AG/SHC/432

L'INITIATIVE POUR UN MORATOIRE SUR LES EXECUTIONS EN VUE D'ABOLIR PROGRESSIVEMENT LA PEINE DE MORT EST INOPPORTUNE

3 novembre 1999


Communiqué de Presse
AG/SHC/432


L'INITIATIVE POUR UN MORATOIRE SUR LES EXECUTIONS EN VUE D'ABOLIR PROGRESSIVEMENT LA PEINE DE MORT EST INOPPORTUNE

19991103

La Commission recommande à l'Assemblée de proclamer le 25 novembre Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes

Dans le cadre du débat de la Troisième Commission sur l'application des instruments relatifs aux droits de l'homme, les délégations ont, aujourd'hui encore, abordé la question de la peine de mort. De nombreux représentants ont rappelé que le deuxième Protocole se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, est comme son nom l'indique facultatif. Soulignant que seulement 38 Etats ont ratifié ce Protocole, des délégations ont estimé qu'une minorité ne saurait imposer ses valeurs et son système judiciaire au reste de la communauté internationale. Certaines ont insisté sur le fait que la question de la peine de mort devrait être abordée au titre de la justice pénale et non au cours du débat sur les droits de l'homme. De nombreuses d'entre elles ont jugé inopportune la présentation d'un projet de résolution relatif à l'établissement d'un moratoire sur les exécutions en vue d'abolir progressivement la peine de mort.

D'autre part, en raison de la charge de travail croissante des organes de surveillance des traités, des délégations, notamment celles de l'Australie, de la Chine et de la Slovénie, ont évoqué la nécessité d'améliorer le système d'établissement et d'examen des rapports.

La Commission a également adopté sans vote une résolution aux termes de laquelle l'Assemblée générale déciderait de proclamer le 25 novembre Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes.

Les représentants des pays suivant sont intervenus: Japon, Slovénie, Colombie, République arabe syrienne, Indonésie, Chine, Burkina Faso, Trinité-et-Tobago, Singapour, Indonésie, Antigua-et-Barbuda, Barbade, Egypte, Australie, Pakistan et Inde. Le représentant du Bureau de liaison à New York du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a également fait une déclaration.

La Commission poursuivra, cet après-midi, à partir de 15 heures, son débat sur ce thème.

PROMOTION DE LA FEMME

Adoption d'un projet de résolution

Aux termes du projet de résolution intitulé "Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes" (A/C.3/54/L.14/Rev.1), adopté sans vote, l'Assemblée générale, constatant avec préoccupation que les femmes appartenant à certains groupes - femmes issues des minorités, femmes autochtones, réfugiées, immigrées, femmes vivant dans des communautés rurales ou isolées, indigentes, femmes internées ou incarcérées, fillettes, femmes handicapées, femmes âgées et femmes dans les situations de conflit armé - sont particulièrement exposées à la violence, considérant que la violence à l'égard des femmes découle d'une longue tradition de rapports de force inégaux entre les hommes et les femmes, alarmée de constater que les femmes n'exercent pas pleinement leurs droits de la personne humaine et leurs libertés fondamentales, déciderait de proclamer le 25 novembre Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes.

APPLICATION DES INSTRUMENTS RELATIFS AUX DROITS DE L'HOMME

Suite du débat général

M. KUNIO UMEDA (Japon) a fait part du fait que le Japon a adhéré, en juin dernier, à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est donc Partie aux six principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. Convaincu que les responsables de tels crimes de torture doivent être traduits en justice et que les victimes doivent recevoir une assistance, le Gouvernement du Japon soutient pleinement l'objectif du Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture et lui apporte annuellement sa contribution financière.

Le nombre d'Etats parties aux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme augmentant, il en va de même du nombre de rapports soumis aux Comités d'application des traités. Cependant, le problème des retards dans la présentation et l'examen de ces rapports n'a pas encore été résolu, a noté le représentant. Il a souligné que si ces rapports doivent servir à l'amélioration de la situation des droits de l'homme de chaque pays, il est essentiel qu'ils soient examinés à temps et de façon adéquate par les Comités. Ainsi, le représentant a recommandé que l'on songe sérieusement à améliorer l'efficacité des méthodes de travail des Comités et à coordonner les multiples règles et exigences du système d'établissement des rapports afin d'éviter le travail redondant parmi les Comités. En outre, il est important que le Bureau du Haut Commissaire aux droits de l'homme bénéficie de ressources suffisantes pour appuyer les travaux de plus en plus lourds des organes conventionnels.

