POUR PARVENIR A L'EGALITE ENTRE LES SEXES, LE GOUVERNEMENT JORDANIEN A LANCE UN IMPORTANT PROGRAMME DE REFORME LEGISLATIVE
Communiqué de Presse
FEM/1099
POUR PARVENIR A L'EGALITE ENTRE LES SEXES, LE GOUVERNEMENT JORDANIEN A LANCE UN IMPORTANT PROGRAMME DE REFORME LEGISLATIVE
20000120Plusieurs expertes suggèrent la création d'un Ministère de l'égalité des chances
Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a entendu, ce matin, la Secrétaire générale de la Commission nationale jordanienne de la promotion de la femme, Mme Amal Sabbagh, qui a présenté le rapport initial et le deuxième rapport périodique de son pays. Mme Sabbagh a notamment exposé le vaste programme de réforme des textes comportant encore des dispositions discriminatoires contre les femmes dans lequel le Gouvernement jordanien s'est embarqué. Pour l'heure, quatre lois ont déjà pu être amendées, accordant notamment aux femmes divorcées ou veuves la possibilité de figurer comme chef de famille sur le livret familial et protégeant les femmes enceintes contre tout licenciement. En outre, trois projets d'amendements, dont un permettant aux femmes d'obtenir un passeport sans l'autorisation préalable de leur mari et un autre portant sur les violences commises contre les femmes au sein du ménage, sont en ce moment à l'examen auprès du Parlement.
En plus de son programme de réforme législative, le Gouvernement jordanien a adopté une stratégie nationale pour les femmes et a introduit une perspective sexospécifique dans son Plan de développement économique et social pour la période 1999-2003. Concernant la situation de facto, des développements significatifs ont été enregistrés, notamment sur les plans de l'éducation et de la santé. Le taux d'usage des contraceptifs chez les femmes mariées est par exemple de 52,6%. C'est principalement dans les domaines de la violence domestique et de l'emploi des femmes (les jordaniennes ne représentent que 13,6% de la population active), qu'il reste le plus à faire, a reconnu Mme Sabbagh.
Les expertes ont salué la véritable volonté politique dont font preuve les autorités jordaniennes. Pour les expertes, l'engagement pris en faveur de la promotion de la femme au plus haut niveau du pouvoir a, selon elles, permis aux femmes de dépasser certains obstacles du contexte socioculturel et d'accomplir beaucoup alors que de nombreuses lois demeurent restrictives.
(à suivre - 1a) - 1a - FEM/1099 20 janvier 2000
L'accès d'une femme au poste de Vice-Premier Ministre et la nomination de femmes juges ont été qualifiés de véritables victoires pour ce pays arabe et musulman.
Plusieurs expertes ont néanmoins relevé que de nombreux textes de loi demeurent encore fortement discriminatoires, notamment celles relatives à la violence domestique, et elles ont suggéré au Gouvernement d'élever le mécanisme de promotion des femmes au rang de Ministère, afin d'accélérer le processus de révision des lois. Certaines expertes ont dit ne pas comprendre le refus du Gouvernement d'instaurer des quotas pour la représentation des femmes au Parlement. Pour lutter contre la persistance des stéréotypes et comportements traditionnels, les expertes ont aussi suggéré la mise en oeuvre de programmes massifs de formation. Par ailleurs, il a été fait remarquer que bien qu'elle ait été ratifiée en 1992, la Convention n'a pas force de loi puisqu'elle n'a toujours pas été publiée au Journal officiel.
Les expertes du Comité poursuivront, cet après-midi, à 15 heures, leurs questions sur le rapport initial et le deuxième rapport périodique de la Jordanie.
