En cours au Siège de l'ONU

AG/SHC/436

DES RAPPORTS SUR LES DROITS DE L'HOMME EN REPUBLIQUE ISLAMIQUE D'IRAN, AU CAMBODGE ET AU SOUDAN SONT PRESENTES DEVANT LA COMMISSION

5 novembre 1999


Communiqué de Presse
AG/SHC/436


DES RAPPORTS SUR LES DROITS DE L'HOMME EN REPUBLIQUE ISLAMIQUE D'IRAN, AU CAMBODGE ET AU SOUDAN SONT PRESENTES DEVANT LA COMMISSION

19991105

Ce matin, la poursuite de l'examen par la Troisième Commission des questions relatives aux droits de l'homme, a donné lieu à la présentation des rapports sur la situation des droits de l'homme au Cambodge, en République islamique d'Iran et au Soudan par les rapporteurs et représentants spéciaux chargés respectivement de ces pays.

M. Thomas Hammarberg, Représentant spécial du Secrétaire général sur la situation des droits de l'homme au Cambodge, a fait le point des contacts qu'il a eus lors de ces deux missions dans le pays sur la question de savoir comment traduire les dirigeants Khmers rouges en justice. Il a insisté, d'autre part, sur le fait que la réforme judiciaire en cours était déjà bien engagée. Il a estimé qu'il convient toutefois d'accroître les efforts déployés en vue de traduire en justice les responsables de violences politiques de ces dernières années et de mettre fin au régime d'impunité.

M. Maurice Copithorne, Représentant spécial sur la situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran, a estimé que la vision positive du Président iranien se traduisait dans les faits, mais que certains éléments conservateurs s'employaient à limiter la portée de la réforme engagée. Il a, d'autre part, indiqué que les mesures qui seront prises pour garantir la transparence des prochaines élections du Majlis, en février 2000, témoigneront de la vigueur de la démocratisation du pays.

M. Leonardo Franco, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur la situation des droits de l'homme au Soudan, s'est félicité d'avoir pu se rendre dans ce pays. Parmi les mesures positives adoptées par le Gouvernement soudanais, M. Franco a signalé notamment l'autorisation donnée aux Nations Unies de mener une mission d'évaluation dans les montagnes Nuba qui a eu lieu du 21 au 24 juin et la création d'un comité pour l'éradication de la séquestration des femmes et des enfants. Il s'est déclaré préoccupé par les stratégies déployées en vue de l'exploitation des ressources pétrolières qui, selon lui, amenuisent les chances de paix.

Après chaque présentation, un dialogue s'est engagé avec les délégations. Outre les représentants des trois pays concernés, Cambodge, République islamique d'Iran et Soudan, les représentants des pays suivants y ont participé: Finlande (au nom de l'Union Européenne), Etats-Unis, Japon, Jamahiriya arabe libyenne, République Dominicaine, Cuba, Canada, Chine et Iraq.

La Commission poursuivra cet après-midi, à partir de 15 heures, son examen des questions relatives aux droits de l'homme.

QUESTIONS RELATIVES AUX DROITS DE L'HOMME

RAPPORT DU RAPPORTEUR SPECIAL SUR LA SITUATION AU CAMBODGE

Rapport (A/54/353)

Ce rapport présente des comptes rendus des treizième et quatorzième missions du Représentant spécial du Secrétaire général pour les droits de l'homme au Cambodge, M. THOMAS HAMMARBERG (Suède).

Le Représentant spécial est notamment chargé d'aider le Gouvernement cambodgien à promouvoir et protéger les droits de l'homme. La treizième mission du 14 au 26 mars 1999, était centrée sur la question de savoir comment traduire les dirigeants Khmers rouges en justice, et sur des questions de droit à l'éducation, de protection des minorités et de réformes de la justice. Le Représentant spécial a demandé des éclaircissements au sujet d'une éventuelle aide internationale, et a eu des échanges de vues approfondis avec le Premier Ministre. Au cours des consultations qu'il a tenues avec les membres du corps diplomatique, ceux-ci lui ont généralement fait part de leur soutien pour la création d'un tribunal de caractère international chargé de juger les anciens dirigeants Khmers rouges. L'Ambassadeur de Chine a dit que la question des Khmers rouges était une affaire intérieure. Durant sa quatorzième mission du 10 au 20 mai 1999, le Représentant spécial a poursuivi ses entretiens avec les autorités sur la question. Il s'est aussi occupé de la situation du droit à la santé. Il a eu avec le Premier Ministre un échange de vues constructif sur la question de la création d'un tribunal satisfaisant aux normes internationales en matière de justice pour juger les principaux responsables des crimes les plus graves commis sous le régime Khmer rouge de 1975 à 1979. Le Premier Ministre a dit que le Cambodge était fermement décidé à les poursuivre en justice et rappelé que le temps pressait, vu les six mois de détention préventive prescrits par la loi cambodgienne. Il a indiqué que des travaux étaient en cours pour élaborer un projet de loi autorisant la participation aux procès de juges, procureurs et avocats étrangers, et fait part du souci du Cambodge de voir les juges et les procureurs être désignés par le Secrétaire général de l'ONU. Le Représentant spécial a souligné qu'il importait que tout le processus soit conforme aux normes internationales pour que l'ONU y ait la moindre part. Il a donné un aperçu des questions juridiques de fond qui demandaient à être résolues avant que des poursuites ne soient effectivement engagées, et notamment la définition du droit interne comme du droit international applicable. Il a également évoqué la question du tribunal avec le Roi et d'autres personnalités officielles importantes, ainsi qu'avec les représentants des organisations non gouvernementales. Le Président de l'Assemblée nationale, le Prince Ranariddh, a fait part de son appui sans réserve pour la notion de la création au Cambodge d'un tribunal de caractère international et que le Bureau des affaires juridiques

du Secrétariat de l'ONU a entrepris l'analyse des prescriptions légales s'attachant à la création d'un tribunal "mixte". Une mission dirigée par le Sous-Secrétaire général aux affaires juridiques est arrivée à Phnom Penh le 25 août pour s'entretenir avec le Gouvernement cambodgien des aspects juridiques et pratiques de la création, en droit cambodgien, d'un tribunal mixte auquel participeraient des juges et procureurs internationaux.

