En cours au Siège de l'ONU

CS/1130

LE CONSEIL EXAMINE LES CONDITIONS PREALABLES AU DEPLOIEMENT D'UNE FORCE DE MAINTIEN DE LA PAIX EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

16 décembre 1999


Communiqué de Presse
CS/1130


LE CONSEIL EXAMINE LES CONDITIONS PREALABLES AU DEPLOIEMENT D'UNE FORCE DE MAINTIEN DE LA PAIX EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

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A la lumière des difficultés rencontrées dans la collecte d'informations nécessaires à l'élaboration d'un concept d'opération de maintien de la paix en République démocratique du Congo, le Département des opérations de maintien de la paix n'est pas en mesure de présenter des recommandations au Conseil de sécurité, a déclaré, ce matin, le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Bernard Miyet, au cours de la réunion d'information que le Conseil de sécurité a tenue sur la situation concernant la République démocratique du Congo, sous la présidence du Ministre d'Etat aux affaires étrangères et aux affaires du Commonwealth du Royaume-Uni.

M. Miyet a fait part des activités des 62 officiers militaires de liaison qui composent pour l'instant la Mission de l'ONU en République démocratique du Congo (MONUC), du Représentant spécial du Secrétaire général et de la Commission militaire mixte prévue par l'Accord de Lusaka. M. Miyet a constaté une détérioration grave de la situation militaire et sécuritaire dans le pays qui a empêché l'évaluation des conditions de sécurité, d'accès et de liberté de mouvement préalable à un éventuel déploiement d'une mission de l'ONU. Le caractère complexe du conflit en RDC a été souligné par toutes les délégations. Ainsi le représentant des Etats-Unis a expliqué que la réticence de son pays à dépêcher immédiatement une mission tient à la nécessité de ne pas répéter les erreurs "des missions précipitées".

Qualifié d'"épreuve du feu de l'ONU" par le Brésil, le déploiement d'une mission a recueilli le consensus des membres du Conseil de sécurité dont certains ont mis l'accent, compte tenu de la complexité de la situation, sur la nécessité de clarifier au préalable le mandat, la taille et le coût d'une telle opération. La France, rejointe notamment par les délégations africaines, a estimé qu'il faut reconnaître que par le passé, le Conseil n'a pas hésité à déployer des missions dans des situations tout aussi complexes. La France a attiré l'attention sur les progrès réalisés depuis la signature de l'Accord de paix dit Accord de Lusaka, qui a été qualifié, par l'ensemble des délégations, d'instrument le plus valable de rétablissement de la paix dans la région. Des délégations, tels le Royaume-Uni et les Etats-Unis, sont restées plus fermes et ont conditionné le déploiement d'une force au cessez-le-feu, au

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consentement de tous les gouvernements concernés et à un engagement en faveur d'un processus politique viable sur les questions de sécurité interne et externe. Un consensus s'est dégagé sur la nécessité de convoquer une conférence internationale sur la région des Grands Lacs parce que, a précisé la France, il est temps que les Chefs d'Etat de la région se rencontrent pour discuter des questions de sécurité mais aussi de la situation des minorités ethniques qui constitue l'une des causes des conflits en Afrique.

Les représentants des pays suivants ont pris la parole: Etats-Unis, Pays-Bas, Gambie, Argentine, Malaisie, Canada, France, Bahreïn, Chine, Namibie, Brésil, Royaume-Uni, Gabon, Slovénie et Fédération de Russie.