RAPPORT INITIAL ET DEUXIEME RAPPORT PERIODIQUE DE LA JORDANIE (CEDAW/C/JOR/1 et CEDAW/C/JOR/2)
Le rapport initial de la Jordanie indique que l'organisme officiel chargé des femmes est le Service de la promotion des femmes, autrefois rattaché au Ministère du travail, et qui depuis 1981 est rattaché au Ministère du développement social. La législation jordanienne comprend des articles et des textes qui, pour la plupart, prévoient l'égalité entre l'homme et la femme, qu'il s'agisse des droits, des obligations ou de l'accès au marché du travail et à l'éducation. La Constitution ne fait aucune distinction entre Jordaniens qui stipule qu'ils sont égaux devant la loi et qu'ils ont tous les mêmes droits et les mêmes obligations quelles que soient leur race, leur langue ou leur religion. La Charte nationale spécifie que la femme est la partenaire de l'homme dans le développement de la société, d'où les droits que lui reconnaissent la Constitution et la législation (égalité avec l'homme en matière d'éducation, d'orientation, de formation et d'emploi) pour qu'elle soit à même de jouer le rôle qui lui revient dans l'édification de la société. La femme jordanienne a fait des progrès considérables en matière d'éducation, comme en témoigne notamment la baisse du taux d'analphabétisme chez les femmes, tombé de 48,2% en 1979 à 28,1% en 1990. Ce recul de l'illettrisme chez les femmes est dû à la généralisation de l'enseignement obligatoire et aux programmes d'alphabétisation du Ministère de l'éducation.
Dans le domaine de l'emploi, la législation régissant la fonction publique ne fait aucune distinction entre hommes et femmes pour ce qui est de la nomination, de la promotion et du rang des postes administratifs confiés aux fonctionnaires et administrateurs. En outre, le Code du travail protège les droits de la femme.
Les femmes jordaniennes ont accès aux soins et services de santé et participent à la prestation de ces services dans des conditions d'égalité avec les hommes. Les centres de santé publics et privés offrent des soins aux mères et aux enfants, ainsi qu'une assistance dans le domaine de la planification familiale. 75% de la population jordanienne est soignée gratuitement ou en échange d'une somme symbolique. De plus, les soins de santé maternelle et infantile ainsi que le traitement des cancers et des maladies contagieuses sont gratuits dans les centres relevant du Ministère de la santé. 86% des accouchements sont supervisés par des agents sanitaires qualifiés, et 35% des femmes utilisent un moyen de contraception.
En théorie, les femmes ne font pas l'objet d'une discrimination en ce qui concerne les facilités de crédit. Toutefois dans la pratique les possibilités d'emprunt offertes aux femmes sont limitées en raison du rôle spécifique que les femmes jouent dans l'activité économique ainsi que du modèle social jordanien, où la propriété et l'activité économique sont
essentiellement entre les mains des hommes. Les femmes ont cependant droit aux prestations familiales (pension, sécurité sociale, etc...) et bénéficient des aides financières et des projets de formation visant à accroître les revenus des familles pauvres.
Bien qu'elles jouent un rôle important dans le secteur agricole, les femmes exécutent des tâches traditionnelles qui ne nécessitent ni compétences techniques, ni outils. L'exode rural de la population masculine influe également sur la participation des femmes aux travaux agricoles. Les femmes qui sont propriétaires agricoles, souvent un petit lopin de terre obtenu par héritage, jouent un rôle marginal dans l'agriculture. Les efforts déployés pour améliorer la situation des femmes rurales portent sur les services éducatifs, les programmes d'alphabétisation, et les conseils sur la façon de tirer parti des services sociaux.
La législation reconnaît les mêmes droits à l'homme et à la femme en ce qui concerne la gestion des fonds, l'administration des biens et la conclusion de contrats. En revanche, les femmes ne bénéficient pas des droits énoncés à l'Article 15 de la Convention en matière de libre circulation des personnes et d'élection de domicile. Ces droits sont incompatibles avec l'islam, religion d'Etat, qui interdit aux femmes de voyager seules et de vivre seules même si elles sont célibataires. La même incompatibilité se retrouve concernant certaines dispositions de l'Article 16 de la Convention relatif aux relations maritales et familiales. Hommes et femmes n'ont ainsi pas le même droit de contracter mariage puisque la polygamie est autorisée seulement pour les hommes. En outre, l'islam interdit à la femme musulmane d'épouser un non musulman. Hommes et femmes n'ont pas les mêmes responsabilités au cours du mariage ou de sa dissolution, puisque l'homme est le tuteur de la femme. La femme ne peut donc pas sortir ou entrer du domicile conjugal sans le consentement du mari; elle ne peut pas disposer des biens de son époux sans son autorisation; et en cas de divorce elle ne peut pas réclamer la moitié des biens de son conjoint. Par ailleurs c'est la mère qui obtient la garde des enfants en cas de divorce, mais elle perd ce droit si elle se remarie.
