LE CONSEIL DE SECURITE ASSURE NELSON MANDELA, NOUVEAU FACILITATEUR DU PROCESSUS DE PAIX AU BURUNDI, DE SON PLEIN APPUI
Communiqué de Presse
CS/1139
LE CONSEIL DE SECURITE ASSURE NELSON MANDELA, NOUVEAU FACILITATEUR DU PROCESSUS DE PAIX AU BURUNDI, DE SON PLEIN APPUI
20000119Le Secrétaire général avertit des risques de massacres de l'ampleur d'un génocide si un règlement politique n'intervient pas rapidement
Le Conseil de sécurité, examinant la situation au Burundi, dans le cadre de son mois consacré à l'Afrique, a adopté cet après-midi la résolution 1286 (2000) par laquelle il approuve et appuie la désignation par le huitième Sommet régional d'Arusha, le 1er décembre 1999, de l'ancien Président de l'Afrique du Sud, M. Nelson Mandela, en tant que nouveau Facilitateur du processus de paix d'Arusha. M. Mandela succède au Mwalimu Julius Nyerere. Le Conseil réitère son appui résolu au processus de paix réactivé d'Arusha, s'associe à l'appel lancé lors du huitième Sommet régional d'Arusha à toutes les parties au conflit pour qu'elles coopèrent au maximum avec le nouveau Facilitateur, et demande que l'on redouble d'efforts pour constituer un partenariat politique interne au Burundi. Il appuie les efforts que le Secrétaire général consacre au renforcement du rôle de l'ONU au Burundi, et, en particulier, l'action que continue de mener son Représentant spécial pour la région des Grands Lacs (M. Berhanu Dinka, Ethiopie).
Le Conseil demande à toutes les parties qui demeurent à l'écart du processus de paix d'Arusha de mettre fin aux hostilités et de participer pleinement à ce processus. Il condamne les actes de violence que continuent de perpétrer toutes les parties, en particulier les entités autres que l'Etat qui refusent de participer au processus de paix d'Arusha, et demande à toutes les parties de mettre un terme au conflit armé et de régler leurs différends par des moyens pacifiques. Il condamne les attaques lancées contre des civils et demande qu'il y soit mis fin immédiatement. Il demande, en outre, instamment que le nécessaire soit fait pour traduire en justice les auteurs de l'assassinat d'agents du Fonds des Nations Unies pour l'enfance et du Programme alimentaire mondial, en octobre 1999 dans la province de Rutana.
Le Conseil demande à toutes les parties de veiller à ce que l'aide humanitaire puisse parvenir en toute sécurité et sans entrave à ceux qui en ont besoin au Burundi, et que les agents des organismes à vocation humanitaire et les spécialistes des droits de l'homme aient immédiatement et pleinement accès à tous les camps de regroupement. Il demande aux Etats voisins de prendre les mesures voulues pour mettre un terme aux activités des insurgés de part et d'autre de la frontière, ainsi qu'à la circulation illicite d'armes et de munitions, et pour assurer la neutralité, la sécurité et le caractère civil des camps de réfugiés.
Au cours du débat qui a précédé l'adoption de la résolution, M. Nelson Mandela, l'ancien Président de l'Afrique du Sud, désigné comme nouveau Facilitateur pour le processus de paix d'Arusha, a souligné que les pourparlers de paix constituent la seule voie conduisant à la paix, à la reconstruction et au développement du pays. Pour garantir le succès de ce processus, il faut intégrer tous les acteurs, a-t-il ajouté en rappelant que l'obligation d'assurer le lien entre le processus de paix et la réalité de la vie politique au Burundi n'incombe qu'aux dirigeants eux-mêmes. Toutefois, ce processus nécessite l'appui de la communauté internationale. Il a réaffirmé sa conviction que les dirigeants du Burundi sont en mesure de parvenir à des compromis et à des accords qui peuvent conduire à la paix et à la stabilité dans le pays. M. Mandela a souligné le lien entre la situation au Burundi et dans la région dans son ensemble. La paix au Burundi donnera l'espoir à la République démocratique du Congo et aux autres pays dans la région, a-t-il conclu.
Le Secrétaire général de l'ONU, M. Kofi Annan, a souligné, pour sa part, l'urgence de la situation, avertissant que risquent de se répéter des massacres entre ethnies de l'ampleur d'un génocide. Malgré quelques progrès dans le cadre du processus d'Arusha, de graves désaccords persistent sur des questions clé comme la future composition de l'armée, le système électoral et la période de transition. D'autres sujets, comme les garanties offertes à la communauté minoritaire et la question de la réconciliation et de l'impunité n'ont pas encore été vraiment abordés, a-t-il indiqué. Aucune partie au Burundi ne devrait considérer que la justice de sa cause ou l'indignité de celle de ses adversaires apparaît aussi évidente au reste du monde qu'à elle-même, a souligné M. Annan. Aucune des deux parties ne peut nier sa part de responsabilité dans l'escalade de la violence et dans l'absence de progrès vers un règlement politique. Se faisant l'écho des paroles prononcées dimanche à Arusha par M. Mandela, le Secrétaire général a estimé que les parties au conflit, en étant prêtes à sacrifier la vie de leurs concitoyens sur l'autel de leurs ambitions politiques, trahissent la cause de millions d'autres Africains qui luttent pour promouvoir le redressement du continent.
Le Ministre des relations extérieures et de la coopération du Burundi, M. Séverin Ntahomvukiye, a réfuté les allégations avancées par la majorité des délégations selon lesquelles l'organisation des camps de regroupement de population s'inscrit dans une logique d'épuration ethnique ou de toute autre violation des droits de l'homme. Il les a qualifiées de pure propagande anti-gouvernementale et de désinformation. Le Ministre a indiqué que le gouvernement dresse actuellement le bilan de la situation en matière de sécurité dans la province de Bujumbura Rural et a assuré que le démantèlement des camps sera fait en toute transparence, en présence d'observateurs nationaux et internationaux. Pour des raisons de sécurité nationale, la fermeture des camps périphériques de la capitale sera assurée en dernier lieu, soit après la disparition de toute menace de déstabilisation. Le Gouvernement du Burundi se dit convaincu que le nouveau Facilitateur, en raison de sa stature, sera en mesure de rassembler les Burundais autour de l'intérêt national.
