En cours au Siège de l'ONU

AG/SHC/435

DES RAPPORTS SUR LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN AFGHANISTAN, AU MYANMAR ET EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO SONT PRESENTES DEVANT LA COMMISSION

4 novembre 1999


Communiqué de Presse
AG/SHC/435


DES RAPPORTS SUR LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN AFGHANISTAN, AU MYANMAR ET EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO SONT PRESENTES DEVANT LA COMMISSION

19991104

Elle recommande à l'Assemblée de réaffirmer le droit à l'autodétermination du peuple palestinien

Poursuivant son examen des questions relatives aux droits de l'homme, entamé ce lundi 2 novembre, la Troisième Commission a été le cadre, cet après-midi, des présentations des rapports sur la situation des droits de l'homme en Afghanistan, au Myanmar et en République démocratique du Congo, par les rapporteurs spéciaux de la Commission des droits de l'homme chargés respectivement de ces pays. Après chaque présentation, un dialogue s'est engagé avec les délégations auquel ont participé les représentants des pays concernés.

M. Kamal Hossain, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en Afghanistan, a insisté sur le fait que la communauté internationale ne pourrait reconnaître qu'un gouvernement à large assise, multiethnique et représentatif constitué conformément aux normes internationalement reconnues des droits de l'homme.

M. Rasjoomer Lallah, rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Myanmar, a attiré l'attention de la Commission sur le fait que le Comité international de la Croix-Rouge avait pu reprendre ses travaux et coopérait avec le Gouvernement. En dehors de ce développement positif, il a indiqué que la répression politique semblait s'accentuer et que le nombre de réfugiés du Myanmar, à la frontière thaïlandaise, continuait d'augmenter.

Pour sa part, M. Roberto Garreton, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République démocratique du Congo, a insisté sur l'absolue nécessité pour toutes les parties au conflit de mettre en oeuvre les dispositions contenues dans les Accords de Lusaka, mais aussi et surtout de respecter le calendrier établi. Il a également invité la communauté internationale à faire son possible pour mettre un terme aux ventes d'armes ainsi qu'à toute forme d'assistance militaire aux parties au conflit. Il a fait part de sa satisfaction du fait que le Gouvernement ait levé l'interdiction qui lui avait été faite de visiter le pays pendant plus de deux ans, précisant qu'il s'y était rendu deux fois cette année.

(à suivre - 1a)

- 1a - AG/SHC/435 4 novembre 1999

Les représentants des pays suivants ont participé aux dialogues: Finlande, Etats-Unis, Japon, Jamahiriya arabe libyenne et Ouganda.

La Commission a d'autre part adopté, cet après-midi, par 119 voix pour, 2 voix contre (Etats-Unis et Israël), et 2 abstentions (Ouganda et Uruguay), un projet de résolution sur le droit du peuple palestinien à l'autodétermination.

En début de séance, le représentant du Danemark a présenté un projet de résolution relatif à la Décennie internationale des populations autochtones.

Après l'adoption du projet de résolution relatif à l'autodétermination du peuple palestinien, les représentants des pays suivants ont expliqué leur vote: République arabe syrienne, Canada, Venezuela, Australie, Israël, Fédération de Russie, Mongolie, Finlande, Sénégal, Burkina Faso, Oman, Azerbaïdjan, Ghana, Saint-Marin, et Croatie. L'Observateur de la Palestine a également fait une déclaration.

La Commission poursuivra demain, vendredi 5 novembre, à partir de 10 heures, son examen des questions relatives aux droits de l'homme.

PROGRAMME D'ACTIVITES DE LA DECENNIE INTERNATIONALE DES POPULATIONS AUTOCHTONES

Présentation d'un projet de résolution

Aux termes d'un projet de résolution intitulé "Décennie internationale des populations autochtones"(A/C.3/54/L.45), présenté par le Danemark, au nom des coauteurs, l'Assemblée générale demanderait instamment aux gouvernements de participer activement aux travaux du groupe de travail spécial intersessions à composition non limitée que la Commission des droits de l'homme a décidé de rétablir par sa résolution 1999/52 du 27 avril 1999 dans le cadre des ressources globales existantes de l'Organisation des Nations Unies et qui doit se réunir pendant huit jours ouvrables avant la cinquante-sixième session de la Commission pour soumettre une ou plusieurs propositions concrètes concernant la création éventuelle au sein du système des Nations Unies, d'une instance permanente consacrée aux populations autochtones, et achever ainsi ses travaux.

L'Assemblée générale déciderait que le Fonds de contributions volontaires pour les populations autochtones devrait aussi servir à aider les représentants des communautés et organisations autochtones à participer aux délibérations du groupe de travail spécial intersessions à composition non limitée que la Commission des droits de l'homme a rétabli en vertu de sa résolution 1999/52.

DROIT DES PEUPLES A L'AUTODETERMINATION

Adoption d'un projet de résolution

Aux termes du projet de résolution intitulé "Le droit du peuple palestinien à l'autodétermination" (A/C.3/54/L.29), adopté à l'issue d'un vote enregistré par 119 voix pour, 2 voix contre (Etats-Unis et Israël) et 2 abstentions (Ouganda et Uruguay), l'Assemblée générale, affirmant le droit de tous les Etats de la région de vivre en paix à l'intérieur de frontières sûres et internationalement reconnues, réaffirmerait le droit du peuple palestinien à l'autodétermination, y compris la possibilité de créer un Etat. Elle prierait instamment tous les Etats, les institutions spécialisées et les organismes des Nations Unies à appuyer le peuple palestinien dans sa marche vers l'autodétermination.

Motion d'ordre

Le représentant de la Finlande a attiré l'attention de la Commission sur des inexactitudes qui subsistent dans la version française et a demandé au Secrétariat de veiller à ce qu'elles soient corrigées.

Explications de vote

Le représentant de la République arabe syrienne s'est félicité de l'adoption de cette résolution à une forte majorité, ce qui prouve la détermination de la communauté internationale à ce sujet.

La représentante du Canada a indiqué que sa délégation a voté en faveur du texte mais a ajouté que la décision finale quant à la création d'un Etat palestinien doit être prise conjointement par les Parties aux négociations.

La représentante du Venezuela a tenu à signaler qu'elle avait voté pour mais que pour des raisons techniques, sans doute, son vote n'avait pas été enregistré.

Le représentant de l'Australie a tenu à dire que, selon lui, les termes du paragraphe 2 sont redondants et qu'il aurait préféré qu'ils soient supprimés comme il l'a été demandé aux coauteurs.