Le deuxième rapport périodique porte sur la période allant de juillet 1993 à juillet 1997. Il a été établi avec le concours actif de nombreuses institutions publiques et organisations non gouvernementales.
Il y est affirmé que la notion de discrimination à l'égard des femmes est étrangère aux lois jordaniennes en vigueur.
En dépit du principe d'égalité inscrit dans la constitution et dans les lois jordaniennes, certains textes en vigueur contiennent des dispositions qui introduisent une forme de discrimination. Toutefois, il existe, au niveau de l'Etat comme de la société civile, une volonté de modifier ces textes discriminatoires, dont certains sont déjà tombés en désuétude.
Des modifications ont certes été apportées à des lois qui contiennent des carences au regard des droits de la femme, mais aucune de ces modifications ne prévoit des sanctions visant à éliminer la discrimination à l'égard des femmes.
La stratégie nationale pour la femme, élaborée par la Commission nationale jordanienne de la condition de la femme, a été adoptée par le Gouvernement jordanien à titre de mesure spéciale visant à accélérer l'instauration d'une égalité de fait entre les hommes et les femmes. Le Gouvernement a demandé à tous ses organes et institutions d'appliquer cette stratégie chacun dans son domaine de compétence. S'agissant des mesures spéciales du type des quotas réservés aux femmes dans les postes de décision (au gouvernement ou au parlement), en dépit de nombreux débats sur le sujet et des multiples appels en faveur de l'adoption temporaire d'un tel système, le Gouvernement n'a encore pris aucune mesure en ce sens. On constate toutefois une évolution générale vers le renforcement de la situation de la femme, qui se manifeste notamment sur le plan des nominations aux postes de haut rang. Les institutions de la société civile n'ont pas davantage pris des mesures positives spéciales en faveur des femmes, dont la présence aux postes de direction demeure très faible dans les organisations non gouvernementales, les associations professionnelles et les syndicats. Quant aux partis politiques, qui comptent des militantes depuis les années 1950, seul l'un d'entre eux a prévu un quota de 20% des postes de direction réservé aux femmes.
Les schémas culturels qui ont cours dans la société jordaniennes demeurent marqués par les traditions et les coutumes, et ce, à l'égard des hommes comme des femmes, donc de la famille tout entière, laquelle reste la cellule de base de la société. Au sein de la famille, le père occupe une position qui inspire respect et crainte et il n'est pas rare que les enfants de sexe masculin assument une part de l'autorité paternelle à l'égard des enfants de sexe féminin, ce qui conforte les filles dans l'idée que les hommes ont droit à un statut exceptionnel et sont détenteurs de l'autorité et du pouvoir de décision. De manière générale, il subsiste chez les hommes comme chez les femmes un attachement à la répartition traditionnelle des rôles au sein de la famille.
Selon les statistiques des services de sécurité publique, le nombre des actes criminels dont les victimes étaient des femmes est passé de 326 en 1993 à 483 en 1996. La répartition de ces actes criminels à l'encontre de femmes était la suivante: meurtre avec préméditation, 8,3%; tentative de meurtre, 3,3%; enlèvement, 6,8%; coups et blessures graves, 18,4%; atteinte à l'honneur, 48,7%; viol, 13,5%; meurtre involontaire, 1%. La répartition par âge des victimes est la suivante: moins de 18 ans, 39,3%; de 18 à 27 ans, 31,7%. Les victimes non jordaniennes représentaient 11,6% du total. Les principaux mobiles de ces actes criminels étaient les disputes familiales (42,6%), les différends de longue durée (18,4%) et la défense de l'honneur (13,2%).
En ce qui concerne la participation des femmes à la vie politique et publique, il est indiqué qu'historiquement, la femme jordanienne a commencé à participer à la vie publique du pays par l'entremise des organisations caritatives, puis cette participation a évolué en même temps que cette vie publique elle-même évoluait. Il convient d'insister sur l'action exceptionnelle menée par les organisations non gouvernementales pour concrétiser le rôle politique de la femme en Jordanie, surtout dans la période de préparation des élections législatives de 1997. Ces institutions ont mis en place une unité d'information au service des candidates. Mais les associations féminines ne peuvent pas jouer pleinement leur rôle dans ce domaine, parce qu'une loi de 1966 sur les associations et groupements bénévoles limite les possibilités d'action de ces institutions dans le domaine politique. Aucun obstacle ne s'oppose aux femmes jordaniennes qui souhaitent se porter candidates à des postes dans les organisations internationales mais il n'y a pas de statistiques détaillées sur les Jordanienne employées par ces organisations et sur le niveau des postes qu'elles occupent.
