En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/7232

TRANSCRIPTION DE LA CONFERENCE DE PRESSE DONNEE A GENEVE PAR LE SECRETAIRE GENERAL DE L'ONU A L'OCCASION DU LANCEMENT DES APPELS INTERINSTITUTIONS COMMUNS POUR L'AN 2000

24 novembre 1999


Communiqué de Presse
SG/SM/7232


TRANSCRIPTION DE LA CONFERENCE DE PRESSE DONNEE A GENEVE PAR LE SECRETAIRE GENERAL DE L'ONU A L'OCCASION DU LANCEMENT DES APPELS INTERINSTITUTIONS COMMUNS POUR L'AN 2000

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On trouvera ci–après la transcription de la conférence de presse donnée par le Secrétaire général de l'ONU, M. Kofi Annan, à l'occasion du lancement des appels interinstitutions communs pour l'an 2000 au nom des organisations humanitaires. La Conférence s'est tenue le 23 novembre 1999 à 17 heures, à l'Office des Nations Unies à Genève (Palais des Nations). Le Secrétaire général était accompagné par Mme Sadako Ogata, Haut–Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, et Mme Carolyn McAskie, Coordonnatrice par intérim des secours d'urgence.

Manoel De Almeida e Silva, porte–parole adjoint du Secrétaire général : Je vous remercie de votre présence. Le Secrétaire général de l'ONU a lancé aujourd’hui l'appel de contributions. Il est accompagné par Mme McAskie, Coordonnatrice par intérim des secours d'urgence, et par Mme Sadako Ogata, Haut–Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, qui vient de rentrer d'une mission dans la Fédération de Russie où elle s'était rendue en qualité d'envoyée spéciale du Secrétaire général. Après de brèves observations liminaires, le Secrétaire général répondra à vos questions.

Le Secrétaire général : Merci beaucoup, Manoel. Mesdames et Messieurs, je serai très bref, car vous avez sans doute tous entendu les déclarations faites par les chefs de programmes et de fonds lors du lancement des appels communs dont vous avez le texte. Nous pouvons parler non seulement de ces appels, mais encore de la mission de Mme Ogata dans le nord du Caucase. Comme vous le savez, à l'issue d'un long entretien avec le Premier Ministre russe, M. Putin, nous sommes convenus que mon envoyée spéciale, Mme Ogata, se rendrait sur place pour évaluer la situation et étudier comment l'ONU pourrait accroître son assistance humanitaire avec la coopération des autorités russes. Mme Ogata est prête à vous exposer brièvement les conclusions de sa très intéressante mission et à répondre à vos questions. Je vous invite cependant à poser d'abord vos questions concernant les appels communs. Nous passerons ensuite à la situation en Tchétchénie. Vous avez la parole.

Question : Monsieur le Secrétaire général, nous vous sommes très reconnaissants d'avoir organisé cette conférence de presse. Pourriez–vous tout d'abord nous expliquer pourquoi vous avez fait appel aux services d'une agence de relations publiques, cette année ? Nous serions ici de toute façon, aussi je me demande pourquoi vous avez jugé nécessaire d'engager cette agence, et combien cela coûte.

Le Secrétaire général : Je ne comprends pas très bien votre question. Je ne vois pas à quelle agence de relations publiques vous faites allusion.

Mme McAskie : Permettez–moi d'intervenir pour dissiper tout malentendu. Nous avons engagé un consultant pour nous aider à accomplir une partie de la tâche. L'ensemble de la documentation concernant les appels communs est 16 fois plus importante que ce que vous avez sous les yeux. Ces appels constituent la synthèse des travaux de toutes les institutions, présentée sous une forme commune. C'est là un travail énorme et, comme cela est courant en pareil cas, nous avons fait appel à un concours extérieur.

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Le Secrétaire général : Vous vouliez peut–être aussi rendre les choses plus claires pour les journalistes et mieux les informer pour leur faciliter la tâche.

Question : Monsieur le Secrétaire général, j'ai deux questions très brèves. Premièrement, avez–vous quelque chose à nous dire au sujet de l'Iraq et de l'attitude de l'ONU en ce qui concerne le programme "pétrole contre nourriture" ? Deuxièmement, l'Ambassadeur de Yougoslavie a déclaré hier qu'il s'attendait au remplacement de M. Bernard Kouchner : qu'en est–il exactement ?