Le représentant d'Israël a rappelé que le Mémorandum de Charm-el-Cheikh précise que les deux parties s'efforceront de parvenir à un accord d'ici un an après la reprise des négociations. Toutes les options devraient rester ouvertes jusqu'à l'issue de négociations. Ainsi toute disposition qui tend à préjuger du résultat final n'est pas souhaitable.

Le représentant de la Fédération de Russie a déclaré que son pays est favorable à l'autodétermination du peuple palestinien et indiqué qu'il est prêt à collaborer avec les Américains, les Israéliens, les Etats arabes, les Européens et tous ceux qui cherchent à travailler pour la paix et oeuvrent pour un règlement de cette question.

La représentante de la Mongolie a déclaré que, si elle avait été présente, elle aurait voté pour ce projet de résolution.

Le représentant de la Finlande, s'exprimant au nom de l'Union européenne, a déclaré que l'Union européenne réaffirme le droit continuel et inconditionnel du peuple palestinien à l'autodétermination, y compris la possibilité de créer un Etat, et espère le voir respecter rapidement. L'Union européenne se félicite de la signature le 4 septembre de l'Accord de Charm-el-Cheikh qui a permis la reprise des négociations sur le statut permanent le 13 septembre. Le représentant a ajouté que l'Union européenne appelle les Parties concernées à appliquer rapidement les mesures provisoires et à achever les négociations sur les questions relatives au statut permanent dans le cadre temporel prévu par l'Accord de Charm-el-Cheikh, et à se garder de toute action unilatérale qui pourrait préjuger du résultat final afin de construire la confiance nécessaire à une paix durable de la région.

Le représentant du Sénégal a déclaré qu'il n'était pas présent au moment du vote, mais qu'il fait partie des coauteurs et qu'il aurait bien entendu voté en faveur du texte.

La représentante du Burkina Faso a indiqué que sa délégation qui fait partie des coauteurs aurait voté en faveur si elle avait été présente au moment du vote.

La représentante d'Oman a indiqué qu'elle aurait également voté en faveur du texte si elle avait été présente au moment du vote.

En cours de séance, les représentants de l'Azerbaïdjan, du Ghana, de Saint-Marin, de la Croatie et de la Pologne ont indiqué que s'ils avaient été présents lors du vote, ils auraient voté en faveur du projet de résolution.

Déclaration

L'Observateur de la Palestine a exprimé ses remerciements aux Etats Membres qui se sont portés coauteurs de ce projet et à ceux qui ont voté en sa faveur. Il a estimé que ce texte revêt une importance capitale. Il a regretté que les Etats-Unis aient choisi de s'y opposer. Le droit des palestiniens à l'autodétermination ne découle d'aucun accord, mais est un droit inaliénable figurant dans la Charte.

QUESTIONS RELATIVES AUX DROITS DE L'HOMME

RAPPORT DU RAPPORTEUR SPECIAL SUR LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN AFGHANISTAN

Rapport (A/54/422)

Le présent rapport, présenté en application de la résolution 1999/9 de la Commission des droits de l'homme, et à la décision 1999/241 du Conseil économique et social, est établi par le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur la question, M. KAMAL HOSSAIN.

Le Rapporteur spécial note que la population afghane continue de pâtir de violations flagrantes des droits de l'homme et d'infractions constantes du droit international humanitaire. La cause fondamentale de cette situation est que les Afghans continuent d'être pratiquement pris en otage dans leur propre pays. Des forces armées à partir de l'étranger, cherchent à gouverner l'Afghanistan sans la participation effective ni le consentement de la population.

La reprise du conflit au Bamyan et dans les zones montagneuses du centre (avril/mai 1999) a entraîné des violations massives des droits de l'homme commises, d'une part, par le Hezb-e-Wahdat et, d'autre part, par les Taliban. Il a été cité un tel exode continu de la population civile du Bamyan, qu'à la fin du conflit (mi-mai), la quasi-totalité de cette population avait quitté la région. Les veuves constituent le groupe de population le plus vulnérable du Bamyan - on en trouve dans 15% de tous les ménages. Il y aurait destruction systématique du capital immobilier: 15% des habitations du Bamyan aurait été totalement détruites, et 21% partiellement détruites.

En dépit de la déclaration de Tachkent, et la réunion des "six plus deux", les deux parties au conflit ont repris les armes en juillet 1999. Les Taliban ont lancé une offensive à travers les plaines de Shamali qui a provoqué le déplacement massif de la population civile.

L'Alliance du Nord a avancé qu'environ 250 000 civils avaient fui les plaines de Shamali et que la plus grande partie d'entre eux s'étaient réfugiés dans la vallée du Panjshir. D'après un porte-parole des Taliban, quelque 1 800 familles avaient été transportées à Jalalabad (camp de Sar Shahi) et un nombre similaire emmenées à Kaboul. Selon les Taliban, ces déplacements sont effectués parce que "l'opposition utilisait les civils et leurs maisons comme boucliers humains". Selon de nombreux rapports de témoins directs, on brûlait les habitations et les récoltes, on procédait à des déportations forcées, à des séparations des familles et à des exécutions arbitraires dans le sud de Shamali. Les deux parties ont posées des mines antipersonnel et antichars.

Le Rapporteur spécial, accompagné de la Rapporteuse spéciale chargée de la question de la violence contre les femmes, s'est rendu à Kaboul du 9 au 12 septembre 1999. Les Taliban ont demandé qu'on reconnaisse leur légitimité en arguant que c'étaient eux qui contrôlaient le plus de territoire, et que leurs autorités avaient dans une très grande mesure rétabli l'ordre public. Le Rapporteur spécial a expliqué qu'un gouvernement à large assise, multiethnique et représentatif pouvant légitimement demander à être reconnu et espérer l'être, devrait être constitué conformément aux normes internationales concernant les droits de l'homme telles que consacrées dans le Pacte international relatif aux droits civils est politiques, auquel l'Afghanistan est Partie. Les Taliban s'estiment en droit d'être reconnus du fait du contrôle physique qu'ils exercent sur la plus grande partie du territoire afghan. Mais ils ne se rendent pas compte que le consentement de la population concernant ce contrôle est une condition indispensable aux termes du Pacte.

Dans le domaine des droits fondamentaux, les droits des femmes ont été systématiquement bafoués au cours des 20 années de conflit. Les violations des droits fondamentaux des femmes ne se limitent pas aux zones contrôlées par les Taliban. On dispose de très peu d'informations sur la situation des femmes dans les zones contrôlées par l'Alliance du Nord (Front Uni).