Présentation du rapport par l'Etat partie
Mme AMAL SABBAGH, Secrétaire générale de la Commission nationale de la condition de la femme de la Jordanie, a rappelé en introduction de sa présentation que la Jordanie a ratifié la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes en juillet 1992. C'est en partenariat avec les organisations non gouvernementales que le deuxième rapport périodique de la Jordanie a été préparé, a-t-elle ajouté, précisant que cette collaboration se retrouve désormais dans tous les domaines de la vie publique touchant aux questions féminines. Depuis 1989, la Jordanie s'est engagée dans un vaste processus de démocratisation et de libéralisation, se fondant sur la participation et l'autonomisation de tous les citoyens. Ces changements se sont accompagnés d'un programme de réforme structurelle qui a assez fortement bénéficié à l'économie, le produit intérieur brut ayant augmenté de 7% alors que l'inflation baissait de 25,6% entre 1992 et 1997. Toutefois, le pays rencontre d'importants problèmes économiques, essentiellement liés à des facteurs extérieurs. Le marché d'exportation est par exemple très limité en Cisjordanie et à Gaza, et le rétrécissement du marché iraquien a eu un impact important sur l'économie jordanienne. A cette situation est venue s'ajouter un important flot de réfugiés, découlant de la crise palestinienne ou de la Guerre du Golfe. La population de la Jordanie a ainsi doublé entre 1981 et 1997, pour atteindre 4,7 millions d'habitants. Le Gouvernement a par conséquent été amené à mettre en oeuvre des programmes de contrôle des naissances et la planification familiale est de mieux en mieux acceptée par la population.
Bien que la Constitution jordanienne met en avant l'égalité de tous les citoyens, cette égalité constitutionnelle n'est pas pleinement prise en compte dans certaines lois, a reconnu ensuite Mme Sabbagh. Néanmoins, la ratification de la Convention a coïncidé avec la mise en place d'un mécanisme national chargé d'examiner et d'amender les lois comportant des dispositions discriminatoires et plusieurs progrès importants ont ainsi été réalisés. Pour l'heure, 4 lois ont été amendées. Il s'agit, par exemple, de la loi sur les locataires et les propriétaires, qui considère désormais les épouses et les enfants comme des locataires originaux même si leur nom n'est pas inscrit sur le bail. Ainsi, si le mari quitte la résidence et qu'un tribunal prononce le divorce, la femme et ses enfants peuvent rester dans le logement. Des changements ont aussi été apportés à la loi sur le travail. Les femmes sont maintenant protégées contre le licenciement pendant leur grossesse et elles peuvent prendre un congé pour s'occuper de leurs enfants. La réforme de cette loi a permis aussi de prolonger la durée du congé maternité le faisant passer à 10 semaines avec rémunération complète, contre 6 semaines autrefois avec seulement la moitié du salaire. La troisième loi à avoir été amendée porte sur le Registre civil et des passeports. Désormais, un document familial est accordé aux femmes divorcées, sur leur demande, ou aux veuves, les reconnaissant comme le chef de famille. En cas de polygamie un document familial est remis à chaque veuve et à ses descendants. Il est aussi désormais possible qu'une femme ajoute ses enfants mineurs sur son passeport sur sa demande et sans l'autorisation du père.