Les représentants des Etats membres suivants du Conseil ont fait une déclaration : Mali, Tunisie, Canada, Argentine, France, Chine, Royaume-Uni, Jamaïque, Namibie, Ukraine, Malaisie, Pays- Bas, Bangladesh, Fédération de Russie et Etats-Unis.
LA SITUATION AU BURUNDI
Rappel des faits
Le Burundi est déchiré par une guerre civile depuis l'assassinat par des militaires, en octobre 1993, de Melchior Ndadaye, premier Président élu démocratiquement trois ans plus tôt. Après de nouvelles élections multipartites, son ancien ministre des affaires étrangères, M. Sylvestre Ntibantunganya devient Président. Des persécutions et des assassinats sont perpétrés sur toute l'étendue du pays. Le 25 juillet 1996, le Gouvernement du Président Sylvestre Ntibantunganya est renversé par un coup d'Etat militaire qui porte au pouvoir le major Pierre Buyoya, ancien Président de 1987 à 1993. Lors d'une réunion à Arusha (Tanzanie) le 31 juillet, les chefs d'Etat des pays de la région imposent un embargo au Burundi, exigeant le retour à l'ordre constitutionnel et l'ouverture de négociations avec la rébellion. Le Conseil de sécurité condamne à l'unanimité le renversement du Gouvernement légitime et engage, à son tour, le régime à assurer le retour à l'ordre et à la légitimité constitutionnelle.
Un premier pas en ce sens est fait en septembre lorsque le Gouvernement annonce que le Parlement est restauré et que les partis politiques sont autorisés. En mars 1997, le Gouvernement et le Conseil national pour la défense de la démocratie (CNDD, principal mouvement d'opposition) approuvent à Rome le texte d'un accord établissant un cadre et un agenda pour de futures négociations. Le 6 juin 1998, une Constitution de transition est promulguée par le major Buyoya qui signe avec le Président de l'Assemblée nationale deux textes concrétisant le "Partenariat politique" proposé par le régime. Quelques jours plus tard, Pierre Buyoya prête serment comme président de transition. Il nomme deux Vice-Présidents dont un chef de l'opposition. Les premières négociations de paix directes s'ouvrent en juin 1998 à Arusha. Les progrès réalisés depuis, en particulier en ce qui concerne la représentativité politique des diverses tendances intérieures, ont abouti à la levée de l'embargo régional le 23 janvier 1999. Les pourparlers de paix sont néanmoins quasiment au point mort depuis le décès, le 14 octobre 1999, de l'ancien Président tanzanien, Julius Nyerere, qui en était le Facilitateur. Le 12 novembre dernier, à l'issue d'une réunion sur la situation au Burundi, le Conseil avait, dans une déclaration, appelé à la constitution sans tarder d'une nouvelle équipe de médiation acceptable par toutes les parties burundaises aux négociations. C'est l'ancien Président de l'Afrique du Sud, Nelson Mandela, qui a été désigné, le 1er décembre dernier, comme nouveau Facilitateur du processus de paix par le huitième Sommet régional d'Arusha.
Alors que les violences se poursuivent sur le terrain, on estime qu'environ 200 000 personnes, dont une majorité de civils, ont été tuées depuis 1993.
Texte du projet de résolution (S/2000/29)
Le Conseil de sécurité,
Réaffirmant ses résolutions et les déclarations antérieures de son président sur la situation au Burundi,
Se déclarant préoccupé par la situation économique, humanitaire et sociale désastreuse du Burundi,
Se déclarant profondément préoccupé par la violence et l'insécurité auxquelles est en proie le Burundi, qui se traduisent par la recrudescence des attaques lancées contre des civils par des groupes armés dans la capitale et aux alentours,
Constatant avec préoccupation que la situation au Burundi a des incidences sur la région et que la persistance de l'instabilité régionale a des conséquences pour le Burundi,
Reconnaissant le rôle important des États de la région, en particulier la Tanzanie, qui donne accueil à des centaines de milliers de réfugiés burundais et où se trouve la Fondation Julius Nyerere, qui a apporté un appui remarquable aux pourparlers,
Notant que les organismes des Nations Unies et les organisations régionales et non gouvernementales, agissant en coopération avec les gouvernements des pays hôtes, s'appuient sur les Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l'intérieur de leur propre pays (E/CN.4/1998/53 et Add.1 et 2), notamment en Afrique,
Se félicitant du programme relatif aux droits de l'homme entrepris par l'Organisation des Nations Unies et de la coopération dont il bénéficie de la part du Gouvernement burundais et des partis politiques au Burundi,
Réaffirmant que le processus de paix réactivé d'Arusha constitue la base la plus viable pour un règlement du conflit, conjointement avec les efforts qui continuent d'être faits en vue de constituer un partenariat politique interne au Burundi,
1. Approuve et appuie énergiquement la désignation par le huitième Sommet régional d'Arusha, le 1er décembre 1999, de l'ancien Président de la République sud-africaine, Nelson Mandela, en tant que nouveau Facilitateur du processus de paix d'Arusha succédant au regretté Mwalimu Julius Nyerere, exprime son soutien le plus ferme aux efforts qu'il accomplit en vue de parvenir à une solution pacifique du conflit au Burundi, et se félicite que son initiative ait été lancée avec succès lors de la réunion tenue à Arusha le 16 janvier 2000;
2. Réitère son appui résolu au processus de paix réactivé d'Arusha, s'associe à l'appel lancé lors du huitième Sommet régional d'Arusha à toutes les parties au conflit au Burundi pour qu'elles coopèrent au maximum avec le nouveau Facilitateur du processus de paix, et demande que l'on redouble d'efforts pour constituer un partenariat politique interne au Burundi;
3. Appuie les efforts que le Secrétaire général consacre au renforcement du rôle de l'Organisation des Nations Unies au Burundi, et en particulier l'action que continue de mener son Représentant spécial pour la région des Grands Lacs;
4. Félicite les parties burundaises, y compris le Gouvernement, qui ont démontré leur volonté de poursuivre les négociations, et demande à toutes les parties qui demeurent à l'écart du processus de paix d'Arusha de mettre fin aux hostilités et de participer pleinement à ce processus;