L'un des aspects du conflit qui a repris récemment, sur lequel il convient d'appeler l'attention, est le déploiement généralisé qui a été signalé de combattants non Afghans dont un grand nombre viennent de pays voisins, qui font montre d'une forte tendance à commettre des atrocités contre des civils et qui, dans certains cas, se seraient attirés les critiques des Taliban.

Le Rapporteur spécial estime qu'il faudrait rassurer la reprise du processus de paix dès que possible, avec un programme qui soulignerait la nécessité d'obtenir un accord sur la base duquel on établirait un gouvernement à large assise, multiethnique et représentatif, acceptable par tous les secteurs de la population afghane y compris les 3 à 4 millions de réfugiés vivant en dehors du pays. Il convient de façonner l'approche aux droits de l'homme en Afghanistan afin de répondre aux besoins immédiats de sauver et de conserver des vies, tout en poursuivant, à plus long terme l'objectif de protéger les droits fondamentaux de la personne humaine.

En annexe du rapport, on trouvera la correspondance entre le Rapporteur spécial, les dirigeants des Taliban et les dirigeants de l'Alliance du Nord.

Présentation

M. KAMAL HOSSAIN, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur la situation des droits de l'homme en Afghanistan, a rappelé que, comme établi dans son rapport, seul un processus de paix acceptable par tous les secteurs de la population afghane et fondé sur les droits de l'homme pourra faire progresser la situation humanitaire d'ensemble. Le peuple de l'Afghanistan est toujours victime d'inacceptables violations des droits de l'homme et d'enfreintes au droit humanitaire international.

A travers la Déclaration signée à l'occasion de la réunion du Groupe des "six plus deux", avec la participation de représentants des deux parties au conflit, tenue à Tachkent du 17 au 21 juillet 1999, les participants se sont engagés à rechercher un règlement pacifique au conflit et à n'apporter aucun appui militaire aux belligérants. Le Rapporteur a rappelé qu'une large offensive militaire lancée par les Taliban le 27 juillet 1999 à travers la plaine de Shamali, en dépit de cet engagement, avait eu lieu et qu'un soutien logistique continuait à leur être fourni. Bien que les Taliban aient instauré un degré de sécurité dans les territoires qu'ils contrôlent, des restrictions ont été imposées contre les femmes et les fillettes à travers les politiques qui sont appliquées principalement par le Ministre de la prévention du vice et de la promotion de la vertu, a expliqué le Rapporteur. En effet, outre les mesures employées pour tenir les femmes à l'écart de la vie publique, la situation de celles-ci est aggravée par la pauvreté, le taux d'illettrisme et le manque de considération pour leurs besoins de santé. Le représentant a insisté sur le fait que les responsables des violations des droits de l'homme

doivent avoir conscience du caractère criminel de telles atteintes au droit humanitaire international. Si les autorités des Taliban s'apprêtent à rédiger un projet de Constitution, elles devraient être consciente que tous les segments de la population doivent avoir connaissance de ce projet qui ne pourra être légitime que s'il est approuvé par les représentants dûment choisis de la population. En parallèle de ce processus, le représentant a recommandé que la priorité soit accordée à un programme d'assistance humanitaire fondé sur les droits de l'homme, notamment le droit à la vie et à la survie. L'approche développée en Afghanistan doit non seulement prendre en considération les besoins immédiats mais aussi aider à développer la paix et la stabilité, a ajouté le Rapporteur.

Dialogue

M. RAVAN FARHADI (Afghanistan) a souligné que certains agissements des Taliban constituent un véritable génocide, un crime contre l'humanité passible de sanctions. Cependant, le Rapporteur n'a pas décrit ces crimes comme tel, a regretté le représentant. Tout en appréciant le fait que l'on reconnaisse la présence de soldats étrangers, le représentant a insisté sur le fait que ce sont essentiellement des militaires au service du Pakistan, notamment de l'intelligence militaire pakistanaise, l'ISI. Le Rapporteur spécial ne dit pas que l'envoi de soldats dans un pays étranger indépendant constitue un crime d'agression. Le représentant a noté que le rapport reflète bien les crimes perpétrés en Afghanistan contre la population civile. Cependant, de tels agissements font l'objet de poursuites dans d'autres régions du monde, a-t-il fait remarquer, et leurs responsables devraient être traduits en justice. La représentante a demandé que la communauté internationale juge les responsables en tant qu'auteurs de crimes contre l'humanité et a demandé que la complicité du Pakistan soit nommée. En Afghanistan, depuis l'apparition du Taliban, les groupes extrémistes pakistanais ont exporté leurs activités anti-chiite afin de détruire la société afghane. La discrimination à l'encontre des fillettes et des femmes afghanes est en ce sens nouvelle, a indiqué le représentant, celles-ci ayant eu auparavant leur place dans la société civile. Il a noté que le Rapporteur spécial ne s'est pas rendu au nord de l'Afghanistan où il aurait pu être le témoin du respect de l'Etat d'Afghanistan pour le droit des femmes et des fillettes. Le représentant a demandé le soutien de la communauté internationale pour apporter une aide aux victimes. Le peuple afghan est victime de persécutions et l'occupation armée ne garantit aucune liberté ni aucune sécurité, a-t-il déploré. La situation des droits de l'homme continue de s'aggraver.

Le représentant de la Finlande, de même que celui des Etats-Unis, ont souhaité savoir qu'elles étaient les mesures à prendre pour améliorer la situation des femmes et des fillettes, et si les critiques répétées contre les Taliban avaient un impact. Une question a également été posée sur la situation des personnes déplacées et sur la possibilité d'apporter une aide humanitaire à la population sans qu'elle soit utilisée comme une arme politique.