En ce qui concerne le projet de résolution sur la peine de mort soumis par l'Union européenne, le Japon souhaite maintenir la peine de mort qui n'est prononcée que dans les cas des crimes les plus graves, tels que les meurtres en séries et toujours conformément à des procédures judiciaires strictes. En effet, le Japon considère que la question de son abolition doit être examinée avec attention par chaque Etat aux vues de l'opinion de sa population, de l'état de la criminalité et des politiques en matière de justice pénale. Le Japon estime également que la peine de mort est conforme au paragraphe 2 de l'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le représentant a expliqué que la plupart des Japonais étaient en faveur du maintien de la peine de mort. Cette opinion est indissociable de leur sens de la justice et illustre leur confiance dans le système pénal. Le représentant a ajouté que, de ce fait, le Japon n'envisageait pas actuellement l'abolition de la peine de mort. Comme les discussions qui se sont tenues, au cours des trois dernières années, au Comité des droits de l'homme, au Conseil économique et social, et à la Conférence de Rome sur l'établissement d'une Cour pénale internationale le montrent, il n'existe pas de consensus international sur l'abolition de la peine de mort. Une telle décision doit demeurer la responsabilité de chaque Etat, a estimé le représentant.

Mme EVA TOMIC (Slovénie) a déclaré que si la ratification universelle pour 2003 des six instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme est souhaitable, il importe de mettre l'accent sur leur application. En outre, il faut veiller à ce que les réserves aux traités n'en contredisent pas les objectifs. Elle s'est félicitée des travaux en cours en vue de l'élaboration de deux protocoles additionnels à la Convention relative aux droits de l'enfant, de l'élaboration d'un protocole additionnel à la Convention contre la torture visant à permettre des visites préventives et a ajouté que la Slovénie espérait être en mesure de signer bientôt le Protocole additionnel à la Convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

La représentante s'est ensuite associée aux appels en vue d'assurer les ressources humaines et financières nécessaires aux Comités chargés de veiller à l'application des traités afin qu'ils puissent faire face à leur surcharge de travail. Elle a toutefois fait remarquer qu'il serait nécessaire de réviser les procédures actuelles de présentation des rapports par les Etats afin d'éliminer les obligations qui font double emploi. La Slovénie, a-t-elle déclaré, appuierait toute proposition constructive visant à consolider les procédures d'élaboration des rapports périodiques.

S'exprimant sur la question de la peine de mort, la représentante s'est félicitée des progrès en vue de l'élimination de la peine de mort. A cet égard, il est encourageant de constater une diminution du nombre de pays qui l'imposent, a-t-elle ajouté, en se déclarant favorable à une restriction progressive de la peine capitale, y compris un moratoire sur les exécutions.

M. ALFONSO VALDIVIESO (Colombie) a déclaré que les rapports périodiques soumis par les Etats étaient la preuve la plus flagrante de leur degré d'engagement quant au respect des droits de l'homme. Il a rappelé que son pays avait établi un certain nombre de rapports sur les droits civils et politiques, sur les droits sociaux, économiques et culturels, sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, sur les droits des enfants, sur la torture et autres traitements cruels, et sur l'élimination du racisme et de la discrimination raciale. En 1995, la Colombie a créé un organe d'analyse et de conseils sur l'application des recommandations faites par les organes chargés de surveiller l'application des traités relatifs aux droits de l'homme. En collaboration avec ces organes, le Gouvernement a invité, en 1997, le Haut Commissaire aux droits de l'homme à établir un bureau dans le pays. Le bureau est chargé de conseiller le Gouvernement sur les mesures à prendre et les programmes à développer pour promouvoir et protéger les droits de l'homme.

Compte tenu du conflit interne en Colombie, le représentant a expliqué que de nombreux défenseurs des droits de l'homme sont persécutés, le plus souvent par des groupes d'autodéfense. En réponse à cette situation, le Gouvernement a établi un programme de protection des témoins qui outre le personnel des ONG locales, protège également d'autres groupes vulnérables, tels que les journalistes.