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LA SITUATION CONCERNANT LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

Déclaration du Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix

M. BERNARD MIYET a indiqué que la situation militaire et sécuritaire en République démocratique du Congo s'est gravement détériorée depuis la dernière réunion d'information que le Conseil a tenue le 18 novembre dernier. Le Gouvernement congolais a lancé une offensive depuis la ville de Mbandaka contre le territoire contrôlé par le MLC dans la province de l'Equateur. Cette offensive a suscité une contre-attaque du MLC qui accuse aussi le Gouvernement congolais d'avoir bombardé aux tirs de mortier les villes de Makanza et de Libanda et d'avoir lancé des attaques aériennes sur la ville de Basankusu les 2, 3, 5 et 9 décembre. Le MLC a également indiqué que le Gouvernement a concentré une brigade à Lulonga avec pour objectif de récupérer la ville de Basankusu. Dans le même temps, un groupe de près de 700 soldats composés de troupes congolaises, zimbabweénnes et namibiennes a été encerclé à Ikela par les rebelles et leurs alliés. Un accord a été conclu entre le RCD-Goma et les forces du Zimbabwe qui stipule que si les activités militaires visant à porter secours aux troupes encerclées cessent et que les troupes se retirent de Boende, le RCD-Goma permettra aux forces présentes à Ikela d'approcher les troupes avec du matériel non offensif que la Commission militaire mixte devra vérifier. La MONUC travaille étroitement avec la Commission militaire mixte sur la mise en oeuvre de cet accord.

D'autres affrontements ont eu lieu dans le sud-est du pays et l'on a craint une attaque importante à Bukavu et à Urivra par les forces dites négatives, non parties à l'Accord de cessez-le- feu. Elles incluent les anciennes forces gouvernementales rwandaises et les milices Interahamwe ainsi que des extrémistes burundais. Le 11 décembre, le Représentant spécial du Secrétaire général, M. Kamel Morjane, est arrivé à Kinshasa. Il a rencontré le Président Kabila et le Ministre congolais des affaires étrangères ainsi que l'Ambassadeur des Etats-Unis durant sa visite à Kinshasa. La MONUC a déployé 62 des 90 officiers de liaison autorisés par le Conseil de sécurité. Outre Kinshasa, siège militaire des Nations Unies, ils sont situés dans les capitales des Etats belligérants, à Addis Abeba et à Bujumbura. Les équipes de liaison ont été déployées à Goma, à Kananga et à Gbadolite et un autre déploiement est prévu à Kindu cette semaine. Toutefois, le RCD doit encore donner son accord pour permettre le déploiement d'une autre équipe à Kisangani. Le RCD insiste pour que le Gouvernement accepte d'abord un déploiement plus avant de la MONUC dans les régions qu'il contrôle.

En l'absence d'information, il ne sera pas possible d'évaluer les conditions de sécurité, d'accès et de liberté de mouvement et la coopération des parties. Il ne sera pas possible non plus de développer un concept détaillé et complet des opérations afin de les soumettre au Conseil. Pour le moment, la MONUC aide la Commission miliaire mixte par le déploiement de

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commissions régionales mixtes à Lisala, à Boende et à Kavinda. Une autre équipe est prévue à Kabalo. Les Commissions régionales sont accompagnées par des observateurs de l'OUA. Au cours de sa troisième session tenue la première semaine de décembre à Harare, la Commission militaire mixte a reçu des informations sur le désengagement des troupes, les besoins humanitaires et le retrait des forces étrangères. La Commission militaire mixte a accepté que le Gouvernement zambien forme un groupe de médiation comprenant des représentants de la MONUC, de l'OUA, de la République démocratique du Congo et de la RCD pour parvenir au désengagement des forces autour d'Ikela. Le 15 décembre, le Secrétaire général de l'OUA a annoncé que les représentants du Gouvernement de la République démocratique du Congo et des trois groupes rebelles se sont mis d'accord pour désigner M. Ketumile Masire, l'Ancien Président du Botswana, facilitateur pour des négociations politiques intercongolaises.

A la lumière des difficultés rencontrées dans la collecte d'informations nécessaires au développement d'un concept d'opérations, le Secrétariat n'est pas en mesure de soumettre des recommandations au Conseil de sécurité. Il entend présenter un rapport sur la situation en République démocratique du Congo à la mi-janvier. Entre-temps, des mesures doivent être prises pour pouvoir prévenir la dégradation de la situation, tâche qui incombe au premier chef aux parties elles-mêmes. Un lancement rapide du dialogue national serait une étape importante du règlement de la crise. Le Gouvernement et les parties doivent réaffirmer leur pleine coopération à la MONUC et adhérer strictement à l'Accord de cessez-le-feu de Lusaka.

