En cours au Siège de l'ONU

AG/SHC/443

UN MECANISME OBJECTIF EST NECESSAIRE POUR JUGER DE LA LEGITIMITE DES INTERVENTIONS HUMANITAIRES

10 novembre 1999


Communiqué de Presse
AG/SHC/443


UN MECANISME OBJECTIF EST NECESSAIRE POUR JUGER DE LA LEGITIMITE DES INTERVENTIONS HUMANITAIRES

19991110

Il appartient aux gouvernements de promulguer des garanties juridiques pour protéger la liberté de culte

"Le maintien de la paix et de la sécurité à travers l'intervention humanitaire constitue une tâche fondamentale des Nations Unies", a déclaré la Représentante de l'Australie au cours du débat général de la Troisième Commission sur les questions relatives aux droits de l'homme. La question a été posée de savoir si ce type d'intervention est compatible avec l'intérêt national et la souveraineté des Etats. Pour sa part, la Représentante de la Malaisie a estimé qu'il importe d'établir un mécanisme objectif pour juger de la légitimité d'une intervention.

Parmi les autres thèmes abordés ce matin, les délégations se sont penchées sur la liberté de culte. L'Observateur du Saint-Siège, soulignant que la liberté de religion est au coeur même des droits de l'homme, a affirmé que dans ce domaine, en l'absence de garanties juridiques, les déclarations adoptées sont trop souvent condamnées à rester "lettres mortes". Le Représentant du Viet Nam a précisé que dans la mesure où il existe quelques 20 000 lieux de culte bouddhistes, catholiques, protestants, musulmans, Cao Dai ou Hoa Hoa dans son pays, son Gouvernement a édicté nombre de mesures pour garantir le droit des citoyens à la liberté de culte, l'égalité de toutes les religions devant la loi et la protection des lieux de culte.

Les Représentants des pays suivants ont participé au débat: Viet Nam, Malaisie, Australie, République de Moldova, Rwanda et Grèce. L'Observateur du Saint-Siège a également fait une déclaration.

La Commission poursuivra l'examen de ces questions, cet après-midi, à partir de 15 heures.

QUESTIONS RELATIVES AUX DROITS DE L'HOMME

Suite du débat général

M. LE HOAI TRUNG (Viet Nam) a tout d'abord rappelé que l'expression et l'application des droits de l'homme dans le contexte national relève principalement de la responsabilité des Etats. Dans les évaluations, il convient de prendre en considération les différentes réalités économiques, sociales et politiques, ainsi que les systèmes de valeurs en vigueur dans chaque pays. En outre, le lien qui unit le respect des droits de l'homme à la paix et à la sécurité demande une plus grande coopération internationale dans ce domaine. Le Représentant s'est félicité des vues exprimées par le Haut Commissaire aux droits de l'homme sur l'importance du renforcement des capacités nationales en matière de droits de l'homme et sur la nécessité de garantir le droit au développement. Il a déploré l'utilisation des droits de l'homme comme prétexte pour s'ingérer dans les affaires intérieures d'un Etat, appliquer des sanctions unilatérales ou miner le droit des peuples à l'autodétermination.

Le Représentant a mis l'accent sur le processus de rénovation de la société lancé au Viet Nam, il y a une dizaine d'années, en vue de promouvoir la démocratie et de construire une nation saine. Ainsi, la Constitution vietnamienne prévoit la solidarité et l'assistance mutuelle entre les divers groupes ethniques et le droit des citoyens de pratiquer librement leur religion. A cet égard, le Représentant a indiqué qu'il existe au Viet Nam quelque 20 000 lieux de culte qu'ils soient bouddhistes, catholiques, protestants, musulmans, Cao Dai ou Hoa Hoa. Ces dernières années le Gouvernement vietnamien a édicté nombre de mesures pour garantir le droit des citoyens à la liberté de culte, l'égalité de toutes les religions devant la loi, la protection des lieux de culte et la liberté des publications religieuses. Le Représentant a rappelé que le Rapporteur spécial sur l'élimination de toutes les formes d'intolérance religieuse a été invité l'année dernière à visiter le pays et a depuis continué à encourager une assistance technique au gouvernement.

