SG/SM/7281

DES MASSACRES ENTRE ETHNIES DE L'AMPLEUR D'UN GENOCIDE NE SE REPETERONT PLUS, DECLARE LE SECRETAIRE GENERAL

19 janvier 2000


Communiqué de Presse
SG/SM/7281


DES MASSACRES ENTRE ETHNIES DE L'AMPLEUR D'UN GENOCIDE NE SE REPETERONT PLUS, DECLARE LE SECRETAIRE GENERAL

20000119

Vous trouverez ci-après le texte de la déclaration faite aujourd'hui 19 janvier, par le Secrétaire général, M. Kofi Annan, lors de la réunion officielle du Conseil de sécurité sur la situation au Burundi :

Une fois de plus, je tiens à vous féliciter d'utiliser votre présidence pour appeler l'attention du monde sur l'Afrique et ses problèmes. Je me joins à vous pour souhaiter la bienvenue au Président Mandela.

Sa présence parmi nous aujourd'hui lui rend et vous rend honneur.

Elle montre le dévouement et le sérieux avec lesquels il remplit ses nouvelles fonctions de facilitateur des efforts de paix au Burundi. Elle montre aussi l'importance qu'il attache à l'aide que le Conseil peut lui apporter dans cette tâche colossale. Nous sommes honorés de la confiance qu'il nous témoigne en venant jusqu'à nous, confiance dont nous devons absolument nous montrer dignes.

Monsieur le Président, vous avez eu raison de faire du conflit au Burundi le thème de cette séance publique. De tous les conflits et crises que connaît l'Afrique aujourd'hui, la situation au Burundi est sans doute la plus pressante.

Aucun autre pays n'est aussi susceptible de devenir le théâtre d'un scénario que nous avions juré de ne plus laisser se répéter : des massacres entre ethnies de l'ampleur d'un génocide.

Une fois de plus nous sommes témoins de l'hostilité implacable qui oppose deux groupes ethniques. Nous assistons à l'escalade de la violence et aux défaillances d'un processus de paix que les parties soutiennent, au mieux de leurs voeux pieux.

Les quatre commissions d'Arusha et les consultations tenues à Dar es-Salaam nous ont permis d'accomplir quelques progrès. Nous nous rappelons tous avec gratitude les efforts déployés par feu Mwalimu Julius Nyerere pour faire avancer le processus.

Cela dit, de graves désaccords persistent sur certaines questions clefs comme la future composition de l'armée, le système électoral et la période de transition, et d'autres sujets, comme les garanties offertes à la communauté minoritaire et la question de la réconciliation et de l'impunité n'ont pas encore été vraiment abordés.

Par ailleurs, Monsieur le Président, nous sommes tous extrêmement conscients que le contexte régional dans lequel se déroule ce drame est instable et explosif. Il ne fait aucun doute que nous reviendrons plus en détail sur cet aspect des choses la semaine prochaine, lorsque le Conseil examinera le conflit en République démocratique du Congo. Mais nous devons aussi en tenir compte dans le cas du Burundi, qui non seulement subit le contrecoup de ce qui se passe dans les pays voisins mais risque de contribuer à déstabiliser davantage encore la région, en particulier si l'escalade de la violence continue, incitant les habitants à fuir de plus en plus nombreux.

Pour toutes ces raisons, Monsieur le Président, c'est de tout coeur que j'accueille le Président Mandela et je fonde de grands espoirs sur sa capacité de faire repartir le processus de paix. Le Secrétariat de l'Organisation des Nations Unies est prêt à tout faire pour l'aider et je suis sûr que le Conseil voudra faire de même.

Les conséquences humanitaires effroyables de l'impasse politique actuelle sont en elles-mêmes une raison suffisante :

- Des centaines de milliers de Burundais ont trouvé la mort au cours des 10 dernières années.

- Le nombre des réfugiés burundais atteint à présent 500 000 et ce nombre augmente chaque jour.

- Plus de 800 000 personnes, soit 12% de la population du pays, sont déplacées; leur situation dans bien des cas résulte d'une politique gouvernementale délibérée de réinstallation des civils par la force, dans des circonstances où cela ne peut se justifier en droit international humanitaire.

Pour ne considérer que la période écoulée depuis le mois de septembre, plus de 300 000 hommes, femmes et enfants innocents de la région de Bujumbura ont été rassemblés dans des camps où ils sont privés non seulement de leur liberté mais de leurs moyens de subsistance véritablement élémentaires.