Au sujet de la protection contre la violence politique et le problème de l'impunité, depuis la formation du nouveau gouvernement à la fin de 1998, les actes de violence contre les présumés critiques et opposants politiques ont presque disparu. Le Représentant spécial a noté que le Premier Ministre s'était engagé à enquêter sur les 130 et quelque assassinats ou disparitions liés à la politique qui avaient eu lieu depuis le 30 mars 1997 et à traduire leurs auteurs en justice. Il relève que le Comité cambodgien pour les droits de l'homme, constitué en juin 1998 n'a rendu publics les résultats de ses enquêtes que pour un petit nombre d'affaires. Par ailleurs, les initiatives prises récemment par le Gouvernement pour réduire le nombre d'armes détenues par la population et les catégories d'agents d'Etats ont permis au moment de l'établissement de ce rapport de collecter et de détruire en public quelque 60 000 armes.

En ce qui concerne la primauté du droit et le fonctionnement de l'appareil judiciaire, le Représentant spécial se félicite de l'amnistie accordée en avril 1999 à Chao Sockon, dont le cas avait été signalé dans les rapports antérieurs. Le représentant se préoccupe toutefois des retards apportés à l'amnistie des prisonniers souffrant du sida. Dans le cadre des efforts que déploie actuellement le Gouvernement pour réformer la police et l'appareil judiciaire, les mesures destinées à interdire la torture ont été étudiées avec la police en mai 1999 par deux experts du Haut Commissaire aux droits de l'homme. Le représentant spécial note avec satisfaction l'adoption récente de la proclamation sur l'administration des prisons et les procédures pénitentiaires, mise au point par le Ministère de l'Intérieur en coopération avec le Projet d'assistance à la justice pénale. Si elles sont effectivement appliquées, ces procédures permettraient d'améliorer considérablement la situation.

Dans le domaine de l'éducation, le Représentant spécial note que le pourcentage des dépenses publiques consacrées à l'éducation reste extrêmement faible, représentant moins de 1% du produit national brut (PNB) en 1998. Il remarque également que 32% des crédits alloués à l'enseignement en 1999 avaient été déboursés à la fin du mois de mai et encourage le Gouvernement à veiller à ce que les crédits ouverts soient bien versés intégralement. Il demande aux donateurs au cours des années à venir de continuer à venir coordonner l'assistance essentielle qu'ils offrent à l'enseignement.

Le Représentant spécial prend note des priorités en matière de santé pour 1999-2003 telles qu'elles ont été définies par le Gouvernement royal du Cambodge et se félicite que l'accent ait été mis sur l'accès universel aux soins de santé avec la participation des communautés. Il exhorte la communauté internationale à continuer de préconiser l'accroissement de ressources allouées à ce secteur. Le Représentant spécial reste préoccupé par l'exploitation sexuelle des femmes et des enfants au Cambodge et se félicite que le Gouvernement ait lancé en juillet 1999 un plan quinquennal visant à protéger les enfants. Ce plan définit quatre domaines d'action prioritaire, à savoir la prévention par l'information, la protection des enfants grâce à l'application des lois, le rétablissement psychologique des enfants victimes de violence et leur réintégration sociale. Par ailleurs, le Bureau cambodgien du Haut Commissariat aux droits de l'homme continue à recevoir des informations faisant état d'arrestations arbitraires d'enfants et de familles des rues par la police. Dans le contexte de la démobilisation massive des forces armées cambodgiennes, le Représentant spécial suit de près la situation des soldats mineurs et de ceux qui auraient pu être recrutés alors qu'ils étaient âgés de moins de 18 ans. Il se félicite du fait que le Gouvernement ait indiqué qu'il était disposer à élaborer un plan d'assistance aux enfants soldats et aux mineurs enrôlés dans les forces armées, en collaboration avec l'UNICEF et d'autres organisations compétentes.

Au chapitre de la mise en oeuvre des recommandations, le Représentant spécial note que certains progrès ont été faits en ce qui concerne la prise de conscience des problème et de leur vraie nature, mais qu'il subsiste des problèmes structurels très importants dans le domaine des droits de l'homme. En outre, les enquêtes sur les crimes à mobile politique n'ont pas été menées avec suffisamment de vigueur et de détermination.

En conclusion, le Représentant spécial suggère pour le Programme des Nations Unies en matière de droits de l'homme au Cambodge qu'il faut fournir au Gouvernement une aide soutenue pour surveiller la situation des droits de l'homme, favoriser une intégration plus poussée du volet droits de l'homme dans les programmes d'éducation, de santé et autres programmes de développement, assurer une formation complémentaire aux forces de police, à la gendarmerie et aux forces armées. Il convient en outre de continuer à prêter assistance à la réforme de l'administration, de la justice et à celle de la police, tant directement dans le cadre du programme d'encadrement du corps judiciaire qu'indirectement en mobilisant l'appui technique et financier des donateurs, déterminer l'aide supplémentaire nécessaire pour progresser dans la lutte contre l'impunité, renforcer le processus législatif en apportant une aide à la rédaction de lois et en encourageant le dialogue avec la société civile.

Le rapport fait également état de l'aide apportée au Gouvernement et au peuple cambodgiens par le Haut Commissaire aux droits de l'homme aux fins de la défense et de la protection des droits de l'homme. Le Mémorandum d'accord entre le Bureau et le Gouvernement cambodgien en vertu duquel le Bureau exerce son activité viendra à expiration en mars 2000. Des pourparlers préliminaires entre le Bureau et le Gouvernement cambodgien sur l'orientation générale et la teneur détaillée du prochain mémorandum d'accord, qui ont eu lieu en août 1999, ont abouti à la présentation d'un projet de mémorandum au Gouvernement.

Présentation

M.THOMAS HAMMARBERG, Représentant spécial du Secrétaire général sur la situation des droits de l'homme au Cambodge, a rappelé que durant sa première mission au Cambodge, il avait été frappé par l'atroce dévastation du pays due aux Khmers rouges. Les Cambodgiens ont perdu leur confiance dans la justice de leur pays et la mémoire des massacres freine l'établissement d'institutions démocratiques solides, y compris un système judiciaire efficace, ce qui tristement contribue au phénomène de l'impunité. Une certaine confusion demeure pour savoir quelles affaires doivent être portées devant les tribunaux militaires et quelles affaires relèvent des juridictions civiles. Le Gouvernement cambodgien a engagé une réforme judiciaire à laquelle le Japon, la Canada et la France ont offert leur aide. Ce processus est maintenant bien engagé et doit être porté devant le Parlement rapidement. Toutefois, la réforme judiciaire ne suffit pas à résoudre les problèmes, surtout dans la mesure où l'armée ne collabore pas avec les tribunaux. Le Gouvernement s'efforce à obliger la hiérarchie militaire à coopérer avec la justice. Il convient toutefois d'accroître les efforts déployés en vue de traduire en justice les responsables de violences politiques de ces dernières années.