Le Secrétaire général : À propos de l'Iraq, des entretiens très approfondis sont en cours à New York au sujet de la prolongation. Il y a eu quelques anicroches mais ces difficultés devraient être aplanies et nous poursuivons notre action humanitaire dans le cadre du programme "pétrole contre nourriture". En ce qui concerne l'adoption d'une nouvelle position commune par le Conseil de sécurité, qui permettra aux inspecteurs d'établir une liste d'activités que l'Iraq devra entreprendre et de conditions auxquelles il devra satisfaire pour que les sanctions soient suspendues ou levées, la question est actuellement étudiée par le Conseil et en particulier par les cinq membres permanents. J'espère qu'une solution sera bientôt trouvée et que l'on pourra aller de l'avant, car j'estime que la situation actuelle est malsaine et qu'il faut sortir de l'impasse. Quant à votre seconde question, sachez que je n'ai nullement l'intention de remplacer mon représentant, M. Bernard Kouchner, qui fait un très bon travail. Il m'a rejoint à Istanbul où nous nous sommes entretenus avec de nombreux chefs d'État de la situation au Kosovo. M. Kouchner reste en fonction et il n'est pas question de le remplacer.

Question : Monsieur le Secrétaire général, vous avez déclaré aujourd'hui que les appels sont lancés au nom des populations victimes de conflits. Ma question concerne le conflit au Kosovo et ses conséquences. Pensez–vous, comme de nombreux spécialistes des Balkans, que le non–respect de la résolution 1244 menace gravement la stabilité de l'Europe ? En outre, il y a une concentration massive d'armes qui échappent pratiquement à tout contrôle, et deux bases militaires ont été créées récemment – l'une en Bosnie et l'autre au Kosovo. Il y a prolifération d'armes. Cela ne compromet–il pas aussi la stabilité du continent ?

Le Secrétaire général : Avant de répondre à votre question, je vous rappelle qu'au début de cette conférence de presse, je vous ai exprimé le souhait que nous abordions d'abord les appels communs, puis de Tchétchénie. Nous commençons à nous écarter du sujet et je vous serais reconnaissant de bien vouloir en revenir aux deux grands thèmes de notre discussion. Nous pourrons ensuite passer à d'autres points. Je prends donc note de votre question et j'y répondrai en temps utile.

Question : Je me posais simplement la question. Peut–être ai–je mal compris mais est–il exact que Mme Ogata ne soit allée qu'à Moscou et ne se soit pas rendue dans la région du Caucase elle–même?

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Le Secrétaire général : Je pense que vous disposez tous de nombreux documents sur les appels communs et je demande donc à Mme Ogata de bien vouloir ouvrir le débat.

Mme Ogata : Je me suis rendue à Moscou, en Ingouchie et en Tchétchénie au cours d'une visite sur le terrain en qualité d'envoyée spéciale du Secrétaire général et de Haut–Commissaire pour les réfugiés. En Ingouchie, j'ai visité deux camps de réfugiés et des wagons de chemin de fer et je me suis rendue auprès des familles d'accueil où se trouvent la plupart des personnes déplacées. J'ai visité également un hôpital. Je me suis aussi rendue dans un point de passage de la frontière puis dans le nord–ouest de la Tchétchénie; j'ai visité un centre rural – et à Moscou j'ai rencontré un grand nombre de représentants des autorités. Le Ministre chargé des situations d'urgence, le Ministre des affaires étrangères à deux reprises, le Ministre chargé des situations d'urgence à deux reprises également, avant d'entreprendre une visite sur place et au retour, j'ai aussi rencontré le Premier Ministre, ainsi que tous nos collègues.

Question : Monsieur le Secrétaire général, avez–vous très bon espoir ou simplement bon espoir que vous obtiendrez tout l'argent que vous demandez ?

Le Secrétaire général : Je suis engagé dans de telles activités depuis longtemps et je ne peux pas dire que j'ai très bon espoir, mais j'espère que j'obtiendrais l'argent que j'ai demandé et dont nous avons absolument besoin.

Question : Mme Ogata, pouvez–vous nous donner un aperçu du type de réponses que vous avez obtenues des autorités à Moscou ? Pouvez–vous faire une évaluation ? Quel a été le résultat de votre mission ?