Le Gouvernement jordanien a par ailleurs approuvé plusieurs propositions visant à amender 3 autres lois et ce processus de révision est en ce moment à l'examen du Parlement. L'un des amendements principaux concerne la loi sur le statut civil. Cet amendement permettrait à une femme veuve ou divorcée d'obtenir un livret familial propre. Elle n'aurait ainsi plus besoin d'être réinscrite sur le livret familial de ses parents. Il est aussi proposé d'amender la loi sur les passeports afin de permettre aux femmes d'obtenir un passeport sans l'autorisation du mari. Des amendements sont aussi proposés au Code pénal. Ils concernent notamment les peines encourues pour violences commises sur les femmes, ainsi que les cas d'adultère. L'objectif est de poser le principe d'égalité de la peine pour le même crime sans distinction du sexe. Les peines encourues seraient aussi alourdies. Par exemple, l'auteur du viol ne pourrait plus être exempté de poursuite sous prétexte qu'il a épousé sa victime. Une autre modification porte sur le meurtre de l'épouse commis par un mari l'ayant trouvé en flagrant délit d'adultère. Elle prévoit que les circonstances atténuantes ne seraient plus accordées aux coupables. Les ONG et associations de femmes plaident fortement en faveur de l'abrogation de cet article, qui après un premier rejet est actuellement réexaminer par le Chambre basse du pays. Outre ces modifications soumises à l'examen du Parlement, le Gouvernement examine actuellement la possibilité de modifier 7 autres lois, parmi lesquelles notamment la loi sur la protection sociale afin de permettre à une femme ayant une couverture sociale de pouvoir désormais en faire profiter ses enfants et son mari si ces derniers n'y ont pas accès.
Un autre texte à l'étude viserait à accorder aux femmes une pension alimentaire individuelle ainsi que tous leurs autres droits financiers pour garantir l'indépendance financière des femmes.
Le processus d'amendement de ces lois a été accéléré par la prise de position de feu le Roi Hussein et de son fils, le Roi Abdallah qui se sont prononcés en faveur de la participation politique des femmes et ont dénoncé les violences contre les femmes comme incompatibles avec l'esprit de l'islam et de la société arabe. Aujourd'hui, les politiques visant à éliminer toute discrimination contre les femmes tendent à associer les amendements législatifs à d'autres efforts pour préparer l'ensemble de la société à ces changements. Des organisations gouvernementales ou non, ainsi que de nombreuses associations, ont tenu des colloques dans tout le Royaume pour susciter une prise de conscience de la société. Les médias ont également participé à ces campagnes notamment lors de la célébration de la Journée internationale de la femme. Pour sa part, la Commission nationale jordanienne de la promotion, le mécanisme national pour la promotion de la femme qui a été créé en 1992 a pour mission d'étudier et de proposer des projets de loi exempts de toute disposition discriminatoire, de préparer des plans d'action et d'assurer le suivi des politiques. L'une des mesures les plus importantes adoptée par le Gouvernement a été la Stratégie nationale pour les femmes en 1993, qui porte sur 6 domaines, le législatif, l'économique, le social, le politique, l'éducation et la santé. Le mois dernier un processus de mise à jour a été annoncé et la nouvelle Stratégie va s'inspirer des développements réalisés lors de la période précédente, ainsi que du Programme d'action de Beijing, a précisé Mme Sabbagh.
L'une des mesures les plus significatives qu'a adoptée le Gouvernement jordanien pour améliorer le statut de la femme a été l'introduction de la perspective de genre dans son Plan de développement économique et social pour la période 1999-2003. Ce Plan, qui a notamment l'intérêt d'avoir inclus la question des femmes dans l'ensemble des secteurs économiques et sociaux, a pour objectif principal de "réduire l'écart entre les sexes dans les divers domaines économiques et sociaux" et de "prévenir toutes formes de discrimination et de violence à l'égard des femmes". S'agissant des nominations des femmes à des postes de haute responsabilité, il est à noter que les femmes en Jordanie ont eu une présence continue dans les ministères du Gouvernement depuis 1993, à l'exception d'un gouvernement et pour la première fois dans l'histoire de la Jordanie, une femme occupe actuellement le poste de Vice-Premier Ministre. Par ailleurs, le nombre de femmes représentées au Sénat ne cesse de s'accroître depuis la reprise de la démocratie en Jordanie en 1989. Cependant, les femmes en Jordanie se heurtent encore à beaucoup d'obstacles dans leur représentation politique. Ainsi, une étude menée par une ONG indique que ces obstacles principaux proviennent de la perception du rôle de la femme par la société, le manque de qualifications des candidates ainsi que l'insuffisance des ressources financières des candidates pour mener leurs campagnes électorales.