Le Représentant spécial a affirmé que de nombreux Cambodgiens lui ont dit combien il est important que ceux qui se sont rendus coupables de crimes durant les Khmers rouges soient traduits en justice. Les contacts entre le Gouvernement et le Secrétariat des Nations Unies sont porteurs d'un immense espoir chez les Cambodgiens. Le Représentant spécial a déclaré que les prisons du pays posaient problème et devaient être réformées.

Le Représentant spécial a attiré l'attention de la Commission sur les progrès accomplis dans le domaine de la santé. Si la mortalité infantile reste élevée, elle a considérablement baissé. La moitié des enfants souffre encore de malnutrition et chaque année 2000 femmes meurent des conséquences de la grossesse ou de l'accouchement. La propagation du VIH/sida est également très préoccupante, mais le Représentant spécial a déclaré qu'il est favorablement impressionné par le plan établi par le Ministère de la santé. Il a également mentionné que le taux de scolarisation est faible, moins de 50% dans les provinces reculées. Il a recommandé une meilleure coopération internationale pour appuyer la réforme du système éducatif au Cambodge.

Par ailleurs, des problèmes subsistent dans le domaine du respect des droits fondamentaux des minorités, notamment dans la zone des plateaux de Ratanakiri. Le Représentant spécial a également signalé les problèmes que rencontrent les Cambodgiens d'origine vietnamienne. Il a regretté les récentes manifestations de xénophobie à leur encontre. En conclusion, il a demandé à la communauté internationale de répondre favorablement aux demandes émanant du Gouvernement. Il a indiqué que le Bureau du Haut Commissaire aux droits de l'homme continuera ses travaux en accord avec le Gouvernement pour les deux années à venir, au moins.

Dialogue

M. OUGH BORITH (Cambodge) a tout d'abord regretté que le rapport de M. Hammarberg ait été présenté sans les commentaires du Gouvernement royal du Cambodge, comme il avait été convenu précédemment. Il a déploré que le Représentant spécial ait envoyé son rapport au Gouvernement quelques jours seulement avant sa présentation devant la Commission. Il a exhorté le Représentant spécial à s'efforcer de remédier à ce problème à l'avenir, dans l'intérêt de la bonne collaboration avec le Gouvernement.

Si le représentant s'est félicité de la qualité du travail du Représentant spécial, il a néanmoins regretté que celui-ci reproduise certaines remarques qui ne devraient plus avoir cours et ignorent les efforts déployés par le Gouvernement royal pour protéger et promouvoir les droits de l'homme. Par exemple, il faut savoir que le Gouvernement s'emploie à régler le problème de l'impunité. D'autre part, il faut savoir que dans un pays aussi pauvre que le Cambodge, les droits à l'alimentation, à l'éducation et à la santé comptaient plus que le droit de certains politiciens à avoir accès aux programmes de télévision pour fomenter des troubles.

En ce qui concerne les procès des anciens dirigeants Khmers rouges, le représentant a fait remarquer que les négociations en cours entre le Gouvernement cambodgien et les Nations Unies sur les modalités de l'assistance internationale pour ces procès, qui doivent avoir lieu au Cambodge, touchent à leur conclusion. Le représentant a également précisé que le système judiciaire cambodgien ne prévoit pas la peine capitale et a donc regretté que le Représentant spécial mentionne des dérapages. Il a estimé qu'en parlant de "nombreuses" violations des droits de l'homme, le Représentant spécial colporte des informations exagérées, sans preuve, qui émanent de partis d'opposition irresponsables.

En conclusion, il a indiqué que le Gouvernement royal du Cambodge a accepté de proroger le mandat du Bureau du Haut Commissaire aux droits de l'homme pour deux ans. Il a simplement regretté que le Représentant spécial se conduise comme un officier de police, qu'il critique et réprimande au lieu de fournir une assistance technique.

Au cours d'une première série de questions, le représentant de la Finlande a souhaité avoir des précisions sur les mesures précises qui restent à prendre dans le cadre de la réforme du système judiciaire. Dans le même contexte, des questions ont été posées sur la réforme des prisons. Des questions ont également été posées, notamment par la représentante du Japon, sur l'assistance internationale et sur les secteurs prioritaires, et sur le droit à l'alimentation et le droit à l'éducation.

Répondant à ces questions, le Représentant spécial a souligné que la coopération avec le Gouvernement était très constructive. Il n'existe nullement une situation d'affrontement entre le Gouvernement du Cambodge et le Bureau du Représentant spécial. L'un des aspects les plus positifs du Cambodge est justement sa propension à ne pas cacher les problèmes.

Concernant l'accord de travail entre le Gouvernement du Cambodge et le Représentant spécial, le Représentant rappelle que, comme chaque année, le rapport a été présenté au Gouvernement, en anglais, avant sa présentation devant l'Assemblée générale de l'ONU. Le problème était dû aux nécessités de traduction, le Gouvernement a donc reçu la version Khmer un peu plus tardivement.

Concernant la question de l'impunité, le Représentant a indiqué qu'il ne s'agissait pas d'une politique délibérée du Gouvernement. Mais l'impunité est un fait constant. Le Représentant a donné l'exemple de 9 pêcheurs tués en avril 98 par un groupe de soldats, le dixième pêcheur s'étant sauvé, il a pu témoigner. Le tribunal a demandé en vain au commandant du bataillon incriminé les noms des soldats en patrouille ce jour-là. Quelque 18 mois après ces meurtres, rien n'a pu être fait. La question a attiré la sympathie du Premier Ministre qui a écrit au chef du bataillon.

Sur un autre aspect du même point, le Représentant spécial a indiqué que le fait que les juges soient mal payés encourage la corruption. Le Représentant spécial espère que de nouveaux juges seront injectés dans le système, que les personnes incompétentes seront licenciées et que la police travaillera en plus grande collaboration avec la justice. Le Représentant spécial a expliqué que l'état des prisons nécessitait des reconstructions de bâtiment. Le Représentant spécial a déclaré que le Programme alimentaire mondial (PAM), ne pouvait pas nourrir les prisonniers, ceci est le rôle du Gouvernement. Le Représentant spécial a indiqué qu'il ne tenait pas à porter atteinte à l'indépendance du judiciaire mais que sans surveillance il ne pourrait y avoir de résolution des problèmes. Le Représentant a sur ce point conclu que le rétablissement de la confiance des Cambodgiens dans leur système judiciaire est une tâche de longue haleine. En réponse au Japon, le Représentant spécial a expliqué que la situation de la pandémie du VIH/sida était grave.