5. Accueille avec satisfaction l'appui apporté par les donateurs internationaux et demande qu'une assistance accrue soit assurée au processus de paix d'Arusha;
6. Condamne les actes de violence que continuent de perpétrer toutes les parties, en particulier les entités autres que l'État qui refusent de participer au processus de paix d'Arusha, et demande très instamment à toutes les parties de mettre un terme au conflit armé et de régler leurs différends par des moyens pacifiques;
7. Condamne les attaques lancées contre des civils au Burundi, et demande qu'il soit immédiatement mis fin à ces actes criminels;
8. Condamne énergiquement l'assassinat dans la province de Rutana, en octobre 1999, d'agents du Fonds des Nations Unies pour l'enfance et du Programme alimentaire mondial ainsi que de civils burundais et demande instamment que le nécessaire soit fait pour traduire les auteurs de cet assassinat en justice;
9. Demande à toutes les parties de veiller à ce que l'aide humanitaire puisse parvenir en toute sécurité et sans entrave à ceux qui en ont besoin au Burundi, ainsi que de garantir pleinement la sécurité et la liberté de circulation du personnel des Nations Unies et du personnel associé;
10. Demande que les agents des organismes à vocation humanitaire et les spécialistes des droits de l'homme aient immédiatement et pleinement accès, en toute sécurité et sans entrave, à tous les camps de regroupement, et demande également que les personnes qui y sont internées aient accès à leurs moyens de subsistance à l'extérieur de ces camps;
11. Encourage l'Organisation des Nations Unies et le Gouvernement burundais ainsi que les partis politiques au Burundi à continuer de progresser en vue d'instituer les garanties de sécurité nécessaires pour que les organismes des Nations Unies à vocation humanitaire puissent reprendre leurs opérations sur le terrain;
12. Demande aux États voisins, selon qu'il y a lieu, de prendre les mesures voulues pour mettre un terme aux activités des insurgés de part et d'autre de la frontière, ainsi qu'à la circulation illicite d'armes et de munitions, et pour assurer la neutralité, la sécurité et le caractère civil des camps de réfugiés;
13. Demande aux donateurs d'apporter secours humanitaires et assistance en matière de droits de l'homme au Burundi et d'y acheminer à nouveau une aide substantielle sur le plan économique et en matière de développement en tenant dûment compte des conditions de sécurité;
14. Engage la communauté internationale à examiner les besoins du Burundi en matière de développement économique de manière à créer des conditions de stabilité durable propres à assurer le bien-être de la population burundaise et le retour des réfugiés;
15. Décide de demeurer activement saisi de la question.
Déclaration du Secrétaire général
M. KOFI ANNAN, Secrétaire général des Nations Unies, a observé que de tous les conflits et crises que connaît l'Afrique, la situation au Burundi est sans doute la plus pressante. Aucun autre pays n'est aussi susceptible de devenir le théâtre d'un scénario que nous avions juré de ne plus se laisser répéter : des massacres entre ethnies de l'ampleur d'un génocide, a-t-il souligné. Les quatre commissions d'Arusha et les consultations tenues à Dar es-Salaam ont permis d'accomplir quelques progrès. Mais de graves désaccords persistent sur certaines questions clés comme la future composition de l'armée, le système électoral et la période de transition, et d'autres sujets, comme les garanties offertes à la communauté minoritaire et la question de la réconciliation et de l'impunité n'ont pas encore été vraiment abordés. Le Burundi subit non seulement le contrecoup de ce qui se passe dans les pays voisins mais risque de contribuer à déstabiliser davantage encore la région, en particulier si l'escalade de la violence continue, incitant les habitants à fuir de plus en plus nombreux. M. Annan a indiqué que, pour toutes ces raisons, il fondait de grands espoirs sur la capacité de M. Mandela de faire repartir le processus de paix et a assuré que le Secrétariat de l'ONU est prêt à tout faire pour l'aider.
Soulignant les conséquences humanitaires effroyables de l'impasse politique actuelle, le Secrétaire général a rappelé que des centaines de milliers de Burundais avaient trouvé la mort au cours des 10 dernières années. Le nombre des réfugiés burundais qui atteint à présent 500.000, augmente chaque jour. Plus de 800.000 personnes, soit 12 % de la population du pays, sont déplacées; leur situation dans bien des cas résulte d'une politique gouvernementale délibérée de réinstallation des civils par la force, dans des circonstances injustifiables en droit international humanitaire. Depuis le mois de septembre, plus de 300.000 hommes, femmes et enfants innocents de la région de Bujumbura ont été rassemblés dans des camps où ils sont privés de leur liberté et de leurs moyens de subsistance élémentaires. Des milliers de personnes sont actuellement prises en charge par les programmes spéciaux d'alimentation. Mais de nombreux sites sont inaccessibles par la route, ce qui rend très difficile l'acheminement de l'aide. Le Secrétaire général a averti qu'une nouvelle catastrophe humanitaire était imminente, dont le monde tiendra le Gouvernement burundais responsable. Il s'est félicité de l'intention du Gouvernement burundais, annoncée il y a deux jours, de créer une commission parlementaire chargée d'enquêter sur la situation sanitaire dans les camps, et de commencer à démanteler les camps qui se trouvent dans la province de Bujumbura rurale dans les deux semaines. M. Annan a engagé les autorités à aller plus loin et à renoncer purement et simplement à cette politique inhumaine et illégale. Tant que les camps existeront, le Gouvernement devra permettre aux organismes indépendants à vocation humanitaire d'y avoir pleinement accès, et assurer à tout moment la sécurité du personnel humanitaire.