Mgr RENATO R. MARTINO, Observateur du Saint-Siège, a fait observer que la religion donne forme à la vision que les personnes ont du monde et affecte leurs relations à l'autre. La liberté de religion est donc au coeur des droits de l'homme, a-t-il ajouté. En effet, ce droit de liberté de religion se fonde sur la dignité humaine de chaque personne qui connaît le besoin intime et irréductible d'agir selon les impératifs de sa conscience. D'autre part, la nature sociale de l'homme exige qu'il exprime ses actes intérieurs de religion, qu'il puisse communiquer avec d'autres sur la religion et professer sa religion en communauté, a estimé l'Observateur. Dans bien des cas, la foi religieuse a préservé et même renforcer l'identité de peuples entiers.

L'Observateur a rappelé que les Nations Unies ont mené diverses actions afin de protéger le droit à la liberté de religion. Cependant, en l'absence de garanties juridiques, les déclarations adoptées dans ce domaine sont trop souvent condamnées à rester "lettres mortes", a regretté Mgr Martino.

Il existe des nations au sein desquelles des individus, des familles et des groupes entiers subissent encore des discriminations et sont marginalisés en raison de leurs croyances religieuse. L'Observateur a insisté sur le fait que cette violation grave de l'un des droits fondamentaux de la personne est à l'origine d'énormes souffrances infligées aux croyants. Il a, d'autre part, considéré que le recours à la violence au nom de la religion est une perversion des enseignements des principales religions. La liberté de religion ne constitue pas un privilège, mais seulement le respect d'un droit élémentaire.

Mme ROHANA RAMLI (Malaisie) a remarqué que l'on assiste aujourd'hui à une multiplication des conflits internes et les relations des gouvernements avec leurs citoyens font l'objet d'une surveillance étroite. La critique des affaires intérieures d'un pays semble être devenue la norme, a constaté la Représentante qui a posé la question de savoir s'il s'agissait d'un déclin du respect de la souveraineté des Etats. Reconnaissant qu'une intervention est quelquefois nécessaire comme, par exemple, au Kosovo, la Représentante a estimé qu'il importe d'établir un mécanisme objectif pour juger de la légitimité d'une intervention. Par ailleurs, la Représentante s'est inquiétée du fait que les 14 pays évalués par les Rapporteurs spéciaux sont des pays en développement et que l'attention des Rapporteurs se concentre plutôt sur les droits civils que sur les droits économiques, sociaux et culturels. Elle a insisté sur le fait que le principe d'universalité des droits de l'homme n'est pas synonyme d'uniformité et qu'aucun pays ne peut se poser en juge.

La Représentante s'est félicitée de la déclaration du Président de la dernière session de la Commission des droits de l'homme et, à ce sujet, a soutenu la limitation à six ans des Rapporteurs thématiques et par pays de la Commission. Il a également appuyé l'idée selon laquelle ces Rapporteurs ne pourront être reconduits que dans des circonstances exceptionnelles. En outre, il convient d'examiner objectivement les raisons qui motivent l'absence de coopération des Etats avec les Rapporteurs spéciaux. En accord avec le Haut Commissaire aux droits de l'homme, la Représentante a ajouté qu'il importe de donner la priorité à la prévention et, pour ce faire, au renforcement des capacités des Etats, à l'éducation et à l'élaboration de mécanismes d'alarme rapide.

Dans l'attente de la publication par Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), du Rapport sur le développement humain, 2000, la Représentante a exprimé l'espoir que les droits de l'homme ne seront pas utilisés comme critère pour apporter l'aide au développement qui est

essentielle à la paix et à la sécurité. Elle a souligné la nécessité de traduire le droit au développement en action. Par ailleurs, la Représentante a estimé qu'il convient d'établir un équilibre entre les droits individuels et les droits collectifs de la société dans son ensemble. Ainsi, la liberté d'expression n'est pas une autorisation à la diffamation, à l'expression de mensonges pouvant entraîner des tensions sociales, surtout dans les pays multiethniques comme la Malaisie.