Dans le domaine de l'éducation, il est à noter que le taux d'analphabétisme des femmes baisse beaucoup plus rapidement que celui des hommes. En 15 ans seulement, ce taux chez les femmes jordaniennes est passé de 48% (pour l'année 1979) à 20,6% (pour l'année 1994). Le taux d'emploi des femmes, en revanche, reste très faible, puisqu'elles ne représentent que 13,6% de la population active. Bien que la loi relative au recrutement, à la promotion et aux qualifications professionnelles ne contienne aucune dispositions discriminatoires dans les secteurs public et privé, des différences entre les sexes existent dans ces domaines. De même, bien que la Jordanie ait ratifié l'Accord No.100 du Bureau international du Travail relatif au principe de travail égal et de traitement égal, la paie réelle des femmes en Jordanie représente 85,6% de celle des hommes. Face à cette situation, une résolution visant à fixer un salaire minimum ne contenant aucune disposition discriminatoire permettra d'améliorer considérablement le statut des femmes au travail.
La situation sur le plan de la santé en Jordanie a connu de notables améliorations au cours des dernières années en ce que, par exemple, le taux de mortalité infantile a fortement chuté et que l'emploi des contraceptifs a fortement augmenté, le pourcentage des femmes mariées utilisant les contraceptifs ayant atteint 52,6% en 1997. Sur le plan de la violence domestique, le nombre croissant des agressions à l'égard des femmes et des enfants et l'émergence de nouvelles formes d'agressions criminelles ont conduit le Directorat de la sécurité publique à mettre sur pied une Unité de protection de la famille en août 1997. L'année dernière, cette unité a été promue au niveau de Département. Celui-ci mène des enquêtes sur les cas d'agression à l'égard des femmes de façon confidentielle, par le biais d'un personnel spécialement formé pour traiter ces cas. Les ONG jouent à cet égard un rôle de premier plan en sensibilisant la population à ce problème et en établissant des foyers et des centres de conseils pour la famille.
La différence la plus importante entre les femmes rurales et les femmes urbaines en Jordanie réside dans leur niveau d'alphabétisation et de fertilité, ce qui a conduit le Gouvernement et les ONG à mettre sur pied davantage de centres d'alphabétisation et de planning familial dans les zones rurales.
Cet exposé a résumé les développements nouveaux les plus importants intervenus en Jordanie depuis sa ratification de la Convention, ainsi que ceux qui sont mentionnés dans le deuxième rapport périodique et ceux qui sont intervenus après la préparation de ce dernier rapport. La plupart de ces développements indiquent que la Jordanie s'est engagée sur tous les plans à appliquer la Convention et à éliminer les obstacles à sa mise en oeuvre. Il convient cependant de relever les obstacles majeurs qui subsistent.
La situation économique d'ensemble en Jordanie qui a subi les impacts négatifs des crises économiques internationales est considérée comme le facteur principal du peu d'améliorations enregistrées dans le taux d'emploi des femmes. Par ailleurs, la Jordanie rencontre des difficultés dans la collecte d'informations requises pour assurer le suivi efficace de la mise en oeuvre de la Convention. Ainsi, le Département des statistiques a-t-il lancé un projet pilote consistant à mettre en place un système de contrôle de la discrimination à l'égard des femmes travaillant dans les secteurs privé et public. Concluant sa présentation du rapport, la Secrétaire générale de la Commission nationale de la condition de la femme en Jordanie a enfin souligné que la préparation du second rapport périodique a été l'occasion d'un partenariat stratégique et fructueux entre le Gouvernement jordanien et la société civile dans le domaine de l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes.
Dialogue entre les expertes et l'Etat partie
Prenant la parole en premier lieu pour présenter des remarques générales, Mme EMNA AOUIJ, experte de la Tunisie, a salué la qualité des rapports présentés par la Jordanie, qui n'omettent aucun article de la Convention et sont une grande source d'informations. Elle a également souligné la véritable volonté politique dont font preuve les autorités jordaniennes, relayées par les organisations non gouvernementales et les associations pour que la population prenne véritablement conscience de l'égalité des hommes et des femmes. La Jordanie s'ouvre à la démocratie et a la volonté de se développer et elle ne peut le faire sans la participation de la femme qui, pour cela, ne doit plus être considérée comme un citoyen de classe inférieure. A cet égard, la désignation pour la première fois d'une femme au poste de Vice-Premier Ministre, ainsi que la nomination de femmes juges sont de véritables victoires dans ce pays arabe et musulman. Les indicateurs concernant les femmes jordaniennes témoignent d'une nette amélioration aussi bien dans le secteur de l'éducation, de l'emploi, que de la santé et surtout de la planification familiale. Il ne fait aucun doute que l'amélioration du niveau d'instruction des femmes et leur participation croissante au marché de l'emploi auront des effets positifs sur l'économie du pays. Toutefois, les stéréotypes et les pratiques coutumières ont la vie dure et même les meilleures lois ne peuvent en venir à bout sans un travail de sensibilisation et d'information systématique, a mis en garde Mme Aouij. En outre, certains textes de loi sont encore fortement discriminatoires, notamment ceux relevant du domaine de l'article 16 de la Convention relatif à l'égalité dans le mariage, pour lequel la Jordanie a d'ailleurs posé des réserves. Malgré ces freins qui subsistent encore, elle s'est dite convaincue que la volonté politique et l'éveil des femmes jordaniennes, permettront de réaliser d'autres progrès importants.