Répondant à ces questions, M. HOSSAIN, au regard de la situation des femmes, a déclaré que les Taliban utilisent toujours le manque de ressources pour justifier leurs agissements. Une amélioration systémique pourrait être apportée par l'établissement d'une instance qui étudierait les édits adoptés par le Ministère de la répression du vice et de promotion de la vertu. Le représentant a indiqué que les Taliban veulent à tout prix une reconnaissance internationale et il leur a été dit que celle-ci repose sur la manière dont ils respectent les droits de l'homme et notamment celui des femmes. Cependant, les Taliban estiment que leurs édits et la tradition justifient leurs actes, a précisé le Rapporteur. Il est évident que ce n'est pas la tradition qui impose cela puisque grand nombre d'enseignants en Afghanistan, avant l'arrivée des Taliban, étaient des femmes. Aujourd'hui, seules les veuves dans le besoin ont reçu la permission de travailler, à condition de prouver leur état. Les femmes anciennement professeurs d'université peuvent recevoir leur salaire mais n'ont pas le droit d'enseigner. Le Rapporteur spécial a ajouté que l'enlèvement des femmes est une question qui n'a pas été suffisamment étudiée. L'enlèvement est un moyen de se procurer une femme sans payer la dot, notamment dans la vallée de Shamali où des femmes ont été enlevées parce qu'elles ont défié les combattants. En outre, dans certaines régions des convois entiers de femmes et d'enfants, dont le mari ou le père s'était enfui dans les montagnes ou avait été abattus, se sont dirigés vers Kaboul.

En ce qui concerne les personnes déplacées, le Rapporteur spécial a indiqué que ceux qui vivent dans des camps manquent de l'essentiel. Leur situation est d'autant plus vulnérable avec l'arrivée de l'hiver. Le Rapporteur spécial a également insisté sur la nécessité de renforcer l'aide humanitaire d'urgence. La question de la récupération de l'aide humanitaire à des fins politiques est semblable dans toutes les situations de conflits. Mais il est indispensable de maintenir cette aide, notamment en mettant en place des systèmes de distribution locale pour éviter qu'elle passe par les mains des Taliban. Si l'aide alimentaire est difficile à récupérer, l'aide en carburant en revanche peut être plus facilement détournée à des fins militaires, a fait observer le Rapporteur.

RAPPORTEUR SPECIAL SUR LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME AU MYANMAR

Rapport (A/54/440)

M. RAJSOOMER LALLAH, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme, qui a établi ce rapport, tient à rappeler que depuis sa nomination en juin 1996, le Gouvernement du Myanmar ne l'a toujours pas autorisé à examiner la situation sur le terrain. Le présent rapport est fondé sur des informations reçues par le Rapporteur spécial jusqu'au 30 août 1999.

En ce qui concerne l'exercice des droits civils et politiques, d'après de nombreuses informations, le régime continue à soumettre les partis politiques d'opposition à une surveillance très étroite et à empêcher leurs membres de quitter la localité où ils habitent. On rapporte également qu'en raison de rumeurs insistantes selon lesquelles un soulèvement de masse était prévu pour le 9 septembre 1999, plus d'une centaine de personnes ont été arrêtées au cours des trois derniers mois à Yangon et d'autres personnes ont été arrêtées dans d'autres régions du pays. Il a été observé que le régime s'en prend principalement aux dissidents politiques, qu'il cherche à réduire à l'impuissance ainsi que leurs partis, il s'en prend également à leur famille. Le Rapporteur spécial a également reçu des informations concernant plusieurs étudiants arrêtés à l'automne dernier.

Au regard des conditions de détention dans les prisons, le Rapporteur spécial note que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a annoncé que, pour la première fois, il avait rendu visite à plus de 18 000 détenus et recensé le nombre de détenus (plus de 600) se trouvant dans les quartiers de haute sécurité. Depuis qu'ils ont commencé leurs visites en mai dernier, les représentants du CICR se sont rendus dans neuf lieux de détention, ainsi que dans trois lieux d'internement administratif. Il a été convenu avec les autorités en charge que les représentants du CICR pourront retourner régulièrement dans tous les lieux qu'ils ont visités et que le programme de visite sera étendu graduellement à tous les lieux de détention du Myanmar.

Dans un chapitre sur le travail forcé, le Rapporteur spécial révèle que la pratique du travail non rémunéré et forcé au Myanmar fait l'objet d'une documentation importante depuis plus de dix ans. Selon des informations reçues en 1999, le temple de Kunhing aurait été construit par des travailleurs forcés, dont des enfants de 8 à 15 ans, qui représentaient en permanence environ 10% de la main d'oeuvre. De nombreux civils se plaignent que l'armée les force à porter des charges pendant des journées entière, souvent en les privant de nourriture et en les battant lorsqu'ils ne suivent pas le rythme des soldats.

Le Rapporteur spécial s'inquiète vivement de ce que des violations massives des droits de l'homme continuent d'être perpétrées à l'égard des groupes ethniques et autres minorités vivant dans la partie orientale du Myanmar, en particulier dans les Etats Shan et Karen. En outre, le Rapporteur spécial continue de recevoir des informations indiquant que des réfugiés du Myanmar continuent d'affluer en Thaïlande, où des milliers de personnes seraient arrivées depuis la dernière visite du Rapporteur spécial dans la région en décembre 1998. Selon de nombreuses informations, il y a toujours au Myanmar un grand nombre de personnes déplacées - plus de 500 000 - qui vivent dans des conditions abjectes dans la jungle et les camps de réinstallation, où elles peuvent à peine se nourrir et sont à la merci de toutes sortes de maladies.

Le Rapport fait également état des divers programmes des Nations Unies actuellement exécutés au Myanmar, notamment par le Haut Commissariat pour les réfugiés, le Programme alimentaire mondial et le Programme des Nations Unies pour le contrôle des drogues. A cet égard, on note que la production de stimulants de type amphétamine y a considérablement augmenté ces dernières années et que l'abus de drogues s'y est répandu aussi bien dans les villes que dans les campagnes. Il est aussi rappelé que le Myanmar est l'un des plus grands producteurs d'opium et d'héroïne du monde.

En conclusion, le Rapporteur spécial se félicite que le CICR ait repris ses travaux et coopère avec le Gouvernement du Myanmar. Il reste à espérer que cette coopération se poursuivra et s'étendra à toutes les prisons et autres lieux du pays. Ce dernier semble indiquer que le Gouvernement du Myanmar est disposé à appliquer les normes fondamentales des droits de l'homme, à savoir que les personnes privées de liberté ont le droit de ne pas être soumises à la torture.

Toutefois, la situation des droits de l'homme au Myanmar n'a pas progressé et se serait même détériorée. La répression de l'exercice des droits civils et politique se poursuit et s'intensifie chaque fois que la population manifeste publiquement son mécontentement ou que d'aucun exercent une activité politique au grand jour. Le Gouvernement continue à s'appuyer sur l'appareil judiciaire pour interdire et réprimer l'exercice des droits fondamentaux et bafoue constamment les droits à la vie, à la liberté et à l'intégrité physique lorsqu'il ne les viole pas. Le règne du droit est une pure abstraction.