En conclusion, la Représentante a mis l'accent sur la création d'une Commission des droits de l'homme en Malaisie qui a compétence pour recevoir des plaintes et enquêter sur les violations des droits de l'homme dont elle est saisie. Elle s'est également déclarée préoccupée par la détérioration de la situation humanitaire en Tchéchénie. La Malaisie, tout en reconnaissant que le terrorisme est une préoccupation légitime des gouvernements, estime qu'il est important que les mesures prises pour contrer les actes terroristes soient conformes en droit humanitaire applicable aux conflits armés. La Représentante s'est félicitée du déploiement d'une mission humanitaire en Inghusetia.

Mme PENNY WENSLEY (Australie) a fait remarquer que la communauté internationale semble s'impliquer de plus en plus activement dans la protection des droits de l'homme, en particulier lorsqu'il s'agit d'intervenir au-delà des frontières nationales. L'Australie estime que le maintien de la paix et de la sécurité à travers l'intervention humanitaire constitue une tâche fondamentale à laquelle les Nations Unies doivent faire face. D'autre part, le concept d'intervention humanitaire s'accorde assez difficilement avec les notions de souveraineté et d'intérêt national. La Représentante a prôné une plus large conception de l'intérêt national. En effet, l'adoption de politiques conformes aux normes internationales des droits de l'homme permet de mieux servir cet intérêt national.

L'Australie a déclaré qu'elle continuerait d'apporter son assistance pour protéger les droits élémentaires du peuple du Timor oriental. Dans ce contexte, la Représentante a estimé que les initiatives menées par l'Indonésie dans des circonstances économiques particulièrement difficiles afin de mettre en place un système plus ouvert et plus responsable, méritent d'être reconnues. Elle a souhaité que cette évolution permette à ce pays de jouer un rôle plus actif dans la promotion des droits de l'homme.

Rappelant que chaque pays porte le fardeau de sa propre histoire, la Représentante s'est réjouie du fait que le Cambodge ait accepté d'étendre le mandat du Bureau cambodgien du Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme jusqu'en mars 2002. L'Australie a demandé au Gouvernement cambodgien de garantir que tous les responsables des violations commises dans le passé et récemment soient traduits en justice et que le système judiciaire soit renforcé. L'Australie soutient les efforts de la Chine pour améliorer

son système judiciaire, notamment par le biais de programmes d'assistance technique. Néanmoins, elle a souhaité que soit mis fin à l'utilisation de la législation relative à la sécurité nationale et l'ordre public pour restreindre la liberté d'association, de pensée, de religion et de réunion. Reconnaissant les efforts du Gouvernement en Birmanie pour faciliter l'accès du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) aux prisons, la Représentante lui a demandé de commencer de véritables consultations en ce qui concerne la réforme politique.

L'Australie déplore la condition des femmes et des filles en Afghanistan et a demandé à toutes les parties de la région de respecter les règles universelles des droits de l'homme. Elle s'est également félicitée de l'attention accordée par le Gouvernement de Papouasie-Nouvelle-Guinée pour parvenir à un règlement à Bougainville.

Notant le recours croissant pour des délits mineurs à la peine capitale, la Représentante a affirmé que la peine de mort est une forme inhumaine de punition qui porte atteinte au droit le plus fondamental, le droit à la vie. Parmi les actions entreprises en matière de droits de l'homme par l'Australie, la Représentante a expliqué que son pays soutenait les Institutions du Forum Asie-Pacifique sur les droits de l'homme.

M. VITALIE ROBU (République de Moldova) a estimé que la communauté internationale a la responsabilité d'évaluer le respect des droits de l'homme au niveau national. Le Représentant a cité les mesures adoptées dans ce sens dans son pays et le système de protection des droits de l'homme développé dans le contexte du Conseil de l'Europe. Le Représentant a attiré l'attention sur le Programme d'ajustement de la législation, adopté en janvier 1998, qui a obligé le Gouvernement à soumettre 22 lois au Parlement dans le but de modifier notamment la Constitution, le Code pénal, le Code civil, et le Code du travail. En outre, dans le cadre de la Décennie des Nations Unies pour l'éducation aux droits de l'homme, 1995-2004, le Gouvernement a établi un Comité national pertinent. D'autre part, le Représentant a cité la création d'un Centre pour les droits de l'homme chargé de soumettre un rapport annuel au Parlement sur la situation dans le pays.