Mme Ogata : Avant de me rendre en Russie, certaines indications émanant du Gouvernement donnaient à penser qu'il ne demandait pas une assistance bien qu'il l'accueillerait avec satisfaction si elle était fournie. Aujourd'hui l'attitude des autorités russes est devenue beaucoup plus ouverte et le Premier Ministre a déclaré sans équivoque qu'il avait besoin d'une aide et souhaitait coopérer avec l'Organisation des Nations Unies, et en particulier il a souligné qu'il voulait que l'assistance soit fournie aux personnes qui en avaient vraiment besoin. Or, cela va être très compliqué. Je devrais peut–être rappeler qu'il y a deux semaines une mission interinstitutions, composée d'organismes des Nations Unies, a été en mesure d'entreprendre une mission d'évaluation des besoins, et nous avons donc certaines idées au sujet de ces besoins. Or, pour définir l'ensemble de ces besoins et pour y répondre, il faut établir une étroite coordination et mener des consultations avec les autorités. Une des raisons de cette hésitation tient, bien entendu, à l'attitude du Gouvernement russe mais aussi au fait que la Tchétchénie, l'Ingouchie et le nord du Caucase sont des régions de grande

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criminalité. De très nombreux crimes y sont commis, il y a des prises d'otage et vous savez probablement qu'un de mes collègues a été retenu en otage pendant 317 jours, et ce n'est pas là une exception. Quelle sorte d'assurance en matière de sécurité et de sûreté pouvons–nous obtenir ? Nous avons donc déjà élaboré certaines modalités concernant l'installation de fonctionnaires nationaux et la manière de poursuivre ce processus en envoyant du personnel international qui serait plus exposé pour ce qui est de la sécurité et ce sont ces négociations que je suis allée mener. Les autorités sont tout à fait disposées à examiner la manière dont nous pourrions régler la question de la sécurité et des réponses très claires à cet égard nous serons données par le Premier Ministre et le Ministère des affaires étrangères. S'agissant de l'évaluation de la situation des réfugiés sur place, elle est bonne, mais en même temps la plupart des réfugiés – il y en a environ 30 000 en Ingouchie – sont installés dans quatre camps. J'ai visité deux d'entre eux et si les conditions étaient dans une certaine mesure bonnes, elles laissaient manifestement aussi à désirer. En outre, les conditions sanitaires n'étaient pas satisfaisantes, le système de distribution n'était pas suffisant et il y avait assez de problèmes pour lesquels notre assistance et nos contributions seraient utiles, et c'est une chose que j'ai vraiment ressenti. J'ai fait connaître clairement cela aux autorités qui seraient disposées maintenant à en tenir compte. Nous devons donc régler les questions de sécurité sur place. Nous devons faire preuve d'une grande prudence en installant nos collègues aux endroits les plus appropriés et en essayant de détacher tous les membres du personnel international possible et en fonction des besoins car nous devons surveiller comment se fait la répartition et c'est une tâche que les autorités elles–mêmes seraient disposées à faire.

Nous devons fournir notre assistance plutôt aux familles d'accueil. Plus de 60 à 70 % des personnes se trouvent dans des familles d'accueil et j'ai rendu visite à cinq ou six d'entre elles. Les familles ingouches sont très généreuses. Je crois savoir que certaines d'entre elles accueillent jusqu'à 60 personnes dans leur maison et chacune 20 à 25 en moyenne. Nous devons donc accorder une assistance à ces familles pour leur permettre d'accueillir ces personnes et un séjour prolongé dans des familles d'accueil exige une assistance soutenue car ces familles finissent par se lasser aussi. Nous proposons donc de fournir cette assistance aux familles d'accueil principalement tout en permettant aux réfugiés d'en bénéficier aussi. Je vous ai donc donné un bref aperçu de la situation en réponse à votre question.

Le Secrétaire général : Je voudrais seulement ajouter que j'ai rencontré au début de cet après–midi tous les responsables des institutions et des fonds participant à l'assistance humanitaire dans le nord du Caucase, qui continueront leur action; ils ont estimé que la visite de Mme Ogata avait été très utile et ils vont, nous allons conjuguer nos efforts pour avoir un impact plus important sur la situation.

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Question : Je voudrais continuer à évoquer la question de la Tchétchénie car le document concernant les appels indique assez clairement que la situation en matière de sécurité empêche le déploiement de personnel international même au Daghestan et en Ingouchie, et j'aimerais savoir quelles possibilités vos contacts avec les autorités russes vous permettent d'entrevoir pour déployer plus de personnel et, en fait, pour se rapprocher de la Tchétchénie, ou se rendre en Tchétchénie elle–même.