En dépit des obligations internationales que le Myanmar a librement contractées, le Gouvernement n'a pris aucune mesure digne de ce nom pour restreindre le recours au travail forcé, qui n'est rien d'autre qu'une forme contemporaine de l'esclavage. Dans les régions où vivent les minorités ethniques, le contrôle politique et administratif absolu exercé par le Gouvernement incite l'armée à faire preuve de la pire barbarie, les brutalités, les viols, les meurtres et autres violations des droits de l'homme qu'elle commet sont monnaie courante et n'épargnent ni les personnes âgées, les femmes, les enfants, ni les personnes affaiblies. Pour toutes ces raisons, le Rapporteur spécial doit malheureusement renouveler les recommandations qu'il a formulées dans son dernier rapport à l'Assemblée générale.

Présentation

M. RAJSOOMER LALLAH, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme, a confirmé qu'il y a une évolution positive dans l'acceptation du Myanmar de coopérer avec le Comité international de la Croix-Rouge. Il a indiqué que les Programmes des Nations Unies qui apportent une aide humanitaire peuvent contribuer à soulager les souffrances de ceux qui subissent le régime répressif du Myanmar. En dehors de ces deux aspects positifs, aucun progrès n'a été réalisé et la répression semble même se renforcer. Le Rapporteur spécial a attiré l'attention de la Commission sur la situation des femmes, des enfants et des personnes âgées qui sont obligés de fuir dans la jungle où ils vivent dans des conditions abjectes.

Le Rapporteur spécial a indiqué que le Gouvernement du Myanmar a déclaré la guerre à son peuple qu'il tient en otage. Il a exprimé l'espoir que le Gouvernement du Myanmar acceptera à l'avenir de collaborer avec les Nations Unies.

Dialogue

M. KYAW WIN (Myanmar) a rappelé la position selon laquelle son Gouvernement considère comme superflu la nomination d'un rapporteur spécial en 1992. Il a rappelé le rapport rendu en 1990 par Mme Sadako Ogata qui n'incriminait pas le Myanmar. En outre, il a ajouté que, selon lui, le rapport actuel est partial et n'est pas établi avec une méthodologie satisfaisante. Il a regretté que le Rapporteur spécial ait choisi d'ignorer le Rapport sur le développement économique du pays qui contient des informations positives. Il faut savoir que même si le produit national brut a chuté de 7,5 à 5,6%, il demeure l'un des plus élevé de l'Asie du Sud-Est. Le représentant a indiqué que toutes les insurrections prévues et prédictions alarmistes n'ont pas eu lieu et que le pays est calmement engagé dans un processus de développement économique.

Il a reproché au Rapporteur spécial d'avoir utilisé des informations datant des précédents rapports, de donner le nom d'individus sans préciser leur numéro d'identification nationale, le nom de leur père ou leur adresse. Il a également déclaré que le rapport ne tient pas compte des visites dans les prisons du CICR lorsqu'il mentionne des "risques de torture et autres mauvais traitements".

Le représentant a également déploré que le Rapporteur spécial se réfère aux minorités de l'Etat de Karen, lorsqu'en fait ces informations proviennent de l'Union nationale du Karen qui est un groupe armé séparatiste. De même, lorsque le Rapporteur spécial fait référence aux minorités de l'Etat du Shan,

le représentant a estimé qu'il s'agissait de groupes armés de trafiquants de drogue qui se font passer pour des mouvements démocratiques. Le représentant a regretté que le Rapport ne mentionne pas les développements positifs qui ont suivi l'opération d'échange des armes pour la paix et ont permis à de nombreux membres de l'Union nationale du Karen (KNU) de rendre les armes et de vivre maintenant en paix.

Le représentant a affirmé que le Gouvernement du Myanmar ne règne pas par la loi martiale. Il a regretté que le Rapporteur spécial ait ignoré le rapport du Myanmar à l'Organisation internationale du Travail (OIT). Au sujet de la production de drogue au Myanmar, le représentant a indiqué que le Myanmar ne dispose pas des matières premières nécessaires à la fabrication d'amphétamines. En outre, a-t-il ajouté, la demande de drogue, notamment d'héroïne et d'amphétamines, ne vient pas du Myanmar mais de pays qui ont des milliards.

En conclusion, le représentant a déploré l'utilisation de l'immigration à la frontière du Myanmar et du Bangladesh qui est discutée amicalement par ces deux Etats voisins. Le représentant a trouvé fallacieux le prétexte qui consiste à diviser un peuple uni sur des critères religieux. De la même manière, il a déploré que la réinstallation des populations dans des régions sûres où elles ont accès à la protection du Gouvernement et aux services sociaux ait été qualifiée de "déplacements forcés". Ainsi, a-t-il estimé, ce Rapport ne comporte pas de preuves.

Le représentant des Etats-Unis a demandé comment s'est manifestée la résistance du Gouvernement à coopérer avec les mécanismes de droits de l'homme des Nations Unies. Il s'est aussi intéressé à la situation dans les Etats où vivent des minorités ethniques à l'instar du représentant de la Finlande qui s'est interrogé sur les mesures à prendre pour porter assistance à ces minorités.

Le représentant du Japon a pour sa part estimé que le rapport, centré principalement sur les droits civils et politiques, serait plus complet s'il contenait davantage d'informations sur les droits économiques, sociaux et culturels. S'interrogeant sur la situation des travailleurs forcés au Myanmar, le représentant a fait remarquer que si les mesures prises par le Gouvernement de Myanmar sont insuffisantes, l'Organisation internationale du Travail (OIT) n'a pris aucune disposition pour enquêter sur l'évolution de la situation. A cet égard, la Finlande et le Japon se sont demandés si des délais supplémentaires étaient nécessaires pour juger d'une amélioration de la situation des travailleurs depuis le mois de mai.

Signalant que le Myanmar n'est pas le seul pays à refuser la visite du rapporteur, la représentante de la Jamahiriya arabe libyenne a signalé que les informations recueillies auprès des groupes d'opposition ne sont pas crédibles.