Aucune partie au Burundi ne devrait considérer que la justice de sa cause ou l'indignité de celle de ses adversaires apparaît aussi évidente au reste du monde qu'à elle-même, a-t-il poursuivi. Assurément, aucune partie ne devrait supposer que des éléments extérieurs viendront la sortir du mauvais pas dans lequel sa propre folie et sa propre intransigeance l'ont entraînée. Une partie peut juger qu'elle a droit à la sympathie du monde parce qu'elle représente une minorité ethnique, le même groupe ethnique qui a été victime du génocide au Rwanda. L'autre partie peut d'une façon tout aussi plausible se considérer comme la victime, à l'heure actuelle, du régime minoritaire oppresseur. Mais aucune des deux parties ne peut nier sa part de responsabilité dans l'escalade de la violence et dans l'absence de progrès vers un règlement politique. Se faisant l'écho des paroles prononcées dimanche à Arusha par M. Mandela, le Secrétaire général a souligné que les dirigeants du pays sont prêts à sacrifier la vie de leurs concitoyens sur l'autel de leurs ambitions politiques, elles trahissent, ce faisant, les millions d'autres Africains qui luttent pour promouvoir le redressement du continent et ne facilitent pas la tâche de ceux qui s'efforcent de susciter la sympathie et l'appui du reste du monde en leur nom. Partant, M. Annan a fermement engagé les parties à coopérer avec M. Mandela à la recherche d'une solution politique, exprimant l'espoir que, cette fois, la communauté internationale leur apportera son aide. Cette aide, a-t-il souligné, ne peut pas se limiter à la sphère diplomatique, mais doit aussi avoir une dimension économique. Une fois que les donateurs seront convaincus que les parties burundaises s'emploient sérieusement à trouver un compromis politique, eux aussi devront être prêts à faire un effort. Les Burundais ont besoin d'une aide généreuse pour inverser les incidences de sept années de conflit et commencer à satisfaire les besoins de développement les plus fondamentaux du
pays. Cette aide leur permettra de jeter les bases d'un ordre politique tolérant et démocratique, dans lequel tous les groupes ethniques et sociaux trouveront leur place, ce qui ne pourra que contribuer à la paix et à la sécurité dans l'ensemble de la région, a déclaré le Secrétaire général.
Déclaration du Facilitateur du processus de paix d'Arusha
M. NELSON MANDELA (Ancien Président de l'Afrique du Sud), Facilitateur du processus de paix pour le Burundi, a rendu hommage à la mémoire du Mwalimu Nyerere dont l'énergie, la patience et la sagesse qu'il a investies dans le processus de paix au cours de ces dernières années nous inspire. Nous ressentons une grande humilité face à la stature de cet homme à qui nous avons été priés de succéder. Lorsqu'un seul être humain, un groupe de personnes, une nation, une région du monde s'efforce de prévenir des souffrances, a souligné M. Mandela, qui a observé que les souffrances du peuple burundais nous affecte et affaiblit l'humanité de tous. En dépit des difficultés graves auxquelles nous faisons face au Burundi, on se réjouit que de grands progrès ont déjà été accomplis depuis le début des négociations. Au cours des 18 derniers mois, le processus de paix d'Arusha a vu la mise en place de quatre Comités chargés d'examiner les aspects particuliers des négociations. Ces Comités ont accompli des progrès considérables et deux d'entre eux - celui chargé de la nature du conflit et de la question du génocide, ainsi que celui chargé de la reconstruction et du développement - ont déjà achevé leurs travaux. Les questions extrêmement importantes de ces deux Comités portent respectivement sur le mécanisme approprié traitant du passé et sur le consensus concernant la question de la récupération des biens par les réfugiés une fois retournés dans leur foyer.
Les deux autres Comités sont chargés respectivement de la démocratie et de la bonne gouvernance et de la paix et de la sécurité pour tous. Ces deux derniers ont également réalisé des progrès importants, mais continuent de confronter certains obstacles substantiels sur lesquels les Burundais doivent donner leur accord. La plupart des parties se sont entendues sur le principe de la franchise universelle mais des divergences demeurent sur la composition du parlement. Le véritable défi auquel les Burundais sont confrontés, et donc la facilitation, est de créer une forme de démocratie qui assure un gouvernement responsable et répondant aux besoins du pays ainsi que la sécurité à ceux qui pour des raisons démographiques se considèrent vulnérables au sein de ce système.
En ce qui concerne la paix et la sécurité pour tous, les parties se sont entendues sur les principes relatifs à l'organisation de la défense et des forces de sécurité, et sur les missions de l'armée, de la force de police et des services d'intelligence. Toutefois, elles n'ont pas réussi à s'accorder sur un programme de réforme des forces de sécurité actuelles, ou sur la question de l'intégration des groupes armés dans les forces de sécurité. Il s'agit des questions les plus sensibles examinées dans le cadre des négociations. M. Mandela a indiqué qu'il avait effectué une première visite à Arusha le 16 janvier dernier pour rencontrer l'équipe de facilitation, les institutions internationales et les représentants participant aux processus, et surtout, les chefs de délégations des partis politiques burundais et les acteurs principaux. Il existe des processus politiques et un dynamisme en cours qui, s'ils sont maîtrisés et dirigés dans une voie constructive, pourraient former la base d'un règlement politique durable dans ce pays en conflit. Mais il est temps pour les Burundais de s'attaquer à la tâche. Personne ne peut parvenir à un accord sans leur participation. Il incombe aux dirigeants burundais de trouver les mesures nécessaires qui permettront aux Burundais de vivre ensemble. Ce qui les divise c'est leur triste histoire et les perceptions de la légitimité de leur histoire. Une des questions les plus importantes qui a un impact considérable sur la situation au Burundi et le processus de négociation est le problème de la violence. Lorsque les négociations ont été entamées en juin 1998, on avait espéré qu'elles auraient lieu dans un climat exempt de violence et de bain de sang. Malheureusement, cela n'a pas été le cas. Ces derniers mois, il y a eu recrudescence de la violence et des attaques perpétrées contre les civils. La population du Burundi est maintenant otage de la violence. Il y a de plus en plus de personnes déplacées à l'intérieur du pays. Les Burundais ont pour obligation de s'atteler à la tâche immédiatement en mettant fin à la violence et en protégeant la population civile. Les pourparlers de paix burundais représentent la seule voie par laquelle le Burundi peut parvenir à la paix et s'engager à reconstruire et à développer le pays. Pour garantir le succès de ce processus, il faut intégrer tous les acteurs. A cet égard, le Facilitateur a rappelé aux parties qu'il n'existe pas d'autre alternative à un engagement important pris dans le cadre du processus de paix. A ceux qui ne participent pas au processus de paix, le message qui leur est adressé les appelle à commencer à formuler leurs aspirations politiques en des termes cohérents et à faire preuve de volonté pour venir à la table des négociations en bonne foi et en respectant les principes du processus.