Mme Ogata : Notre base est située à Stavropol et c'est dans cette localité que nous maintiendrons notre base. Le HCR dispose de quatre fonctionnaires internationaux sur place et aimerait en avoir le double. Nous aurons également une base à Vladikafkas où nous placerons un plus grand nombre de fonctionnaires nationaux, mais nous veillerons à maintenir les fonctionnaires internationaux aussi mobiles que possible pour qu'ils puissent se déplacer pendant trois jours ou une semaine au plus selon les besoins, et c'est ainsi que nous envisageons les arrangements en matière de sécurité. L'organisation de la sécurité peut prendre plusieurs formes, le Ministère de l'intérieur, le Ministère chargé des situations d'urgence, sur le plan fédéral et local, la direction fédérale des migration, le Gouvernement lui–même et actuellement le Ministère des affaires étrangères s'efforcent de coordonner toutes les assurances possibles en matière de sécurité. Nous devons faire preuve de prudence et les personnes qui seront envoyées dans ces localités devront être très disciplinées. En même temps, je pense que les efforts que nous déployons pour obtenir une prise en charge plus claire et plus déterminée de la sécurité de la part du Gouvernement depuis la date où cet appel a été lancé commencent à porter leurs fruits.

Question : Monsieur le Secrétaire général, c'est une question qui s'adresse au diplomate, pas forcément au Secrétaire général. Je suis dans une grande confusion; je ne sais plus très bien ce que signifie ingérence humanitaire. Je sais que l'ONU a fait plusieurs fois son mea culpa en ce qui concerne les problèmes passés. Je pense au Rwanda, à la Bosnie et au Congo, et aux événements tout récents : le Kosovo, le Timor et maintenant la Tchétchénie. Alors quand l'ingérence humanitaire est–elle nécessaire, est–elle possible, est–elle admissible, et quand ne l'est–elle pas ?

Le Secrétaire général : C'est une des questions que nous traiterons à la fin. Pour le moment, continuons à examiner la question humanitaire.

Question : J'ai une question à poser au Secrétaire général et une ou deux à Mme Ogata.

Monsieur le Secrétaire général, pouvez–vous nous dire ce qui devrait, à votre avis, être fait aujourd'hui du point de vue humanitaire en faveur du peuple tchétchène. Je veux dire que vous parlez toujours des réfugiés en Ingouchie mais des centaines de milliers d'autres se trouvent encore en Tchétchénie. Quelle est votre évaluation de la situation après la visite de Mme Ogata ?

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J'aimerais aussi poser la question suivante à Mme Ogata. Avez–vous eu également des contacts avec le Gouvernement tchétchène de M. Mackhadov et ne pensez–vous pas que cela est nécessaire ? Personne ne parle de cela et quel est le sort réservé aux personnes qui se trouvent là–bas. Et, durant votre visite en Tchétchénie, avez–vous eu des contacts avec la population locale et quels sont ses besoins ?

Le Secrétaire général : Je pense que votre première question est aussi liée à la seconde. Mais permettez–moi de vous dire brièvement qu'il y a manifestement une action militaire en cours en Tchétchénie et qu'au milieu d'une telle action il serait difficile pour nous d'aller offrir une assistance humanitaire. Il y a peut–être certaines zones qui ne sont pas exposées à un conflit militaire direct pour lesquelles on pourrait proposer une certaine forme d'assistance s'il y a lieu. Mais pour le moment, nous nous concentrons sur l'Ingouchie et sur les territoires situés en dehors de la Tchétchénie. Mais en définitive, si une assistance est nécessaire en Tchétchénie, nous devons manifestement en discuter de manière plus approfondie avec les autorités russes pour voir s'il y a quelque chose que nous pourrions faire pour accorder une aide.

Mme Ogata : Lorsque nous nous sommes rendus dans ce centre rural situé dans le nord–ouest de la Tchétchénie, nous sommes descendus de l'hélicoptère militaire dans lequel nous nous trouvions et nous nous sommes déplacés dans cette zone. Nous avons visité une école où l'institutrice était revenue d'exil depuis trois jours. Nous nous sommes rendus dans un hôpital où avait lieu une opération d'amputation. Ainsi, tout recommençait à fonctionner mais cela se passait dans une région qui était placée sous le contrôle du Gouvernement seulement depuis quelques semaines. Et une grande partie de la région nord de la Tchétchénie était passée sous le contrôle du Gouvernement. Comme l'a dit le Secrétaire général, la deuxième plus grande agglomération du pays est aussi passée sous le contrôle du Gouvernement. Mais dans la capitale, Grozny, se déroule actuellement une très vaste opération militaire. Nous avons entendu le fracas des bombes pendant tout le temps où nous nous trouvions dans la région.

