RESSOURCES FINANCIERES ET COOPERATION DES ETATS INDISPENSABLES POUR LE SUCCES DES TRIBUNAUX INTERNATIONAUX POUR LE RWANDA ET L'EX-YOUGOSLAVIE
Communiqué de Presse
AG/957
RESSOURCES FINANCIERES ET COOPERATION DES ETATS INDISPENSABLES POUR LE SUCCES DES TRIBUNAUX INTERNATIONAUX POUR LE RWANDA ET L'EX-YOUGOSLAVIE
19991108Le rôle de Tribunaux jugé favorable à la réconciliation et au rétablissement d'Etat de droit
Malgré les problèmes matériels et procéduraux importants, les Tribunaux pénaux internationaux chargés de juger les crimes en ex-Yougoslavie et au Rwanda sont devenus des moteurs de paix et de réconciliation nationaux et régionaux au-delà de tout espoir, ont constaté ce matin nombre d'orateurs de l'Assemblée générale qui examinaient les rapports du TPIY et du TPIR. Tous deux sont devenus des institutions judiciaires efficaces en quelques années, là où les Tribunaux nationaux ont parfois eu besoin de siècles. Leur travail remet en vigueur des notions juridiques qui n'étaient plus en cours depuis parfois 50 ans, et étendent le droit international humanitaire de manière importante. Ils contribuent à l'établissement de la règle du droit et mettent ainsi fin au cycle de la violence. Comme l'a affirmé le représentant de la République-Unie de Tanzanie, pays hôte du TPIR d'Arusha, seule la responsabilité des individus accusés de génocide et de crime contre l'humanité permettra de réduire la culpabilité collective, source de conflits prolongés.
Le représentant de la Bosnie-Herzégovine a de son côté relevé que contrairement à ce que déclarent certains, les arrestations de coupables ne fragilisent pas le processus de paix, mais le renforcent. La tâche des Tribunaux revêt ainsi une importance qui va bien au-delà des Etats directement concernés, ont noté plusieurs orateurs.
En raison de leurs moyens limités, les deux Tribunaux se sont concentrés sur la poursuite et la condamnation des personnes dont la présence entrave le rétablissement de la société civile, de la paix et de la réconciliation en ex-Yougoslavie et au Rwanda. Mais les deux Présidentes ont attiré l'attention sur le fait que les Tribunaux ne disposent pas de forces de police propres pour arrêter les accusés, ni de moyens pour rendre exécutoires leurs jugements. Ils dépendent entièrement de la coopération de la communauté internationale et c'est pourquoi, on peut regretter, comme l'a fait Mme Gabrielle Kirk McDonald, Présidente du TPIR, que le Conseil de sécurité, avisé à plusieurs reprises de ces difficultés n'ait pas encore répondu à ces appels. Radovan Karadzic et Ratko Mladic ont été inculpés début 1995, Slobodan Milosevic au début de cette année, pourtant, ils sont encore en liberté. Si les décisions ne sont pas suivies, le TPIY suivra la voie de la Société des Nations, a souligné Mme Kirk McDonald.
(à suivre 1a) - 1a - AG/957 8 novembre 1999
Au cours de la période considérée, un important travail d'information a été réalisé en direction des populations concernées, afin de renforcer la légitimité des Tribunaux auprès de l'opinion publique et contrecarrer les activités de propagande.
Concernant les problèmes particuliers du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, Mme Kirk McDonald a regretté la longueur des procédures et le temps que les accusés passent en détention ou en procès. Afin d'accélérer les jugements des inculpés actuels, elle a soutenu la proposition du Groupe d'experts de l'Assemblée générale visant à mettre, au besoin, à la disposition du Tribunal des juges temporaires ad hoc, et de remettre certains inculpés en liberté provisoire. Le rapport du Tribunal a été vivement critiqué par le représentant de la Croatie, qui l'a jugé en partie dépassé, en particulier en ce qui concerne la coopération des Etats. Ainsi, a-t-il souligné il date d'avant les procédures judiciaires menées en Croatie en vue du transfert à La Haye de Mladen Naletelic dès que son état de santé le permettra. Evoquant d'autre part un différend juridictionnel avec le TPIY, le représentant a affirmé que la plupart des difficultés mentionnées dans le rapport avaient été résolues. Il a déploré le fait que les pays, comme la Croatie, qui coopèrent avec le Tribunal, soient sur-représentés parmi les inculpés et sous-représentés en tant que victimes.
Outre la Présidente du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, les représentants des pays suivants ont fait une déclaration : Croatie, Norvège, Finlande au nom de l'Union européenne, République islamique d'Iran, Malaisie, Egypte, Bosnie-Herzégovine et Pakistan.
Concernant les problèmes particuliers du Tribunal pénal international pour le Rwanda, Mme Navanethem Pillay a déclaré que si l'on peut se féliciter de certains progrès, il faut reconnaître que les réalisations sont modestes en comparaison avec les retards dans les jugements de affaires en suspens. Elle a attribué cet état de fait aux difficultés dans la gestion du Tribunal, en particulier les problèmes administratifs et le manque de ressources. Le Rwanda, estimant que les erreurs s'accumulent depuis la création du Tribunal, s'est demandé si l'ONU n'allait pas de nouveau faillir à son pays, et à menacer de ne plus coopérer avec le Tribunal. Comparant le nombre de procédures engagées par le Tribunal et celles engagées par son pays, il a déclaré que le Rwanda considérait le Tribunal comme ayant échoué. Il a en particulier critiqué la remise en liberté vendredi dernier de l'un des idéologues du génocide, Jean-Bosco Barayagwiza. La représentante de la Finlande, au nom de l'Union européenne et des pays associés, s'est de son côté déclarée préoccupée face à certains problèmes administratifs, relatifs au contrôle administratif et à la comptabilité, qui ne sont toujours pas résolus.
(à suivre 1b)
- 1b - AG/957 8 novembre 1999
Outre la Présidente du Tribunal pénal international pour le Rwanda, les représentants des pays suivants ont fait une déclaration: Finlande au nom de l'Union européenne, Norvège, Egypte, Lesotho, Zambie, République-Unie de Tanzanie, Liechtenstein et le Rwanda.
L'Assemblée générale reprendra ses travaux cet après-midi à 15 heures. Elle examinera une note du Secrétaire général sur les nominations de membres du Corps commun d'inspection.
RAPPORT DU TRIBUNAL INTERNATIONAL CHARGE DE POURSUIVRE LES PERSONNES PRESUMEES RESPONSABLES DE VIOLATIONS GRAVES DU DROIT HUMANITAIRE COMMISES SUR LE TERRITOIRE DE L'EX-YOUGOSLAVIE DEPUIS 1991
Note du Secrétaire général transmettant le sixième rapport annuel du Tribunal pénal international (A/54/187) (Point 53)
Le sixième rapport annuel du Tribunal pénal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991 porte sur la période allant du 28 juillet 1998 au 31 juillet 1999 et décrit de façon détaillée les activités du Tribunal pendant cette période.
La période considérée a été marquée par l'achèvement de la transformation du Tribunal en une institution judiciaire pleinement opérationnelle. Appliquant des procédures propres à assurer le jugement équitable des accusés tout en protégeant les droits des victimes et des témoins, le Tribunal dispense la justice et contribue de façon importante à la réconciliation dans l'ex-Yougoslavie.
Au cours de la même période, l'activité du Procureur a été dominée par la situation au Kosovo qui a été aggravée par le refus de la République fédérale de Yougoslavie de permettre aux enquêteurs du Tribunal d'accéder aux lieux où des crimes ont pu être perpétrés. Le Président de la République de Yougoslavie, Slobodan Milosevic et quatre autres personnes ont été inculpés de crimes contre l'humanité au Kosovo le 22 mai 1999. C'est la première fois dans l'histoire qu'un acte d'accusation est délivré contre un chef d'Etat en fonction.
Nonobstant ces réalisations, 35 personnes citées dans des actes publics d'accusation sont toujours en liberté, dont plusieurs sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, souligne le rapport. Certains Etats et entités de la région, notamment la République fédérale de Yougoslavie, la République de Croatie et la Republika Srpska, continuent de mettre des obstacles à la mise en oeuvre du mandat du Tribunal. N'ayant pas de véritables moyens d'exécution qui lui permettraient de remédier à ces entraves délibérées, le rapport note que le Tribunal continue de compter sur la communauté internationale pour amener ces Etats à s'acquitter des obligations qui leur sont clairement imposées par le droit international.