M. OUCH BORITH (Cambodge) a déclaré qu'après 20 ans de guerre, le Cambodge avait formé son premier gouvernement en 1993. Le Gouvernement fait face à d'énormes responsabilités, il faut le regarder comme un enfant de 5 ans; le Cambodge apprend à marcher. Il est impossible de régler tous les problèmes en 24 heures.

Le représentant de la Finlande, au nom de l'Union européenne, a soulevé la question de la réforme du secteur judiciaire, en demandant quelles mesures le Gouvernement devrait-il prendre pour assurer l'indépendance de ce pouvoir. Sur le même point, le représentant du Canada s'est inquiété du jugement des crimes commis pendant la période des Khmers rouges.

Une autre question a été posée sur la prorogation pour deux ans du mandat du Bureau du Haut Commissaire aux droits de l'homme.

En réponse à diverses remarques, le Représentant spécial a attiré l'attention sur les efforts en cours pour l'instauration d'un Tribunal spécial établi avec l'aide des Nations Unies pour juger les responsables des crimes les plus graves commis sous le régime Khmer rouge. Des négociations sont encore en cours pour savoir si la communauté internationale doit participer à son exercice, mais vraisemblablement le tribunal sera créé. Le Représentant spécial a tenu à préciser que la participation de la communauté internationale n'implique pas une ingérence dans les affaires cambodgiennes, car son rôle serait, par exemple, de fournir des experts pour assister le tribunal.

Par ailleurs, le Rapporteur spécial a précisé que les actions xénophobes à l'encontre des Vietnamiens du Cambodge n'émanent pas du Gouvernement. Toutefois, il convient que la communauté internationale joue son rôle dans la lutte contre ces tendances xénophobes.

RAPPORT DU RAPPORTEUR SPECIAL SUR LA SITUATION EN REPUBLIQUE ISLAMIQUE D'IRAN

Rapport (A/54/365)

M. MAURICE COPITHORNE, Représentant spécial de la Commission des droits de l'homme, indique que pendant la période à l'examen, la République islamique d'Iran a connu plus de troubles économiques et sociaux que ces dernières années. La volonté de réforme du Président semble toujours aussi ferme, mais comme elle tarde à se concrétiser dans les faits, le scepticisme monte. Au cours des événements récents, déclenchés essentiellement par des revendications concernant les droits de l'homme, des atteintes ont été portées aux droits fondamentaux des manifestants et des badauds. On note, en particulier, une régression de la liberté d'expression dans les médias et peut-être aussi dans les manifestations pacifiques. Les mesures

disciplinaires contre les organes de presse, leurs directeurs et les journalistes se sont multipliées. Entre janvier et août 1999, des plaintes auraient été portées contre une quarantaine de publications. Beaucoup des principaux journaux réformateurs ont été interdits et d'autres sont en instance de procès. L'un des problèmes les plus graves est l'usurpation des fonctions de l'appareil légal de contrôle de la presse par les tribunaux, notamment par le Tribunal ecclésiastique.

Sans aucun doute, l'événement politique et social le plus grave de la période à l'examen a été la série de manifestations estudiantines au début de juillet 1999. Ces manifestations ont porté un rude coup à la politique du Président, qui avait promis qu'il respecterait la diversité et la liberté d'expression dans le cadre de l'état de droit. L'attaque contre la résidence universitaire était une violation manifeste des droits fondamentaux des étudiants et aussi du droit iranien. Le Gouvernement a pris des mesures disciplinaires contre certains des policiers responsables, mais, au moment de la rédaction du rapport, aucune sanction n'avait été prise contre les "éléments civils" de tristes réputation, accusé d'avoir exercé d'"énormes pressions sur la police". Au moment de la rédaction du rapport, les autorités, d'abord apparemment tolérantes à l'égard des étudiants, semblent ratisser très large et s'en prendre à certains chefs estudiantins et membres du Parti national iranien.

La condition féminine n'a pas beaucoup changé en République islamique d'Iran pendant la période à l'examen. Actuellement, l'effort porte surtout sur la création d'associations et d'organisations non gouvernementales s'occupant de la condition féminine et, plus précisément, sur la préparation d'un plan d'action national pour combattre la violence contre les femmes. D'une façon générale, le Représentant spécial continue à considérer que le Gouvernement, en dépit de certains efforts, n'a pas fait le nécessaire pour supprimer les lois et les pratiques discriminatoires qui perpétuent la disparité entre les sexes en Iran.

Pour ce qui est de l'appareil judiciaire et du système législatif, le Représentant spécial note que la nécessité de modifier les processus législatifs s'illustre par la loi répressive de juin portant modification de la loi sur la presse et par le projet de loi déposé en août sur les délits politiques. Le représentant spécial note que des efforts ont été faits pour donner une légitimité au Tribunal ecclésiastique, mais il estime que l'existence même de ce tribunal est une invitation permanente à violer les droits fondamentaux des accusés. Il note également que la crise du système carcéral semble s'aggraver et que l'espace disponible ne dépasserait pas 2,5 mètres par détenu.

Au chapitre des exécutions, le Représentant spécial indique que les autorités iraniennes lui avaient promis de lui communiquer le chiffre officiel des exécutions, mais qu'il n'a pas reçu ces statistiques. Il semblerait qu'un certain nombre de ceux qui ont été mis à mort auraient été des partisans ou des militants d'un mouvement illégal d'opposition connu sous le nom de Majahedin Khalq. En outre, la presse de Téhéran a rapporté en mars 1999 que quatre marchands avaient été mis à mort pour avoir exporté des tapis sans indiquer leur valeur réelle. En ce qui concerne la torture, le Représentant spécial a constaté dans la presse que la pratique de l'amputation du bras, de la main ou du doigt continue et que les châtiments corporels restent courants.

En ce qui concerne la situation des minorités, le Représentant spécial note que dans le cas des bahaïs, les violations de la liberté d'assemblée, d'association, d'expression, de circulation et du droit à la liberté et à la sécurité de la personne restent nombreuses. Leurs droits économiques sociaux et culturels continuent à être systématiquement violés. Le Représentant spécial demande de nouveau instamment au Gouvernement iranien d'améliorer la situation de la communauté bahaïe et, en particulier, de s'abstenir de recourir à la peine capitale pour punir des délits à caractère religieux.