La question de savoir ce que nous devrions faire en Tchétchénie est liée à un problème que le Gouvernement a soulevé et qui concerne une partie des personnes qui se sont réfugiées en Ingouchie; elles veulent revenir ou il serait peut–être préférable de transférer les personnes installées provisoirement en Ingouchie qui est très surpeuplée dans la région nord de la Tchétchénie. Mais notre position très claire est que toute personne retournant en Tchétchénie doit le faire volontairement et les autorités russes ne contestent pas cela. En même temps, si ces personnes souhaitent revenir dans certaines régions soumises au contrôle du Gouvernement, j'espère beaucoup que celles qui reviennent sont soit originaires de la région, soit y ont des parents. Ce retour n'est donc pas totalement imprévu, mais nous ne le préparons pas pour le moment et je pense que c'est dans ce contexte que tout ce qui se passe en Tchétchénie sera aussi dans une certaine mesure une préoccupation humanitaire, mais pas pour l'instant.

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Question : Je n'ai entendu, ces dernières semaines, aucune organisation humanitaire exprimer des craintes sur le sort de la population civile toujours sous le contrôle du Gouvernement tchétchène. Je pense que vous devez avoir une idée de la situation qui règne à Grozny – vous devez avoir des contacts dans la région ou vous devez connaître des personnes qui ont fui et qui vous ont dit ce qui se passait. Quelle est votre évaluation à cet égard ?

Mme Ogata : Le mufti de Gudermes, qui est venu nous voir à Moscou, a expliqué très clairement que les réfugiés qui avaient fui étaient dans une situation très délicate et que beaucoup d'entre eux venaient de Grozny. Ils ont dit qu'ils étaient terrifiés mais que, si les bombardements, etc., cessaient, ils aimeraient revenir même s'ils étaient terrorisés et très inquiets. Il s'agissait donc manifestement de victimes civiles du conflit et j'ai bien insisté auprès des autorités sur la nécessité d'épargner les civils. Ce message était très clair mais, pour ce qui est des contacts politiques, je n'en ai aucun avec les participants de cette guerre.

Question : La question s'adresse au Secrétaire général. J'aimerais savoir comment, dans le cas de la Tchétchénie, vous concevez le rôle de l'Organisation des Nations Unies au niveau politique ? Que devrait faire l'ONU, politiquement, à propos de la Tchétchénie ?

Le Secrétaire général : Une autre question sur le problème humanitaire puis je répondrai à toutes les questions politiques.

Question : Monsieur le Secrétaire général, il y a quelques mois, vous étiez à cette même tribune avec des dirigeants d'entreprise du monde entier. Vous attendez–vous à ce que les milieux d'affaires établissent quelques chèques pour répondre à notre appel et fournir les 2,4 milliards de dollars que vous demandez, voire davantage ? Ma deuxième question concerne les énormes problèmes que pose, d'après des institutions des Nations Unies, l'insuffisance de la vérification des comptes des ONG qui font très largement appel aux fonds humanitaires. Va–t–il y avoir des améliorations à cet égard ?

Le Secrétaire général : À ma connaissance, aucune société privée n'a offert de faire un chèque pour une activité d'assistance humanitaire. Mais je sais que dans certains domaines, ces sociétés nous aident beaucoup. Par exemple, la Fondation Gates vient de faire don de 26 millions de dollars à l'UNICEF et je ne serais pas surpris que d'autres dons importants soient faits par des fondations privées et des entreprises du secteur privé pour contribuer à certaines activités de l'ONU. En ce qui concerne un appel de fonds en particulier, je n'ai pas eu connaissance de chèques provenant du secteur privé, et vous ?

Mme Ogata : Pas encore, mais nous attendons.

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Le Secrétaire général : En ce qui concerne la deuxième question sur les ONG, mes collègues me disent que leurs comptes sont vérifiés. Peut-être devrions–nous améliorer le contrôle financier, mais leurs comptes sont vérifiés et elles jouent un rôle important dans les activités humanitaires. Nous voulons qu'elles soient bien organisées et efficaces. Je ne sais pas si Sadako ou Carolyn souhaitent dire quelque chose à ce sujet.

Mme McAskie : Simplement que nous avons des relations très étroites avec les ONG. Elles sont souvent les premières sur le terrain et, souvent aussi, elles sont nos partenaires dans l'exécution des activités. De ce fait, nous avons des contacts quotidiens avec elles et, dans certains cas, des arrangements contractuels qui font l'objet de procédures normales de vérification des comptes. Personnellement, je n'ai eu connaissance d'aucun problème précis par l'intermédiaire du Bureau de la coordination des affaires humanitaires, mais je voudrais simplement dire qu'il s'agit d'une question cruciale que nous prendrions très au sérieux si des plaintes étaient portées à notre attention.

