du franc CFA ont eues sur la vie des femmes dans les régions urbaines et rurales; des explications sur les principales causes des attitudes sociales de discrimination à l'égard des enfants, notamment les enfants naturels et les enfants handicapés.
Le groupe a ensuite demandé des précisions sur l'application de la Convention, article par article. La Loi fondamentale de 1991 garantit-elle l'égalité de l'homme et de la femme du point de vue de la protection et de la jouissance de leurs droits? Cette loi interdit-elle la discrimination à l'égard des femmes fondée sur le sexe et la situation matrimoniale? La loi de 1985 portant réorganisation agraire et foncière accorde-t-elle des droits fonciers aux femmes? Décrire à cet égard le rôle du Domaine foncier national. Quelle a été l'efficacité des mesures prises pour ce qui est de l'élimination des stéréotypes? Le groupe a souhaité que l'Etat partie lui fournisse des renseignements sur toutes les formes de violence perpétrées à l'égard des femmes, notamment la violence dans la famille, ainsi que les politiques et les mesures adoptées pour lutter contre la prostitution; le trafic des femmes et des petites filles.
En ce qui concerne la participation à la vie publique, comment expliquer que le taux des femmes au gouvernement ait diminué ces dernières années? Quelles sont les raisons de la diminution récente de la participation des femmes dans les représentations diplomatiques? L'Etat partie a aussi été prié de décrire les mesures qui ont été prises pour corriger les pratiques inadéquates, sélectives et discriminatoires qui caractérisent les politiques et les systèmes d'enseignement et relever le taux de scolarisation des fillettes. D'autre part, les expertes ont voulu savoir comment se fait-il que, malgré l'existence de garanties constitutionnelles et bien que le Burkina Faso ait ratifié la Convention, le secteur de l'emploi reste encore le moins accessible aux femmes.
Au sujet de la santé, quelles sont les principales causes de la mortalité et de la morbidité féminines? Quels sont les obstacles qui empêchent les femmes de bénéficier des services de soins de santé, notamment la planification familiale? Quels ont été les principaux résultats du Programme national de santé maternelle et infantile? Le Programme a-t-il été prolongé au-delà de 1998? Existe-t-il des mesures qui ciblent particulièrement les femmes et les fillettes? L'Etat partie a été prié de décrire la législation burkinabé sur l'avortement.
Les expertes ont aussi souhaité connaître les conditions d'admissibilité des femmes à un prêt, en particulier pour l'acquisition d'un terrain. Les hommes et les femmes sont-ils traités à égalité devant la loi pour ce qui est de leur capacité juridique à conclure des contrats et à administrer leurs biens?
Le groupe a souhaité avoir des renseignements sur les mariages forcés et les mariages précoces, y compris sur les mesures prises pour modifier ces pratiques, ainsi que sur les mesures juridiques et autres qui ont été prises pour aider les veuves à se prévaloir de leurs droits, notamment en matière de biens fonciers et d'héritage. Il a demandé qu'on lui décrive les lois relatives à la polygamie, notamment concernant les biens, l'entretien et le statut des enfants. Quelles mesures ont-elles été prises pour décourager la polygamie?
Présentation du rapport par l'Etat partieIntroduisant le rapport auprès des expertes, Mme MARIAM MARIE-GISELE GUIGMA, Ministre de la promotion de la femme du Burkina Faso, a indiqué que son pays s'apprête à ratifier le Protocole facultatif, ouvert à la signature en décembre dernier. Suite à la Conférence de Beijing, le Ministère de l'action sociale et de la famille a mis en place un comité de suivi chargé de la mise en oeuvre du Programme d'action. Le Ministère de la promotion de la femme, créé en juin 1997, a pris le relais dans la tutelle de ce comité et a préparé un plan d'action national sur la base des recommandations de Beijing. Dix domaines prioritaires ont ainsi été identifiés, faisant l'objet de 5 programmes principaux, à savoir la lutte contre la pauvreté; le développement des ressources humaines; la promotion des droits fondamentaux de la femme et de la petite fille; le plaidoyer et la mobilisation sociale pour une image positive de la femme; et le mécanisme institutionnel de mise en oeuvre, de coordination et de suivi-évaluation. Un rapport de suivi et d'évaluation de ces politiques fait ressortir que des mesures nouvelles sont nécessaires et que les mécanismes institutionnels du Ministère de la promotion de la femme doivent être renforcés, pour parvenir à une véritable concertation entre les pouvoirs publics et les partenaires du développement. La nécessité d'impliquer les femmes dans la prise de décisions y est aussi mise en avant.