L'obligation d'assurer le lien entre le processus de paix et la réalité de la vie politique au Burundi n'incombe qu'aux dirigeants burundais eux-mêmes. Le processus de paix au Burundi nécessite l'appui de la communauté internationale pour soutenir les négociations et les efforts en cours visant à instaurer la paix. Des investissements supplémentaires ne peuvent que contribuer à réaliser les objectifs de paix auxquels la communauté internationale a déjà si généreusement contribué. M. Mandela a appelé tous les belligérants à respecter les efforts humanitaires internationaux au Burundi et, en particulier, à garantir la sécurité de ceux qui y participent. Les problèmes du Burundi nous préoccupent tous, tout comme les problèmes qui touchent les autres régions du monde. On ne peut établir une paix régionale si les composantes d'une région ne créent les fondements mêmes d'un ordre démocratique stable. La paix au Burundi donne l'espoir à la République démocratique du Congo et aux autres pays dans la région, a conclu M. Mandela.
Déclarations
M. MOCTAR OUANE (Mali) a fait part des préoccupations de son pays face à la situation difficile qui prévaut au Burundi est qui est caractérisée par la violence et l'insécurité, la recrudescence des attaques contre les civils et les organisations humanitaires par des groupes armés, une situation humanitaire catastrophique et des violations des droits de l'homme. Des perspectives encourageantes pour le règlement de la crise burundaise sont néanmoins en vue, a-t-il souligné. Il a mentionné dans ce contexte la réactivation du processus de paix d'Arusha, considéré comme la base la plus viable pour un règlement du conflit, conjointement avec les efforts qui continuent d'être faits en vue de constituer un partenariat politique interne au Burundi; la désignation du Président Mandela en qualité de Facilitateur du processus de paix d'Arusha; l'articulation de l'application du processus de Lusaka; et l'engagement de la communauté internationale à apporter une aide à la réconciliation, à la reconstruction et à la démocratisation.
Le projet de résolution soumis au Conseil et auquel le Mali apporte son plein appui, s'inscrit précisément dans cette perspective, a souligné le représentant. Il a salué la mémoire du Mwalimu Julius Nyerere, rendant hommage à sa contribution en faveur de la paix et de la réconciliation nationale au Burundi. Il a renouvelé au Président Mandela l'appui constant, total et déterminé du Mali à son action.
M. SAID BEN MUSTAPHA (Tunisie) s'est félicité de ce que M. Mandela ait accepté de jouer le rôle de Facilitateur du processus de paix au Burundi et s'est déclaré confiant qu'il est la personne idéale pour assurer le succès de ce processus. La Tunisie appuie tous ses efforts. L'expérience a montré que l'impasse des négociations amène certaines parties à opter pour la violence et des positions extrêmes. L'option de la négociation est pourtant le meilleur moyen d'apporter la paix et la sécurité au Burundi. L'une des premières priorités est de mettre un terme à la violence et aux tueries à l'origine de la tragédie humanitaire que connaît le pays et à l'énorme gaspillage du potentiel économique du pays. Toutes les parties doivent prouver qu'elles ont choisi l'option politique, par une participation sérieuse au processus de paix, a déclaré le représentant qui a souhaité que les négociations aboutissent le plus rapidement possible. L'accord qui sera conclu doit préparer le terrain pour de nouvelles institutions dans le cadre de la réconciliation nationale et d'une plus large participation à la vie politique. Ce processus difficile prendra du temps, a reconnu le représentant. Il faudra établir la confiance entre les parties. La volonté politique nécessaire doit donc être présente. C'est pourquoi le rôle de la communauté internationale est aussi très important. Le peuple burundais doit être en mesure de récolter les fruits de la paix. Le représentant a souligné les liens entre la question du Burundi et la situation générale dans les Grands Lacs qui doit être examinée dans un contexte plus large. Pour toutes ces raisons, la Tunisie apporte tout son soutien à la résolution qui va être adoptée.
M. JOSEPH CARON (Canada) a rappelé que son pays a déjà apporté une contribution financière d'un montant de 1, 275 million de dollars aux efforts de paix au Burundi et a réaffirmé que ce processus constitue le moyen le plus viable pour parvenir à une paix durable et pour la relance d'un développement durable au Burundi. Le Canada se félicite de la nomination du nouvel Envoyé spécial pour la région des Grands Lacs, M. Dinka et émet l'espoir que ses travaux seront couronnés de succès afin de renforcer les efforts de la communauté internationale visant à faire face à la détérioration de la situation au Burundi. Le Conseil de sécurité doit appeler toutes les parties concernées au conflit de garantir la sécurité et la protection de la population civile, et en particulier celles des personnes déplacées. De même, la sécurité du personnel humanitaire doit être assurée pour lui permettre d'accéder à la population dans le besoin. Le Canada condamne la politique des déplacements forcés de population vers des camps de regroupement où l'accès humanitaire est restreint. Le Canada appelle au démantèlement de ces camps et, en attendant, à permettre d'assurer l'accès plein et inconditionnel de l'assistance humanitaire à ces camps. La délégation canadienne, appuyant la nomination de M. Nelson Mandela au poste de Facilitateur pour le processus de paix d'Arusha se déclare convaincue que ses efforts seront couronnés de succès.