Le représentant a déclaré que la peine de mort devait être abolie tout en affirmant que la Colombie ne souhaitait pas imposer son point de vue aux autres Etats. La peine de mort a été abolie en Colombie au début du siècle, et la Constitution réaffirme le droit inaliénable à la vie. En 1972, la Convention interaméricaine sur les droits de l'homme a été incorporée à la législation nationale. Les mêmes dispositions ont été prises, en 1996, pour le deuxième Protocole facultatif du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

M. MIKHAIL WEHBE (République arabe syrienne) a rappelé que les Etats Membres des Nations Unies sont tous également souverains. Il a estimé que le projet de résolution de l'Union européenne sur la peine de mort est une ingérence dans les affaires des Etats. Chaque Etat doit pouvoir choisir librement son système politique et judiciaire, compte tenu de ses valeurs et de sa situation. Ce projet de résolution demande en fait aux Etats de modifier leur système juridique qui est l'émanation de leur culture et de leurs traditions. L'argument selon lequel la peine de mort est dégradante pour la dignité de la personne humaine méprise la dignité humaine des victimes et est un affront à leurs droits.

Le représentant a déclaré que la République arabe syrienne applique la peine de mort en application de ses lois en vigueur qui visent à protéger les victimes et a posé la question de savoir comment un groupe d'Etats peut s'ingérer dans les affaires intérieures d'un pays alors que le fonctionnement démocratique prévoit la non-ingérence. Aucun groupe d'Etats n'a le droit d'imposer ses vues et ses valeurs aux autres. La peine de mort concerne la justice et n'a rien à voir avec les droits de l'homme. L'abolir reviendrait à récompenser le criminel. Il a insisté sur le fait que la protection des droits de l'homme demande que l'on se préoccupe au premier chef des droits de la victime et non de ceux du criminel. La République arabe syrienne n'applique la peine capitale que pour les crimes les plus graves conformément à son droit reconnu dans l'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

M. SUN ANG (Chine) a déclaré que la Chine a ratifié ou adopté 17 traités relatifs aux droits de l'homme. A cet égard, la Chine affirme s'être toujours acquittée de ses obligations en application des différents instruments auxquels elle est Partie. En ce qui concerne les rapports que les Etats doivent soumettre en application des traités internationaux, la Chine rappelle que chacun des rapports périodiques qu'elle a soumis récemment comportait un volet concernant la Région administrative spéciale de Hong Kong. Les représentants de la Région ont pu également s'exprimer eux-mêmes et répondre aux questions des experts lors de l'examen de ces rapports. Le Gouvernement chinois se prépare actuellement à l'examen de son rapport par le Comité contre la torture.

La Chine estime que les pays en développement, pour des raisons techniques, peuvent avoir des difficultés à présenter les rapports périodiques. Ces difficultés entraînent des retards de la part de ces Etats et la Chine estime que ces Etats pourraient utiliser leurs ressources limitées à la promotion des droits de l'homme plutôt qu'à la production des rapports périodiques. La Chine estime donc que les organes de surveillance des traités devraient travailler avec les Etats de façon constructive sur la base de l'égalité et du respect mutuel, afin de renforcer les échanges et le dialogue, ce qui permettrait de mieux appréhender la situation des droits de l'homme dans chacun des Etats Membres.

En conclusion, le délégué a rappelé que, en application du principe de la souveraineté des Etats, la Chine respecte le choix des gouvernements qui ont décidé d'abolir la peine de mort en adhérant au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civiles et politiques. D'autres pays, exerçant leurs droits souverains, ont fait d'autres choix en fonction de leurs caractéristiques historiques, sociales et culturelles. Ces choix doivent être respectés.

Mme SERAPHINE TOE (Burkina Faso) a fait état des progrès réalisés par le Burkina Faso dans le domaine de l'application des divers instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. Notre mécanisme électoral a aujourd'hui plusieurs années d'expérience, a-t-elle ajouté. Des élections présidentielles ont été organisées en 1991 et en 1998 et des élections législatives en 1992 et 1997. S'agissant du pouvoir judiciaire, l'article 129 de la Constitution affirme son indépendance et la mise en place des institutions y concourt.