Souscrivant à ces félicitations, Mme AYSE FERIDE ACAR, experte de la Turquie, a relevé, quant à elle, que les femmes jordaniennes ont pu accomplir beaucoup et alors même que de nombreuses lois demeurent encore restrictives. Le fait que le pays a pu dépasser cette contradiction s'explique, selon elle, en partie par la volonté politique réelle et ferme dont il est fait preuve au plus haut niveau des dirigeants. Mme Acar a toutefois rappelé que la volonté politique, bien que nécessaire, n'est pas suffisante, et qu'elle doit rapidement être relayée par les lois. Elle a estimé, à cet égard, que la Jordanie est à une étape importante de son histoire, puisqu'elle doit désormais relever le défi de faire respecter les droits des femmes inscrits dans la Convention en les inscrivant aux textes nationaux. L'experte a également mis en lumière le véritable rôle de modèle que la Jordanie peut avoir pour le monde musulman. Ainsi, la levée des réserves formulées à la Convention ne serait pas seulement utile aux femmes jordaniennes mais à toutes les femmes du monde musulman. Elle a engagé la Commission nationale jordanienne pour la promotion de la femme à trouver un nouvel élan pour parvenir à cet objectif.
Concernant l'article 2, Mme CHIKAKO TAYA, experte du Japon, a regretté que bien que la Jordanie ait ratifié la Convention en 1992, celle-ci n'ait toujours pas force de loi en Jordanie. Ainsi, l'interdiction de la discrimination fondée sur le sexe n'est pas explicitement mentionnée dans la Constitution. Quand le Gouvernement jordanien envisage-t-il de prendre les mesures pour combler cette lacune? De même, Mme Taya tout comme Mme SAVITRI GOONESEKERE, experte du Sri Lanka, se sont demandées pourquoi, en ce qui concerne le Code pénal, l'article 340 relatif au crime passionnel n'a pas encore été abrogé par le Parlement jordanien, en suggérant qu'un accord soit trouvé, en attendant, pour ne pas l'appliquer. Enfin, l'experte du Japon a interrogé l'Etat partie sur le respect de la primauté des conventions internationales sur la loi nationale.
Mme SILVIA ROSE CARTWRIGHT, experte de la Nouvelle-Zélande, a recommandé à l'Etat partie de se lancer dans des programmes massifs de formation, notamment au sein de la police judiciaire qui, en Jordanie, est une institution très conservatrice qui fonctionne selon les usages et les traditions. Mme HANNA SCHOPP-SCHILLING, experte de l'Allemagne, a, quant à elle, relevé une forte divergence entre la forte volonté politique au niveau le plus élevé, d'une part, et l'attitude des parlementaires, d'autre part. Elle a demandé à la délégation jordanienne si elle envisageait de communiquer les observations présentes du Comité aux parlementaires de son pays. L'experte a également souhaité obtenir des informations sur la situation juridique des groupes de femmes réfugiées en Jordanie, mentionnant les flots importants de réfugiés qu'a connus ce pays en 1948, en 1967 et dans les années 70.