Pour mettre en oeuvre les programmes, le Ministère de la promotion de la femme dispose de plusieurs points focaux qui le représentent auprès des autres ministères du Gouvernement, et collabore avec de nombreux organismes non gouvernementaux et associations de femmes, a expliqué la Ministre. Il compte également sur deux mécanismes d'appui qui sont la Commission nationale pour la promotion de la femme et la Commission nationale de lutte contre les discriminations faites aux femmes (CONALDIS). Enfin, une approche "genre" a été adoptée dans tous les plans nationaux de développement. Ces initiatives se heurtent toutefois à un certain nombre de difficultés, et principalement à la persistance des pratiques socioculturelles, la pauvreté, l'analphabétisme, l'insuffisance des dispositions juridiques contre certaines formes de violences conjugales et le harcèlement sexuel, ainsi que le difficile accès des femmes à la justice, et la recrudescence de la pandémie de sida.
Suite à un récent remaniement gouvernemental, trois femmes sont actuellement Ministres, a indiqué ensuite Mme Guigma, ajoutant que sur 111 députés, 10 sont des femmes et que sur 154 sénateurs, 27 sont des femmes. Le Ministère de la promotion de la femme s'est fixé comme objectif de mobiliser et d'organiser les femmes pour les inciter à participer davantage à la vie politique et à être mieux représentées dans les instances nationales et internationales. Pour ce faire, il a adopté un plan d'action intitulé "Plaidoyer et mobilisation sociale pour une image positive de la femme" qui repose surtout sur l'information, la sensibilisation et la formation en partenariat avec les ONG, les médias, les partis politiques et le Ministère de l'enseignement.
Au titre des modifications législatives et juridiques intervenues en faveur des femmes, Mme Guigma a souligné que le Code des personnes et de la famille de 1990 abolit la coutume comme source de droit, interdit la dot, le mariage forcé, le lévirat, autorise la femme à avoir une activité rémunérée sans l'autorisation préalable de son époux, accorde la même autorité parentale à la mère qu'au père, et reconnaît à la femme la capacité d'hériter de son époux. L'adultère y est désormais réprimé de la même manière pour l'homme et la femme. Le problème est que dans la réalité, les choses ne se passent toujours pas sur la base d'une relation égalitaire dans le couple, a reconnu la Ministre. C'est ainsi que malgré le principe du libre-choix du conjoint, le mariage forcé continue d'être pratiqué et que la femme qui perd son mari est toujours assimilée aux biens faisant partie de l'héritage. Une étude a d'ailleurs révélé que 17% de la population seulement connaît ces nouvelles dispositions. De plus, le coût élevé des procédures judiciaires et la masculinisation de corps de métier comme la police et la gendarmerie n'incitent pas les victimes à se plaindre des abus dont elles sont victimes.
Depuis 1996, le Code pénal prend en compte les atteintes spécifiques et exclusives à l'intégrité physique de la femme et de la petite fille en interdisant et en réprimant les mutilations génitales féminines. Les peines vont de 6 mois à 3 ans d'emprisonnement et s'assortissent d'amende. Si la mort résulte de ces pratiques ou si elles sont exécutées par du personnel médical ou paramédical, l'emprisonnement est porté à 10 ans. Le viol, l'inceste, la bigamie, le mariage forcé, l'adultère et la prostitution sont tous considérés comme des infractions. L'avortement l'est également. De son côté, le Code du travail de 1992 pose le principe du salaire égal à travail égal, et ce, quel que soit le sexe de la personne. La Loi de 1998 sur la réorganisation agraire et foncière consacre l'attribution des terres du domaine foncier national à toutes les personnes physiques, sans distinction de sexe. Enfin le Code électoral adopté en 1998 dispose que tous les Burkinabé sont électeurs et éligibles, sans distinction aucune.
Dans le domaine de l'éducation, la priorité du Gouvernement consiste à relever le défi majeur de la sous-scolarisation des filles et l'analphabétisme des femmes. Pour ce faire, il a notamment créé depuis la rentrée 1995-1996 des écoles satellites qui consacrent 50% de leurs effectifs aux filles et a mis en place une direction de la promotion de l'éducation des filles. Par ailleurs, la création d'associations de mères d'élèves a permis de limiter les conséquences néfastes de la répartition des tâches sur la scolarisation des filles. Les principales causes de l'analphabétisme chez les femmes sont la domination des hommes, la surcharge de travail des femmes ainsi que l'insuffisance des structures d'alphabétisation. Sur le plan politique, a indiqué la Ministre, les femmes burkinabé sont encore très faiblement représentées dans les instances dirigeantes, bien que l'égalité entre les hommes et les femmes soit garantie sur le plan du droit de vote et de l'éligibilité.
