DES DELEGATIONS S'ALARMENT DU FINANCEMENT DE GROUPES ARMES ET D'ORGANISATIONS TERRORISTES PAR DES CAPITAUX ILLICITES
Communiqué de Presse
AG/SHC/420
DES DELEGATIONS S'ALARMENT DU FINANCEMENT DE GROUPES ARMES ET D'ORGANISATIONS TERRORISTES PAR DES CAPITAUX ILLICITES
19991020Les pays industrialisés devraient s'interroger sur les raisons qui font d'eux les principaux consommateurs de drogues
Ce matin, les délégations à la Commission des questions sociales, culturelles et humanitaires ont de nouveau dénoncé les dangers des activités criminelles transfrontières qui portent sur des centaines de milliards de dollars. Les pays en développement ont demandé l'assistance bilatérale et multilatérale pour renforcer leur arsenal de lutte contre le crime organisé. Le représentant de la Turquie a souligné les liens existants entre la production illicite et le trafic de drogues et les ressources financières des groupes terroristes et des organisations criminelles. Les capitaux illicites constituent la principale source de financement du terrorisme, a-t-il dit. S'alarmant de pratiques criminelles similaires en Asie centrale, la représentante du Kirghizistan a dénoncé l'action de groupes armés qui tentent de déstabiliser le gouvernement en place.
Les délégations ont également de nouveau exprimé leur engagement en faveur d'un contrôle international efficace des drogues. Plusieurs pays du "Triangle d'Or" ont fait part des résultats obtenus par leurs programmes de cultures de remplacement. Reconnaissant pour sa part que les pays industrialisés sont les plus gros consommateurs de substances illicites, la représentante de Saint-Marin a fait remarquer que richesse et bien-être social ne vont pas forcément de pair. La plupart des toxicomanes sont conscients des dangers auxquels ils s'exposent, a-t-elle souligné, en suggérant de s'attaquer aux raisons profondes de ce comportement. Le représentant d'Antigua-et- Barbuda, au nom de la Communauté des Caraïbes, a déploré que les populations, notamment les jeunes, des Caraïbes soient maintenant touchées par ce fléau.
La Commission a ainsi terminé, ce matin, son débat sur la prévention du crime et la justice pénale, ainsi que sur le contrôle international des drogues.
(à suivre - 1a)
- 1a - AG/SHC/420 20 octobre 1999
En outre, la Commission a été saisie de trois projets de résolution portant sur les pratiques traditionnelles ou coutumières affectant la santé des femmes et des filles; l'amélioration de la situation des femmes dans les zones rurales; et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.
Les délégations des pays suivants sont intervenues au cours du débat: Kazakhstan, République démocratique populaire lao, Afghanistan, Antigua- et-Barbuda (au nom de la Communauté des Caraïbes - CARICOM), Thaïlande, Chine, Turquie, Qatar, Kirghizistan, Saint-Marin, Fidji, Jamahiriya arabe libyenne, Trinité-et-Tobago, Cameroun, Emirats arabes unies, Haïti, Colombie, République islamique d'Iran et Pakistan.
La Commission entamera, demain à 10 heures, son débat sur l'élimination du racisme et de la discrimination raciale et le droit des peuples à l'autodétermination. Elle se prononcera également sur des projets de résolution portant sur le développement social, la prévention du crime et la justice pénale, ainsi que la promotion de la femme.
PROMOTION DE LA FEMME
Présentation de projets de résolution
Aux termes d'un projet intitulé "Pratiques traditionnelles ou coutumières affectant la santé des femmes et des filles" (A/C.3/54/L.13), présenté par la représentante des Pays-Bas, au nom des coauteurs, l'Assemblée générale demanderait à tous les Etats, notamment, de ratifier les instruments internationaux pertinents relatifs aux droits de l'homme, en particulier la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et la Convention relative aux droits de l'enfant ou d'y adhérer, si ce n'est déjà fait, et d'honorer pleinement les obligations découlant des instruments auxquels ils sont parties; d'adopter et d'appliquer des lois et des politiques nationales proscrivant les pratiques traditionnelles ou coutumières affectant la santé des femmes ou des filles; de mettre en place, si ce n'est déjà fait, un mécanisme national concret pour l'application et le suivi de la législation pertinente, du respect des lois et des politiques nationales; de redoubler d'efforts pour sensibiliser et mobiliser l'opinion publique internationale et nationale au sujet des effets préjudiciables des pratiques traditionnelles ou coutumières affectant la santé des femmes et des filles, y compris les mutilations génitales féminines; de continuer de prendre des mesures visant spécifiquement à donner aux collectivités, dans lesquelles la mutilation génitale est pratiquée, y compris des communautés d'immigrants ou de réfugiés, les moyens de s'employer à prévenir et à éliminer ces pratiques; de faire figurer dans les rapports qu'ils présentent au Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, au Comité des droits de l'enfant et autres organes compétents créés en vertu des traités, des informations précises sur les mesures qu'ils auront prises pour éliminer les pratiques traditionnelles ou coutumières affectant la santé des femmes et des filles, y compris les mutilations génitales et de poursuivre ceux qui se rendent coupables de telles pratiques.