Abordant l'article 3 de la Convention, l'experte de Cuba, Mme YOLANDA FERRER GOMEZ, et celle de l'Afrique du Sud, Mme MAVIVI MYAKAYAKA-MANZINI, ont demandé à connaître la structure exacte et le budget dont dispose la Commission nationale de la promotion de la femme. A-t-elle véritablement la possibilité de participer et d'influencer la décision politique et législative? Elles ont demandé aussi si la Commission est en relation avec les différents ministères traitant de questions qui concernent également les femmes. Pour sa part, Mme ANNE LISE RYEL, experte de la Norvège, a déploré le fait que la Commission ne soit pas habilitée à recevoir et traiter les plaintes individuelles des femmes qui s'estiment victimes de discrimination ou de violation de leurs droits. Ce rôle serait d'autant plus souhaitable qu'il subsiste encore de nombreux comportements et stéréotypes défavorables aux femmes tant dans la législation que dans la société elle-même. En outre, les témoignages concrets que les femmes pourraient ainsi apporter pourraient s'avérer très utiles dans la modification et la conception des lois dont la Commission est aussi en charge. Ils permettraient de faire mieux coïncider les nouveaux textes à la réalité rencontrée par les femmes. Mme RYEL a aussi suggéré d'ouvrir des bureaux d'écoute des femmes dans les universités, dont les étudiants en droit seraient en charge. L'experte de l'Italie, Mme IVANKA CORTI, s'est réjouie du programme en matière de modification des textes inscrit à l'ordre du jour de la Commission nationale. Elle a cependant fait remarquer que ce mécanisme a été créé par décret, et il serait bon désormais de réfléchir à une institution ayant véritablement un pouvoir politique, notamment au sein du Gouvernement. Soulignant l'importance croissante de la société civile et des ONG, elle a salué le dialogue instauré en Jordanie qui permet ainsi de concrétiser dans les faits les avancées législatives. L'experte du Ghana, Mme CHARLOTTE ABAKA, s'est pour sa part interrogée sur le rôle des médias dans la lutte contre les stéréotypes. Participent-ils à la dénonciation des pratiques discriminatoires qui sont toujours en cours?
Concernant l'article 4, Mme HANNA SCHOPP-SCHILLING, experte de l'Allemagne, a dit ne pas comprendre le refus du Gouvernement jordanien de ne pas établir un quota de 20% des sièges réservé pour les femmes au Parlement. Selon toute logique, les femmes en Jordanie devraient même pouvoir prétendre à un quota de 50% puisqu'elles représentent la moitié de la population, a poursuivi l'experte avant de suggérer au Gouvernement jordanien d'envisager, en plus de la Commission nationale de la condition de la femme qui de toute évidence fournit un excellent travail, d'établir un ministère de l'égalité des chances en tant que mesure temporaire spéciale.
S'exprimant sur l'article 5, Mme YOLANDA FERRER GOMEZ, experte de Cuba, a demandé si la Commission nationale de la condition de la femme avait adopté un programme spécial d'éducation pour essayer de contrecarrer les préjugés qui maintiennent les femmes dans une situation de subordination constante.
Elle a également demandé si un programme semblable ciblant les journalistes était prévu. L'experte a enfin souhaité obtenir des données sur l'évolution des crimes à l'égard des femmes au cours de trois dernières années, les dernières informations fournies par le deuxième rapport périodique datant de 1997. Mme AWA OUEDRAOGO, experte du Burkina Faso, a, pour sa part, relevé l'enquête mentionnée dans le rapport qui montre que 40% des femmes jordaniennes estiment elles-mêmes qu'elles ne sont pas égales aux hommes. C'est là la conséquence d'un système éducatif familial qui perpétue des images négatives des femmes à tel point que les femmes elles-mêmes ne réagissent plus, a expliqué l'experte. Cette résignation des femmes mérite qu'un plan d'information et de communication soit mis en place sur la problématique du genre. L'experte a enfin regretté que le thème de la violence ne soit pas très développé dans le rapport et a souhaité que cet aspect soit intégré avec davantage de détails dans les réponses de la délégation.
Mme SALMA KHAN, experte du Bangladesh, se prononçant sur les articles 5 et 6, a demandé s'il était possible d'abroger également les dispositions accordant des circonstances atténuantes aux auteurs de crimes contre les femmes qui refusent d'épouser un homme imposé par leur famille, comme le fait l'article 340 du Code pénal en cas d'adultère. Enfin, l'experte a souhaité être informée de la situation des femmes actuellement emprisonnées en Jordanie, notamment sous l'angle de la durée de l'emprisonnement et des installations en place.
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