La représentante a rappelé que son pays a ratifié notamment le Pacte relatif aux droits civils et politique, la Convention contre la torture, la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Elle a également mentionné que le Burkina Faso est l'un des deux Etats africains à avoir ratifié le Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'homme, portant création d'une cour africaine des droits de l'homme. Elle a indiqué que le nouveau Code pénal du Burkina Faso a procédé à la suppression de certaines peines telles que les travaux forcés, le bannissement, la réclusion et la déportation. En outre, le Gouvernement a pris des mesures importantes de réhabilitation de personnes injustement sanctionnées depuis 1960, par l'administration des différents régimes. La liquidation des droits des personnes réhabilitées est en cours, et entre 1995 et 1999, les sommes décaissées par le Trésor public en vue d'indemniser les victimes s'élevaient à six milliards trente millions.

Elle a poursuivi en indiquant que le Burkina Faso peut interpeller l'ensemble de la communauté internationale sur la question des droits de l'homme car au-delà des mécanismes et institutions, c'est le problème de l'accessibilité des citoyens à la jouissance des droits qui est posé. C'est aussi la question du droit au développement pour le Burkina Faso en tant qu'Etat qui est dans un ordre international suffisamment riche pour garantir les droits économiques, sociaux et culturels à tout homme, mais qui demeure éminemment inéquitable pour que certains pays comme le Burkina Faso ne puisse garantir un faisceau convenable de droits à ses citoyens.

M. GEORGE WINSTON McKENZIE (Trinité-et-Tobago) a déclaré que les instruments internationaux reconnaissent la légitimité de l'utilisation de la peine de mort. Ceci est reflété dans la plupart des traités internationaux et régionaux qui visent plus à limiter l'application de la peine de mort qu'à l'abolir. L'application de la peine de mort relève de l'expression de la souveraineté des Etats. Le délégué a cité l'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et l'article 4 de la Convention européenne relative aux droits de l'homme. Néanmoins, le délégué a expliqué que ces divers instruments veillaient à limiter le nombre d'infractions qui emportent cette peine et à fixer des procédures de son imposition. Ces restrictions sont strictement respectées par Trinité-et-Tobago.

Par ailleurs, en application des directives d'un organe du Commonwealth auquel Trinité-et-Tobago est Partie, la peine de mort ne peut être infligée à un condamné qui est resté emprisonné, sous cette condamnation, pendant une longue période. Enfin, la peine capitale ne peut être appliquée aux femmes enceintes.

Le représentant de Trinité-et-Tobago a rappelé que, comme son nom l'indique, le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civiles et politiques, est facultatif. Son application ne saurait affecter le droit souverain des Etats en matière de justice pénale. Trinité-et-Tobago estime que l'adoption du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte n'a pas d'effets sur la légalité ou l'illégalité des législations nationales relatives à la peine de mort. Il s'agit au contraire d'une preuve de l'absence de consensus sur la question. L'article 80 du Statut de Rome sur la Cour pénale internationale et la Déclaration du Président de la Conférence du 17 juillet 1998 confirment le consensus sur la non-inclusion de plénipotentiaires de la question de la peine de mort dans le cadre de la Cour. Trinité-et-Tobago estime que toute tentative d'utiliser les Nations Unies pour s'ingérer dans les affaires internes des Etats Membres est contraire à l'esprit de la Charte et à son Article 2.

M. KISHORE MAHBUBANI (Singapour) a insisté sur le fait que le débat aujourd'hui ne porte pas sur le bien-fondé de la peine de mort, mais sur la question de savoir si le thème de la peine de mort doit être soulevé pour diviser la communauté internationale. Le représentant a estimé que l'initiative de l'Union européenne n'est pas sage car elle pourrait réveiller les dragons qui menacent les Nations Unies. En outre, cette initiative montre un manque de sensibilité culturelle car elle ne prend pas en compte les valeurs religieuses, sociales et culturelles des autres pays. Il faut se demander si les Nations Unies cautionnent ainsi un regain d'impérialisme. Le représentant a insisté sur le fait que l'Union européenne, dont le projet de résolution ne compte que 74 coauteurs qui représentent à peine un sixième de la population mondiale, cherche à imposer ses vues à la majorité de la planète. Le représentant a exprimé son accord sur le fait qu'il convient d'éviter l'exécution d'innocents, c'est pourquoi Singapour a déposé un amendement au paragraphe 3 du dispositif pour souligner la nécessité d'un procès juste.