Composition des Chambres
Depuis la prise de fonctions de trois nouveaux juges, en novembre 1998, le Tribunal est composé de trois Chambres de première instance et de la Chambre d'appel, qui toutes sont saisies de différentes affaires. Durant la période considérée, les Chambres étaient composées des juges suivants : Gabrielle Kirk McDonald (Etats-Unis d'Amérique) (Présidente), Mohamed Shahabuddeen (Guyana) (Vice-Président), Antonio Cassese (Italie), Claude Jorda (France), Richard George May (Royaune-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord), Lal Chand Vohrah (Malaisie), Fouad Abdel-Moneim Riad (Egypte), Wang Tieya (Chine), Rafael Nieto-Navia (Colombie), Florence Ndepele Mwachande Mumba (Zambie), Almiro Simoes Rodrigues (Portugal), David Anthony Hunt (Australie), Mohamed Bennouna (Maroc) et Patrick Lipton Robinson (Jamaïque).
Les juges ont pris un certain nombre de mesures pour faire en sorte que les procès soient moins longs. Le rapport note que les juges sont résolus à réduire la durée de procédure et la durée de détention des accusés.
Aperçu des activités judiciaires du Tribunal
Le Tribunal dispose à présent d'un budget qui, au total, avoisine les 100 millions de dollars, et il emploie plus de 700 fonctionnaires. A la fin de la période considérée, sept affaires étaient au stade de l'instruction et trois au stade du procès proprement dit. Des jugements ont été rendus dans trois affaires. Le jugement du procès en jonction d'instances de Zejnil Delalic, Zdravsko Mucic, Hazim Delic et Esad Landzo pour diverses infractions qui auraient été commises en 1992 au camp de Celibici en Bosnie centrale a été rendu à l'unanimité le 16 novembre 1998. La Chambre a statué sur un certain nombre de questions importantes touchant à l'interprétation et l'application du droit international humanitaire. Elle a notamment conclu que la doctrine de la responsabilité hiérarchique vise les supérieurs tant militaires que civils en tenant compte des positions hiérarchiques tant de jure que de facto. En outre, la Chambre a, pour la première fois, établi que dans certaines circonstances, les actes de viol peuvent être assimilés à la torture. Zejnil Delalic a été jugé non coupable. Les trois autres accusés ont été condamnés à des peines confondues allant de sept à 20 ans de prison. Toutes les parties ont fait appel.
Dans l'affaire visant Anto Furundzija, qui aurait été le commandant local d'une unité spéciale de la police militaire du Conseil de défense croate (HVO), la Chambre de première instance unanime a reconnu l'accusé coauteur d'actes de torture et de complicité d'atteinte à la dignité de l'homme, y compris de viol, et a prononcé à son égard deux peines confondues de 10 et 8 ans d'emprisonnement respectivement. L'accusé a fait appel. Le jugement dans l'affaire Zlatko Aleksovski, accusé de traitement illégal de musulmans détenus dans le centre de détention qui était sous son commandement à Kaonik, en Bosnie centrale, la Chambre de première instance a estimé à la majorité que le Procureur n'était pas parvenu à prouver que les victimes étaient des personnes protégées au sens des Conventions de Genève de 1949. Elle a prononcé une sentence à l'encontre de l'accusé de deux ans et demi d'emprisonnement. Les deux parties ont fait appel.
Trois affaires sont en jugement: Kupreskic et consorts, Kordic et Cerkez, et Jelisic. Dans l'affaire Blaskic, les audiences sont terminées et les parties attendent que le jugement soit rendu. Dans cette affaire, la Chambre a décidé, de son propre chef, d'appeler à la barre un certain nombre de témoins, dont des hauts responsables de la Force de protection des Nations Unies (FORPRONU), de la Mission de vérification de la Communauté Européenne, du HVO et de l'armée de Bosnie-Herzégovine. L'affaire Kovacevic a été close avant le prononcé du jugement par le décès de l'accusé le 12 août 1998. Quatre affaires sont en appel sur le fond, dont l'affaire Tadic, où la Chambre d'appel a jugé qu'elle était habilitée à se prononcer sur des questions qui ne se rapportaient pas directement au verdict, ces questions présentant un intérêt général pour la jurisprudence du Tribunal. Au total, 28 personnes sont actuellement détenues dans le quartier pénitentiaire.
Concernant l'activité du Procureur, trois arrestations ont été faites par les troupes de la SFOR en Bosnie-Herzégovine. Deux actes d'accusation publics ont été confirmés et deux actes d'accusation non divulgués précédemment ont été rendus partiellement publics, tandis qu'un nombre non révélé d'actes d'accusation non divulgués a été confirmé par les juges.
Conclusion
Malgré certains problèmes, le rapport constate que le développement et le succès du Tribunal peuvent se mesurer sur trois niveaux. En premier lieu, en tant qu'institution, le Tribunal s'est développé au-delà de toutes les prévisions. Ses décisions, tant sur le plan procédural que sur le fond, sont des éléments moteurs du développement du droit international humanitaire. En deuxième lieu, le rapport note que le Tribunal a posé les fondements nécessaires à la création d'un système pratique et permanent de justice pénale internationale. Il a démontré qu'il est possible de rendre une justice internationale même si la juridiction qui est en charge se trouve à des centaines de kilomètres des lieux où les crimes ont été perpétrés. Enfin, le rapport fait remarquer que l'action du Tribunal commence à produire des effets sur l'ex-Yougoslavie. En redonnant confiance à la population et en lui redonnant foi dans les institutions de l'Etat, le Tribunal aide à faire naître une société civile vigoureuse dans l'ensemble de la région.
Le rapport fait cependant observer que le Tribunal et son homologue, le Tribunal pénal international pour le Rwanda, restent l'exception et n'ont que partiellement réussi. Des ressources supplémentaires resteront nécessaires pour que l'on puisse enquêter sur les auteurs des crimes graves commis au Kosovo et que l'on puisse les poursuivre, note le rapport. Il émet l'espoir que l'attitude d'un dynamisme encourageant que la KFOR et les autres acteurs internationaux ont adoptée à l'égard du Tribunal dans les premières semaines de la mise en oeuvre de la paix au Kosovo persistera aussi longtemps que cela sera nécessaire. Il espère également que, face au mépris persistant du droit manifesté par la Republika Srpska, la SFOR continuera à appréhender des accusés et que la communauté internationale utilisera tous les moyens dont elle dispose pour modifier l'attitude du Gouvernement de la République de Croatie.
Présentation du Rapport
Mme GABRIELLE KIRK MCDONALD, Présidente du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, a rappelé que durant les six années où elle a participé aux travaux du TPIY, le Tribunal est devenu une institution judiciaire efficace qui s'est développé en deux étapes. A partir de 1993, il a d'abord ûu s'établir tant au niveau matériel que procédural. Depuis octobre 1997, date à laquelle dix accusés se sont rendus volontairement, le Tribunal est passé à la seconde phase, celle des jugements proprement dits.
La Présidente du TPIY s'est félicitée de ces progrès remarquables pour lesquels les tribunaux nationaux ont parfois eu besoin de siècles. Elle a cependant noté que plusieurs sujets de préoccupations demeurent. Le premier et le plus important est la longueur des procédures et le temps que les accusés passent en détention provisoire ou en procès. Les raisons de ces retards sont nombreux, a rappelé Mme Kirk McDonald: besoin d'interpréter les lois pour le premier Tribunal pénal créé depuis cinq ans, obligation de créer des précédents juridiques tant sur le fond que sur la forme. Les procès eux-mêmes sont très longs et volumineux. Les accusés ont droit à un procès équitable, surtout si le TPIY est censé dire le droit non seulement pour l'accusé, mais aussi pour l'histoire. Elle a noté qu'en 1998, un certain nombre d'amendements aux règles de procédure du Tribunal ont été adoptées dans le souci d'une gestion plus stricte des délais. Un Groupe de travail sur le sujet a également été créé, et le personnel d'appui aux juges augmenté. Mais la Présidente du TPIY a fait observer que le Tribunal a encore un nombre insuffisant de juges.
Elle a également fait observer que la question de savoir combien de personnes doivent être jugées par le Tribunal devait être traitée avec clairvoyance, étant donné les moyens limités dont il dispose pour juger un grand nombre d'atrocités commises. Elle a observé que le Conseil de sécurité avait établi le Tribunal pour contribuer au rétablissement de la paix et de la sécurité. La principale responsabilité du Tribunal est donc de juger les personnes dont la présence empêche le rétablissement de la société civile, de la paix et la réconciliation en ex- Yougoslavie, a déclaré Mme Kirk McDonald. Elle a exprimé son accord avec le Groupe d'experts établis par l'Assemblée qui avait constaté que jusqu'ici, cet objectif n'avait guère été atteint. Elle s'est félicitée de la stratégie du nouveau Procureur du TPIY qui cherche à se concentrer sur les principaux acteurs militaires et civils responsables de crimes en ex-Yougoslavie.