Parmi les autres questions importantes, le Représentant spécial recommande à la Commission islamique des droits de l'homme de publier des statistiques plus détaillées dans ses rapports et qu'un plan d'action national en faveur des droits de l'homme soit élaboré. En ce qui concerne le terrorisme, le Représentant spécial note que les attentats contre des fonctionnaires et contre les membres de l'opposition se sont multipliés.

Au chapitre de la démocratie, le Représentant spécial indique que les premières élections administratives en République islamique d'Iran ont eu lieu en février 1999, donnant enfin effet à une disposition de la Constitution qui jusqu'alors était restée lettre morte. La démocratisation continue à progresser en Iran. Les mesures qui seront mises en place pour garantir la transparence de l'élection du sixième Majlis seront décisives à cet égard.

Selon le Représentant spécial, il demeure urgent de réformer le système juridique pour faire régner l'état de droit et donc assurer la protection des droits de l'homme. Une chronique des manifestations estudiantines figure en annexe du présent rapport, ainsi que des informations reçues par le Représentant spécial sur la situation de bahaïs et un état de la correspondance échangée entre le Représentant spécial et le Gouvernement de la République islamique d'Iran.

Présentation

M. MAURICE COPITHORNE, Représentant spécial de la Commission des droits de l'homme sur la situation des droits de l'homme en Iran, a déclaré qu'à certains égards les droits de l'homme sont mieux respectés mais les récents événements ont indiqué que cette évolution ne touche pas toutes les couches de la société - en particulier dans les secteurs les plus vivaces.

En dépit de l'augmentation de la délivrance des licences par l'exécutif, la liberté d'expression perd du terrain devant des mouvements plus conservateurs que l'ont retrouve essentiellement au sein du législatif et du judiciaire. A cet égard, la réforme de l'appareil judiciaire est essentielle. La nomination récente d'un nouveau chef à la tête du pouvoir judiciaire permettra peut-être de contenir le pouvoir de certains tribunaux. Ces derniers ne devraient avoir aucun rôle dans une société civile où tous les individus sont égaux devant la loi. La garantie d'un jugement juste et équitable est absolument nécessaire, en particulier pour certains groupes vulnérables comme les étudiants. Les autorités devraient faire preuve de plus de diligence pour traduire devant la justice les auteurs des meurtres de dissidents politiques et d'intellectuels intervenus fin 1998. Les auteurs de raids dans les dortoirs de l'Université de Téhéran doivent également être traduits devant la justice. Il est évident que le Gouvernement iranien doit encore améliorer la situation des droits de l'homme mais, comme l'indique le rapport, des progrès ont été accomplis, en particulier en matière de démocratie. La prochaine élection du Majlis en février indiquera si ces progrès sont durables. Ils ne doivent pas être sous-estimés, ou pire sur estimés. L'actuel procès devant le Tribunal spécial ecclésiastique d'un membre du clergé considéré comme modéré, constitue un défi face aux ambitions réformistes du Président d'établir une société civile en République islamique d'Iran. M. Copithorne a rappelé qu'il n'avait reçu aucune invitation de la part du Gouvernement et qu'il n'avait pu se rendre en Iran depuis février 1996.

Dialogue

M. FADAIE (République islamique d'Iran) a souligné que la situation des droits de l'homme doit être évaluée en fonction de l'ensemble des politiques de réforme. Dans ce contexte, tous les indicateurs montrent que la situation des droits de l'homme s'améliore considérablement.

En ce qui concerne la situation des citoyens juifs et iraniens accusés d'espionnage, le Représentant a estimé qu'il y a eu une campagne de désinformation mondiale. Ces personnes n'ont pas été accusées en raison de leur foi mais en raison de leurs activités d'espionnage. L'enquête est en cours, les personnes accusées ont pu rencontrer leurs avocats. Le représentant iranien estime qu'il n'y pas lieu de lier cette affaire à la question des droits de l'homme ou à la situation des minorités en Iran.

Concernant les condamnations des étudiants suite aux manifestations du mois de juillet, le Représentant a expliqué que les autorités ont manifesté, pendant toute cette période, leur sympathie aux étudiants. Quelque 103 agents et le chef de la police de Téhéran lui-même ont été congédiés et des poursuites pénales ont été entamées contre eux. Le représentant a estimé qu'il faut établir une distinction entre les étudiants pacifiques qui manifestaient comme ils en avaient le droit et les individus qui ont participé à des destructions de biens publics, ont blessé des passants etc... Conformément à la législation iranienne, ces cas peuvent entraîner le prononcé de la peine de mort. L'un des étudiants a été condamné à 30 ans de prison, les trois autres attendent leurs sentences. Sur la question des procès de MM. Narbi et Abdallah Nouri, ancien Ministre de l'Intérieur, le Représentant a souligné que ces procès ne soulevaient que des questions, encourageantes, quant au partage du pouvoir en Iran.

Commentant le rapport, plusieurs représentants ont regretté que la République islamique d'Iran n'ait pas invité le Représentant spécial à se rendre sur le terrain et ont souhaité qu'il apporte des précisions sur sa collaboration exacte avec le Gouvernement iranien.

Des questions ont été posées, notamment par le représentant des Etats-Unis, sur la situation des femmes et l'allégation selon laquelle le Gouvernement ne semblerait pas disposé à modifier les pratiques discriminatoires à leur égard. D'autres questions ont porté sur le Tribunal ecclésiastique. Certains représentants, dont la Finlande, au nom de l'Union européenne, ont souhaité avoir l'avis du Représentant spécial sur les mesures à prendre pour garantir la liberté d'expression et celle de la presse. Dans ce contexte, le représentant du Japon a souhaité avoir des précisions sur les répercussions de la répression des manifestations étudiantes de l'année dernière.

Une question a également été posée sur les prochaines élections du Majlis et une autre sur le statut des minorités religieuses.

En réponse aux questions relatives la situation des femmes, le Représentant spécial a tout d'abord fait référence au débat qui a cours dans le pays sur les diverses dispositions de la Charia islamique, notamment pour distinguer celles qui sont contraignantes et celles qui ne le sont pas.

Au regard du Tribunal ecclésiastique, M. Copithorne a estimé que ce Tribunal a "fauché l'herbe sous le pied" du système judiciaire et a usurpé son pouvoir, notamment dans le domaine de la liberté de la presse. En outre, il semblerait que ce Tribunal ne jouisse d'aucune disposition statutaire.

