SG/SM/7231

LE SECRETAIRE GENERAL DES NATIONS UNIES DEMANDE 2,4 MILLIARDS DE DOLLARS DANS LE CADRE DES APPELS INTERINSTITUTIONS COMMUNS POUR 2000

23 novembre 1999


Communiqué de Presse
SG/SM/7231


LE SECRETAIRE GENERAL DES NATIONS UNIES DEMANDE 2,4 MILLIARDS DE DOLLARS DANS LE CADRE DES APPELS INTERINSTITUTIONS COMMUNS POUR 2000

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«Nous avons le devoir d'étudier de près les besoins de toutes les victimes, où qu'elles se trouvent et quelles qu'elles soient», souligne M. Kofi Annan

Genève, 23 novembre -- La déclaration suivante a été faite cet après-midi par le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, à l'occasion du lancement des appels interinstitutions communs, ou CAP2000:

«C'est pour moi un honneur que d'être aujourd'hui ici parmi vous pour lancer les Appels interinstitutions communs 2000. Ces appels, nous les lançons au nom de populations qui ont besoin d'urgence d'une assistance humanitaire et de protection, de populations qui n'ont jamais entendu parler d'appels communs, mais dont la survie pourrait dépendre de la réponse que vous apporterez à ces appels.

Notre but est d'envoyer un signal d'espoir à plus de 34 millions d'êtres humains.

Ces appels seront les derniers que nous lancerons au XXe siècle. Ce siècle a été le témoin de ce qu'il y a à la fois de meilleur et de pire en l'homme. Il a vu naître et se consolider des principes humanitaires et il a vu ces principes violés sans réserve et totalement ignorés. Son histoire s'est écrite avec le sang autant qu'avec l'encre qui a servi à rédiger la Charte des Nations Unies.

Alors que ce siècle est sur le point de se terminer, les crises - qu'elles soient dues à la colère de l'homme ou de la nature - restent difficiles à prévoir. L'année dernière à la même époque, nous n'aurions pas pu prévoir l'ampleur véritable des crises humanitaires auxquelles la communauté internationale aurait à faire face au Kosovo, au Timor oriental, en Turquie (d'où j'arrive) ou encore dans le Nord- Caucase. Aujourd'hui, alors que nous nous efforçons de réagir et d'apporter dans ces diverses régions l'assistance nécessaire, d'autres crises perdurent, apparaissent, renaissent ou s'intensifient dans de nombreuses régions du globe.

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Si nous n'aidons pas, comme nous en avons le devoir, les victimes de ces crises, des millions de personnes perdront espoir, l'espoir que ce que l'on appelle la communauté internationale agira pour préserver les aspects fondamentaux de la dignité de l'homme. Cela signifie que nous avons le devoir d'étudier de près les besoins de toutes les victimes - où qu'elles se trouvent et quelles qu'elles soient - et cela en appliquant toujours le même critère humanitaire.

Si nous ajoutons foi au premier article de la Déclaration universelle des droits de l'homme - qui énonce que tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droit - alors nous ne pouvons évaluer les besoins des plus déshérités selon des critères de temps et de lieu - au premier plan de l'actualité pendant un mois, évanouis le mois suivant; assez proches de nous pour compter, ou hors de notre vue et donc de notre esprit. Les pleurs d'un enfant affamé sont bien réels, qu'on les entende ou non au journal télévisé du soir.

Les personnes au bénéfice desquelles nous lançons un appel aujourd'hui souffrent des conséquences de conflits. Leurs souffrances se prolongent parce que les combattants n'ont pas réglé leur différend et, dans certains cas, parce que la communauté internationale hésite à intervenir. Et ces souffrances sont souvent aggravées par l'inattention et la négligence. Pour les représentants des médias, auxquels la mondialisation a donné une voix plus forte que jamais, il n'y a là rien de nouveau. Mais je le répète: en couvrant les événements du Burundi, de l'Afghanistan et du Tadjikistan, vous pouvez donner la parole à des victimes innocentes et mettre leur détresse au premier rang des priorités internationales.

S'il est une leçon à retenir de ce siècle de crises, c'est que nous ne pouvons considérer les secours d'urgence hors de tout contexte. C'est que pour susciter un espoir durable dans des pays en crise, l'aide d'urgence cruciale et vitale que nous leur apportons doit aussi être utile à leur relèvement et à leur reconstruction à long terme. Or c'est précisément le propre du processus des appels interinstitutions. Il s'agit d'un instrument stratégique qui nous permet d'examiner et de cerner les besoins profonds et à long terme qu'une crise met si souvent à jour. Cela ne dépend pas des qualités de chef d'un seul individu, aussi inspiré fût-il, mais de la coordination d'une excellente équipe, travaillant 365 jours par an. Cela étant, on ne peut que se féliciter que Carolyn McAskie soit à la tête de cette équipe en l'absence de Sérgio Vieira de Mello.