Commentaires et questions

M. RICHARD HOLBROOKE (Etats-Unis), rappelant qu'il revient tout juste d'Afrique, a souligné que l'on ne peut admettre que la tragédie qui a frappé le Rwanda se reproduise. Il faut reconnaître que l'Accord de Lusaka est largement foulé aux pieds et violé. Il est très heureux que la nomination du Représentant spécial du Secrétaire général contribuera au respect de cet Accord. Les Etats-Unis reconnaissent qu'ils ont retardé les efforts déployés par les Nations Unies mais ils l'ont fait délibérément, en souhaitant que la mission qui sera mise en place soit efficace. La situation en République démocratique du Congo est plus complexe que celle du Kosovo ou du Timor oriental. Au mois de janvier, les Etats-Unis qui assureront la présidence du Conseil de sécurité s'engagent à accorder la priorité aux questions liées à l'Afrique. M. Holbrooke a estimé qu'au cours des six prochaines semaines, le Conseil de sécurité pourra oeuvrer de manière efficace pour prendre des mesures efficaces dans ce domaine.

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M. PETER VAN WALSUM (Pays-Bas) a observé que le problème congolais devra être perçu sous deux optiques différentes concernant la République démocratique du Congo. La première est caractérisée par la complexité du conflit. La deuxième établit un lien simple entre la cause et l'effet du génocide rwandais et du chaos actuel en RDC. Les délégations membres au sein du Conseil qui blâment les autres délégations de traîner les pieds tendent à voir les choses de manière simple et d'envisager donc des solutions simples. La délégation néerlandaise ne se rallie pas à ce groupe. On ne peut considérer la situation en RDC comme une situation simple. Les auteurs de l'Accord de Lusaka sont conscients de la complexité de la situation. L'Accord de Lusaka ne peut constituer que la seule solution viable. Si cet Accord doit servir de test, il incombe en premier lieu à ceux qui l'ont signé de le respecter. Si les parties à l'Accord elles-mêmes ne respectent pas leurs engagements, le Conseil de sécurité ne peut rien faire. Toutefois, on peut encore espérer et on peut agir sur la base d'une nouvelle résolution, mais le Conseil a lancé un avertissement sévère. Si la délégation des Pays-Bas s'est exprimée à deux reprises dans le cadre du débat tenu hier par le Conseil de sécurité, c'était pour prier instamment les délégations africaines de ne pas se leurrer. Est-ce qu'il y a vraiment quelqu'un qui croit vraiment que l'Accord de Lusaka a été respecté par toutes les parties concernées au cours des trois premiers mois de son existence et qu'il n'a été abandonné que parce que le Conseil n'a pas agi. M. Van Walsum a estimé qu'un pays qui contribue activement aux efforts de paix en Afrique et dans d'autres régions du monde doit être sérieusement entendu lorsqu'il essaie d'expliquer pourquoi il éprouve des doutes sur la participation militaire qui est demandée au Conseil. M. BABOUCARR-BLAISE ISMAILA JAGNE (Gambie) a renouvelé son appel aux parties au conflit en République démocratique du Congo pour qu'elles respectent l'Accord de cessez-le-feu et aient recours à la Commission militaire mixte. Le conflit, a insisté le représentant, ne peut s'arrêter sans l'engagement ferme de toutes les parties concernées. Pour lui, l'Accord de Lusaka est l'instrument le plus viable pour la paix en République démocratique du Congo. Le Conseil doit avancer rapidement pour maintenir l'élan de cet Accord, a dit le représentant en reprochant au Conseil d'attendre trop longtemps avant de faire ce qu'il faut. Le représentant a salué le rôle joué par l'Ambassadeur des Etats-Unis et émis l'espoir que l'ancien Président du Botswana acceptera le poste de facilitateur des négociations politiques intercongolaises. Il a souhaité que le Conseil garde à l'esprit ses obligations et respecte ses promesses. Il ne s'agit pas, a dit le représentant, de demander au Conseil de faire l'impossible mais de l'exhorter à aborder chaque problème avec le même zèle et le même enthousiasme. Personne ne prétend que la situation en République démocratique du Congo est simple mais elle est suffisamment mauvaise pour exiger une action rapide. L'Afrique a besoin du partenariat du Conseil qui a d'ailleurs lancé des signaux positifs et encourageants. L'Afrique vous regarde et continue d'espérer que le Conseil ne l'abandonnera pas, a conclu le représentant.