L'impact humanitaire de cette politique a été désastreux. Comme le Programme alimentaire mondial l'a signalé cette semaine, des milliers de personnes sont actuellement prises en charge par les programmes spéciaux d'alimentation, qui s'adressent à un nombre de personnes qui croît chaque jour. Mais de nombreux sites sont inaccessibles par la route, ce qui rend très difficile l'acheminement de l'aide.

Une nouvelle catastrophe humanitaire est imminente, dont le monde tiendra assurément le Gouvernement burundais responsable. Je m'associe pleinement à la déclaration qu'a publiée à ce sujet aujourd'hui le Comité permanent interorganisations.

Il y a deux jours, le Gouvernement burundais a annoncé son intention de créer une commission parlementaire chargée d'enquêter sur la situation sanitaire dans les camps, et de commencer à démanteler les camps qui se trouvent dans la province de Bujumbura rurale dans les deux semaines. Je lui sais gré de cette intention mais engage les autorités à aller plus loin et à renoncer purement et simplement à cette politique inhumaine et illégale.

Tant que les camps existeront, le Gouvernement devra permettre aux organismes indépendants à vocation humanitaire d'y avoir pleinement accès, et il doit assurer à tout moment la sécurité du personnel humanitaire, qu'il soit recruté au plan international ou au plan local.

Aucune partie au Burundi ne devrait considérer que la justice de sa cause ou l'indignité de celle de ses adversaires apparaît aussi évidente au reste du monde qu'à elle-même. Et, assurément, aucune partie ne devrait supposer que des éléments extérieurs viendront la sortir du mauvais pas dans lequel sa propre folie et sa propre intransigeance l'ont entraînée.

Une partie peut juger qu'elle a droit à la sympathie du monde parce qu'elle représente une minorité ethnique: le même groupe ethnique qui a été la victime du génocide au Rwanda. L'autre partie peut d'une façon tout aussi plausible se considérer comme la victime, à l'heure actuelle, du régime minoritaire oppresseur.

Mais aucune des deux parties ne peut nier sa part de responsabilité dans l'escalade de la violence et dans l'absence de progrès vers un règlement politique.

Monsieur Mandela, en tant qu'Africain moi-même, je ne peux que me faire l'écho des paroles que vous avez prononcées dimanche devant les parties réunies à Arusha. En étant prêtes à sacrifier la vie de leurs concitoyens sur l'autel de leurs ambitions politiques, elles trahissent les millions d'autres Africains qui luttent pour promouvoir le redressement du continent. Et elles ne facilitent pas la tâche de ceux qui s'efforcent de susciter la sympathie et l'appui du reste du monde en leur nom.

J'engage fermement toutes les parties à coopérer avec vous à la recherche d'une solution politique. Si elles le font, je veux espérer que, cette fois, la communauté internationale leur apportera son aide.

Cette aide ne peut pas se limiter à la sphère diplomatique. Elle doit également avoir une dimension économique.

L'aide humanitaire a continué d'être acheminée vers le Burundi et le Programme des Nations Unies pour le développement, en particulier, a mobilisé 6 millions de dollars qui ont été déposés dans un fonds d'affectation spéciale pour répondre aux besoins des communautés locales touchées par la crise, mais les autres formes d'appui international ne sont plus disponibles depuis le milieu de 1996.

Il n'en reste pas moins qu'une fois que les donateurs seront convaincus que les parties burundaises s'emploient sérieusement à trouver un compromis politique, eux aussi devront être prêts à faire un effort. Les Burundais auront besoin d'une aide généreuse pour inverser les incidences de sept années de conflit et commencer enfin à satisfaire les besoins de développement les plus fondamentaux du pays.

Cette aide leur permettra de jeter les bases d'un ordre politique tolérant et démocratique, dans lequel tous les groupes ethniques et sociaux trouveront leur place, ce qui ne pourra que contribuer à la paix et à la sécurité dans l'ensemble de la région.

Monsieur le Président, l'expérience nous montre qu'il peut sembler naïf de fonder de pareils espoirs sur la générosité ou l'intérêt bien compris des donateurs. Mais la façon dont vous avez su concentrer l'attention du Conseil sur l'Afrique m'amène à penser que lorsque les Africains se montreront réellement disposés à s'attaquer à leurs propres problèmes, les pays mieux lotis, à commencer par le vôtre, seront bel et bien disposés à les y aider.

Pour l'heure, je sais que le Conseil a hâte d'entendre M. Mandela. Je m'en voudrais de retarder plus longtemps ce moment.

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