Afin d'accélérer les jugements des inculpés actuels, elle a soutenu la proposition du Groupe d'experts visant à mettre au besoin à la disposition du Tribunal, des juges temporaires ad hoc pour juger certains inculpés. Le coût de cette mesure serait assez modeste, a noté la Présidente du Tribunal, car ces derniers ne seraient payés qu'à court terme. La seconde proposition est
de remettre certains inculpés en liberté provisoire, tout en tenant compte de la difficulté de la situation en ex-Yougoslavie. A nouveau, elle a invité le Tribunal à suivre les propositions du Groupe d'experts: en cas de non-présentation de l'inculpé lors de son procès, il aura lieu sans lui.
La Présidente a appelé au soutien de la communauté internationale en faveur du Tribunal, celui-ci ne disposant ni de force de police, ni de moyens pour forcer les Etats à suivre ses ordres. Elle a rappelé que son action est entravée par le fait que la République fédérale de Yougoslavie ne respecte pas ses décisions, en particulier en ce qui concerne le Kosovo. La République de Croatie refuse de reconnaître sa juridiction concernant les opérations Storm et Flash ainsi que la remise d'un accusé croate détenu. Il y a également le refus de la Republika Srpska de suivre ses ordres. Elle a regretté que le Conseil de sécurité, avisé par son prédécesseur, Antonio Cassese, comme par elle-même de ces difficultés, n'ait pas encore répondu à ces appels. Radovan Karadzic et Ratko Mladic ont été inculpés au début 1995, Slobodan Milosevic, au début de cette année, a-t-elle souligné. Pourtant, ils sont encore en liberté. Plus de 35 personnes encore en liberté, sont en majorité en Republika Srpska et en Serbie, a-t-elle encore noté. Si les décisions ne sont pas suivies, le TPIY suivra la voie de la Société de Nations. Il a besoin de l'appui de la communauté internationale pour renforcer sa crédibilité dans l'accomplissement de son mandat.
La Présidente du Tribunal a également attiré l'attention sur le fait que pour contrer les articles de presse parfois déformés et la propagande d'Etat contre son action, le TPIY a mis en place un programme d'information en direction de différents secteurs de la population, grâce à des contributions importantes de certains Etats. Pour conclure, Mme Kirk McDonald a souligné à quel point le TPIY a eu au cours de la période considérée, un rôle important en tant qu'institution rendant des verdicts considérés comme justes et équitables. Il a contribué à restaurer la primauté du droit, rompant ainsi avec le cycle de la violence, a-t-elle conclu.
Débat
M. IVAN SIMONOVIC (Croatie) a estimé que le rapport du Tribunal est en partie dépassé. De nombreux événements se sont passés depuis l'élaboration du rapport qui, s'ils avaient été incorporés au rapport, donneraient une image plus équilibrée, en particulier en ce qui concerne la coopération des Etats avec le Tribunal. Ainsi, en ce qui concerne la Croatie, le rapport date d'avant le transfert de Vinko Martinovic au Tribunal. Il date aussi d'avant les procédures judiciaires menées devant la justice croate en ce qui concerne le transfert de Mladen Naletelic. Ces procédures ont, en effet, été achevées en octobre. La Cour suprême de Croatie a confirmé la décision de justice visant à transférer Naletelic au Tribunal et la Cour constitutionnelle a confirmé la constitutionnalité des procédures judiciaires ainsi que les décisions prises. Le rapport, non seulement date d'avant ces événement,s mais contient en outre des critiques concernant l'absence de mesures qui depuis lors ont été prises. En ce qui concerne Mladen Nateletic, la Croatie comprend qu'il aurait été difficile de refléter dans le rapport les événements les plus récents qui ont empêché qu'il fût déféré devant le Tribunal, a déclaré M. Simonovic. Le représentant a insisté sur le fait que Mladen Naletelic n'a pas été transféré pour des raisons liées exclusivement à son état de santé. Une équipe médicale désignée par le Tribunal l'a d'ailleurs examiné récemment et a confirmé le diagnostic des médecins croates selon lequel son état de santé ne permettait pas son transfert pour le moment. M. Simonovic a assuré que la Croatie procéderait au transfert de Naletelic au Tribunal immédiatement et sans condition, dès que son état de santé le permettra.
Le représentant a également déploré le fait que le rapport ne mentionne nulle part les propositions de la Croatie visant à ce que le différend entre la Croatie et le Tribunal concernant la juridiction du Tribunal sur les opérations "Flash" et "Storm" soit examiné par la Chambre du Tribunal. Le Gouvernement croate a aussi proposé des amendements à la procédure du Tribunal qui permettraintt de combler les lacunes actuelles en ce qui concerne le droit d'un Etat de solliciter une décision sur des questions juridictionnelles avant l'ouverture d'un procès. A cet égard, le représentant s'est réjoui de ce que la Présidente du Tribunal ait indiqué que la proposition de la Croatie sera examinée prochainement. La Croatie estime que le rapport n'est pas équilibré car il ne comprend pas les développements positifs sus- mentionnés, mais met, au contraire, l'accent sur les difficultés auxquelles il fait face dans ses relations avec les Etats. Il est déplorable que ces soi-disant difficultés de coopération soient sorties du contexte global de la coopération de la Croatie avec le Tribunal et des efforts de la Croatie pour les résoudre de manière mutuellement satisfaisante. En réalité, la plupart des difficultés mentionnées dans le rapport ont été résolues. Malheureusement, la tendance à mettre tous les Etats sur le même pied dans le rapport est chose courante. Le rapport présente une vision quelque peu déformée de la coopération de la Croatie avec le Tribunal. En outre, les qualificatifs offensants utilisés pour décrire un débat politique sur le travail du Tribunal qui s'est tenu au sein du Parlement croate, ainsi que le fait de citer nommément des responsables croates, vont au-delà du mandat du Tribunal et des pratiques habituellement suivies dans les rapports de l'ONU.
Le représentant a estimé qu'il était vital que le Tribunal reflète dans son travail l'étendue et le niveau d'engagement des différentes parties dans les crimes de guerre qui ont été commis. Il est essentiel que les citoyens d'Etats qui coopèrent avec le Tribunal ne soient pas, pour cette seule raison, les plus représentés parmi les inculpés. Cependant, selon le représentant, des mesures encourageantes avaient été prises par le Tribunal au cours de la période considérée par le rapport. Certains auteurs de crimes bien documentés ont été appréhendés. Les plus hauts responsables d'un Etat qui porte la responsabilité première de la violence et des crimes qui ont accompagné la désintégration de l'ex-Yougoslavie ont été inculpés. Malheureusement, il ne l'ont été que pour des crimes commis au Kosovo. L'élargissement des actes d'accusation à leur encontre en vue d'inclure les crimes commis en Bosnie-Herzégovine et en Croatie est vital. De l'avis de la Croatie, il y a toujours des disproportions inacceptables en ce qui concerne les personnes détenues par le Tribunal. Ainsi, les Croates de Bosnie sont toujours sur-représentés comme auteurs et sous-représentés comme victimes. Les raisons de ce déséquilibre sont toujours les mêmes, à savoir le fait que la République fédérale de Yougoslavie et la Républika Srpska continuent de refuser de coopérer. Sept ans après sa création, le Tribunal n'a, jusqu'à présent, réussi ni à arrêter ni à prévenir les crimes de guerre, comme en témoignent les événements du Kosovo. L'impuissance à traduire en justice les grands criminels de guerre a transmis un message erroné. L'absence de coopération par les Serbes de Bosnie et la RFY est décourageante. Cette pratique continue d'avoir un effet négatif sur le processus de réconciliation. Le processus de réconciliation doit se traduire par le passage en justice de personnes comme Sljivancanin, Mrksic, Radic ou Martic, Karadzic, Mladic et Milosevic, a encore dit le représentant. M. OLE PETER KOLBY (Norvège) s'est déclaré convaincu que le Tribunal pénal international (TPI) est à même de prévenir des conflits à venir et peut contribuer au processus de réconciliation nationale en ex-Yougoslavie. Le représentant a pris note de la mise en accusation du Président Milosevic et d'autres personnalités de la République fédérale yougoslave. C'est, a-t-il souligné, la première fois qu'un chef d'Etat en exercice est ainsi mis en accusation. Le principe est essentiel pour lutter contre les plus graves crimes commis contre l'humanité, par des responsables de haut rang. M. Kolby a estimé que durant le conflit au Kosovo, le TPI a répondu rapidement et professionnellement, conformément à son mandat. Ainsi, le TPI a- t-il eu un impact direct sur le conflit en cours. Le TPI a par ailleurs confirmé sa capacité de réagir par des actions rapides lorsqu'il s'est trouvé confronté à une situation de défi. Le représentant a indiqué que l'existence d'un "chien de garde" dans le domaine du droit international est à présent largement reconnu comme un élément essentiel au maintien de la paix et de la sécurité dans cette région, de même que dans le processus de reconstruction de la société civile. Il a toutefois regretté que dans un contexte mondial, l'existence d'une justice pénale internationale soit plutôt l'exception que la règle. C'est pourquoi, les jugements du TPI constituent d'importantes mesures nouvelles de jurisprudence internationale en ce qui concerne la poursuite des crimes internationaux les plus graves. Le TPI est un moyen important de prévenir la récurrence des conflits, a-t-il fait remarquer. Le représentant a exprimé l'espoir que la population de cette région sera informée du travail du TPI et comprendra sa signification, même si cela doit prendre du temps.