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M. FERNANDO PETRELLA (Argentine) a noté avec regret que des violations flagrantes persistent en République démocratique du Congo, en dépit de l'Accord de Lusaka. Il est essentiel de trouver une solution pacifique et démocratique - et non pas militaire - au conflit qui a déchiré le pays. Sa délégation se dit convaincue que les Nations Unies peuvent jouer un rôle crucial dans l'instauration de la paix en Afrique, et en particulier en RDC. La sécurité du personnel de maintien de la paix des Nations Unies doit être garantie avant l'envoi de toute mission de maintien de la paix. En même temps, il est indéniable que la souveraineté nationale et l'intégrité territoriale de la RDC doivent être respectées.

M. AGAM HASMY (Malaisie) a estimé que la situation en République démocratique du Congo constitue un défi pour l'Organisation, compte tenu de la complexité du conflit et de la taille du pays. Nous devons donc nous préparer à créer une mission de maintien de la paix en RDC qui pourrait bien être l'opération la plus importante dans l'histoire des Nations Unies. Néanmoins, pour réussir, cette mission devra reposer sur des ressources financières et sur une logistique appropriées de la part de la communauté internationale. Dans ce contexte, a ajouté le représentant, nous soutenons l'envoi d'une mission d'observation en RDC. La résolution 1279 du Conseil devrait permettre au Secrétariat d'anticiper un tel déploiement au début de l'année 2000. Nous attendons avec impatience le rapport de l'équipe d'évaluation technique dont les recommandations auront un poids décisif sur toute décision relative au déploiement éventuel d'observateurs.

L'Accord de paix de Lusaka est un élément essentiel du processus de restauration de la paix et de la stabilité en RDC et dans la région des Grands Lacs dans son ensemble. Nous prenons note cependant avec préoccupation des récentes violations du cessez-le-feu dans certaines zones du pays. Il est impératif que les parties assument leurs responsabilités en vertu de l'Accord de paix et aident la communauté internationale à jouer son rôle de soutien au processus de paix. Nous soutenons fermement la décision de l'OUA de nommer l'ancien Président du Botswana, M. Ketumile Masire, comme médiateur dans cette crise et la récente nomination de M. Kamel Morjane comme le Représentant spécial du Secrétaire général en RDC.

M. ROBERT FOWLER (Canada) s'est déclaré préoccupé par les importantes violations du cessez-le-feu en République démocratique du Congo qui, selon lui, montrent que les conditions nécessaires pour le déploiement d'une mission de paix des Nations Unies ne sont pas encore réunies. Il a appelé le Conseil à appuyer les termes de l'Accord de Lusaka dès que les parties feront part de leur volonté de le respecter, accord qui appelle à un accès sans entrave du personnel humanitaire sur les lieux qui couvrent leurs activités.