Il s'est ensuite déclaré alarmé par le fait que l'Union européenne semble prête à utiliser la coercition au lieu de la persuasion et a exprimé l'espoir que celle-ci n'utilisera pas l'aide au développement comme moyen de persuasion. Il a posé la question de savoir pourquoi l'Union européenne ne peut expliquer en quoi la peine de mort est une question qui relève des droits de l'homme plutôt que de la justice pénale. Le représentant a affirmé qu'abolir la peine de mort dans une société qui n'a pas éliminé le crime

revient à défendre la vie des criminels au lieu de celles des victimes. Il a fait valoir que les nombreux pays qui appliquent la peine de mort le font en accord avec leur système juridique et la volonté de leur peuple. Il s'est donc demandé pourquoi et à quel titre ces pays sont accusés de violer les droits de l'homme. Il a déploré la méthode adoptée par l'Union européenne pour rassembler discrètement des coauteurs pour son projet de résolution et le présenter à la Commission comme un fait accompli. Il a estimé qu'il serait plus sain d'avoir un débat ouvert sur ce sujet.

M. MAKMUR WIDODO (Indonésie) a indiqué que l'Indonésie a fait de rapides progrès dans l'application du Plan d'action national indonésien pour les droits de l'homme et que, récemment, elle a ratifié la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et travaille activement à sa mise en oeuvre. Il y a un peu moins d'un an, l'Indonésie a également adopté les lois nécessaires à la ratification de la Convention contre la torture et autres peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants. Le représentant a annoncé qu'au cours des prochaines années, son pays se préparera pour ratifier la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide et la Convention contre l'esclavage de 1926. L'Indonésie a également signé un Mémorandum d'accord avec l'Office du Haut Commissariat aux droits de l'homme relatif à la coopération technique dans ce domaine et qui concerne notamment une coopération technique pour le Plan d'action national et les mécanismes du système d'établissement des rapports.

Le représentant a expliqué que bien que la peine de mort constitue une forme punitive légale en Indonésie, elle n'en est pas moins utilisée de manière sporadique, même dans les cas les plus graves. Un projet de résolution appelant à la restriction progressive du nombre de délits pour lesquels la peine de mort est appliquée et à l'établissement d'un moratoire sur les exécutions par peine capitale, et ce dans l'idée d'aboutir à une abolition complète de celle-ci, constituerait une atteinte au droit souverain des Etats. L'Indonésie s'oppose à ce que cette Commission devienne le lieu où un groupe d'Etats impose des valeurs morales sur un autre groupe, dans ce cas la communauté internationale tout entière. Un pays ne peut présumer qu'un système de justice, instauré pour répondre à des besoins spécifiques et à certaines valeurs sociales, puisse être satisfaisant universellement. Chaque pays possède une culture qui doit être respectée et préservée, a déclaré le représentant. Il a également fait observer que le fait de prendre en considération ce projet de résolution en l'absence de consensus international en faveur de l'abolition de la peine de mort, ne pourrait qu'engendrer des dissensions au sein de la Commission. Rappelant le paragraphe 7 de l'Article 2 de la Charte des Nations Unies sur l'interdiction d'intervenir dans les affaires qui relèvent de la compétence nationale d'un Etat, le représentant a souligné que le paragraphe 2 de l'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques reconnaît le droit à un Etat d'imposer la peine de mort pour "les crimes les plus graves", en l'assujetissant à des garanties appropriées.

Mme AQEELAH AKBAR (Antigua-et-Barbuda) a regretté que le projet de résolution de l'Union européenne relatif à la peine de mort l'oblige à faire à nouveau une déclaration à ce sujet. Elle a appelé au respect du droit des Etats à choisir leur système judiciaire. Elle a rappelé qu'Antigua-et-Barbuda n'est pas Partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ni à ses deux Protocoles, et a regretté que l'Union européenne n'ait pas adopté une approche plus constructive sur ce sujet. Elle a estimé que l'Union européenne semble dans ce cas mettre la charrue avant les boeufs puisque le deuxième Protocole visant à abolir la peine de mort n'a été ratifié que par 38 Etats. A ce rythme, a-t-elle ajouté, il faudrait dix ans pour parvenir à un consensus dans ce domaine.