Aux termes d'un projet de résolution intitulé "Amélioration de la condition de la femme dans les zones rurales" (A/C.3/54/L.15), présenté par la représentante de la Mongolie, au nom des coauteurs, l'Assemblée générale inviterait les Etats Membres, agissant en collaboration avec les organismes des Nations Unies et la société civile, à poursuivre l'action qu'ils mènent pour mettre en oeuvre les résultats des conférences et sommets des Nations Unies, y compris ceux des bilans établis cinq ans après, et pour y donner suite selon une démarche intégrée et coordonnée, et à faire une plus grande place, dans leurs stratégies de développement nationales et mondiales, à l'amélioration de la condition des femmes rurales.
L'Assemblée générale prierait le Secrétaire général d'effectuer, en collaboration avec les organisations internationales, les institutions spécialisées, et les fonds et programmes concernés, et en consultation avec les Etats Membres, une étude comparative comportant notamment des études de cas, des réunions d'experts et des colloques, visant à savoir quels sont les effets de la mondialisation et de la pauvreté sur les femmes rurales et à quantifier et expliquer ces effets. Les délégations du Bénin, de la Guinée, du Kirghizistan et du Sri Lanka ont demandé à être ajoutées à la liste des coauteurs.
Par un projet de résolution intitulé "Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes" (A/C.3/54/L.17/ Rev.1), présenté par le représentant de la Norvège, au nom des coauteurs, l'Assemblée générale, notamment, demanderait instamment à tous les Etats qui n'ont pas encore ratifié la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes ou qui n'y ont pas encore adhéré de le faire dès que possible, de sorte que la Convention soit ratifiée par tous les pays d'ici à l'an 2000. Elle soulignerait qu'il importe que les Etats parties s'acquittent avec la plus grande rigueur des obligations qui leur incombent en vertu de la Convention.
La version française de ce projet, qui est une version révisée du texte figurant au document A/C.3/54/L.17, sera publiée prochainement.
Les délégations des pays suivants ont demandé à être ajoutées à la liste des coauteurs: Bhoutan, Chypre, Guatemala, Slovaquie, Nouvelle-Zélande, Kirghizistan.
PREVENTION DU CRIME ET JUSTICE PENALE
CONTROLE INTERNATIONAL DES DROGUES
Fin du débat général
M. YERZHAN KAZYKHANOV (Kazakhstan) a exprimé l'espoir que l'élaboration de la convention sur la criminalité transnationale organisée et les trois protocoles additionnels sera achevée en l'an 2000 et que ces instruments fourniront des mécanismes efficaces de la lutte contre les crimes transnationaux les plus graves. Le représentant a estimé que l'augmentation des activités criminelles, particulièrement du trafic de drogues, met en danger le processus de démocratisation en cours au Kazakhstan. Pour lutter contre ce phénomène, le Président a appelé à combattre la corruption, les pots de vin et l'évasion fiscale, et a donné de larges pouvoirs à la Commission nationale contre la corruption et au Ministère des Impôts. En outre, le Gouvernement a pris des mesures pour combattre la violence à l'encontre des femmes.
Le représentant a ajouté que la criminalité transnationale fait également planer une menace sur la sécurité régionale. C'est pourquoi, au cours du Sommet d'août cette année, les chefs d'Etat du Groupe "Cinq de Shanghai" - Chine, Kazakhstan, Kirghizistan, Fédération de Russie et Tadjikistan - ont abordé les questions de la criminalité internationale et relevé l'importance de mesures efficaces contre le terrorisme, le trafic de stupéfiants et de substance psychotropes, le trafic d'armes, les migrations illégales. Ils ont fixé les étapes pour organiser la coopération régionale dans ces domaines. En outre, l'Organisation de coopération économique prévoit un cadre de coopération dans la lutte contre les diverses formes de criminalité. Le Programme inter-Etats pour combattre la criminalité organisée et les autres délits dangereux en vigueur jusqu'à l'an 2000 offre également un cadre de coopération aux membres du commonwealth des Etats indépendants.
M. KHENTHONG NUANTHASING (République démocratique populaire lao) a déclaré que sa délégation s'associait aux déclarations faites par la Thaïlande, au nom de l'Association des nations de l'Asie du Sud (ANASE). Connu pour faire partie du fameux "Triangle d'Or", le Laos est un pays où, depuis des siècles, la culture du pavot à opium est profondément ancrée dans la société. Selon une étude sur l'opium conduite en 1998 par le Gouvernement lao en collaboration avec le Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues (PNUCID), le Laos est le troisième pays producteur d'opium dans le monde. L'étude a montré que près de la moitié de la production était consommée dans les dix provinces productrices. Situées au nord du pays, ces provinces produisent à elles seules 90% de la production, dans 32% des villages.