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M. ALAIN DEJAMMET (France) a attiré l'attention sur le rapport du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) concernant les violations flagrantes commises en République démocratique du Congo (RDC) et, à cet égard, a estimé que les membres du Conseil de sécurité sont des témoins silencieux de ces atrocités. Il s'est interrogé sur ce qui peut être immédiatement accompli pour répondre aux exigences d'une telle situation. La délégation française estime que le Conseil de sécurité doit disposer de la part du Secrétariat d'un rapport sur le concept de l'opération qui sera mise en oeuvre et déployée en RDC. Ce rapport permettra au Conseil de sécurité d'assumer son rôle de manière efficace et en toute connaissance de cause. Le représentant a salué la nomination du Représentant spécial du Secrétaire général pour la RDC, M. Kamel Morjane. Est-ce qu'il ne serait pas utile pour la MONUC de profiter de la coopération entre les Nations Unies et l'OUA? La situation en République centrafricaine était, il y a quatre ans, moins grave que celle qui sévit actuellement en RDC, mais en nature elle était tout aussi grave. La MINURCA s'est terminée de manière assez satisfaisante, pour ne pas dire avec succès. En Sierra Leone, les Accords de Lomé ne sont pas respectés et pourtant les Nations Unies y ont déployé 6 000 hommes. On ne doit pas perdre espoir et il faut continuer de garder à l'esprit les expériences plus heureuses des Nations Unies. M. Dejammet s'est félicité du programme de travail proposé par les Etats- Unis, lorsqu'ils présideront le mois prochain le Conseil et a émis l'espoir que le Conseil de sécurité sera en mesure d'oeuvrer de manière constructive.

M. JASSIM MOHAMMED BUALLAY (Bahreïn) a regretté que le processus de paix avance lentement après la signature de l'Accord de Lusaka. Il a noté une réticence des Nations Unies à intervenir pour régler le conflit. Le représentant a souhaité que l'ONU soit présente sur le terrain pour que la paix durable règne enfin en République démocratique du Congo. La situation actuelle est dangereuse, a estimé le représentant parce qu'elle porte en elle les germes d'une recrudescence du conflit. Le danger est que la situation perdure comme en Angola. Pourquoi l'ONU hésite-t-elle à intervenir? s'est interrogé le représentant en se demandant aussi jusqu'à quand l'Afrique sera libérée du trafic illicite des armes et de l'exploitation illégale de ses ressources naturelles. Pourquoi la mise en oeuvre du processus de paix est-il si lent? Et pourquoi l'ONU est si réticente à lancer une intervention essentielle pour la paix?

M. CHEN XU (Chine) a estimé que les informations communiquées par M. Holbrooke au retour de sa visite en Afrique ont permis de mieux comprendre les violations des Accords de Lusaka. La situation en matière de sécurité est toujours très incertaine. Le dialogue politique national doit s'engager au plus vite pour garantir l'application efficace de ces Accords et permettre aux Nations Unies de déployer une mission de maintien de la paix. Sa délégation est d'avis qu'il faudrait mettre rapidement en oeuvre la résolution 1269 (1999) et assurer le déploiement rapide des forces de maintien de la paix.

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M. MARTIN ANDJABA (Namibie) a émis l'espoir que le voyage de l'Ambassadeur des Etats-Unis dans la région des Grands Lacs aura des résultats fructueux pour la République démocratique du Congo. Il s'est félicité de la nomination de l'ancien Président du Botswana comme facilitateur des négociations politiques intercongolaises. Le représentant a observé que l'UNITA n'aurait pas pu mener sa guerre pendant si longtemps sans un appui extérieur. La même expérience, a-t-il craint, peut se répéter en République démocratique du Congo. Des informations indiquent déjà que des investisseurs étrangers sont en train de signer des contrats avec les mouvements rebelles, en violation complète de la souveraineté du pays. Le pillage et l'octroi de droits sur les ressources naturelles de la République démocratique du Congo ne peuvent être tolérés, a insisté le représentant.