M. Kolby a déploré que les principaux responsables des crimes commis en ex-Yougoslavie soient encore en liberté avec un semblant d'impunité. A cet égard, la communauté internationale ne peut pas déroger à ses engagaments à long terme et faire en sorte que le mandat du TPI soit couronné de succès. Les crimes de génocide et les crimes contre l'humanité ne peuvent restés impunis. Il a souligné que cette situation d'impunité découle principalement de l'absence de coopération de la République fédérale yougoslave avec le TPI. La Norvège, a-t-il indiqué, continue de soutenir fortement le TPI et se joint à ceux qui ont appelé les Etats à prendre toutes les dispositions législatives nécessaires pour assurer une coopération efficace des Etats avec le TPI. Outre cela, le TPI doit également recevoir le soutien matériel et financier des Etats. Il s'est déclaré concerné par le manque de coopération de la République fédérale yougoslave, de même que d'autres Etats. M. Kolby a mis l'accent sur l'importance de la coopération des Etats Membres avec le TPI et le respect de ses injonctions. La Norvège a déclaré sa volonté d'examiner les demandes du TPI en ce qui concerne l'exécution des peines et de recevoir des personnes pour qu'elles purgent leur peine en Norvége.
Mme MARJATTA RASI (Finlande) au nom de l'Union européenne et des pays associés, a déclaré que la mise en place du TPI en 1993, a été une mesure décisive pour établir la responsabilité des crimes contre l'humanité. On savait, a-t-elle rappelé, que la tâche du TPI serait difficile lorsqu'il a été mis en place. Elle a estimé que le rapport annuel du TPI donne la preuve de ses efforts face aux défis qui lui ont été lancés. Le TPI est devenu une cour internationale opérationnelle qui a amélioré ses méthodes de travail et sa rapidité. Le TPI, a-t-elle souligné, est cependant loin d'avoir accompli sa tache, trop de personnes mises en accusation restent liberté, et notamment des personnes de haut rang. La représentante a indiqué qu'il est essentiel pour le rétablissement du droit dans la région d'assurer que les suspects soient traduits en justice. A cet égard, l'Union européenne regrette que la résolution 827 du Conseil de sécurité ne soit pas respectée par tous les Etats.
A l'aube du XXIème siècle, a-t-elle continué, il est inacceptable que des territoires servent de refuges à des personnes poursuivies pour crimes contre l'humanité. Le rapport indique des cas d'obstruction commis par la République fédérale de yYougoslavie au travail du TPI, qui s'est notamment vu interdire de se rendre au Kosovo. L'Union européenne continuera de coopérer avec le Tribunal, a indiqué la représentante, elle appelle tous les Etats concernés à le faire. Elle prend par ailleurs acte du fait que la Croatie fait mieux que la République fédéral eu Yougoslavie en matière de coopération avec le TPI. Mais, a-t-elle regretté, la Croatie a toutefois manqué à ses obligations en deux cas. La représentante a indiqué que l'amenuisement de la coopération avec le TPI, dénoncé par sa Présidente, préoccupe l'Union européenne. La Républica Srpska, en Bosnie Herzégovine, a continué à ne pas remplir ses obligations. Cette absence de coopération est grave et met en danger l'objectif général consistant à restaurer et maintenir la paix dans la région. C'est pourquoi l'Union européenne prie tous les Etats concernés de coopérer avec le TPI.
La représentante a déclaré que l'Union européenne attache une grande importance aux mesures de protection aux témoins, et porte un grand intérêt au programme d'assistance des témoins. Elle a estimé indispensable pour le TPI que les témoins se sentent en sécurité pour venir au procès et n'aient pas peur des représailles. La représentante a indiqué que l'Union européenne finance ce programme et que certains Etats Membres ont accueilli des témoins et leurs familles. En ce qui concerne l'exécution des peines, l'assistance des Etats est indispensable au TPI et beaucoup ont déjà commencé à coopérer. L'Union européenne, a-t- elle continué, prend note du travail du TPI pour mieux faire connaître son travail à la population de la région. Cela est très important. La confiance et le respect du travail du TPI sont essentiels à la poursuite avec succès de ses taches. L'appui donné à ce programme d'information actif permettra de faciliter au TPI la réalisation de cette opération d'information. La représentante a indiqué que comme dans le passé l'Union européenne s'abstient de faire des observations sur les cas individuels. Elle dit par ailleurs sa gratitude aux juges et responsables du TPI pour leurs précieux services.
Elle a estimé que, dans le rapport du TPI, il est suggéré que le succès peut être mesuré à trois niveaux. Le travail du TPI va d'abord au-delà des espérances dans certains domaines. Le TPI a notamment jeté les bases de la mise en place d'un système permanent de justice pénale internationale. L'exemple du TPI a servi d'exemple au Statut de Rome pour une Cour pénale internationale permanente. Le TPI enfin commence à voir un impact en ex-Yo ugoslavie. Elle a déclaré essentiel que le travail du TPI en ex-Yougoslavie soit appuyé par la coopération active de tous les Gouvernements, indiquant que l'Union européenne continuera d'aider le TPI et de coopérer avec lui.
M. SEYED MOHAMMAD HADI NEJAD HOSSEINIAN (République islamique d'Iran), a rappelé que la création d'un tribunal ad hoc, il y a six ans, afin de juger les personnes responsables de crimes, principalement contre les Bosniaques musulmans était le signe donné par la communauté internationale qu'en rendant justice, le processus de réconciliation dans les Balkans serait facilité et qu'une paix et une sécurité durables ne pouvaient être établies qu'avec la justice. Il s'est félicité des progrès accomplis par la Cour, de sa capacité d'être un tribunal international pleinement opérationnel, de l'accroissement de son budget et de la création d'une troisième chambre qui permet d'accélérer les procédures et de limiter la durée de détention provisoire.
Il a rappelé que tous les Etats avaient l'obligation de coopérer avec le tribunal ad hoc et a regretté que certains Etats persistent à refuser l'arrestation ou le transfert d'auteurs de crimes inhumains. La République fédérale de Yougoslavie, plus particulièrement, a été responsable d'avoir empêcher des enquêtes et d'avoir permis une nouvelle tragédie humanitaire au Kosovo, a- t-il déclaré.
Il a indiqué qu'il était essentiel que l'ONU et le Conseil de sécurité en particulier, continuent de soutenir le Tribunal politiquement, financièrement et logistiquement, et qu'ils garantissent que la nécessité d'une justice internationale l'emporte sur les intérêts de quelques Etats.
M. JASMI MD. YUSOFF (Malaisie) s'est félicité des amendements apportés au Règlement de procédure et de preuve en vue de rationaliser et d'accélérer les procédures devant le Tribunal. La Malaisie espère cependant que le Tribunal ne jugera pas les affaires "à la vitesse de l'éclair" mais mènera les procédures de la manière la plus efficace dans le respect des droits des accusés. Le travail du Tribunal constitue une contribution importante à la restauration de la paix et de la stabilité dans les Balkans. Il témoigne du soutien continu de la communauté internationale à la règle du droit en tant que fondement indispensable d'une société juste, a déclaré le représentant, qui a lancé un appel en faveur d'un plus grand soutien au Tribunal, en exerçant des pressions sur la République fédérale de Yougoslavie afin qu'elle s'acquitte de ses obligations à l'égard du Tribunal.
La Malaisie est préoccupée par le fait que 35 personnes inculpées publiquement sont toujours en liberté, principalement sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. Malgré les efforts du Tribunal, certains Etats et entités, en particulier la République fédérale de Yougoslavie et la Republika Srpska, continuent de faire obstacle aux travaux du Tribunal. La Malaisie lance un appel pour que des efforts plus sérieux et plus déterminés soient déployés pour traduire les personnes accusées de crimes de guerre en justice. L'arrestation d'accusés de moindre importance ne peut être un substitut à l'arrestation des hauts responsables de ces atrocités. Leur présence dans ces Etats et entités, jouissant de la liberté et de l'impunité, envoie un message politique erroné et contribue au maintien d'un climat d'insécurité qui fait obstacle au retour des réfugiés. L'arrestation et la traduction en justice des criminels de guerre ne sont pas seulement une question de justice, mais une contribution importante au processus de réconciliation, a affirmé le représentant, appelant à ce que tous les efforts soient faits pour assurer leur comparution devant le Tribunal le plus tôt possible.