Le Gouvernement lao combat le trafic et la production de drogue depuis de nombreuses années. Au début des années 90, de nombreuses agences gouvernementales ont été créées, et un Plan national de contrôle des drogues a été adopté. Des programmes de remplacement des cultures illicites ont été mis en place. Le Code pénal a été révisé: le trafic de drogue est condamné par de sévères peines d'emprisonnement. A la suite de l'application de ces mesures, la production d'opium est passée de 140 tonnes en 1996 à 123 tonnes en 1997. En 1998, 405 trafiquants ont été arrêtés. Des saisies de drogue ont été effectuées: 379 kg d'opium brut, 166 kg de vêtements et de cotonnades imbibés d'opium, 26 kg d'héroïne, 700 000 comprimés de méthamphétamine, 408 kg de chanvre indien séché, 52 kg de morphine et plusieurs centaines de kilogrammes de précurseurs chimiques.
Le représentant a affirmé que son pays poursuivait les efforts pour lutter contre la drogue au niveau international, régional et national. A ce propos, la République démocratique populaire lao, en collaboration avec le PNUCID, présentera un projet à Hanovre, en Allemagne pour l'Expo 2000. Le projet Palavek, du nom de la région lao où il a été réalisé, a permis la réduction de la production d'opium de 3,5 tonnes à moins de 100 kg.
La région a désormais un excédent de riz, et les conditions de vie de la population, environ 6 000 personnes - majoritairement des Hmong - se sont visiblement améliorées. Le représentant a annoncé que son pays était parvenu, en mai dernier, à un accord avec le PNUCID. Pendant les six prochaines années, 80 millions de dollars seront investis dans la lutte contre la production d'opium.
M. HARON AMIN (Afghanistan) a affirmé que l'Afghanistan reste l'un des rares pays où des quantités massives d'opium provenant de cultures illicites de pavots continuent d'être produites et exportées vers les pays voisins, puis vers les riches marchés d'Europe occidentale et d'ailleurs. Afin d'éradiquer la production illicite de pavots en Afghanistan, le PNUCID a passé, en 1997, un accord avec les Taliban qui contrôlent presque tous les champs de pavots. Selon le PNUCID, la production de drogues illicites a doublé cette année s'élevant à 4 600 tonnes.
Le représentant a rappelé que l'Etat islamique d'Afghanistan avait mis en garde le PNUCID contre le précédent que représenterait un tel accord. Les Taliban, a-t-il dit, exigent l'implantation de cultures alternatives lucratives avant de mettre un terme à la culture de pavots. Il a estimé qu'une telle attitude démontre la réticence des Taliban à s'engager dans un dialogue et une campagne inconditionnelle de lutte contre les stupéfiants illicites. Il a fait valoir des témoignages d'observateurs étrangers laissant entendre que les Taliban approuvent la culture du pavot et prélèvent des taxes auprès des cultivateurs de cette plante.
Le représentant a suggéré que l'on aurait pu s'attendre à ce que les Taliban et ceux qui les soutiennent, après avoir affirmé qu'ils avaient restauré la prétendue paix et la sécurité dans la plupart des provinces afghanes, prennent des mesures de lutte contre la drogue. Il en est tout autrement, a dit le représentant. A cet égard, il a déclaré que le rapport de 1999 sur le Contrôle international des drogues révèle que des investissement licites ont été effectués au moyen de capitaux illicites provenant du trafic de drogue dans la ville de Kandahar, où vit le dirigeant taliban Mullah Omar. Le représentant a également critiqué la politique de la drogue que mène délibérément le pouvoir taliban en lui attribuant l'échec du programme développé par le PNUCID en Afghanistan, alors que les programmes du PNUCID ont été couronnés de succès dans plusieurs autres pays.
Le problème de la production de pavots en Afghanistan est généralement attribué à la poursuite de la guerre mais il peut aussi s'expliquer par d'autres facteurs socioéconomiques, a souligné le représentant. Il a déclaré que le régime implacable des Taliban a détruit la société afghane et provoqué l'apparition de réfugiés internes ou externes qui n'ont pour la plupart que l'agriculture comme source de subsistance. Ces agriculteurs subissent l'influence négative de la politique des Taliban. Le représentant a exprimé
son soutien à la décision du PNUCID de créer un "cordon sanitaire" autour de l'Afghanistan. Cependant, a-t-il souligné, même si la production d'opium baisse, les Taliban continueront à imposer un régime dictatorial et un mode de vie étranger à la population afghane. Il a appelé le PNUCID à poursuivre ses travaux.