Le processus de paix est difficile et complexe et les Africains ne se font pas d'illusions. Ils disent seulement que de même que le Conseil a ressenti l'urgence d'une situation dans des cas tout aussi compliqués, il doit de même agir en République démocratique du Congo, a poursuivi le représentant. Le Conseil doit assumer ses responsabilités et les parties au conflit doivent tenir leurs engagements de cessez-le-feu. Le représentant a réitéré l'engagement de son pays en faveur d'une mise en oeuvre complète de l'Accord de Lusaka. Le 12 décembre, a expliqué le représentant, le Président namibien a accueilli à Windhoek un sommet de Chefs d'Etat des pays de la SADC dont le résultat a été transmis au Conseil de sécurité. Ce Sommet s'est félicité de la nomination du Représentant spécial du Secrétaire général et considéré l'état actuel de l'application de l'Accord de paix comme un progrès important, en particulier en ce qui concerne la constitution de la Commission militaire mixte et du déploiement de ses équipes sur le terrain pour vérifier la mise en oeuvre du cessez-le-feu. Ils ont pris acte des violations du cessez-le-feu par les groupes rebelles du RCD-Goma et du MLC. La question aujourd'hui est de savoir si le peuple congolais doit continuer d'être l'otage des responsables du pillage de leurs ressources. Une attente prolongée annihilerait les acquis de l'Accord du cessez-le-feu. Le Conseil de sécurité doit agir au plus vite.

M. GELSON FONSECA (Brésil), faisant référence à la déclaration faite hier par le représentant permanent de l'Afrique du Sud dans le cadre du débat du Conseil de sécurité consacré à la situation en Afrique, a estimé qu'on n'aurait pas pu entendre une intervention aussi éloquente. Comme l'a souligné le représentant de l'Afrique du Sud, le Conseil de sécurité devrait non seulement rechercher une solution à la situation en RDC mais également envisager des mesures en faveur de l'ensemble du continent. Si les Nations Unies échouaient en République démocratique du Congo, les répercussions de cet échec affecteraient sérieusement les autres pays de la région. Il faut faire preuve de réalisme et de prudence mais il ne faut pas non plus perdre de vue que la force de la paix qui sera déployée doit être robuste. Cela pourrait contribuer à régler le problème auquel nous sommes confrontés, a-t-il conclu.

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M. PETER HAIN, Ministre d'Etat aux affaires étrangères et aux affaires du Commonwealth du Royaume-Uni, a estimé que cinq mois après sa signature, l'Accord de Lusaka est arrivé à une jonction critique où, notamment, l'ONU planifie une force de maintien de la paix. Il faut souhaiter, a dit le représentant, que la force soit déployée au plus tôt possible mais seulement quand cela sera possible. Le Conseil doit jouer le rôle qui lui revient pour faire avancer le processus de paix et il peut le faire en fournissant une assistance pratique, a dit le représentant en avançant cinq principes fondamentaux pour son pays. Il a d'abord insisté sur l'importance qu'il y a à ce que toutes les parties honorent leurs obligations en vertu de l'Accord de Lusaka. Il a ensuite souligné la nécessité d'appuyer le cadre de Lusaka et annoncé, dans ce cadre, la contribution de 100 000 livres sterling qui viennent s'ajouter au 50 000 livres déjà versées à la Commission militaire mixte.

Le Ministre a également attiré l'attention sur la contribution de 1,2 million d'euros à la Commission. Il faut aussi, a poursuivi le représentant appuyer le déploiement d'une force efficace des Nations Unies qui doit être conditionné au cessez- le-feu, au consentement de tous les gouvernements concernés et à un engagement en faveur d'un processus politique viable sur les questions de sécurité interne et externe. Il doit également être conditionné à des garanties de sécurité et à la liberté de mouvement du personnel des Nations Unies. Le Conseil doit donner à cette force un mandat qui lui permette de se protéger sur la base de règles solides d'engagement et d'armements adéquats. La Mission doit aussi être en mesure de contrôler le cessez-le-feu, de vérifier le retrait des troupes étrangères et d'enquêter sur les activités militaires des autres groupes armés.

Poursuivant sur les principes fondamentaux, le représentant a appelé à l'élaboration d'un plan de désarmement, de démobilisation et de réinsertion des milices armées dont la présence est la cause principale du conflit actuel. Il faut également traiter de la question de l'exploitation des ressources naturelles de la République démocratique du Congo qui alimente la guerre et être prêt à prendre des mesures pour mettre fin à un tel commerce illégal. Enfin, il faut continuer d'appuyer la convocation d'une conférence internationale sur la région des Grands Lacs pour régler les problèmes sous-jacents de la région. Mais cette conférence ne peut avoir lieu que si les parties appliquent les éléments principaux de l'Accord de Lusaka, a conclu le représentant.