M. ARNOLDO MANUEL LISTRE (Argentine) a observé que le règlement du conflit au Burundi devra répondre aux aspirations raisonnables de la majorité de la population tout en protégeant les droits et intérêts légitimes de la minorité. La priorité est de mettre fin aux violences et aux attaques contre les civils, a- t-il estimé. Il s'est déclaré préoccupé par la politique de réinstallation forcée du Gouvernement burundais qui est contraire au droit humanitaire international. Cette politique doit cesser le plus rapidement possible et le Gouvernement burundais doit permettre aux organisations humanitaires et des observateurs des droits de l'homme le plein accès aux camps de regroupement. Tant le partenariat politique interne que le processus d'Arusha constituent des forums de négociation et de dialogue doivent être préservés et approfondis. Le processus d'Arusha doit tenir compte de la situation sur le terrain et être ouvert à la participation de tous les groupes et de tous les secteurs, sans exclusion d'aucune sorte. Il faut en outre que les parties fassent preuve de bonne foi et d'un esprit de compromis.
La situation économique et sociale au Burundi n'est pas étrangère au climat de tension qui prévaut dans le pays, a estimé le représentant. Malgré la levée des sanctions régionales, l'an dernier, le Burundi n'a pas retrouvé les marchés perdus et la population n'a pas vu les bénéfices de la paix. Partant, le représentant a engagé la communauté internationale à envisager de renouveler son aide au développement du Burundi, soulignant qu'une telle aide renforcerait par la même occasion le processus d'Arusha. Il a appelé toutes les parties au conflit à respecter le statut du personnel humanitaire et du personnel associé, appelant à ce que les responsables de l'assassinat en octobre dernier d'agents de l'UNICEF et du PAM soient traduits en justice.
Soulignant l'importance du contexte régional, il a appuyé la proposition de la France d'organiser lorsque les circonstances le permettront une réunion régionale des Grands Lacs sous les auspices de l'OUA et des Nations Unies.
M. ALAIN DEJAMMET (France) a déclaré que les mots que l'on prononce ne sont ni de convenance ni de circonstance. Tout a changé avec l'arrivée du Président Mandela grâce à son énergie, la volonté, le sens de la démocratie car ce qui est indispensable au Burundi est la réconciliation nationale. Le représentant a souligné la nécessité de faire participer tous les acteurs politiques au processus de paix d'Arusha. La France déplore la reprise des violations des droits de l'homme et la recrudescence de la violence, en particulier les attaques perpétrées contre la population civile et le personnel humanitaire. En outre, la France déplore les regroupements de population et appelle donc à leur cessation. Les dirigeants au Burundi doivent faciliter l'accès à l'assistance humanitaire. Il faut mobiliser les efforts d'aide de tous pour reconstruire le pays. Le processus de paix d'Arusha et le processus de paix de Lusaka doivent être complémentaires pour garantir une paix stable dans l'ensemble de la région des Grands Lacs.
M. SHEN GUOFANG (Chine) a appuyé les efforts de médiation du Président Mandela, se déclarant confiant qu'il apportera une nouvelle vitalité au processus d'Arusha. Il a engagé le Conseil à examiner plus avant les propositions avancées par M. Mandela en vue du règlement du conflit, tout en soulignant qu'au bout du compte, la paix dépend exclusivement des parties burundaises. Un règlement politique par la négociation est la seule façon de mettre un terme définitif au conflit, a-t-il affirmé. Il a lancé un appel aux différentes factions pour qu'elles tiennent compte des intérêts fondamentaux de la population, qu'elles mettent immédiatement fin aux hostilités et qu'elles participent pleinement au processus de paix d'Arusha. Soulignant les liens entre la paix et la sécurité et entre la paix et la situation économique du pays, il a estimé que sans l'élimination totale de la pauvreté, il serait difficile de réaliser et de maintenir la paix au Burundi. C'est pourquoi, les bailleurs de fonds doivent intensifier leur aide au Burundi. Pour sa part, la Chine continuera de fournir une aide à la mesure de ses moyens. Vu les liens entre le conflit au Burundi et la situation dans l'ensemble de la région, la communauté internationale doit s'engager à résoudre le conflit dans les Grands Lacs dans son ensemble. C'est pourquoi, la Chine appuie la convocation d'une réunion régionale à laquelle la communauté internationale doit fournir un appui financier et une soutien en ressources humaines. Il a appuyé le projet de résolution soumis au Conseil.
M. JEREMY GREENSTOCK (Royaume-Uni) a estimé que le Burundi n'entendait pas les appels de la communauté internationale et n'accordait pas la priorité à sa population. La désignation de M. Mandela au poste de Facilitateur pour le processus de paix d'Arusha est arrivé à point nommé. Il faut insister auprès de toutes les parties au conflit pour que la protection des droits de l'homme et la sécurité de tous les Burundais soient garanties. M. Mandela exercera toute son influence pour faire pression sur les dirigeants. Pour parvenir à une situation stable, l'intégration des groupes armés dans les forces de l'armée régulière ne pourra être réalisée que lorsque les perceptions sur le terrain seront claires. Le temps n'est pas du côté du Burundi. Le règlement politique de la situation au Burundi aura un impact positif non seulement pour la stabilité du pays, mais pour toute la région des Grands Lacs.
MME PATRICIA DURRANT (Jamaïque) a salué les efforts et les progrès accomplis par le Mwalimu Julius Nyerere dans le cadre du processus de paix au Burundi. La Jamaïque appuie le processus de paix d'Arusha et espère que les prochains pourparlers renforceront les mesures visant à parvenir à la paix au Burundi et dans la région tout entière. Elle se félicite des efforts du Gouvernement du Burundi visant à engager un dialogue interne et encourage toutes les parties au conflit à poursuivre les discussions. La Jamaïque est profondément préoccupée par la recrudescence de la violence et la sécurité au Burundi. De l'avis de la délégation jamaïcaine, la crise au Burundi est étroitement liée à la situation dans la région des Grands Lacs. En même temps, on ne peut ignorer le fait que les événements dans la région ont également un impact sur la situation au Burundi et en exacerbent la complexité. C'est pourquoi, nous devons tous agir de manière décisive et régler rapidement cette crise, a souligné Mme Durrant. Concernant la situation humanitaire, la Jamaïque se dit très préoccupée par la recrudescence de la violence, et, en particulier, les attaques perpétrées contre la population civile et le personnel humanitaire. Son pays appuie la nécessité d'établir un dialogue entre le Conseil de sécurité et les parties au processus de paix d'Arusha. Mme Durrant a également souligné la nécessité de faire participer toutes les parties aux négociations pour garantir le succès du processus de paix.