En outre, la représentante a fait remarquer que plusieurs conventions régionales et internationales reconnaissent l'absence de consensus au sujet de la peine de mort. Les Gouvernements des Etats des Caraïbes, par exemple, reconnaissent la peine de mort qui n'est appliquée qu'avec les mesures de sécurité nécessaires et à l'issue d'un procès juste. Elle a également ajouté que lors des débats qui ont mené à l'adoption du Statut de la Cour pénale internationale, il a été reconnu que rien dans ce Statut n'empêchait l'application de la peine de mort par les Etats dont la juridiction la prévoit. En conclusion, la représentante a souligné qu'en l'absence de tout consensus, l'initiative de l'Union européenne manque de sagesse.

Mme BETTY RUSSELL (Barbade) a fait observer que, depuis la ratification et l'entrée en vigueur du deuxième Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, les pays en faveur de l'abolition de la peine de mort semblent croire que ce mouvement doit comprendre toutes les cultures, tous les pays et sociétés, qu'il soit ou non approprié, nécessaire ou accepté par les peuples qu'il est censé protéger. Si la Constitution de la Barbade garantit le droit à la vie, ce droit doit, dans certaines circonstances, céder le pas à l'intérêt public, a indiqué le représentant, cette même Constitution maintenant aussi la peine capitale. En effet, la Barbade a signé et ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques mais n'a pas signé son deuxième Protocole facultatif. Le représentant a déclaré que son pays, exerçant son droit à la souveraineté dans son choix d'un système judiciaire, espère que, puisqu'il respecte le droit d'autres pays à opter pour l'abolition de la peine de mort, ces pays respecteront tout autant son droit de maintenir les dispositions de sa Constitution. La Barbade estime qu'il n'y a pas de consensus international sur l'abolition de la peine capitale et c'est pourquoi le deuxième Protocole n'est que facultatif. Le représentant a rappelé à tous les pays qui, par le biais des Nations Unies, tentaient de contraindre les Etats souverains à abolir, contre l'intérêt et les besoins de leur peuple, la peine de mort, qu'un protocole ou une convention des Nations Unies n'entre en vigueur qu'après avoir été ratifié par un certain nombre d'Etats et qu'elle n'engage

légalement que les Etats qui y sont devenus Parties. Le représentant a de même rappelé que la Barbade figure parmi les 50 pays ayant déposé une déclaration commune de dissociation sur la question de la peine de mort au cours de la 54ème session de la Commission pour les droits de l'homme.

M. AHMED ABOUL GHEIT (Egypte) a insisté sur le fait que le droit au développement fait partie des droits de l'homme qui doivent être défendus sans discrimination. Au sujet du projet de l'Union européenne visant à établir un moratoire sur les exécutions en vue d'abolir progressivement la peine de mort, le représentant a estimé que cette initiative est contraire aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. A cet égard, il a fait remarquer que très peu d'Etats avaient ratifié le deuxième Protocole visant à abolir la peine de mort. Le représentant a demandé à l'Union européenne de respecter les différentes cultures et sociétés. Faisant référence à la déclaration faite hier par l'Union européenne, il a estimé que c'était là une ingérence dans les affaires des Etats et a fait valoir qu'il convient de respecter le droit souverain des Etats d'appliquer ou non la peine de mort dans le cadre de leur législation nationale qui est fondée sur les convictions de leur peuple et de leur culture.

Le représentant a estimé que l'initiative de l'Union européenne peut semer la division parmi les Etats Membres et qu'il aurait été souhaitable de préserver le consensus entre les Etats à la veille du nouveau millénaire. Il a donc demandé à l'Union européenne de réexaminer sa position sur ce point. Par ailleurs, il a mis l'accent sur la nécessité de réévaluer les contributions au droit international apportées par les divers peuples et cultures. Il faut moderniser la démarche de la communauté internationale si l'on veut aboutir à une réelle protection des droits de l'homme et éviter les a priori culturels, a-t-il ajouté.