Répondant à ces questions, M. LALLAH a indiqué qu'il a souvent demandé l'autorisation de se rendre au Myanmar et que, jusqu'à présent, il ne l'a pas reçue et ne connaît pas les raisons de ce refus. Il a reconnu qu'il ne s'est pas rendu dans les régions frontalières et s'en est remis aux renseignements communiqués par le Haut Commissaire. Il est vrai qu'un nombre important de réfugiés est retourné dans ses foyers mais un grand nombre d'entre eux continuent de vivre au Bangladesh. Le Rapporteur a signalé qu'il est difficile sans pénétrer dans le pays et sans entretien avec les autorités, de parler de la situation socioéconomique. Le rapporteur a indiqué qu'il traitera de la coopération avec l'OIT dans son prochain rapport, ne sachant pas les mesures qui ont été prises par le Myanmar dans ce domaine. Le Rapporteur a souligné l'utilité des visites sur le terrain et de la collaboration avec les organismes des Nations Unies. Les Etats ont une obligation à collaborer avec les mécanismes mis en place par les Nations Unies et à respecter les engagements qu'ils ont pris au titre de la Charte, a-t-il répété.

Reprenant la parole, M. KYAW WIN a signalé que son Gouvernement n'a pas exclu la visite du Rapporteur. Il a insisté sur le fait que la plupart des allégations du rapport du Rapporteur sont identiques aux déclarations des groupes armés qui ont perdu leur campagne militaire. Le Myanmar se demande comment ces déclarations de propagande arrivent jusqu'au Rapporteur. Ce dernier doit expliquer ses connections. Ceci explique pourquoi nous ne souhaitons pas recevoir le Rapporteur spécial, a ajouté le représentant. Il a fait part de l'annulation de la législation sur les villages hérités de la législation britannique. L'application des Traités se fait conformément au système judiciaire national. L'existence de réfugiés originaires de certaines ethnies nationales n'est pas due à la politique du Gouvernement mais au fait que des groupes de ces ethnies ont poursuivi leur propre guerre. Le Gouvernement a pris des mesures pour qu'une partie des insurgés reviennent sur leur terre, a informé le représentant.

Reprenant la parole, M. LALLAH a indiqué qu'il avait pris la peine de visiter certains camps en Thaïlande et qu'il s'agissait de gens ordinaires et non de guérilleros. Le Rapporteur spécial a précisé qu'il n'utilise pas la propagande pour compiler son rapport.

M. KYAW WIN (Myanmar) revenant sur la question des réfugiés à la frontière thaïlandaise a affirmé que ces personnes étaient victimes des groupes séparatistes et non de la politique du gouvernement. La réinstallation de certains d'entre eux démontre bien que le Gouvernement les protège et les aide. Le représentant a expliqué que ce sont les activités des groupes séparatistes qui empêchent les réfugiés de rentrer chez eux.

Documentation

La Commission est aussi saisie d'une lettre datée du 15 octobre 1999, adressée au Secrétaire général par le Représentant permanent du Myanmar auprès des Nations Unies (A/C.3/54/4).

Dans son rapport sur la question (A/54/499), le Secrétaire général fait part de la teneur des entretiens que son Envoyé spécial, M. Alvaro de Soto, Sous-Secrétaire général, a eus lorsqu'il s'est rendu au Myanmar du 14 au 18 octobre 1999. Le Secrétaire général espère que la déclaration du Ministre des affaires étrangères, selon laquelle le Gouvernement envisagera sérieusement la possibilité d'autoriser la visite du Rapporteur spécial, débouchera sur la fixation d'une date dans un avenir très proche.

RAPPORT DU RAPPORTEUR SPECIAL SUR LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

Rapport (A/54/361)

Ce rapport est établi par M. ROBERTO GARRETON, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme. Les faits inclus dans le rapport vont jusqu'au 7 septembre.

Le Gouvernement de la République démocratique du Congo, après avoir cessé pendant deux ans toute collaboration avec le Rapporteur spécial, lui a adressé deux invitations. Ce dernier s'est rendu une première fois au Congo entre le 16 et le 23 février (à Kinshasa et Lubumbashi) et la seconde fois entre le 27 août et le 6 septembre. A cette occasion, il a été reçu, pendant près de deux heures, par le Président Laurent Désiré Kabila et par les autorités dont les noms figurent en annexe du rapport. Il tient à souligner qu'au cours de ses deux missions le Gouvernement de Kinshasa et, notamment, le Ministre des droits de l'homme se sont montrés extrêmement coopératifs. Le Rapporteur spécial a été en outre reçu par les chefs du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) (deux visites à Goma et une visite à Bukavu). Il a fait parvenir au Gouvernement deux communications dans lesquelles il citait les cas de 2 375 personnes dont les droits auraient été violés. Il a adressé 19 demandes d'interventions urgentes pour des cas concernant 218 personnes. Aucune de ces communications n'a été suivie de réponse. Toutefois, le Gouvernement comme le RCD ont adressé au Rapporteur spécial des rapports généraux sur les questions qu'il avait soulevées dans ses rapports précédents et au cours des entrevues. Ces rapports consistent essentiellement à nier les allégations avancées et à accuser la partie ennemie. Le Ministre des droits de l'homme admet qu'il y a eu des excès et des abus de la part des services de sécurité, qui ont abouti à des morts et à des harcèlements des défenseurs des droits de l'homme. Le Rapporteur spécial fait état de cas de représailles contre des personnes qui avaient communiqué des informations.

En ce qui concerne le conflit armé, M. Garreton indique que sur tout le territoire, occupé ou non, on considère que c'est une agression étrangère. Il souligne que la violence a été extrême, surtout à l'est du pays. Aux interventions des rebelles appuyées par l'étranger, on a répondu par le terrorisme des Mai-Mai qui bénéficient de l'appui de la population, exception faite des défenseurs des droits de l'homme qui continuent leur combat contre toute violence. L'impression retirée par le Rapporteur spécial de ses deux visites dans cette zone a été la même: c'est le règne de la terreur. Les habitants d'un territoire occupé considèrent que les premiers responsables de la violence dont ils sont victimes sont les Interahamwe, puis les Mai-Mai et enfin les "militaires rwandais". Mais quand on leur demande de qui ils ont eu le plus peur, ils mentionnent dans l'ordre: d'abord les militaires rwandais puis les Interahamwe et finalement les Mai-Mai "qui n'assassinent pas les Congolais".

En ce qui concerne l'évolution politique, le Rapporteur spécial estime que sur le territoire contrôlé par le Gouvernement, pour l'essentiel, la nature du régime de Kinshasa reste entièrement inchangée. Le droit fondamental à la démocratie n'a pas été rétabli et rien ne donne à penser qu'il sera reconnu d'ici peu. Sur le territoire contrôlé par le RCD et le Mouvement de libération du Congo, il indique que la cassure est totale entre les partisans de la fraction Goma, soutenus par le Rwanda et celle de Kisangani. Pour faire face à la population civile qui lui est en majorité hostile, le RCD a constitué des "groupes d'autodéfense", entraînés par des militaires rwandais. Ces groupes constituent une authentique force paramilitaire. Plusieurs mesures adoptées par le RCD ont contribué à exacerber l'hostilité à son égard: la fuite des richesses nationales vers l'Ouganda et le Rwanda; la création d'un nouveau drapeau; la déclaration de "villes jumelles" de Kigali et de la région du Sud-Kivu; et enfin la constitution d'un soi-disant parlement ("Baraza"), dont les membres ont été nommés par le Gouverneur du Sud-Kivu. Le Rapporteur spécial n'a pu obtenir aucune information sur la situation politique dans le territoire contrôlé par le Mouvement de libération du Congo (MLC).