M. MARTIN ANDJABA (Namibie) la situation au Burundi est à une étape particulièrement délicate et des actes de violence sont perpétrés par toutes les parties au conflit contre des civils. La politique des regroupements forcés ne fait qu'entraîner de nouvelles divisions au sein de la population ainsi qu'une nouvelle escalade de la violence et une aggravation de la situation humanitaire. La Namibie condamne cette politique et exhorte le Gouvernement à y mettre fin et à assurer le retour de toutes ces personnes dans leur foyer. Le processus d'Arusha constitue la meilleure option pour assurer une paix durable au Burundi. A cet égard, la participation de toutes les parties burundaises est essentielle. Partant, la Namibie les appelle à cesser les hostilités et à participer de manière constructive aux négociations afin de mettre fin au carnage. Seul le peuple du Burundi, avec l'assistance de la communauté internationale, peut apporter une paix durable au pays. Le processus de paix doit donc bénéficier d'une aide soutenue.
Qui mieux que le Président Mandela peut rendre vie au processus de paix au Burundi, puisqu'il connaît, de par son histoire et celle de son pays, les politiques d'exclusion et les divisions ethniques, a poursuivi le représentant. Il vient, en outre, d'un pays dont les dirigeants ont prouvé qu'il est possible pour un peuple autrefois divisé selon des lignes raciales ou ethniques de vivre ensemble en paix et en harmonie. Le représentant a, en conclusion, réitéré son appui aux efforts du Président Mandela et lui a souhaité plein succès.
M. VOLODYMYR YEL'CHENKO (Ukraine) a fait sienne l'évaluation de la situation actuelle au Burundi qui est réellement tragique et exige une action urgente de la part de la communauté internationale. Sa délégation se félicite de l'initiative prise par le Conseil de sécurité de tenir sa présente actuelle sur la situation au Burundi. L'appui du Conseil de sécurité pour relancer le processus de paix d'Arusha fait preuve de l'engagement en faveur de la paix au Burundi et dans toute la région. La délégation ukrainienne appelle toutes les parties au Burundi à assurer la sécurité et l'accès inconditionnel à l'assistance humanitaire et à garantir la sécurité et la protection du personnel humanitaire sur le territoire burundais. Toutefois, a souligné M. Yel'chenko, il incombe, en premier lieu, au peuple burundais lui-même de garantir le succès du processus de paix.
M. AGAM HASMY (Malaisie) s'est associé aux remarques faites par le Secrétaire général et par d'autres délégations avant lui. Il a souligné l'importance du partenariat politique interne et du processus de paix d'Arusha, estimant que ce processus constitue le meilleur moyen d'assurer une paix durable au Burundi. Pour en assurer le succès, toutes les parties burundaises doivent pouvoir y participer et il faut veiller à ce que les éléments extérieurs ne parviennent pas à le saper. Le représentant a condamné les actes de violence à l'encontre des civils et engagé les parties à y mettre fin. Il s'est déclaré préoccupé par la politique de regroupement de population du Gouvernement burundais et a souhaité que cette politique ne représente que des mesures temporaires qui seront suspendues rapidement. Il a engagé le Gouvernement burundais à garantir l'accès sans entrave et en toute sécurité du personnel humanitaire aux camps de regroupements. Vu la situation, la communauté internationale, les donateurs et les agences de secours doivent poursuivre leur assistance, car d'autres déplacements auraient des effets sur la paix et la sécurité dans la région tout entière. La situation sociale et économique difficile qui prévaut dans le pays doit être prise en considération, a-t-il souligné. La suspension de l'embargo n'a, en effet, pas eu les conséquences attendues. C'est pourquoi, le Burundi a besoin d'une aide économique et au développement substantielle. La situation au Burundi a des effets sur la région et l'inverse est vrai aussi. Mettre fin au conflit est la responsabilité de la population burundaise et surtout de ses dirigeants. La Malaisie les appelle instamment à accorder tout leur soutien au Président Mandela et aux efforts qu'il déploie. Il a souhaité, pour sa part, plein succès au nouveau Facilitateur.
M. PETER VAN WALSUM (Pays-Bas) s'est déclaré profondément préoccupé par la recrudescence de la violence au Burundi. Il a indiqué que son pays versera une contribution supplémentaire de 250 000 dollars aux efforts de paix au Burundi. Sa délégation appuie la nomination de M. Mandela au poste de Facilitateur pour le processus de paix d'Arusha. Les Pays-Bas sont convaincus que M. Mandela accomplira avec succès son mandat. M. Van Walsum a souhaité que les auteurs des actes de violence perpétrés contre des agents de l'UNICEF et du Programme alimentaire mondial soient traduits en justice.
M. ANWARUL KARIM CHOWDHURY (Bangladesh) a estimé que M. Mandela était le successeur le plus approprié du Mwalimu Julius Nyerere. Souscrivant aux observations faites par le Secrétaire général, il a appuyé sans réserve le processus de paix d'Arusha et les efforts du nouveau Facilitateur. Une solution juste est possible rapidement, a-t-il estimé. Il a engagé les parties à faire preuve de persévérance dans la recherche d'un règlement politique et a demandé aux groupes qui ne participent pas encore au processus d'Arusha de se joindre au processus de paix. Il s'est félicité de l'esprit pacifique de la réunion d'Arusha le 16 janvier dernier. Pour assurer le succès du processus de paix, il faudra gagner la participation de toutes les parties. A cet égard, il a souligné l'importance du respect du droit humanitaire international et des droits de l'homme. Le Gouvernement doit permettre au personnel humanitaire d'avoir accès aux personnes qui en ont besoin. Les observateurs des droits de l'homme doivent également se voir assurer une liberté de mouvement en toute sécurité. La tragédie du Burundi repose, entre autre, sur la situation économique du pays, a encore souligné le représentant. C'est là que les Nations Unies et la communauté internationale devront intervenir avec efficacité dès que la situation le permettra, a-t-il conclu.