M. AHMED DARWISH (Egypte) a estimé que la mise en place du Tribunal témoigne de la détermination de la communauté internationale de poursuivre tous ceux qui ont commis des violations du droit international dans l'ex-Yougoslavie et vise à dissuader tous ceux qui auraient l'intention de commettre de tels crimes à l'avenir. Le représentant a souligné le fait que la juridiction du Tribunal s'étend au Kosovo. Il s'est félicité de ce que celui-ci a amélioré ses pratiques de travail, mentionnant en particulier les mesures prises pour réduire la durée des procès, ainsi que les dispositions relatives à la détention des suspects. Le Tribunal a assumé son travail judiciaire dans le respect de son mandat, a estimé le représentant. L'Egypte a suivi de près le travail du Tribunal au cours de l'année écoulée et attache une grande importance aux efforts du Tribunal en vue de la protection des témoins et à ses activités de communication et de sensibilisation sur ses travaux à l'égard des populations de la région balkanique.
Le représentant a déploré le fait que de hauts responsables, inculpés de crimes de guerre, soient encore en liberté, citant en particulier Radovan Karadzic et Ratko Mladic. Il a aussi déploré le fait que certains pays n'honorent pas leurs obligations et ne coopèrent pas avec le Tribunal. Il faut mettre en oeuvre la juridiction du Tribunal et veiller à ce que les personnes inculpées soient traduites en justice, a dit le représentant. Pour l'Egypte, il est essentiel de renforcer les ressources du Tribunal. A cette fin, le représentant à appelé les Etats à contribuer de façon adéquate au Fonds créé à cette fin. Il s'est encore réjoui du renforcement des contacts entre les deux Tribunaux pénaux internationaux. L'Egypte estime que cette attitude renforcera le rôle des deux Tribunaux et facilitera la réconciliation dans les pays concernés. Le système juridique international est maintenant parachevé, il ne manque qu'une application fidèle et en toute bonne foi du droit, a conclu le représentant.
M. ALAMGIR BABAR (Pakistan) a rappelé que la création d'un Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie était un événement remarquable qui avait permis aux Nations Unies de regagner une partie de la confiance qu'elles avaient perdue durant la guerre de Bosnie. Il s'est félicité de la prise de fonctions de trois nouveaux juges et du fait que les trois Chambres de jugement ainsi que la Chambre d'appel soient pleinement opérationnelles.
Le Pakistan a-t-il déclaré, avait soutenu l'élargissement de la juridiction du Tribunal aux crimes commis au Kosovo. Le génocide Serbe envers les Kosovars albanais a mis en évidence l'importance que le rôle du Tribunal pouvait jouer pour mettre fin aux malheurs des peuples de la région et leur rendre justice. Le Pakistan partage l'avis du Tribunal selon lequel la communauté internationale ne peut pas permettre le massacre d'individus et la destruction de communautés entières parce qu'elles sont de différentes race, ethnie ou religion. C'est pour cela que l'accusation de crime contre l'humanité envers M. Milosevic par le Tribunal, pour ses crimes au Kosovo est une décision historique, a-t-il déclaré.
M. Babar a rappelé que selon le rapport du Tribunal, 35 accusés sont encore en liberté et que la plupart se trouvent sur le territoire de l'ex-yougoslavie. Il a regretté à ce sujet l'absence de coopération de l'ex-yougoslavie. Le Pakistan a versé un million de dollars pour contribuer au financement du Tribunal, montrant ainsi le soutien qu'il lui porte.
M. MUHAMAD SACIRBEY (Bosnie-Herzégovine) a remercié le TPIY et ses trois éminents membres qui viennent de se retirer, Mmes Harbour et Kirk McDonald et M. Cassese, pour leurs efforts incessants qui ont permis d'améliorer sensiblement l'état de son pays. Il a souligné que contrairement à ce que déclarent certains, les arrestations d'inculpés ne fragilisent pas le processus de paix, mais le renforcent. La sagesse de ceux qui ont créé le Tribunal contribue ainsi à la réconciliation en ex- Yougoslavie. Pour renforcer encore cette oeuvre, il a appelé à l'arrestation des "gros poissons", c'est-à-dire des responsables principaux. Il ne faut pas négocier avec les Mladic ou Karadzic. Milosevic le souhaite pour les faire disparaître discrètement de la scène internationale, a-t-il souligné, car à long terme, ces expédients nuisent à l'établissement de la paix et la réconciliation. Cela réduirait le Tribunal au rang de cour impériale, a-t-il ajouté. Il ne serait plus considéré comme une institution de paix, mais comme une tentative cynique d'imposer la diplomatie en jugeant ceux qui ne comptent pas politiquement. Les Nations Unies seraient alors considérées comme un
instrument de mise en oeuvre du nouvel ordre inégal et hiérarchique parmi les êtres humains, a affirmé le représentant. Il a rappelé que la justice ne doit pas faire de sélection politique.
Il a demandé aux représentants présents de soutenir toutes les propositions de la Présidente du Tribunal pour améliorer son fonctionnement.
RAPPORT DU TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL CHARGE DE JUGER LES PERSONNES PRESUMEES RESPONSABLES D'ACTES DE GENOCIDE OU D'AUTRES VIOLATIONS GRAVES DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE COMMIS SUR LE TERRITOIRE DU RWANDA ET LES CITOYENS RWANDAIS PRESUMES RESPONSABLES DE TELS ACTES OU VIOLATIONS COMMIS SUR LE TERRITOIRE D'ETATS VOISINS ENTRE LE 1ER JANVIER ET LE 31 DECEMBRE 1994
Note du Secrétaire général transmettant le quatrième rapport annuel du Tribunal pénal international (A/54/315) (Point 51)
Ce rapport annuel, soumis par le Président du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), conformément à l'article 32 du Statut de ce Tribunal, dresse le bilan des principales activités judiciaires menées par le Tribunal, qu'il s'agisse des Chambres, du Bureau du Procureur et du Greffe, avant de faire le point sur les coopérations et l'assistance dont ont bénéficié ces organes de la part des Etats et de diverses institutions entre le 1er juillet 1998 et le 30 juin 1999.
Composition des Chambres
Le 3 novembre 1998, à l'issue de cinq tours de scrutin, l'Assemblée générale a élu neuf juges dont le mandat prendra fin le 24 mai 1999. Quatre juges ont été réélus au terme de leur premier mandat - Navanethem Pillay (Afrique du Sud), affectée à la Présidence de la première Chambre, Laïty Kama (Sénégal), nommé Président de la seconde Chambre de première instance, Yakov Ostrovsky (Fédération de Russie), et William Sekule (République- Unie de Tanzanie), auxquels sont venus s'ajouter Pavel Dolenc (Slovénie), Mehmet Güney (Turquie), Dionysios Kondylis (Grèce), Erik Mose (Norvège) ainsi que Lloyd George Williams (Jamaïque et Saint-Kitts-et-Nevis), affecté Président de la troisième Chambre de première instance. Le 2 mars 1999, le juge Kondylis a démissionné pour des motifs personnels et a été remplacé par le juge Asoka de Zoysa Gunawardana (Sri Lanka), désigné par le Secrétaire général de l'ONU.
Les juges Pillay et Mose ont été élus respectivement Présidente et vice-Présidente du Tribunal.
Aperçu des activités judiciaires du Tribunal
Le présent rapport couvre une période marquante de l'histoire du TPIR. C'est au cours de cette période qu'ont été rendus les quatre premiers jugements du Tribunal, qui constituent un apport considérable à la jurisprudence en droit international humanitaire et en droit international pénal. Au cours de la période considérée, neuf accusés ont été arrêtés et transférés au quartier pénitentiaire du Tribunal à Arusha où ils attendent d'être jugés. Comme l'indique l'annexe du rapport, en tout, 31 détenus attendent d'être jugés. La plupart ont soulevé des exceptions préjudicielles. La longueur des premiers procès tient en partie au fait que le TPIR est quasiment une innovation qui a nécessité un travail préparatoire énorme de la part de tous les organes. Les juges sont déterminés à mener à terme autant de procès que possible avant la fin de leur mandat reconduit jusqu'à l'an 2003.
Le 2 septembre 1998, dans le cadre de l'affaire, le Procureur contre Jean-Paul Akayesu, le Tribunal a rendu le premier jugement par une juridiction internationale sur le crime de génocide. L'accusé a été reconnu coupable de neuf des 15 charges retenues contre lui - y compris le génocide et les crimes contre l'humanité. La Chambre de première instance a également jugé que le viol, de même que les violences sexuelles, constituaient des actes génocides s'ils étaient commis dans l'intention de détruire, en tout ou partie, un groupe visé en tant que tel. Le 2 octobre 1998, l'accusé a été condamné à l'emprisonnement à vie en application de la confusion des peines. Jean-Paul Akayesu et le Procureur ont tous deux interjeté appel du jugement.