Le Représentant a poursuivi en abordant les domaines où des progrès restent à accomplir, notamment en ce qui concerne le droit de pétitionner et le droit administratif. Il a indiqué que la République de Moldova est en proie à la montée du séparatisme dans sa partie orientale qui est sous le contrôle d'un régime sécessionniste qui privent les citoyens vivant sur la rive gauche de la Dniestr de leur droit de participation aux élections, de demander justice, ainsi que leur droit à participer à la privatisation de l'économie, à parler leur langue maternelle ou à utiliser l'alphabet romain.

Ainsi, le Représentant a signalé le cas du député de la République de Moldova, Illie Llascu, qui est toujours en prison en dépit des efforts du Gouvernement et de multiples organisations non gouvernementales. Par ailleurs, le Représentant a annoncé que le problème de la minorité ethnique Gagaouze a été résolu en accord avec les principes administratifs et territoriaux en vigueur et pourrait servir de modèle à la solution du problème transnistrian.

M. JOSEPH W. MUTABOBA (Rwanda) a rappelé combien son pays avait souffert des violations des droits de l'homme. Bien que la condition du Rwanda se soit améliorée, elle pourrait s'améliorer davantage si les efforts nationaux du pays étaient compris et soutenus par la communauté internationale qui ne semble pas vouloir l'occasion de se rattraper pour n'avoir pas tenu ses engagements envers le Rwanda en maintes occasions. Le Représentant a rappelé la mise en place d'une Commission nationale indépendante des droits de l'homme et d'une Commission pour l'unité nationale et la réconciliation. Dans ce contexte, le Rwanda a demandé aux Etats Membres de laisser de côté toutes considérations futiles et d'aborder les véritables problèmes afin d'améliorer la situation dans le pays.

Le Représentant a estimé que certains Etats, notamment la Communauté européenne, faisaient des déclarations contradictoires et s'inquiétaient de violations des droits de l'homme sans pouvoir les nommer. Parler de prisons surpeuplées ne suffit pas pour affirmer qu'il y a violations des droits de l'homme. Ignorer les appels des victimes et se conformer à celles des assassins, cela est une violation des droits de l'homme. Ignorer aussi toutes normes acceptables de justice pour libérer un criminel comme Barayagwiza, est par contre une violation des droits de l'homme, a insisté le Représentant qui a estimé qu'il n'avait pas de leçons à recevoir de ceux qui avaient abandonné son pays.

M. CONSTANTIN RHALLIS (Grèce) s'est déclaré vivement préoccupé par les graves violations des droits de l'homme qui continuent d'être perpétrées à Chypre après 25 ans d'occupation par les forces turques. 200 000 Chypriotes grecs ont été forcés d'abandonner leurs foyers et demeurent des réfugiés dans leur propre pays. En outre, la composition démographique de la zone occupée de l'île a été changée par l'installation de dizaine de milliers de colons et le nettoyage ethnique a commencé à Chypre il y a longtemps déjà. Les Chypriotes grecs enclavés dans le territoire occupé vivent dans des conditions inacceptables, privés de la liberté de pratiquer leur religion, de recevoir de l'information, de se déplacer et empêchés d'acquérir des propriétés. Le Représentant a ajouté que la prolongation du drame des 1 600 Chypriotes grecs disparus ne saurait être expliquée comme le voudrait la force occupante par l'action d'individus irresponsables. Il est clair qu'il s'agit là d'une violation de la quatrième Convention de Genève à des fins politiques.

Le Représentant a déclaré que, sans vouloir réciter la longue liste des violations de droits de l'homme à Chypre, il souhaite attirer l'attention sur le fait que cette tragédie dure depuis un quart de siècle. Il s'est inquiété du fait qu'en dépit des innombrables résolutions du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale, l'auteur des violations n'a rien fait pour se conformer à la volonté de la communauté internationale ni pour respecter ses engagements pris en vertu de conventions internationales. Il est impératif, a-t-il poursuivi, que la situation des droits de l'homme à Chypre trouve une solution en accord avec les résolutions des Nations Unies. Ainsi, il a appelé les Chypriotes turcs à faire le geste pour sortir de l'impasse afin qu'à la fois les Chypriotes grecs et les Chypriotes turcs puissent jouir de leurs droits et avancer sur le chemin du développement économique et social.

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