M. ANDREW GOLEDZINOWSKI (Australie) a fait remarquer que l'influence du système de contrôle des traités va continuer à accroître à mesure que de nouveaux Etats deviennent Parties aux principaux instruments relatifs aux droits de l'homme. Néanmoins, si les difficultés, liées à la charge de travail de plus en plus lourde, ne sont pas examinées, elles risquent de remettre en jeu l'efficacité et la crédibilité des organes de vérification des traités. Le représentant a constaté qu'en 1989, 646 rapports étaient en retard pour 1 146, en 1999. Comme pour les rapports, le nombre de communications, notamment celles faites au Comité pour les droits de l'homme dans le cadre du Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, a augmenté. Le représentant a signalé que si ce mouvement se poursuit, il existera, cette année, 2 523 communications et le temps moyen de réponse sera de 36 mois. Bien qu'il n'y pas de retard dans les cas dévolus au Comité contre la torture et au Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, ceux-ci sont aussi plus nombreux.

Ainsi, le représentant a estimé que davantage devrait être fait pour réformer le système de contrôle et le rendre plus efficace. A cet égard, le représentant s'est réjoui des efforts du Haut Commissariat aux droits de l'homme qui a mandaté une étude sur la question. De même, il a salué les allocations de fonds à l'Office du Haut Commissariat pour les droits de l'homme qui lui ont permis de jouer son rôle de coordinateur entre tous les organes de vérification. L'Australie encourage les Comités à travailler "plus rationnellement".

Le représentant a noté que les pays peuvent de même prendre des mesures utiles dans ce domaine, notamment en réalisant des rapports plus courts centrés sur les préoccupations spécifiques des organes concernés. Il a soutenu la démarche de certains Etats qui ont alloué des ressources afin de dispenser une formation dans les pays ayant manifesté un besoin d'aide pour améliorer leur système d'établissement de rapports. Il est important que les Etats collaborent avec les institutions des Nations Unies, le Haut Commissariat aux droits de l'homme et les organes de vérification des traités.

M. MUNAWAR SAEED BHATTI (Pakistan) a déclaré que la peine de mort doit être examinée dans le contexte de la question de la criminalité et de la justice pénale et n'a pas sa place dans la discussion sur les droits de l'homme. L'évolution des politiques de répression du crime est propre à chaque pays et à son histoire. Il a indiqué qu'il respecte le choix des pays qui ont aboli la peine de mort et qu'il espère que ces pays respecteront à leur tour les décisions souveraines des Etats dans ce domaine. Il a fait valoir que toute tentative visant à imposer des valeurs étrangères provoquera du ressentiment et qu'il faut donc s'en abstenir.

Même dans le contexte des droits de l'homme, a-t-il poursuivi, la question de la peine de mort ne saurait être examinée de manière isolée. Il faut prendre en considération les droits de la victime, de sa famille et de la société tout entière. En outre, le représentant a signalé qu'il n'existe aucun consensus à ce sujet et que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques reconnaît le droit des Etats à imposer la peine de mort à l'issue d'un procès juste en accord avec ses lois propres. Le représentant a regretté que l'Union européenne ait décidé d'élaborer un projet de résolution sur cette question à l'aube de l'Année des Nations Unies pour le dialogue entre les civilisations.

M. BHUVANESH CHATURVEDI (Inde) a déclaré que son Gouvernement était préoccupé par le manque de ressources dont dispose le Comité des droits de l'homme. Le Secrétariat continue de suggérer qu'il peut faire son travail dans le cadre des ressources disponibles. L'Inde estime que cela relèverait d'un miracle étant donné que les ressources disponibles sont détournées dans la poursuite d'un ordre du jour limité et souvent politique.

L'Inde a signé la Convention contre la torture en 1997 et va procéder à sa ratification. Le représentant a noté que selon le rapport du Secrétaire Général, le Fonds volontaire pour les victimes de la torture disposait de 5,1 millions de dollars américains pour l'année 1999, mais en anticipation, 10 millions de dollars américains seront nécessaires avant le mois de mai 2000. Tout en louant le Fonds pour ses activités, l'Inde prie les membres de son Conseil d'administration d'examiner sérieusement les actions d'un ou deux de ses bénéficiaires. Certains, qui se présentent comme des défenseurs des droits de l'homme, ont eu et continuent à avoir des liens avec des groupes terroristes et des organisations criminelles. Il est intéressant, a poursuivi le représentant, de lire le rapport sur ce Fonds en même temps que celui traitant du Fonds de contributions volontaires pour la lutte contre les formes contemporaines d'esclavage. De 1997 au début de cette année, les difficultés de financement de ce Fonds ont empêché les membres du Conseil d'administration de se réunir. Les pays en voie de développement ont montré leur intérêt dans le travail du Fonds, hélas, pour des raisons politiques, ce Fonds ne reçoit pas autant d'appui de la part des pays donateurs.