Le 4 septembre 1998, Jean Kambada, ancien Premier Ministre du Gouvernement intérimaire de la République rwandaise et premier accusé à plaider librement et volontairement coupable de tous les chefs d'accusation retenus contre lui, y compris ceux de génocide, d'incitation directe et publique à commettre le génocide, de complicité de génocide et de crime contre l'humanité, a été condamné à la peine d'emprisonnement à vie, la Chambre ayant jugé que les circonstances aggravantes des crimes visés l'emportaient sur les circonstances atténuantes. Jean Kambada a fait appel.
Le 5 février 1998, Omar Serushago, ancien chef de la milice Interahamwe dans la préfecture de Gisenyi, a été condamné à une peine de 15 ans pour crime de génocide et crimes contre l'humanité, ayant bénéficié de plusieurs circonstances atténuantes. Il a fait appel. Dans le cadre du procès joint le Procureur contre Clément Kayishema et Obed Ruzindana, les accusés, convaincus de génocide, ont été condamnés le 21 mai 1999 respectivement à la prison à vie et à 25 ans d'emprisonnement. Les accusés et le Procureur ont fait appel. Les procès contre Georges Anderson Rutaganda, deuxième vice-Président des Interahamwe au Rwanda en 1994, et d'Alfred Musema, directeur de l'usine à thé de Gisovu, tous deux accusés de génocide et de crimes contre l'humanité, sont terminés et les affaires mises en délibéré. Enfin, le 18 mars 1999, la Chambre de première instance I a autorisé le Procureur à retirer l'acte d'accusation établi contre Bernard Ntuyahaga de crime contre l'humanité pour l'assassinat de l'ancien Premier Ministre rwandais et 10 soldats belges de la Mission des Nations Unies pour l'Assistance au Rwanda (MINUAR). M. Ntuyahaga a été remis en liberté le 29 mars 1999. Son appel a été rejeté.
De son côté, le Bureau du Procureur s'est employé à consolider sa stratégie, qui vise d'une part à orienter les enquêtes exclusivement vers les personnes qui occupaient une position d'autorité au moment du génocide, en particulier celles qui se sont entendues pour le commettre, et d'autre part à regrouper des actes d'accusation joints pour faire apparaître les différents domaines où des liens ont existé tant sur le plan national qu'au niveau des préfectures.
Coopération
Par sa résolution 53/213 du 18 décembre 1998, l'Assemblée générale a décidé d'ouvrir pour inscription au Compte spécial du Tribunal un montant total brut de 75 260 600 dollars des Etats- Unis pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1999. Les effectifs pour 1999 ont été augmentés de 190 postes pour atteindre 762 postes. Les efforts du Tribunal au cours des deux dernières années de se doter d'un personnel hautement qualifié dans tous les domaines ont porté leurs fruits. Ce succès et l'audience accrue du TPIR se traduisent par un nombre élevé de candidatures qui lui parviennent aujourd'hui de toutes les régions du monde. Par ailleurs, le premier programme de vulgarisation dans le cadre de la justice internationale contemporaine, ainsi que le site Internet du Tribunal, créés durant la période considérée, ont contribué à mieux informer la population rwandaise et au-delà de l'oeuvre du TPIR.
Au vu du rapport, le TPIR, qui n'a ni les forces de police ni l'implantation géographique qui lui permettent d'appréhender les personnes qu'il souhaite poursuivre, est reconnaissant aux Etats et aux organisations internationales de la coopération non négligeable qu'ils ont prêtée. Elle lui a permis d'arrêter, de placer en détention et de juger les personnes accusées. A mesure que le Tribunal avance dans l'exécution de sa mission, les peines qu'il prononce mettent en évidence le besoin urgent d'une coopération plus étendue en ce qui concerne la comparution rapide et la protection des témoins et l'incarcération des condamnés. Obtenir des Etats qu'ils mettent à la disposition du Tribunal des installations pénitentiaires où ces peines pourront être purgées reste un sérieux motif de préoccupation. Le Mali, la Belgique, la Suisse, le Danemark, ainsi que d'autres pays africains comme le Bénin et Madagascar se sont engagés à des degrés divers dans cette coopération. Le rapport note que le Tribunal maintient sa demande tendant à ce qu'une aide financière soit octroyée aux pays africains qui souhaiteraient mettre leurs prisons à disposition, mais dont les établissements sont inadaptés.
Présentation du rapport
Mme NAVANETHEM PILLAY, Présidente du Tribunal pénal international pour le Rwanda, a déclaré que les jugements du Tribunal ont un impact significatif sur le développement du droit humanitaire international. Ainsi, la décision dans l'affaire Akayesu constitue la première interprétation et application par une Cour internationale de la Convention de 1948 sur la prévention et la punition du crime de génocide. Les décisions du Tribunal sur le viol et la violence sexuelle et sur les crimes contre l'humanité constituent des précédents juridiques importants pour la protection internationale des droits de l'homme. Si l'on peut se féliciter des progrès réalisés, il faut toutefois reconnaître que les réalisations sont modestes en comparaison avec le retard dans les affaires attendant d'être jugées, a déclaré Mme Pillay, faisant part de sa préoccupation profonde face aux retards dans l'administration de la justice. Des accusés, actuellement en détention, attendent depuis longtemps l'ouverture de leur procès, certaines depuis 1996. Ils doivent être jugés le plus rapidement possible, conformément à leur droit fondamental à un procès sans retard, a souligné la Présidente du Tribunal. Bien que nombre des difficultés administratives et judiciaires qui ont provoqué des retards au cours des deux premières années de fonctionnement du Tribunal aient été surmontées, le travail judiciaire n'a pas progressé comme nous l'espérions, a-t-elle souligné. Le rythme des procédures judiciaires doit être rapide au vu du volume croissant de travail. Ainsi, le Bureau du Procureur a indiqué qu'il menait actuellement quelque 90 enquêtes et prévoyait de délivrer une vingtaine d'actes d'accusation en 2000.
La Président du Tribunal a rappelé que c'est la qualité et non la rapidité des procédures qui doit primer. Pourtant, il existe plusieurs obstacles au déroulement d'une justice rapide, a-t-elle dit. Ainsi, elle a estimé urgent de mettre en place un système de gestion du Tribunal mieux organisé et sur lequel on puisse davantage s'appuyer afin de résoudre les problèmes qui causent constamment l'ajournement des procédures. Evoquant les nombreux problèmes administratifs rencontrés, la Présidente du Tribunal a mis l'accent sur le fait que l'objectif de l'administration des services et des ressources doit répondre aux besoins des enquêtes, des procès et des jugements. De tels priorités sont normales pour les systèmes juridiques nationaux. Malheureusement, la structure du Tribunal ne permet pas la même obligation redditionnelle que le Président du Tribunal peut attendre d'un Greffe dans un tribunal national. L'autonomie accordée au Greffe a parfois un impact grave sur la capacité des Chambres et du Bureau du Procureur de mener leur travail de manière indépendante et de contrôler le rythme, voire la qualité de leur travail.
Une autre difficulté est liée au nombre important de motions qui doivent être traitées avant les procès, retardant leur ouverture, a indiqué la Présidente. Elle s'est déclarée convaincue qu'en s'engageant conjointement à accélérer les procédures et à renforcer la coopération entre les trois organes principaux du Tribunal dans la planification et l'organisation de son travail, il serait possible de conclure les procès des accusés actuellement en détention d'ici au mois de mai 2003. Mme Pillay a encore souligné l'importance de la coopération des Etats Membres dans l'exécution des mandats d'arrêts lancés par le Tribunal. Dans ce contexte, elle a remercié les Etats qui ont appuyé l'arrestation, la détention et le transfert de suspects au Tribunal, ainsi que ceux qui ont facilité le déplacement de témoins pour témoigner devant le Tribunal. Dans ce domaine, a-t- elle déclaré, le Tribunal a besoin d'un soutien accru des Etats Membres. Sans coopération continue, les comparutions de témoins devant le Tribunal sont pratiquement impossibles, ce qui ralentit le processus judiciaire dans son ensemble. Elle a appelé les Etats Membres à adopter la législation nécessaire et à signer des accords de coopération avec le Tribunal afin de faciliter les décisions dans ce domaine. Le Tribunal souhaite aussi un plus grand soutien en ce qui concerne la réinstallation des témoins dans des Etats tiers.
La Présidente du Tribunal a encore rappelé la signature le 3 juin dernier d'un Memorandum d'entente entre l'ONU et le Rwanda concernant le Bureau du Tribunal au Rwanda. Mme Pillay a réaffirmé, en conclusion, la détermination des juges du Tribunal à achever les procès des personnes accusées qui sont actuellement en détention d'ici au moins de mai 1999. Mais, nous ne pourrons le faire que si nous disposons du soutien administratif et judiciaire nécessaires, a-t-elle déclaré.