S'agissant de la femme rurale, la Ministre a rappelé que 86% de la population du Burkina Faso vit en zone rurale et que les femmes constituent 51,3% de cette population. Leur environnement sanitaire est peu favorable, en témoigne le fait que seul 28,5% des ménages ont accès à l'eau potable et que les femmes n'ont pas toujours accès aux soins de santé parce que les maris ne sont pas toujours disposés à en assurer les frais. Par ailleurs, le taux d'alphabétisation des femmes en zone rurale était de 5,28% en 1991 contre 14,55% pour les hommes. S'agissant de l'accès des femmes rurales au crédit, la Ministre a souligné qu'actuellement au Burkina Faso beaucoup d'institutions de crédit décentralisées préfèrent travailler avec les femmes car elles sont bonnes payeuses. En dépit de la loi sur la réorganisation agraire et foncière qui consacre l'égalité de l'accès à la terre entre les hommes et les femmes, ce sont les droits coutumiers qui font foi en zone rurale, ce qui rend difficile l'accès des femmes à la terre. Evoquant ensuite le sujet de la prostitution, la Ministre a indiqué que l'ampleur de ce problème a été perçue depuis les années 80, ce qui a conduit à la mise en place d'une commission interministérielle et d'une cellule de suivi de la prostitution. Des opérations de rafles sont souvent organisées dans le but de faire appliquer la loi interdisant le racolage et d'identifier les prostituées qui pourront bénéficier d'un contrôle médical. Les filles et les femmes qui s'adonnent à la prostitution proviennent surtout des pays frontaliers du Burkina Faso qui consciemment ou inconsciemment tombent dans les réseaux du trafic. S'agissant des femmes âgées, la Ministre a noté avec inquiétude la recrudescence, au cours des 15 dernières années de leur exclusion sociale, les femmes âgées étant accusées à tort dans certaines provinces de mangeuses d'âmes. A l'heure actuelle, environ 600 femmes exclues de leur village ont trouvé refuge au centre de Tanghuin.
Abordant ensuite le problème de la violence, Mme Guigma a indiqué que la violence dont sont victimes les femmes au Burkina Faso sont de trois types: la violence physique (66,35% de femmes sont excisées et le viol est, dans certaines ethnies, considéré comme une étape du processus du mariage; d'autres sources de violence physique étant les rapports sexuels précoces après l'accouchement sans le consentement de la femme ainsi que les brûlures et les empoisonnements), la violence morale (malgré son interdiction, le mariage forcé reste une pratique courante et la polygamie fait apparaître le mécontentement entre les épouses, la jalousie et les injustices de traitement entre les épouses) et la violence psychologique (qui se manifeste surtout au niveau de la sexualité). Poursuivant la présentation de son exposé sur le thème de la situation génésique des femmes, la Ministre a indiqué que les causes principales de la mortalité et de la morbidité des femmes sont les infections, les hémorragies, les dystocies et les anémies. Par ailleurs, le taux de couverture contraceptive, s'il a connu une augmentation ces dernières années, reste faible avec 9,76%. Face à ces défis, le programme national des soins maternels et infantiles a été révisé de sorte à inclure les priorités suivantes: la maternité sans risque, la lutte contre les infections génitales et l'approche du genre dans la santé.
Dialogue entre les expertes et l'Etat partie
Formulant des commentaires généraux, Mme EMNA AOUIJ, experte de la Tunisie, a salué les efforts et les progrès accomplis par le Burkina Faso depuis la présentation de son dernier rapport. De nombreuses mesures juridiques et institutionnelles ont été prises pour donner effet à la Convention et poser l'égalité de l'homme et de la femme. Selon elle, le pays s'est doté de textes fondamentaux reconnaissant l'égalité entre les sexes, comme par exemple la Constitution de 1991, le nouveau Code des personnes et de la famille, le Code du travail ou encore la Loi sur la réforme foncière et agraire. Mme AOUIJ s'est aussi réjouie du renforcement sensible des mécanismes institutionnels en faveur des femmes, intervenu avec la création du Comité national de suivi des recommandations de Beijing et du Comité national de lutte contre les discriminations à l'égard des femmes. En outre, le fait qu'un ministère exclusivement consacré aux femme ait été mis en place témoigne d'un véritable engagement politique. Toutefois, toutes ces mesures ne suffisent pas à elles seules à éliminer des coutumes et traditions encore très ancrées et défavorables aux femmes, et ce, d'autant que le pays souffre de deux grands maux, à savoir la pauvreté et l'analphabétisme et que tous les indicateurs de développement sont très bas. C'est pourquoi, l'experte a demandé si les objectifs du plan triennal 1998-2000 ont été atteints. Mme Aouij a aussi souhaité savoir si des mesures spécifiques sont prises pour venir en aide aux femmes les plus démunies. A son avis, l'action la plus remarquable prise par le Burkina Faso est l'implication de tous les intervenants sociaux en vue d'éliminer les pratiques coutumières et notamment la plus néfaste d'entre elles, à savoir les mutilations génitales dont plus de 60% des femmes sont victimes. Par cette initiative, le Burkina Faso fait figure de véritablement leader dans la région de l'Afrique occidentale. La méthode information/éducation/communication ainsi que la collaboration de la société civile permettent ainsi d'espérer que l'on viendra à bout de ce mal qui porte atteinte à l'intégrité civile et morale des femmes et des petites filles, a déclaré l'experte, d'autant que ces efforts sont relayés désormais par le Code pénal. A cet égard, Mme Aouij a insisté sur l'importance pour le pouvoir judiciaire d'appliquer sans aucune complaisance la loi, afin que les efforts entrepris ne restent pas vains. Estimant que tous les indicateurs de santé sont inquiétants, l'experte a aussi regretté que le programme relatif à la protection de la santé de la mère et de l'enfant ne prenne pas en charge l'avortement lorsque la vie de la mère ou de l'enfant est en danger.