Le Secrétaire général : Je pense qu'il s'agissait de la dernière question sur le problème humanitaire et j'ai trois questions sur d'autres sujets.

La première concerne le Kosovo et l'application de la résolution 1244. Je pense que nous sommes résolus à faire de notre mieux pour appliquer cette résolution. Mon représentant spécial, Bernard Kouchner et son équipe, ainsi que la KFOR, font de très gros efforts. Il est évident qu'il s'agit d'une situation très difficile et nous n'ignorons pas les tensions qui règnent sur le terrain. Nous avons pour mandat d'administrer le Kosovo comme une région autonome de l'ex–Yougoslavie mais, sur place, les populations que nous sommes censés administrer considèrent qu'elles sont indépendantes ou qu'elles finiront par l'être. Il y a donc évidemment une tension à laquelle nous devons faire face. Nous devons faire face à cette tension et à d'autres ambiguïtés, mais nous sommes résolus à respecter notre mandat. Le traitement des minorités que nous avons essayé de protéger est un autre point délicat. La KFOR et Bernard Kouchner, avec l'équipe de l'ONU, font de leur mieux. Nous avons un peu plus de 1 500 policiers. Nous avons besoin de davantage de policiers, hommes et femmes, sur le terrain et nous demandons instamment aux gouvernements de les mettre à notre disposition. Il est devenu très difficile d'assurer la protection de chaque personne. Pour couvrir toute la zone, il faut beaucoup de policiers et nous ne les avons pas. Les militaires ne sont pas formés à ce type d'opérations de police. Compte tenu de ces limites, je crois que nous essayons de faire du mieux que nous pouvons, mais je peux vous assurer que nous ne considérons pas que notre mandat consiste à préparer le Kosovo à l'indépendance. Nous avons un mandat limité qui est d'administrer le Kosovo comme une partie de la Yougoslavie et c'est ce que nous faisons malgré les difficultés.

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En ce qui concerne la prolifération des armes, que ce soit au Kosovo, en Bosnie, au Congo ou en Angola, il s'agit de quelque chose qu'aucun de nous ne saurait tolérer. En soi, la présence d'armes ne provoque pas de conflit mais la probabilité de voir un conflit éclater et se prolonger est toujours beaucoup plus forte quand il y a une prolifération d'armes et c'est l'une des raisons pour lesquelles l'une des fonctions assignées à la KFOR était de désarmer l'UÇK. Il est clair qu'il y a eu discussion sur le point de savoir si les forces de l'UÇK ont été effectivement désarmées ou pas mais la question de la démilitarisation faisait tout à fait partie du mandat.

L'autre question qui a été posée est celle de l'intervention, que ce soit au Kosovo, au Timor oriental ou en Tchétchénie : quand l'ONU va–t–elle intervenir ?

Tout d'abord, je voudrais être très clair sur ce point. Lorsqu'il est question d'intervenir, je définis cette intervention comme un passage progressif de l'action diplomatique la plus bienveillante à l'usage de la force dans les cas extrêmes où il peut devenir nécessaire. Je définis l'intervention comme toute action qui peut aider à faire cesser la violence, toute action susceptible d'améliorer le sort des personnes qui se trouvent dans des situations de conflit, toute action propre à permettre de maîtriser un conflit. Il ne s'agit pas nécessairement de recourir à la force et je pense que dans chacun des cas que vous avez évoqués, il y a eu une certaine forme d'intervention. Il y a eu une certaine forme d'action. Comme Mme Ogata l'a indiqué, en Tchétchénie, nous avons envoyé une équipe interinstitutions. Mme Ogata elle–même vient de se rendre en Tchétchénie et nous prenons des mesures pour intensifier nos activités humanitaires. Sur le plan politique, lors du Sommet de l'OSCE à Istanbul, les chefs d'État et de gouvernement des pays de l'OSCE ont examiné cette question avec le Président Eltsine; ils ont offert de jouer un rôle de médiateur et je pense que nous connaissons tous les résultats. Ce qui a été décidé c'est que le Président en exercice de l'OSCE se rendrait dans la région et à partir de là, nous verrons ce qu'il y a lieu de faire. Je pense que j'ai répondu à toutes les questions qui m'ont été posées et je tiens à vous remercier, Mesdames et Messieurs, d'être venus à cette conférence de presse.

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