En ce qui concerne la situation des droits de l'homme dans le territoire contrôlé par le Gouvernement, M. Garreton indique que de très nombreuses condamnations à la peine de mort ont été prononcées au cours de l'année, surtout contre des soldats des ex-Forces armées zaïroises pour vols à main armée. Plus d'une centaine d'exécutions ont été dénoncées. Les cas les plus fréquents de torture qui ont été signalés, sont ceux d'anciens soldats des Forces armées zaïroises. On compte notamment parmi les victimes des journalistes, des dirigeants politiques, des défenseurs des droits de l'homme, des professeurs d'université. Si le pays n'est plus soumis aux pillages qui se pratiquaient à l'époque de Mobutu, de nombreux abus ont été dénoncés. Le droit à la liberté individuelle est l'un des moins respectés. Des dirigeants politiques, des défenseurs de certaines causes, des dirigeants syndicaux,

des journalistes, des militaires, des étudiants, des chefs traditionnels, des prêtres et pasteurs, des avocats en exercice, des réfugiés sont constamment détenus sans motif apparent quelconque. Le motif le plus souvent invoqué est celui de complicité avec les rebelles, accusation portée très souvent contre les étrangers. Même des ministres, policiers, hauts fonctionnaires de l'Etat, juges et magistrats ont été arrêtés et certains d'entre eux rétablis, par la suite, dans leurs fonctions. Le Rapporteur spécial a constaté qu'un grand nombre de militaires, originaires pour la plupart de la région de l'Equateur, sont détenus, certains depuis près d'un an, sans avoir été jugés. On empêche plusieurs dirigeants politiques, journalistes et même des chefs traditionnels de sortir du pays, voire de quitter Kinshasa. On va même parfois jusqu'à leur retirer leurs passeports. D'après les plaintes reçues, la pratique du viol se poursuit dans les prisons et dans les camps militaires où les victimes sont parfois même des fillettes. Il y aurait quelque 6 000 enfants enrôlés dans l'armée.

Dans le territoire contrôlé par le RCD et le MLC, le Rapporteur spécial a reçu de nombreuses plaintes faisant état de disparitions forcées, notamment de Congolais et de Rwandais bahutu qui cherchaient à quitter le territoire. Des meurtres lui ont également été signalés. Les agents du service de sécurité du RCD ont été accusés de pratiquer la torture. Toute personne exprimant une opinion contraire à ce que la population qualifie "d'occupation" ou "d'agression" est arrêtée. Il est en fait interdit de parler de "l'armée rwandaise" ou de "l'armée étrangère". La liberté de mouvement des chefs locaux est restreinte de deux manières. La première étant de leur interdire de quitter la région, interdiction qui s'applique notamment aux personnes que le régime de Kinshasa a invitées à participer au débat national. L'expulsion au Rwanda de citoyens congolais ou de Bahutu rwandais constitue la deuxième manière. Les autorités du RCD nient ces atteintes à la liberté de mouvement, mais le Rapporteur spécial dispose de suffisamment de preuves pour affirmer que tel est bien le cas. Qui plus est, on ignore le sort réservé à certaines personnes expulsées. Les opinions dissidentes ne sont pas tolérées dans les lieux publics. Le RCD a créé un Conseil de guerre opérationnel pour connaître des délits commis par les militaires (pillages, actes d'indiscipline, etc.). Le procès se déroule à huis clos et selon les avocats de Bukavu, il n'est pas possible d'y assister. Les magistrats n'ont pas été rémunérés depuis 1996 et le montant de leur traitement est variable et représente l'équivalent de 3 à 30 dollars des Etats-Unis. Le rapport contient une liste des violations du droit international humanitaire imputables au Gouvernement et au RCD.

Dans ses conclusions et recommandations, M. Garreton estime que dans les deux parties du territoire, il faut mettre fin à l'impunité et à l'arbitraire des "services dits de sécurité". Les accords de paix doivent être rigoureusement respectés. Le Rapporteur spécial fait observer qu'un grand nombre de leurs dispositions sont ambiguës, ce qui permet de les interpréter de mauvaise foi afin d'accuser l'autre partie de ne pas les respecter.

Il estime que la Mission de maintien de la paix ne saurait consacrer la partition de la République démocratique du Congo, qui se ferait à partir de la frontière reconnue du nord et de l'est du pays. Les crimes de guerre et les crimes commis contre l'humanité devraient être jugés et les responsables condamnés. Aucune amnistie ne doit être accordée. Les allégations concernant le recours aux soldats infectés par le VIH pour qu'ils transmettent cette maladie et déciment ainsi la population civile doivent faire l'objet d'enquêtes.

Le Rapporteur spécial recommande la suspension de l'aide militaire à toutes les parties du conflit. Il faut mettre fin immédiatement au recrutement d'enfants.

Présentation

M. ROBERTO GARRETON, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme, a tout d'abord indiqué qu'il a pu au cours des deux missions en RDC s'entretenir longuement avec le Président de la République, ainsi qu'avec toutes les autorités qu'il a estimé utiles de rencontrer. Le Rapporteur spécial a indiqué qu'il s'est également rendu dans les zones sous contrôle du RDC où il a bénéficié de la plus grande liberté dans l'exercice de son mandat.

Au sujet du conflit armé, le Rapporteur spécial a rappelé que le RCD contrôlerait près de 50% du territoire tandis que le deuxième principal mouvement de rébellion, le Mouvement pour la libération du Congo (MLC) serait présent sur un dixième de celui-ci. Il a ajouté qu'on recense, en outre, près de 18 groupes armés opérant actuellement sur le territoire de la République démocratique du Congo, en sus des cinq armées étrangères qui ont été déployées à la demande du Gouvernement et des trois autres que le Conseil de sécurité a qualifiées de "non invitées". Dans ce contexte, la violence reste extrême, particulièrement dans les territoires que la très grande majorité du peuple congolais estime être sous le contrôle des "militaires rwandais". Bien que le bilan provisoire de ce conflit soit difficile à établir, on estime à plus de 6 000 le nombre de personnes qui auraient été tuées et à 500 celles portées disparues. Par ailleurs, 1,1 million de personnes seraient déplacées internes et quelque 280 000 autres auraient été contraintes de prendre le chemin de l'exil. Le Rapporteur spécial a estimé que la RDC fait face non pas à un seul mais à plusieurs conflits qui s'enchevêtrent, certains d'ordre internes et d'autres d'ordre international.