Pour Mme NAELA GABR, experte de l'Egypte, il est évident que le Burkina Faso fait un effort considérable pour respecter la Convention et instaurer une véritable concertation avec la société civile. Il n'en demeure pas moins que les défis sont énormes, que des difficultés demeurent et que les ressources allouées sont minimes. C'est pourquoi il importe, selon elle, de parvenir à une véritable complémentarité dans les efforts, tant avec la société civile et les ONG qu'avec les organisations internationales.
La situation de la femme rurale demande une attention particulière, a-t-elle fait remarquer, avant d'indiquer qu'une amélioration générale du climat socioculturel passe par un véritable engagement des médias qui doivent davantage être mis à contribution. Les pratiques traditionnelles et les difficultés économiques entravent l'application de la Convention, a reconnu Mme CHARLOTTE ABAKA, experte du Ghana, mais le Gouvernement ne doit pas en faire une excuse pour ne pas s'attaquer au problème énorme de la superstition. Ce qui doit changer en priorité est la perception que les femmes ont d'elles-mêmes, a insisté l'experte. Pour cela, il faut mobiliser les femmes aussi bien que les hommes, car tant que les mentalités et les attitudes n'auront pas changé, aucun progrès réel ne sera accompli. Mme Abaka a notamment relevé un important écart entre les politiques formulées et la situation de fait. C'est pourquoi, elle a demandé si le Ministère de la promotion de la femme a effectivement des pouvoirs égaux et de ressources identiques aux autres ministères du Gouvernement. S'agissant des mesures restrictives adoptées quant à la polygamie, elle a demandé si on a déjà enregistré des cas où la femme a effectivement refusé le second mariage de son mari et en a saisi les tribunaux. L'experte a aussi engagé l'Etat partie à lutter contre les grossesses des adolescentes. Elle a suggéré que les hommes soient davantage impliqués dans le planning familial.
Répondant à ces premières remarques des expertes, Mme Guigma a indiqué que le Plan triennal d'action, mis en application depuis 1998, a fait l'objet d'un premier bilan. Le problème est que la réalisation des objectifs fixés est étroitement liée aux moyens mis à disposition, qui dans le cas présent sont limités. Certains résultats ont néanmoins été obtenus, parmi lesquels la mise en place de mécanismes et de méthodes de travail clairs. L'évaluation complète de la mise en oeuvre de ce programme aura lieu à la fin de l'an 2000, a précisé Mme Guigma. Le Ministère de la promotion de la femme s'attache pour sa part à identifier au quotidien les insuffisances du plan et du programme de travail fixé, notamment en procédant à un dialogue constant avec les ONG. La Ministre a reconnu qu'il existe un écart important entre la volonté politique, les objectifs fixés et les ressources allouées, puisque le budget du Ministère de la promotion de la femme ne représente que 0,07% du budget national total. Ce budget permet essentiellement de parer aux dépenses courantes et de fonctionnement du mécanisme et en fait, les ressources destinées à la mise en oeuvre des activités proviennent surtout d'institutions internationales, comme le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Pour Mme Guigma, le fait que les femmes s'engagent de plus en plus sur la scène politique témoigne du recul du sentiment d'infériorité chez les femmes. Elle a ajouté que l'association des responsables religieux, des chefs coutumiers, ainsi que des organisations de personnes âgées au travail de sensibilisation mené dans ce domaine est très bénéfique, notamment pour ce qui est de la lutte contre les pratiques de mutilations génitales.