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M. DENIS DANGUE REWAKA (Gabon) a réitéré la gratitude de sa délégation au Royaume-Uni pour la tenue de la série de réunions sur la situation en Afrique. Le Gabon se félicite de la nomination hier du facilitateur pour les pourparlers sur la RDC. Le Conseil de sécurité se doit d'agir rapidement pour éviter que les parties ne puissent recourir à des moyens militaires pour régler le conflit. La délégation gabonaise estime que le Conseil de sécurité doit se concentrer sur les moyens qui lui permettent de régler de manière pacifique le conflit et non pas s'attarder à constater les difficultés. L'Afrique ne peut davantage s'accommoder des paroles exprimées par le Conseil. Elle attend des actions concrètes et rapides visant à mettre en oeuvre les Accords de Lusaka.

Mme IRENA MERNIK (Slovénie) a noté avec satisfaction qu'après une année, les membres du Conseil de sécurité ont été en mesure d'examiner de manière approfondie la situation en République démocratique du Congo. La mise en oeuvre des Accords de Lusaka, avec l'étroite coopération de l'OUA et de la Commission militaire mixte, est indispensable pour rétablir la paix et la sécurité dans le pays. Les membres du Conseil ont évoqué à plusieurs reprises la tenue d'une conférence internationale - sous les auspices de l'ONU et de l'OUA - sur la situation en RDC. A cet égard, la représentante a insisté sur la situation humanitaire dans le pays et des mesures urgentes que la communauté internationale devra prendre.

M. SERGEY LAVROV (Fédération de Russie) a fait remarquer que personne ne rejette le fait que les parties sont tenues de respecter les Accords de Lusaka. La résolution 1279 (1999) jette les bases du déploiement d'une mission militaire des Nations Unies en RDC. Le Groupe technique n'a pu malheureusement s'acquitter de son mandat. A cet égard, M. Lavrov a émis l'espoir que le Conseil de sécurité prendra les mesures nécessaires. La Fédération de Russie a estimé qu'il faudrait tirer les leçons des expériences des Nations Unies en Somalie et à Srebrenica. Il est essentiel que les contingents déployés devront être payés. Le fait que la Somalie a été une erreur n'exonère pas les Nations Unies de leurs obligations à l'égard des pays fournisseurs de contingents. Sa délégation appuie l'appel à la tenue d'un dialogue politique national dans les meilleurs délais. Le consensus des Etats participant à la conférence internationale sur la situation en RDC est également indispensable sur les questions liées à la stabilité dans la région.

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Reprenant la parole, le représentant des Etats-Unis s'est dit impressionné par la nature de la discussion que le Conseil tient aujourd'hui. Il a attiré l'attention sur le consensus qui semble se dégager sur le déploiement d'une mission de la paix en République démocratique du Congo en déclarant que son pays appuie fermement cette idée. La question n'est pas de savoir s'il faut appuyer une opération de maintien de la paix mais quand et comment, a dit le représentant en se félicitant que le message envoyé au Secrétariat est celui de savoir avec précision le mandat, la taille et le coût de l'opération. Il a invité le Département des opérations de maintien de la paix à continuer ses négociations avec les pays concernés et les pays tiers intéressés.

Le représentant des Pays-Bas a souscrit à la déclaration du représentant des Etats-Unis sur le concept de l'opération. Il a rappelé que son pays à allouer une somme de 200 000 dollars au fonctionnement de la Commission militaire mixte. Il a demandé à la Commission d'augmenter la fréquence de ses réunions.