Mme MARJA LEHTO (Finlande) au nom de l'Union européenne et des Etats associés, a déclaré que tout comme le Tribunal pour l'ex-Yougoslavie, le Tribunal pour le Rwanda a rendu, durant la période à l'examen dans le rapport, ses premiers jugements, y compris les premiers jugements pour des crimes de génocide. Mme Lehto a mis l'accent sur le fait que c'est la première fois qu'une Cour de justice internationale rend des jugements de ce type. Alors que l'atrocité des crimes jugés par le Tribunal pour le Rwanda marque une des périodes les plus sombres de l'histoire les jugements qui ont été rendus prouvent, quant à eux, l'engagement de la communauté internationale pour que l'impunité, en ce qui concerne de tels crimes, ne soit plus de mise.
La représentante a estimé que le Tribunal est désormais opérationnel, bien qu'il doive faire face à de nombreux défis. C'est pourquoi, Mme Lehto a accueilli avec satisfaction la création d'une troisième Chambre de première instance qui devra permettre au Tribunal de travailler plus vite. Toutefois, elle a déclaré qu'elle était préoccupée face à certains problèmes administratifs, relatifs au contrôle administratif et à la comptabilité, qui ne sont toujours pas résolus. A cet égard, les conclusions du dernier rapport du Bureau des contrôles du service interne préoccupent beaucoup l'Union européenne.
La représentante a rappelé que, dans ses premiers jugements, le Tribunal s'est prononcé sur les crimes les plus graves et, par ces jugements, il a marqué que l'impunité ne peut prévaloir face à de tels actes. L'Union européenne attache une grande importance au travail du bureau du Procureur, et notamment en ce qui concerne la collecte des preuves des crimes sexuels commis dans la région, a-t-elle indiqué. Cela et l'assistance aux victimes doivent faire l'objet de l'appui de toute la communauté internationale. La représentante a également estimé que la protection des témoins notamment après les procès est essentielle et surtout dans le cas de témoins féminins. L'Union européenne remercie les Etats qui facilitent la venue de témoins au Tribunal ainsi que le pays hôte, à savoir la République-Unie de Tanzanie, qui a modifié sa législation pour permettre aux témoins de se rendre en toute sécurité au procès. Mme Lehto a également souligné l'assistance précieuse d'un certain nombre d'Etats de l'Union européenne qui a pris différentes formes. Elle a mis l'accent sur la nécessité d'une collaboration plus poussée en ce qui concerne l'accueil des prisonniers. A cet égard, elle a mis en évidence le rôle pionnier joué par le Mali qui a signé un Accord sur la mise à disposition de ses installations pénitentiaires et, d'autres Etats ont annoncé leur intention d'agir de la sorte.
La représentante a déclaré que le programme d'information active est nécessaire pour informer le peuple rwandais des actions du Tribunal. Il peut aussi s'avérer efficace pour renforcer la prise de conscience et affirmer le détermination de la communauté internationale de lutter contre l'impunité. Mme Lehto a déclaré que comme pour le débat sur l'ex-Yougoslavie, l'Union européenne ne fera pas pour le Rwanda d'observations sur des cas individuels. Elle réaffirme toutefois son engagement à appuyer les travaux du Tribunal. Elle remercie les juges et responsables du Tribunal et lui souhaite de parvenir à mener à bien son mandat. La représentante a indiqué que le Tribunal pour le Rwanda fonctionne en collaboration étroite avec celui pour l'ex-Yougoslavie, estimant que ces efforts coordonnés peuvent être très efficaces. Mme Lehto a par ailleurs estimé que le Tribunal est dans une première étape de son travail, sa charge de travail est lourde et l'Union européenne souhaite voir ses problèmes administratifs résolus. La représentante a souligné qu'une amélioration dans ce domaine permettrait à l'Europe de porter une plus grande confiance au Tribunal en ce qui concerne l'accomplissement efficace de son mandat.
M. HANS BRATTSKAR (Norvège) s'est félicité des résultats encourageants du Tribunal pour le Rwanda à qui a incombé la responsabilité de prononcer les premiers jugements pour crime de génocide par un tribunal international 50 ans après l'adoption de la Convention contre le génocide et que l'expérience accumulée par le Tribunal pour le Rwanda a été un point de départ de l'établissement d'une cour criminelle internationale.
Il s'est déclaré préoccupé par les difficultés administratives rencontrées par le Tribunal et par les conditions de travail à Arusha et Kigali. Il a cependant salué les progrès accomplis au cours de l'année écoulée.
Il a rappelé que la Norvège appuyait le Tribunal et appelait les Etats à prendre les mesures législatives nécessaires pour permettre une coopération efficace avec le Tribunal. Il s'est félicité de l'aide apportée par plusieurs pays dans la recherche et l'arrestation de certains accusés et a rappeler qu'un soutien financier et matériel au Tribunal était nécessaire. A ce sujet la Norvège a accepté de recevoir un nombre limité de condamnés afin qu'ils purgent leurs peines en Norvège.
M. AHMED DARWISH (Egypte) s'est félicité des efforts effectués pour poursuivre les responsables de génocide et de crimes contre l'humanité. Il s'est également félicité de la création d'une troisième Chambre pour mieux et plus rapidement rendre la justice, et de l'ouverture et l'enrichissement de sa bibliothèque. Il a appelé de ses voeux la réforme des procédures du Tribunal pour améliorer ses travaux. En particulier, il a souligné l'importance de l'unité d'aide et de protection des témoins et victimes contre les représailles, qui leur offre également un appui psychologique indispensable. Il a également applaudi la proposition d'utiliser des avocats intérimaires qui permette de garantir une défense adéquate des accusés. Il a souligné l'importance de la coopération entre le TPIY et le TPIR pour assurer leur pérennité, tous deux visant à rétablir la paix et la réconciliation. Il a appelé à leur fournir à cette fin des ressources financières et techniques importantes, et a remercié les gouvernements, ONG et organisations scientifiques qui s'y sont employés. Il a appelé à la création d'un fonds spécial pour le TPIR, et le recours au budget ordinaire des Nations Unies.
Il a souligné l'importance du rôle de l'information dans le travail du Tribunal, et les a invités à s'acquitter de leurs responsabilités dans ce rôle.
M. PERCY M. MANGOAELA (Lesotho) s'est félicité des mesures prises par le Tribunal afin d'accélérer les procédures de jugement. Il a rappelé que tout retard mis à rendre la justice constitue une négation de la justice même. A ce sujet il a noté que les trois Chambres d'accusation pouvaient à présent se réunir simultanément. Il a également relevé la mise en place d'audiences communes qui permettront sans doute une utilisation optimale des ressources du Tribunal et éviteraient aux témoins de devoir témoigner de façon répétée sur les mêmes faits dans des jugements différents.
Il a déclaré que la condamnation de l'ancien Premier Ministre du Rwanda et d'autres officiels rwandais avait non seulement une signification historique, mais constituait un cas de jurisprudence pour le droit humanitaire international. Il a ajouté qu'à présent il ne serait plus possible aux auteurs de crimes d'échapper à la justice. Il s'est félicité de la coopération accrue des Etats avec le Tribunal, et notamment des efforts fournis par certains Etats pour l'arrestation d'accusés et pour la recherche de témoins et de l'aide apportée à ceux-ci afin qu'ils puissent témoigner. Il s'est aussi déclaré satisfait de la nomination par le Rwanda d'un Représentant spécial pour le Tribunal qui permettra une meilleur compréhension des difficultés du Tribunal par les Rwandais et contribuera à dissiper les doutes initiaux que les Rwandais avaient émis au sujet du Tribunal.
M. PETER L. KASANDA (Zambie) a déclaré que sa délégation attache une grande importance au travail du Tribunal, du fait de la nature grave des crimes commis au Rwanda. Alors que le Rwanda a porté la partie la plus lourde du fardeau, le représentant a souligné que la Zambie a également été touchée par ces événements, et notamment par le flux de réfugiés. Le représentant a par ailleurs estimé que si la communauté internationale était intervenue plus tôt, cette tragédie n'aurait pas eu lieu ou n'aurait pas eu une telle ampleur. Il a par ailleurs déploré le manque de rapidité dont le Tribunal a fait preuve jusqu'à présent.
M. Kasanda s'est dit heureux de prendre acte du fait, que pour la période considérée par le rapport, le Tribunal ait rendu ses premiers jugements et ses premières accusations contre les crimes de génocide, ce qui constitue une première pour un tribunal international. Le représentant a félicité le Bureau du Procureur et les autres départements qui ont rendu possibles ces mises en accusations. Il a estimé que le Tribunal a encore une lourde charge de travail et comprend le retard qui est intervenu pour les premiers cas, en raison du travail de préparation nécessaire. Le représentant a exprimé l'espoir qu'avec une nouvelle salle d'audience, une nouvelle chambre de première instance et l'augmentation du nombre de ses juges, le Tribunal pourra travailler plus vite, espérant également que les cas actuels seront traités avant la fin du mandat des juges en place.