Entamant une nouvelle série de questions, Mme SALMA KHAN, experte du Bangladesh, a indiqué que le Burkina Faso ne pourra avoir de prise sur les us et les coutumes que s'il donne la priorité à l'éducation. Relevant que le taux d'analphabétisme de ce pays figure parmi l'un des plus élevé au monde, l'experte a souhaité connaître le pourcentage du PNB consacré à l'éducation. Rappelant que dans une société dite traditionnelle, l'insuffisance de femmes enseignantes représente un obstacle majeur à l'éducation des petites filles, l'experte a encouragé l'Etat partie à augmenter à un minimum de 50% la proportion de femmes enseignantes dans l'éducation primaire, leur proportion actuelle étant de 24%. Tout en félicitant l'Etat partie de son excellent système de microcrédits, l'experte a cependant regretté que la réforme agraire de 1993 n'ait pas suffisamment pris en compte les intérêt des femmes rurales et que le rapport ne fasse pas allusion à la participation, s'il existe, du Ministère de l'agriculture dans ce domaine. Mme Khan s'est également inquiétée de ce que, d'après le rapport, la pratique de la polygamie ne serait pas vraiment illégale et a ainsi lancé un appel pour que des lois limitent les effets de cette pratique. Mme SILVIA ROSE CARTWRIGHT, experte de la Nouvelle-Zélande, s'est penchée sur la violence à l'égard des femmes au Burkina Faso en saluant les efforts d'analyse fournis par l'Etat partie, lesquels ont permis d'identifier les différentes facettes de ce problème. Comment l'Etat partie entend-il traduire dans la réalité les politiques de lutte contre la violence à l'égard des femmes? a-t-elle demandé. C'est l'éducation qui doit être placée au centre des stratégies de cette lutte, a indiqué Mme Cartwright. L'experte s'est également demandée dans quelles mesures les femmes illettrées peuvent avoir accès aux tribunaux. Elle a enfin engagé l'Etat partie de déclarer hors-la-loi les pratiques de la polygamie et du lévirat.
Répondant aux questions des expertes, Mme CLEMENCE ILBOUDO, Conseillère technique du Ministre de la promotion de la femme au Burkina Faso et Présidente de la Commission nationale de lutte contre les discriminations faites aux femmes, a précisé que le Code des personnes et de la famille au Burkina Faso consacre la monogamie comme la forme souhaitée du mariage et autorise la polygamie dans des conditions précises comme une exception. Au cours des campagnes de sensibilisation intervenues avant l'adoption du Code des personnes et de la famille, a expliqué la Conseillère, certaines femmes, notamment dans les zones rurales, se sont opposées à ce que la monogamie soit acceptée comme la seule forme de mariage. Revenant sur les conditions précises dans lesquelles la pratique de la polygamie est autorisée, Mme Ilboudo a expliqué qu'un consentement mutuel des conjoints est nécessaire, lequel se traduit par une option écrite commune. Quand bien même l'option a été établie et que la première épouse constate des violations aux règles du mariage, elle peut s'opposer au deuxième mariage qu'envisagerait son mari, a ajouté la Conseillère. Réagissant à la question des recours aux tribunaux par les femmes dans des situations de violence, Mme Ilboudo a confirmé que
ces recours existent. Même si elles sont analphabètes, les femmes peuvent faire appel à des femmes magistrats ainsi qu'à des associations de femmes qui les soutiennent dans la démarche de recours judiciaire. Pour ce qui est des femmes qui ont eu le courage de saisir les tribunaux pour faire enregistrer des plaintes d'adultère, Mme Ilboudo a indiqué que cette saisine, plus courante en milieu urbain que rural, n'est pas très effective étant donné que l'environnement ne considère pas l'adultère comme un obstacle à la vie du couple. S'agissant enfin du phénomène de superstitions, les femmes qui sont accusées de sorcellerie peuvent avoir recours aux tribunaux en invoquant la diffamation. Mais, là encore, il est difficile pour une femme expulsée de revenir dans le village qui l'a chassée en raison de la vive solidarité communautaire qui y règne. Pour répondre à ce problème, l'action sociale et les ONG travaillent de concert pour négocier la réintégration de ces femmes. Mme Ilboudo a enfin apporté des précisions quant à l'avortement au Burkina Faso en indiquant que sa pratique reste interdite sauf en cas de danger pour la santé de la mère et de l'enfant, de viol et d'inceste mais que n'étant pas couvert par la sécurité sociale, il reste à la charge de la femme.
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