M. SERGEI LAVROV (Fédération de Russie) s'est déclaré convaincu que grâce à M. Mandela, le nouveau Facilitateur pour le processus de paix d'Arusha, on sortira de l'impasse. Sa délégation condamne fermement les violences perpétrées contre la population civile à Bujumbura et dans d'autres villes. Soulignant qu'il incombe en premier lieu aux Burundais eux-mêmes de garantir le succès du processus de paix, M. Lavrov a estimé indispensable que la communauté internationale apporte son appui à ces efforts.
M. RICHARD HOLBROOKE (Etats-Unis) a déclaré que les Etats- Unis étaient très préoccupés par la tragédie humaine qui se déroule au Burundi. Il a souligné l'urgence de la situation. Ce conflit menace non seulement de déstabiliser davantage la région des Grands Lacs, mais aussi d'empoisonner les promesses pour toute l'Afrique. Le Burundi est un pays mais les ramifications de la crise actuelle sont énormes, tant du point de vue des souffrances humaines que de son potentiel de saper la "renaissance africaine". Ce que nous recherchons pour le Burundi, comme pour tous les conflits en Afrique,
c'est une paix fondée sur la réconciliation nationale. Le Président Mandela personnifie cette vision, a souligné M. Holbrooke. Il a estimé que les efforts réalisés par le Mwalimu Nyerere dans le cadre du processus d'Arusha, pouvaient aujourd'hui être revitalisés sous le leadership du Président Mandela.
Les Etats-Unis condamnent la politique de regroupement forcé du Gouvernement burundais dans la région de Bujumbura. 350 000 Burundais sont obligés aujourd'hui de vivre dans ces camps de fortune. Tout en assurant comprendre la complexité du conflit et les justifications concernant la politique de regroupement, il a engagé le Gouvernement burundais à assumer ses responsabilités au titre du droit humanitaire international et des droits de l'homme, à prendre les mesures nécessaires pour soulager cette situation intenable et à permettre l'accès sans entrave à ces camps au personnel humanitaire. Il s'est félicité de l'annonce faite hier par le Gouvernement du Burundi de son intention de revoir sa politique et de démanteler les camps, mais a jugé cela insuffisant. Le représentant a condamné les attaques contre des civils innocents et appelé à ce que soit mis fin à la culture de l'impunité. Enfin, il a engagé la communauté internationale à appuyer le processus d'Arusha. La résolution soumise au Conseil constitue une première étape en ce sens, a-t-il souligné. M. Holbrooke a annoncé que les Etats-Unis étaient prêts à jouer leur rôle et à fournir 500 000 dollars de plus pour aider à faciliter le processus de paix. Si l'engagement ferme des parties est vital, aucun accord ne sera durable sans l'engagement continue de la communauté internationale, a-t-il conclu.
Déclaration du Burundi
M. SEVERIN NTAHOMVUKIYE, Ministre des relations extérieures et de la coopération du Burundi, a réfuté les allégations selon lesquelles le regroupement de personnes dans des camps s'inscrit dans une logique d'épuration ethnique ou de toute autre violation des droits de l'homme. C'est de la "pure propagande anti- gouvernementale et de la désinformation", a-t-il ajouté, tout en affirmant qu'aucune sélectivité n'a été le critère pour procéder à ce regroupement de personnes dans cette province qui est composée d'une population mixte, Hutus et Tutsis, comme toutes les autres régions du pays, dans les mêmes proportions. L'unique logique suivie dans cette opération relève de la sécurité. Il faut prévenir un péril national, d'une part, et éviter que la population ne soit prise dans l'étau écrasant des affrontements entre l'armée et la rébellion qui s'en sert comme vivier et bouclier humain. Actuellement, le gouvernement fait le bilan de la situation en matière de sécurité dans la province de Bujumbura Rural, trois mois après l'opération de regroupement. Le démantèlement sera fait en toute transparence, en présence d'observateurs nationaux et internationaux. Pour des raisons de sécurité nationale, les camps périphériques de la capitale devraient être fermés les derniers, soit après la disparition du spectre de la
déstabilisation. En attendant, le Gouvernement, avec l'assistance des organisations humanitaires, fait tout ce qui est en son pouvoir pour subvenir aux besoins essentiels de santé, de nutrition et d'abri des populations regroupées.
La solution réelle et définitive se trouve dans l'arrêt de la guerre. La communauté internationale et régionale sont ici interpellées, du fait que la rébellion est non seulement interne mais qu'elle a aussi et surtout pris racine dans les pays voisins. La victoire militaire, d'où qu'elle vienne, n'apportera pas une paix durable au Burundi. Le Gouvernement du Burundi se réjouit de la désignation du Président Mandela comme Facilitateur du processus de paix d'Arusha. Le Gouvernement du Burundi a confiance dans la maîtrise du dossier par le nouveau Facilitateur dont la stature est de nature à rassembler enfin les Burundais autour de l'intérêt national bien compris et à promouvoir la solidarité internationale. C'est pourquoi, le Burundi demande à toute la communauté internationale de lui fournir un soutien sans faille.
Remarques de clôture
Concluant la réunion, le Secrétaire général des Nations Unies, M. KOFI ANNAN, a remercié le Président du Conseil de sécurité d'avoir attiré l'attention de la communauté internationale sur la situation au Burundi et d'avoir invité le Président Mandela à participer au débat. On a ainsi fait la preuve que le Conseil et la communauté internationales sont disposer à travailler avec la population du Burundi et ses dirigeants et que si ces derniers voudraient travailler honnêtement avec le Facilitateur, le Conseil et la communauté internationale seront à leurs côtés. Le Secrétaire général a souhaité pouvoir faire état de progrès importants dans le processus de paix lors des prochaines réunions.
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