En ce qui concerne la liberté d'opinion, d'expression et la liberté de la presse, le Représentant spécial a fait valoir que ce domaine est de loin le plus urgent. Il a estimé que la liberté d'expression dans les médias est sérieusement limitée. Toutefois, il a fait observer que l'on accorde plus de licences de presse que l'on ne ferme de journaux et a indiqué que la société iranienne est très dynamique et permet un discours public très large. Pour ce qui est des minorités religieuses, le Représentant spécial a indiqué qu'il avait utilisé les informations et travaux du Rapporteur spécial sur l'intolérance religieuse.

En ce qui concerne les répercussions des manifestations étudiantes, il a indiqué que quatre participants avaient été condamnés à mort à l'issue de procès à huis clos, ce qui ne respecte pas les droits de l'homme et témoigne de l'échec du Gouvernement dans ce domaine.

Au cours d'une deuxième série de questions, la représentante de la République dominicaine a demandé ce qu'il est advenu des demandes de clémence pour les condamnés à mort qui ont été demandées par son Gouvernement et la communauté internationale. Dans le même cadre, le représentant du Canada a posé des questions sur les exécutions.

M. MEHDI FARIDZADEH (République islamique d'Iran) a souhaité recevoir des éclaircissements sur ce que le Représentant spécial a qualifié de scepticisme de la part de l'administration à poursuivre son programme de réformes. Il a souhaité savoir comment le Représentant spécial parvient à ces conclusions. Il a également fait valoir que ceux qui ont collaboré aux journaux qui ont été fermés conservent néanmoins le droit de publier dans un autre journal, voire d'ouvrir un autre journal. Il a insisté sur le droit des individus à continuer à publier. Il a donc voulu savoir pourquoi le Représentant spécial parle d'un recul de la liberté d'expression.

En réponse à cette deuxième série de questions, le Représentant spécial, M. Copithorne, a tout d'abord signalé que le Gouvernement de la République islamique d'Iran prend très au sérieux les requêtes formulées par la communauté internationale. Il a en outre indiqué que les statistiques sur l'application de la peine de mort n'ont pas changé.

S'adressant au représentant de la République islamique d'Iran, le Représentant spécial a tenu à préciser qu'il n'insinuait pas qu'il y avait moins de détermination de réforme de la part du Président et de son Gouvernement qui font ce qu'ils peuvent compte tenu de la situation. Au regard de la liberté de la presse, le représentant spécial a indiqué qu'il avait ressenti de la frustration par rapport au fait que le Président avait rencontré des obstacles dans son processus de réforme. Le Représentant spécial a effectivement reconnu que les journaux fermés avaient souvent

la possibilité de réouvrir, mais que ce n'était pas le cas des publications les plus progressistes. Le Représentant spécial a regretté que dans une société qui permet un discours public aussi large, la répression qui s'ensuit ne soit pas à la hauteur du débat existant. Il a également regretté qu'il n'y ait pas eu de jugements à la suite des meurtres d'intellectuels.

RAPPORT DU RAPPORTEUR SPECIAL SUR LA SITUATION AU SOUDAN

Rapport (A/54/467)

Ce rapport est le premier que le nouveau Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur la question, M. LEONARDO FRANCO, présente à l'Assemblée générale.

M. Franco s'est rendu dans le pays du 13 au 24 février et a terminé sa mission par une brève visite au Kenya. Il se félicite de l'excellente coopération que le Gouvernement lui a offerte tout au long de son séjour. Il tient en particulier à remercier les autorités de l'avoir aidé à pénétrer dans les zones tenues par les rebelles dans le sud et de lui avoir donné directement accès aux détenus et aux lieux de détention. Le Rapporteur spécial tient à réaffirmer qu'il attache la plus haute importance à la volonté affirmée par le Gouvernement de rétablir rapidement la paix dans le pays et de faciliter la transition à la démocratie. Il souligne plusieurs mesures positives importantes prises pendant la période considérée, mesures qu'il faut cependant placer dans le contexte d'une situation qui demeure très préoccupante en général.

Parmi ces mesures, sont notamment citées: l'autorisation donnée à l'ONU d'effectuer une mission d'évaluation des besoins dans les monts Nouba. A ce sujet, le Rapporteur spécial se félicite de la coopération apportée par le Gouvernement soudanais et par le Mouvement populaire de libération du Soudan (MPLS). Il tient à affirmer cependant que ce début doit être suivi de mesures concrètes de mise en oeuvre d'un programme d'assistance continue, s'adressant en particulier aux femmes et aux enfants; la création du comité pour l'éradication des enlèvements de femmes et d'enfants; l'envoi sur le terrain, par le Haut Commissariat aux droits de l'homme, d'une mission d'évaluation des besoins chargée de déterminer les domaines prioritaires dans lesquels le Soudan a besoin d'aide en matière de droits de l'homme.

S'agissant du respect des droits de l'homme et du droit humanitaire, le Rapporteur spécial se dit de nouveau préoccupé par la persistance de la guerre, qui touche avant tout la population civile. Les violations des droits de l'homme et du droit humanitaire par les parties au conflit ont souvent des conséquences humaines tragiques: déplacements forcés, assassinats, viols et rapts de femmes et d'enfants, qui seront utilisés pour des travaux forcés et devront vivre dans des conditions de quasi-esclavage. Ces violations continues ont également aggravé la famine, qui fut un tel désastre humanitaire en 1988.

Le conflit a été aggravé en 1999 par l'évolution de la situation dans les zones pétrolières. La dimension stratégique de tout ce qui touche à la production de pétrole a sérieusement aggravé et envenimé le conflit armé, causant une nouvelle détérioration de la situation générale des droits de l'homme et du respect du droit humanitaire. Les violations des droits de l'homme consistent notamment en assassinats extrajudiciaires et exécutions sommaires, notamment entre les factions armées alliées au Gouvernement; déplacements massifs forcés de la population civile; emploi aveugle et fréquent d'armes, y compris de bombes et entraves à l'assistance humanitaire. Si l'armée gouvernementale et les milices parrainées par le Gouvernement sont responsables de la plupart des violations, l'Armée populaire de libération du Soudan (APLS) est aussi responsable de plusieurs violations graves. De plus, les stratégies gouvernementales de contrôle de la production pétrolière fragmentent les tribus et sapent la solidarité du sud, remettant ainsi directement en cause la validité de l'Accord de paix signé à Khartoum en avril 1997.

Face à ces aspects négatifs, force est de constater que les progrès enregistrés par les efforts de paix de l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) sont insuffisants. A cet égard, le Rapporteur spécial tient à répéter que le respect des droits de l'homme et du droit humanitaire doit être considéré comme une composante essentielle de la stratégie globale de recherche d'une solution au conflit. Il tient également à réaffirmer les recommandations figurant dans son rapport à la Commission des droits de l'homme.