En ce qui concerne la signature des Accords de paix de Lusaka de juillet dernier, le Rapporteur spécial a indiqué que la plupart des Congolais qu'il a rencontrés, tant à l'Ouest qu'à l'Est, estiment que la communauté internationale n'a rien fait ou très peu pour mettre un terme au conflit.

Le Rapporteur spécial a estimé que cette observation ne tient pas compte des efforts menés par certains pays africains, comme la Zambie, la République sud africaine ou la Libye, et par l'ONU et l'OUA pour trouver un règlement pacifique à ce pays. Il a ajouté que ce sont certaines Parties au conflit qui ont fragilisé le processus et l'ont retardé, puisque le MLC et le RCD n'ont finalement consentis à signer ces Accords respectivement que les 1er et 31 août derniers. Le cessez-le-feu n'est malheureusement respecté par aucune des Parties au conflit qui continuent de s'armer et de renforcer leur position militaire.

Au regard de la situation des droits de l'homme, le Rapporteur spécial a indiqué qu'il a constaté lors de sa dernière visite au mois d'août dernier que la situation s'était détériorée de manière significative par rapport au mois de février. Le Rapporteur spécial a attiré l'attention de l'Assemblée sur la situation extrêmement grave des militants des droits de l'homme dans la partie contrôlée par le RCD. Outre le fait que les deux Parties n'hésitent pas à enrôler des enfants pour servir dans leurs rangs, les principales atteintes incluent notamment, du côté gouvernemental, des bombardements de villes et, du côté de la rébellion, des massacres de civils non combattants.

En conclusion, le Rapporteur spécial a insisté sur l'absolue nécessité pour toutes les Parties au conflit de mettre en oeuvre les dispositions contenues dans les Accords de Lusaka, mais aussi et surtout de respecter le calendrier établi. Le Gouvernement et le RCD devraient en outre s'engager formellement à coopérer avec la mission conjointe d'enquête sur les allégations de massacres commis entre 1996 et 1997. Il a également invité la communauté internationale à tout mettre en oeuvre pour qu'un terme soit mis aux ventes d'armes ainsi qu'à toute forme d'assistance militaire aux Parties au conflit. Il est urgent et nécessaire que l'opération de maintien de la paix des Nations Unies puisse se déployer et qu'une composante droits de l'homme puisse être créée en son sein. En outre, la communauté internationale devrait enfin se prononcer plus clairement sur la nature juridique de l'impulsion de chacune des armées présentes.

Dialogue

M. IKONDI BASELE (République démocratique du Congo) a signalé que, dans le contexte de la guerre imposée par ses trois voisins, le rapport du Rapporteur reflète une certaine réalité de terrain. Il fait notamment état des avancées significatives qu'aucun de ses rapports précédent n'avait mentionnées. La grave détérioration des droits de l'homme au Congo confirme que la guerre est en elle-même une violation des droits de l'homme. Le Congo demande à la communauté internationale de faire son possible pour demander au Rwanda, au Burundi et à l'Ouganda de lui permettre de promouvoir les droits de l'homme sur tout le territoire. Quatre cent trente ethnies vivent au Congo et sont déterminées à coopérer pour promouvoir les droits de l'homme, a affirmé le représentant.

Le représentant de l'Ouganda a regretté que le Rapporteur spécial est fait des allusions négatives à l'égard de son pays. La façon dont le rapport mentionne l'Ouganda est trop générale et n'est pas fondée sur des faits concrets et cités. Le représentant a signalé que les soldats ougandais sont la seule formation armée disciplinée dans cette partie du pays. Il a souhaité que le Rapporteur corrige cette impression négative et il a affirmé que les Accords de Lusaka ayant été négociés, il faut encourager leur application.

La représentante de la Jamahiriya arabe libyenne a déclaré que son pays poursuivra ses efforts pour apporter la paix au continent africain. Le représentant de la Finlande s'est interrogé sur l'évolution de la situation en République démocratique du Congo notamment en ce qui concerne le travail du Ministère chargé des droits de l'homme dans ce pays, ainsi que sur les possibilités de mise en oeuvre des Accords de Lusaka. Il a également demandé pourquoi les civils qui collaborent avec l'ONU sont soumis à des pressions et a souhaité avoir des précisions sur la situation des femmes au Congo.

Répondant à ces questions, le Rapporteur spécial, M. GARRETON a indiqué au représentant de l'Ouganda que ce rapport contient les faits jusqu'au 7 septembre et qu'il n'a pas été possible d'évaluer les Accords de Lusaka dont la signature s'est achevée en août. Il a également précisé que son rapport mentionne non les intentions belliqueuses de l'Ouganda mais le fait et les conséquences des affrontements de Kisangani. Le Rapporteur spécial a rappelé que ce sont certaines Parties concernées qui n'ont pas voulu souscrire aux accords de paix. Il a demandé à la Jamahiriya arabe libyenne et aux autres pays africains de coopérer pour veiller à l'application des Accords.

Le Rapporteur spécial a indiqué que le Ministre des droits de l'homme porte une attention sincère aux respects des droits de l'homme et semble en mesure d'amener son Gouvernement à prendre des mesures positives. En outre, le Gouvernement de la République démocratique du Congo a souscrit aux deux Protocoles 1 et 2 des Conventions de Genève, mais il est regrettable qu'il n'ait pu procéder à la ratification. Le Rapporteur spécial a regretté que certaines Parties paraissent s'efforcer à amener l'autre à enfreindre le cessez-le-feu, au lieu de veiller à l'application des Accords de Lusaka. Il convient également que le Président Kabila associe la population à ses efforts s'il veut maintenir sa crédibilité.

Le Rapporteur spécial a déclaré que la crise économique a aggravé la situation de la femme, non seulement parce qu'il est plus difficile de se nourrir, mais aussi parce que le père préfère que ce soit les garçons qui soient instruits. Il est évident également qu'en situation de guerre, les femmes sont particulièrement vulnérables.

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