Le représentant de la France a marqué sa préférence pour le terme de "clarification" de l'opération en République démocratique du Congo, terme, a-t-il dit, qui doit aussi s'appliquer à "d'autres entreprises concernant d'autres situations délicates dans d'autres régions du monde". En dehors du consensus sur la possibilité de créer une opération de maintien de la paix, le représentant a noté l'appui vigoureux qu'a reçu une autre idée, celle de la convocation d'une conférence internationale sur les Grands Lacs sous les auspices de l'ONU et de l'OUA. La question est d'importance, a insisté le représentant, puisqu'il y a quelque temps encore, l'on pouvait constater moins de conviction dans l'appui à cette idée. Chacun sait pourtant que les dirigeants de cette région doivent se réunir pour parler des questions de sécurité mais aussi de la situation des minorités à l'origine des conflits. L'idée de cette conférence, a dit le représentant, doit être un objectif moteur des travaux du Conseil. Il a invité le futur président du Conseil, le représentant des Etats-Unis, à y réfléchir. Revenant au terme de "mois de l'Afrique", promis par M. Holbrooke pour le mois de janvier, le représentant a déclaré que le Conseil n'avait pas besoin de formule médiatique mais de maintenir l'Afrique au centre de ses préoccupations.

Répondant aux observations formulées par les délégations, M. MIYET a demandé si les questions posées par le Bahreïn s'adressaient directement au Conseil ou plutôt au Secrétariat. Il a précisé qu'un plan en trois phases a été proposé à la suite de la signature des Accords de Lusaka. Le Secrétariat a été parfois critiqué pour avoir anticipé certaines mesures, notamment l'envoi d'observateurs militaires. L'équipe d'assistance technique a été présente à Kinshasa depuis des mois et le Secrétariat oeuvre activement pour s'acquitter de sa tâche. La Commission militaire conjointe devrait être

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établie d'ici le 20 décembre. A cet égard, la France a apporté une contribution financière importante. Il est nécessaire de mettre en oeuvre, le plus vite possible, les phases du plan pour en garantir l'efficacité. Le Secrétariat estime qu'il n'y a pas de confusion. Toutes les conditions nécessaires pour l'efficacité de la Force sont prises en compte. Il ne suffit pas d'adopter une décision mais également de disposer des ressources et des moyens nécessaires à la mise en place de la Force.

Faisant référence à la Commission militaire mixte, M. Miyet a estimé que la mise en place d'une structure permanente est essentielle pour comprendre à la fois les intentions des parties concernées mais également celles des Nations Unies. La Commission militaire mixte est un organe qui dépend de l'OUA et non pas de la MONUC. Cependant, les Nations Unies solliciteront auprès de l'OUA un accord. Il est nécessaire d'avoir une idée très claire du mandat de la Commission sur le terrain. La troisième phase vise à déployer sur le terrain une mission de plus grande envergure. Les Nations Unies souhaitent coopérer davantage avec le Conseil de sécurité et avec les délégations qui auront un mot à dire et ne se contentent pas d'un compromis.

Le représentant du Royaume-Uni a dit avoir constaté un consensus au sein du Conseil de sécurité sur le fait que la République démocratique du Congo constitue le défi du prochain millénaire pour l'Afrique, la communauté internationale et les Nations Unies. Il a également noté un consensus sur la validité de l'Accord de Lusaka et sur l'importance qu'il y a à ce que les parties s'y conforment. La pertinence de l'Accord réside dans le fait qu'il aborde toutes les questions importantes comme celles de la présence des forces étrangères, le danger posé par les groupes armés des pays voisins de la République démocratique du Congo, et la nécessité du dialogue intercongolais. La nécessité pour les Nations Unies de déployer rapidement une force de maintien de la paix a également été évoquée aujourd'hui, a ajouté le représentant en indiquant qu'un tel déploiement doit être conditionné au respect des parties à leurs obligations, à savoir le cessez-le-feu, le consentement à la présence des Nations Unies, le lancement du dialogue national intercongolais et l'enregistrement de progrès, en ce qui concerne les questions de sécurité. Le message est clair, les Nations Unies et le Conseil de sécurité sont prêts à jouer leur rôle.

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