Sur la question de la peine de mort, l'Inde estime que le peu de signatures apposées au deuxième Protocole facultatif est une preuve de l'absence de consensus international sur cette question. A cet égard, l'Inde estime que la minorité ne doit pas tenter d'imposer son point de vue à la majorité en utilisant certains organes des Nations Unies.

L'Inde rappelle que le rapport du Secrétaire général sur le statut de la Convention sur la protection des travailleurs migrants et des membres de leur famille nous informe de la signature d'un Mémorandum d'accord entre le Bureau du Haut Commissaire aux droits de l'homme et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). L'Inde regrette que cet accord n'ait pas été présenté devant le Bureau exécutif du PNUD et rappelle que le rôle du PNUD doit se limiter à l'éradication de la pauvreté.

M. KOFI ASOMANI, Bureau de liaison du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés à New York, a fait valoir que le HCR est en quelque sorte un baromètre de la santé des sociétés et de leur respect des droits humains fondamentaux. Ainsi, les conflits et les crises de l'année passée révèlent l'échec à respecter les droits de l'homme et à prendre en considération les aspirations légitimes des minorités ethniques ou divers groupes sociaux. Les récents conflits au Kosovo, en Sierra Leone et au Timor oriental témoignent de la responsabilité partagée de la communauté internationale pour répondre en matière de paix et de sécurité aux préoccupations soulevées par les déplacements forcés de population. Le représentant a déclaré qu'il partage la préoccupation exprimée par nombre d'Etats face aux différences qui existent dans le financement et l'appui aux divers programmes pour les réfugiés, notamment en Afrique.

M. Asomani a attiré l'attention sur le fait que les récents conflits prennent les civils pour cible, que le viol est de plus en plus souvent utilisé comme arme de guerre. En Sierra Leone, par exemple, les conséquences des atrocités commises pendant la guerre, notamment les exécutions sommaires, les assassinats, les amputations et l'utilisation des enfants soldats, se feront durement sentir lors de la reconstruction du pays. Il a rappelé que la mission de l'assistance humanitaire est de garantir la sécurité et la dignité des personnes déplacées. Il a insisté sur la fait que tous ceux dont les droits fondamentaux sont en danger doivent avoir accès à un lieu sûr qui, comme on l'a vu récemment, se trouve souvent au-delà des frontières. Il a fait valoir la nécessité de garantir un asile digne et humain. Le représentant a également signalé que de nombreux pays dans la surveillance de leurs frontières fermaient l'accès aussi bien aux réfugiés qu'aux immigrants clandestins. Il a également fait part à la Commission du fait que les pays appliquent de plus en plus souvent des politiques restrictives interdisant aux réfugiés de se déplacer et limitant leurs droits à recevoir leur famille, leur accès aux services de santé ou à l'éducation. L'effet combiné de ces diverses mesures porte atteinte à la qualité de l'asile.

Tout en tenant compte des inquiétudes légitimes des pays d'accueil devant les flots de réfugiés, le représentant a estimé nécessaire d'adopter un cadre internationalement reconnu permettant de subvenir aux besoins des personnes déplacées. Les droits énoncés notamment par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques pourraient fournir une structure aux efforts humanitaires. Le représentant a insisté sur le fait que le Haut Commissariat s'emploie à organiser son aide humanitaire sur une approche basée sur les droits afin d'assurer une base cohérente à la vie de la famille lors de son déplacement. Cette approche fondée sur les droits permet également de renforcer la coopération entre les diverses institutions des Nations Unies et s'avère particulièrement utile lors de la mise en place d'une stratégie de reconstruction des sociétés déchirées par la guerre. En conclusion, il a indiqué que le travail du Haut Commissariat pour les réfugiés n'est pas abstrait et qu'il demande des solutions concrètes et urgentes. Toutefois, l'expérience montre que l'aide humanitaire ne remplace pas l'action politique.

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