Ce processus peut nous aider à comprendre les raisons des échecs et à commencer à y remédier. Il nous offre aussi un cadre dans lequel nous pouvons oeuvrer avec les partenaires nationaux et les pays voisins, non seulement pour faire le meilleur usage possible des ressources fournies par les donateurs aux fins d'assistance humanitaire, mais aussi pour commencer à aider à remettre sur pied les capacités et les collectivités locales.

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Les 2,4 milliards de dollars que nous vous demandons aujourd'hui sont une grosse somme. Mais c'est une somme bien inférieure à ce que le monde dépense à des fins militaires en un seul jour.

Le nombre de personnes dont la sécurité et la survie ont été assurées cette année grâce à une rapide réaction internationale aux crises humanitaires du Kosovo et du Timor oriental témoigne de ce qui peut être accompli si nous oeuvrons de concert.

Je veux croire que cela vaudra aussi pour la Sierra Leone. Lorsque je me suis rendu sur place en août, des milliers de personnes déplacées à l'intérieur du territoire m'ont dit qu'elles espéraient pouvoir compter sur le même degré d'aide internationale que les hommes et les femmes des Balkans.

Pourtant, l'appel interinstitutions commun lancé en faveur de la Sierra Leone pour 1999 n'a permis de recueillir jusqu'ici qu'environ 40% du montant demandé. Nous devons faire mieux.

Nous pouvons également contribuer à réduire la souffrance de civils qui fuient le conflit de Tchétchénie si nous agissons sans tarder. La semaine dernière, j'ai dépêché Mme Sadako Ogata en Fédération de Russie en tant que mon Envoyée spéciale afin de transmettre aux autorités ma préoccupation face aux événements de Tchétchénie et pour discuter des modalités de mise en oeuvre de la réponse humanitaire des Nations Unies. C'est dans le cadre des résultats de cette visite que nous lançons aujourd'hui un appel de dernière minute pour le Nord-Caucase. Je souhaite par la même occasion remercier le Premier Ministre Poutine pour la coopération et l'appui qu'il a fournis à Mme Ogata au cours de sa visite.

Nombre d'entre vous ont accueilli favorablement les améliorations apportées au processus d'appels communs. Par rapport à la période correspondante de 1998, la réaction de la communauté internationale est pour le moment beaucoup plus positive. Mais les niveaux de financement demeurent inégaux. Si pour l'Europe du Sud-Est ce niveau est désormais supérieur à 77%, pour l'Afrique il est inférieur à 67%.

Même entre les pays africains, on observe de grandes disparités. Environ 90% des fonds demandés pour le Soudan ont été fournis. Mais on n'a obtenu que 18% du montant demandé pour la République démocratique du Congo.

Ces chiffres infirment les accusations simplistes selon lesquelles l'Afrique tout entière serait ignorée ou négligée par rapport au reste du monde. Mais il est vrai que l'insuffisance des financements est ressentie plus vivement ici que partout ailleurs.

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L'ampleur des besoins et la vulnérabilité des personnes touchées sont plus grands en Afrique que presque partout ailleurs dans le monde. Ne pas répondre à un appel lancé en faveur de l'Afrique, c'est la quasi-certitude de signer l'arrêt de mort d'un nombre encore plus grand d'êtres humains.

Je vous demande donc, au contraire, de défendre la vie en répondant aux appels que nous lançons aujourd'hui. C'est là la seule attitude morale vis à vis de tous ceux qui, malgré un dénuement inimaginable, gardent espoir et se montrent dignes et résolus.

Je vous le demande pour cette jeune mère kosovar que j'ai rencontrée dans un hôpital de campagne; blessée par balle à la jambe alors qu'elle tentait de fuir avec son nouveau-né, elle a maintenant regagné son lieu d'origine pour élever ses enfants dans de bonnes conditions. Je vous le demande pour cette femme tutsie et cette femme hutue qui ont l'une et l'autre perdu leurs proches dans les massacres ethniques et qui dirigent maintenant ensemble un orphelinat interethnique. Je vous le demande pour cet enfant soldat de la Sierra Leone qui ne savait plus quel âge il avait et se souvenait seulement du nombre d'enfants qu'il avait tués - mais qui a depuis rejoint ses parents et apprend maintenant à lire et à compter.

Je vous demande aujourd'hui d'envoyer un signal d'espoir aux millions d'êtres humains qui ont vécu un cauchemar et ont besoin de notre aide pour oser de nouveau rêver».

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