Le Rapporteur spécial estime que le fait nouveau juridique et institutionnel le plus important de l'année écoulée a été l'adoption de la nouvelle Constitution et la reconnaissance des partis politiques. Mais il est préoccupé par les informations qu'il a encore reçues ces derniers mois concernant des violations du droit à la liberté d'opinion et d'expression. Tout en étant convaincu qu'il faut considérer la déclaration des droits énoncée dans la nouvelle Constitution comme un progrès, le Rapporteur spécial tient à réaffirmer la nécessité de prendre des mesures politiques et juridiques vigoureuses pour assurer la transition d'un état d'urgence de fait à un système plus démocratique et ouvert fondé sur la primauté du droit.

Le Rapporteur spécial regrette d'avoir reçu en 1999 de nouvelles informations concernant l'emploi fréquent de la torture et de la détention arbitraire, notamment à l'égard des défenseurs des droits de l'homme, des journalistes et des opposants politiques, et les entraves à la liberté d'expression et à la liberté de la presse, ainsi qu'au droit de réunion. D'autres informations préoccupantes concernent l'absence de garanties d'une procédure régulière et les actes d'intimidation et de harcèlement dirigés

contre des citoyens dans la zone de la capitale et dans d'autres zones contrôlées par le Gouvernement. Le Rapporteur spécial exhorte le Gouvernement à veiller à ce que les dispositions de l'article 19 sur la liberté de la presse et les autres normes internationales pertinentes soient respectées dans les lois qui seront passées et dans leur application.

Présentation

M. LEONARDO FRANCO, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme, s'est félicité d'avoir pu prendre connaissance directement de la réalité complexe du Soudan. Selon lui, en dépit de quelques mesures positives, la situation des droits de l'homme au Soudan reste préoccupante. La guerre qui se poursuit depuis 7 ans a des conséquences dévastatrices sur la population, notamment les femmes et les enfants. Les deux parties ne respectent pas les droits de l'homme. Il apparaît ainsi que les bombardements de la population civile, les déplacements de population, les exécutions sommaires, les enlèvements de femmes et d'enfants qui sont soumis à des travaux forcés continuent.

En outre, les stratégies déployées en vue de l'exploitation des ressources pétrolières du Soudan contribuent également aux violations des droits de l'homme. Les tentatives du Gouvernement pour reprendre le contrôle de ses ressources pourraient provoquer une fragmentation de la population nuère et miner la solidarité du Sud et les Accords de Khartoum. L'attitude de l'opposition qui considère ces exploitations pétrolières comme des objectifs militaires pourrait également étendre le terrain de la guerre, comme en témoigne le sabotage de l'oléoduc au mois de septembre dernier.

Le Rapporteur spécial a attiré l'attention de la Commission sur la possibilité d'une nouvelle crise humanitaire de la même ampleur que celle qui a frappé le pays en 1998. L'impunité et la faiblesse du système judiciaire constituent également des menaces sur les droits de l'homme. Il s'est déclaré particulièrement préoccupé par les déplacements forcés qui frappent les femmes et les enfants enlevés par des incursions armées, ainsi que par les dénonciations fréquentes concernant la pratique de l'esclavage. A cet égard, il a exprimé l'espoir que le Comité pour l'élimination de la séquestration des femmes et des enfants permettra d'apporter une réponse constructive à ce problème.

le Rapporteur spécial a insisté sur le fait que le respect des droits de l'homme n'est pas une question postérieure à la paix. Au contraire, toute initiative en faveur des droits de l'homme contribuerait à créer de meilleures conditions pour la recherche de la paix. L'établissement de la paix est concomitant à la transition vers une société démocratique.

Au regard de la nouvelle constitution, le Rapporteur spécial a fait valoir que même si ce texte n'est pas le résultat de consultations démocratiques, il contient des dispositions favorables au respect des droits de l'homme. Toutefois, il a indiqué qu'en 1999, il a continué à recevoir de nombreuses communications sur les violations des droits de l'homme au Soudan, notamment du droit à la liberté d'expression, de la presse et de réunion. Il a indiqué qu'il a également reçu des dénonciations de torture.

En conclusion, il s'est félicité des efforts du Conseil pour les droits de l'homme au Soudan et du fait que sa récente mission au Soudan a permis l'établissement d'un programme de coopération internationale qui comprend la possibilité de la mise en place d'un bureau du Haut Commissaire aux droits de l'homme au Soudan.

Dialogue

Mme ILHAM IBRAHIM MOHAMED AHMED (Soudan) s'est félicitée du caractère positif du rapport de M. Franco. Elle a souligné que, pendant la période en examen, des mesures concrètes pour la protection des droits de l'homme avaient été prises. Le Soudan se félicite du fait que le rapport indique la volonté du Gouvernement de rétablir la paix et de promouvoir la démocratie, seules garanties de la promotion et de la protection des droits de l'homme.

Aux termes des Accords de Khartoum signés en 1997, le Gouvernement du Soudan a promis au sud-Soudan le droit d'autonomie, quatre ans après la signature des Accords. Le Gouvernement respecte le cessez-le-feu complet et permanent dans tout le pays et un partage du pouvoir équitable est assuré. Le Soudan a accepté de reconnaître les frontières héritées de la colonisation pour ce qui est de sa frontière au Sud. Dans ces conditions, le Soudan s'étonne que le Rapporteur spécial tienne le gouvernement responsable du non-respect du cessez-le-feu. Le Gouvernement du Soudan affirme que M. John Garang et son mouvement, le SPLA, sont les uniques responsables de toutes les violations des droits de l'homme mentionnées dans le rapport, enlèvements, déportations et les autres.

La Déclaration des droits a été établie, comme prévue, a ajouté la représentante. Par ailleurs, le Soudan a expliqué que la loi sur les Forces de sécurité nationales a été promulguée en juillet 1999. Concernant les allégations d'esclavage pourtant déniées par des personnalités internationales, la représentante a espéré que le Rapporteur spécial tiendra compte des rapports de l'UNICEF, et de l'ONG "Save the Children" qui ne mentionnent pas de pratique d'esclavage au Soudan.