M. Kasanda a remercié les pays disposés à accueillir les prisonniers du Tribunal. A cet égard, il a lancé un appel pour que les pays africains n'ayant pas des locaux adéquats puissent les améliorer, grâce à l'aide de la communauté internationale, et les mettre ensuite à la disposition du Tribunal. Le représentant a indiqué que la Zambie cherche également à savoir dans quelle mesure elle pourrait en faire de même. M. Kasanda a indiqué que la Zambie coopère avec le Tribunal dans d'autres domaines. Elle a été le premier pays africain à appréhender les suspects réfugiés sur son territoire. La Zambie a aussi aidé les témoins à se rendre au Tribunal, en leur fournissant des documents temporaires de voyage. Le représentant a pris note avec satisfaction de la création d'une unité pour l'assistance aux victimes et lancé un appel aux donateurs, tout en remerciant ceux qui se sont déjà manifestés.
M. MUSINGA BANDORA (République-Unie de Tanzanie) s'est félicité de ce que malgré les nombreuses difficultés rencontrées, le TPIR ait trouvé son rythme de croisière tout en demeurant attaché à la réalisation de son mandat. La Tanzanie, pays hôte du TPIR, est particulièrement intéressée par la réussite du Tribunal et la mise en oeuvre d'une paix stable chez son voisin, le Rwanda. Seule la responsabilité des individus accusés de génocide et de crimes contre l'humanité permettra de réduire la culpabilité collective, source de conflits civils prolongés. Le représentant s'est félicité de la première condamnation pour génocide, et de l'extension de sa définition aux actes de viols et de violences sexuelles, qui auront d'importantes conséquences internationales pour l'avenir. Il a appelé la communauté internationale à soutenir les efforts et le travail des deux Tribunaux pénaux internationaux afin qu'ils puissent mener à bien leur mandat. Cela a de l'importance bien au-delà des Etats directement concernés, jusqu'en Sierra Leone, en Angola et au Timor oriental, a-t-il observé. Les auteurs de crimes contre l'humanité doivent savoir que l'humanité cherchera sans cesse à les traduire en justice.
Le représentant s'est félicité de l'Accord de coopération entre la Tanzanie et le TPIR qui a permis la visite du pays par ses juges. Il a invité les deux parties à poursuivre l'établissement d'un cadre de coopération efficace pour faciliter le travail du Tribunal. Pour permettre la réconciliation nationale, les victimes doivent connaître et avoir confiance dans le travail du TPIR et savoir qu'il n'y aura pas d'impunité.
En tant que représentant du pays hôte, M. Bandora a évoqué le problème d'espace du travail du Tribunal, auquel son pays n'a pas toujours été capable de répondre à temps, du fait de locataires refusant de céder leur espace ou exigeant des dédommagements inconsidérés. La Tanzanie s'est engagée à régler aussi vite et légalement que possible les procès qui découlent de ces problèmes. Il s'est félicité de la coopération établie à ce jour entre le TPIR, en particulier son Greffe, et la Tanzanie qui ont permis de régler pratiquement tous les problèmes administratifs et logistiques de manière rapide et amiable.
Mme CLAUDIA FRITSCHE (Liechtenstein) a rappelé qu'à sa création le Tribunal pénal international pour le Rwanda faisait face à une tâche quasi-impossible à accomplir, tant par la portée du génocide en question que par le manque de soutien politique, notamment de la part du pays auquel il était censé porter assistance. Nous pouvons souligner aujourd'hui que, bien que des mesures administratives restent à prendre par le Tribunal lui- même en matière de responsabilité et de contrôle financier, le Tribunal a déjà apporté d'importantes contributions, notamment au processus de réconciliation au Rwanda, a-t-elle déclaré. Elle a rappelé que la tâche confiée au Tribunal restait énorme et qu'il devait bénéficier d'un soutien sans équivoque de la communauté internationale. Elle s'est félicitée de la création d'une troisième chambre qui permettra d'accélérer les procédures de mise en accusation.
Elle a souligné que les jugements rendus par le Tribunal étaient d'importance historique, mais qu'il n'existait pas de compensation ou de remèdes aux conséquences du génocide. Nous devons nous battre pour un processus de guérison, mais il devrait y avoir simultanément un processus d'apprentissage auquel le Tribunal a déjà contribué, a-t-elle déclaré, rappelant qu'au moment des événements au Rwanda, le terme "génocide" était quasiment tabou lors des débats publics aux Nations Unies. Un travail aussi difficile qu'indispensable reste à accomplir à la fois au Rwanda et en Bosnie afin de maintenir et de renforcer la crédibilité et l'autorité de l'ONU a-t-elle conclu.
M. JOSEPH W. MUTABOBA (Rwanda) a déclaré qu'après le génocide de 1994, une opportunité s'était présentée de condamner le génocide et de promouvoir l'obligation redditionnelle avec l'établissement du Tribunal pénal international pour le Rwanda dont les débuts ont cependant été marqués par la corruption, les doubles emplois et des problèmes logistiques. Aujourd'hui, les erreurs s'accumulent et le Rwanda se demande si l'ONU ne va pas à nouveau lui faillir. Les Tribunaux internationaux pour le Rwanda et pour l'ex-Yougoslavie constituent une réponse moins que parfaite aux atrocités commises en masse. Seul un petit nombre de personnes peuvent être jugées. Si ces Tribunaux s'avèrent en fin de compte inefficaces, la communauté internationale devrait reconsidérer la création d'une version permanente de cet échec. Comme en témoigne le Tribunal pénal pour le Rwanda, il y a un écart important entre l'établissement d'une institution judiciaire par une résolution du Conseil de sécurité et sa transformation en une instance opérationnelle au niveau pratique. Alors que le Tribunal n'a réussi à mettre en accusation que quelques criminels, le Bureau du Procureur général du Rwanda a déjà inculpé 1989 criminels et exécuté 22 personnes reconnues coupables de génocide. Si le succès de la justice internationale doit se mesurer en termes de résultats concrets, le Tribunal pénal international pour le Rwanda est un échec. La raison en est qu'il n'a jamais donné l'impression de juger les suspects avec sérieux, puisqu'ils devaient veiller à ce que leurs clients soient entièrement satisfaits de leurs avocats, dont la majorité vient des mêmes pays, des mêmes sociétés et des mêmes familles, et bénéficient du jugement adéquat quel qu'en soit le prix.
En outre, a poursuivi le représentant, l'installation du Tribunal en dehors du Rwanda a souvent amené le peuple rwandais à douter de son existence et de son engagement à rendre la justice. Si le siège du Tribunal n'est pas transféré au Rwanda prochainement, il devrait au moins y avoir une discussion avec le Gouvernement rwandais sur la viabilité des procédures à mener au Rwanda. Nous souhaitons aussi avoir notre propre Procureur général pour le Tribunal, car nous ne voyons aucune logique à ce qu'un seul procureur général traite de deux réalités différentes. Au Rwanda, les massacres ont été encouragés par le Gouvernement, a souligné le représentant. Il a déploré le fait que le programme de protection des témoins n'ait été lancé que deux ans après la création du Tribunal. Critiquant les procédures de recrutement, il s'est étonné du fait que peu de Rwandais travaillent pour le Tribunal. Davantage de Rwandais devraient participer au processus judiciaire visant à traduire en justice ceux qui ont massacré leurs êtres chers. Le représentant a aussi condamné les abus commis par certains accusés du Tribunal, comme dans le cas Akayesu où près de un million de dollars ont été dépensés pour satisfaire les caprices de M. Akayesu. Il a déploré la remise en liberté vendredi dernier de Jean Bosco Barayagwiza, l'un des idéologues du génocide, et affirmé l'intention de son pays de se retirer si l'ONU continue de faillir au Rwanda et à son peuple.
Le représentant a estimé que l'impossibilité universelle de prendre des mesures contre le génocide fait une moquerie des valeurs les plus sacrées de la civilisation. L'application du droit international doit permettre de protéger les droits de l'homme et tous ceux qui sont responsables de violations de ce droit doivent être traduits en justice. Rappelant que la Convention sur la prévention et la punition du crime de génocide prévoit que les auteurs de crimes de génocide peuvent être traduits devant des tribunaux nationaux ou une instance internationale ad hoc, le représentant a déclaré que
le Tribunal pénal avait été créé par le Conseil de sécurité pour soutenir les efforts du Gouvernement en vue d'établir les responsabilités individuelles dans le génocide et les autres crimes contre l'humanité. Malgré son appui au Tribunal, le Rwanda avait décidé de voter contre la résolution du Conseil qui le mettait en place, car son mandat ne répondait pas aux attentes. Aujourd'hui, son comportement et ses réalisations nous poussent à lui accorder un vote de défiance, a déclaré le représentant.
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