Dans sa réponse à la représentante du Soudan, le Rapporteur spécial, M. Franco, s'est félicité de l'approche optimiste du Gouvernement. Concernant la loi sur les Forces de sécurité nationales, le Rapporteur spécial ne peut pas se prononcer sur le contenu du texte puisqu'il n'a pas pu en prendre connaissance. Concernant la question de l'esclavage, aucun nouvel élément ne permet de démentir ce qui est déjà indiqué dans le rapport.

Le représentant des Etats-Unis a demandé quelle était l'ampleur de l'esclavage et dans quelle mesure le gouvernement pouvait être impliqué dans ce phénomène. L'esclavage est-il utilisé comme technique de guerre ?

La représentante de la Jamahiriya arabe libyenne a tenu à témoigner personnellement de l'absence d'esclavage au Soudan.

Concernant les offensives armées dans les champs de pétrole, le représentant des Etats-Unis s'est inquiété de savoir s'il s'agissait d'une campagne d'épuration ethnique du Gouvernement à l'encontre des populations du Sud. De son côté, la représentante de la Jamahiriya arabe libyenne a souligné que la découverte de pétrole au Soudan était un indice positif pour l'avenir de ce pays, et que le pétrole ne pouvait en aucun cas exacerber les tensions.

Le représentant de la Finlande, au nom de l'Union européenne, a demandé si le Rapporteur spécial avait des informations quant à la promesse du Gouvernement soudanais de ne plus utiliser des soldats âgés de moins de 18 ans.

En réponse à ces diverses questions, notamment au regard de l'esclavage, le Rapporteur spécial, M. FRANCO, a indiqué que ce problème se pose, d'une part, du fait de la situation de conflit et est lié, d'autre part, aux problèmes des enlèvements et du travail forcé qui ont leurs racines dans les comportements tribaux et le manque de ressources. Face à ce problème, il faut d'abord prendre conscience de sa gravité et l'examiner calmement. Il convient en outre d'appuyer la nouvelle Commission du Gouvernement chargée d'étudier ce problème. Enfin, il faut identifier les victimes, favoriser leur réunion avec leur famille et prendre des mesures pour condamner les responsables.

Au sujet de l'intolérance religieuse, M. Franco a indiqué qu'il ne dispose pas d'informations qui permettent de dire qu'il existe des violations systématiques du droit à la liberté de religion. A cet égard, il a également estimé qu'il convient d'aider le Gouvernement qui a les moyens de corriger la situation. La nouvelle Constitution permet également de faire des progrès dans ce domaine. Le Rapporteur spécial a déclaré qu'il faut toutefois aider le Soudan à ce que ces progrès réthoriques deviennent réalité et l'assister dans le processus de démocratisation qu'il souhaite entreprendre.

Le Rapporteur spécial a estimé qu'il ne faut pas penser que la protection des droits de l'homme doit attendre la fin de la guerre. Il s'est déclaré convaincu que beaucoup peut être fait pour soulager les souffrances et installer un climat favorable à l'instauration de la paix.

Au regard de l'exploitation pétrolière, M. Franco a tenu à préciser que ce n'est pas l'exploitation en elle-même qui est négative mais certaines mesures prises, comme notamment des déplacements de population qui affectent gravement la population nuère. Le problème s'aggrave encore lorsque l'on prend les installations pétrolières comme des cibles militaires.

Le Représentant a estimé qu'il importe de prendre toutes les mesures qui permettent de soulager la population civile pendant la guerre. Il s'est félicité du travail de l'Organisation mondiale de la Santé et du Comité international de la Croix-Rouge. Il a insisté sur la nécessité de respecter le cessez-le-feu. Sur la situation des mineurs de moins de 18 ans, M. Franco a indiqué qu'il a reçu de nombreuses informations selon lesquelles les deux parties recruteraient des mineurs, sans qu'il puisse pour autant affirmer qu'il s'agit d'une politique systématique. Il s'agit souvent d'enfants qui se trouvaient dans les rues et préfèrent être enrôlés.

Au cours d'une deuxième série de questions, le représentant de Cuba, s'est inquiété de la situation de la santé et de la famine et a cherché à savoir quelles mesures pourraient prendre le Gouvernement du Soudan pour répondre à cette situation.

Des questions ont également été posées, notamment par le représentant de l'Iraq et de la Chine, sur l'affirmation selon laquelle l'exploitation des ressources pétrolières pourrait alimenter le conflit en cours, alors qu'il semblerait qu'elle permettrait d'améliorer les conditions de vie et le respect des droits de l'homme.

Pour sa part, M. EL MUFTI (Soudan) a tenu à réaffirmer que son Gouvernement est disposé à poursuivre sa coopération avec les Nations Unies et la promotion des droits de l'homme. Il a toutefois souhaité revenir sur certains points.

Au regard de l'esclavage, le représentant a indiqué que nombre de personnalités ont pu visiter toutes les régions où l'on a prétendu qu'il y avait de l'esclavage sans pour autant constater son existence. Le Rapporteur spécial aurait pu faire la visite en toute liberté des régions qu'il soupçonnait de connaître ce problème, c'est lui qui a choisi d'écourter sa visite à quelques heures et de la limiter à une seule région. Le représentant a sommé le Rapporteur spécial d'apporter la preuve de l'existence de l'esclavage qui supposerait l'existence d'un marché et d'acheteurs.

Au regard de l'enlèvement, le représentant a précisé que ces pratiques existent depuis des années et que les deux parties se sont montrées prêtes à collaborer avec le Comité pour l'éradication de la séquestration des femmes et des enfants. Il a insisté sur le fait que cette accusation d'esclavage émane d'un seul Etat qui a lui-même un problème historique à ce sujet. En ce qui concerne la liberté religieuse, le représentant a indiqué qu'il n'y a aucune persécution contre les chrétiens puisque la moitié des membres du Gouvernement sont des chrétiens.

De même, en ce qui concerne l'exploitation pétrolière, le Rapporteur spécial va dans le sens d'un seul Etat. Le représentant a ajouté que le pétrole n'est pas la seule ressource de son pays. Il s'est étonné de cette association faite entre l'exploitation pétrolière et les violations des droits de l'homme. Le représentant a précisé qu'un seul incident terroriste a eu lieu qui visait à faire exploser l'oléoduc. Seule la faction de M. Garang qui ne veut pas que la guerre prenne fin estime que les installations pétrolières sont des cibles stratégiques. Au contraire, l'exploitation du pétrole profiterait à tout le peuple soudanais.

Le représentant a en outre déclaré que le Soudan fait de nombreux efforts pour garantir le droit à la santé. Il est revenu sur le bombardement de l'usine de médicaments qui avait demandé de gros investissements de la part du Gouvernement soudanais.

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