M. PATRICK LEWIS (Antigua-et-Barbuda), s'exprimant au nom de la Communauté des Etats des Caraïbes (CARICOM), s'est félicité de la nouvelle orientation du Centre pour la prévention internationale du crime qui a réalisé des études globales sur la criminalité transnationale. Cette initiative pourrait permettre d'avertir un Etat de la présence d'un groupe criminel dangereux installé sur son territoire. Le représentant s'est ensuite penché sur le problème de la violence à l'encontre des femmes et a indiqué que les pays des Caraïbes ont adopté des lois en vue de criminaliser le viol conjugal, mis en place des lignes d'urgence à l'intention des victimes et ouvert des centres d'accueil. En outre, les policiers, avocats, membres du clergé peuvent recevoir une formation spéciale sur le traitement des victimes de violence physique et psychologique.
En ce qui concerne le problème de la drogue, le représentant a indiqué que les populations, notamment les jeunes, des Caraïbes sont maintenant touchées par ce fléau. Il a mentionné diverses initiatives prises au niveau régional, notamment la rencontre de la Force spéciale intergouvernementale sur la drogue et des ministres chargés de la sécurité, ainsi que le séminaire exécutif qui se tiendra en Jamaïque du 28 au 30 octobre et permettra de développer des stratégies appropriées.
En conclusion, le représentant s'est déclaré préoccupé par le projet de résolution déposé par l'Union européenne concernant l'abolition de la peine de mort. Le représentant a affirmé que la population des Caraïbes était en faveur du maintien de la peine capitale dans les cas des crimes les plus graves. Il a ajouté que l'Union européenne ne devrait pas chercher à imposer son point de vue et l'a appelé à retirer son projet de résolution.
M. APIRATH VIENRAVI (Thaïlande) a présenté les mesures adoptées par la Thaïlande dans la lutte contre la drogue aux niveaux national, régional et international. Le représentant a indiqué que le problème le plus grave qu'affronte actuellement la Thaïlande est lié à la propagation des méthamphétamines, dont le trafic, en Thaïlande, aurait généré environ un milliard de dollars en 1999. Environ 80% de ces méthamphétamines sont produites dans des pays voisins avec lesquels la Thaïlande a donc mis sur pied des collaborations, ce qui n'a pas empêché le problème de s'aggraver.
En ce qui concerne l'argent de la drogue, le représentant a annoncé qu'une loi s'attaquant au blanchiment des capitaux a été promulguée au mois d'août de cette année. L'application de cette loi est surveillée par un Bureau national.
Mme LI SANGU (Chine) a déclaré que son Gouvernement avait approuvé, cette année, la formation d'une nouvelle Commission nationale pour le contrôle des drogues. La Fondation contre les drogues a été créée. Encouragé par le succès de l'Exposition antidrogue, le Gouvernement prépare des "communautés exemptes de drogues et envisage d'allouer de plus amples ressources humaines à la lutte contre ce fléau. La Chine a interdit la culture illicite du pavot et lutte contre les trafics pratiqués à ses frontières. Les contrôles douaniers ont été renforcés.
Au niveau de la coopération, la Chine a développé des programmes de culture de substitution dans la région du fameux "Triangle d'Or", où la culture du pavot à opium est une activité économique très ancrée chez les populations. Ces programmes ont permis le développement économique de ces régions et de réduire ainsi leur dépendance vis-à-vis des cultures d'opiacés.
En conclusion, la représentante a tenu à rappeler que, pour lutter contre la drogue, la coopération internationale doit être renforcée mais que certains principes doivent être respectés. A savoir: le principe de la souveraineté des Etats et celui de la responsabilité partagée devant le phénomène de la drogue. La stratégie adoptée au cours de la Session extraordinaire de l'Assemblée générale de l'ONU doit être appliquée dans son ensemble. Enfin, le développement de cultures de substitution est une des clés du succès des stratégies de lutte contre la drogue; des moyens financiers et techniques sont donc indispensables.
M. LEVENT BILMAN (Turquie) a indiqué que la situation géographique de la Turquie la place sur la route des trafiquants de drogue désignée sous le nom de "Route des Balkans" et que cela accroît le rôle de la Turquie dans l'interdiction du trafic illégal de drogues tant au niveau national qu'international. Il a ajouté que la zone d'intervention de la Turquie s'étend jusqu'aux routes empruntées par les trafiquants de l'est de la Méditerranée. Il a rappelé la position de la Turquie qui considère le trafic de drogues comme un crime contre l'humanité et utilise tous les moyens à sa disposition pour combattre ce fléau. Le fait que, sur une période donnée, la Turquie ait saisi à elle seule plus d'héroïne que tous les pays d'Europe réunis atteste de l'importance qu'elle accorde à ce problème. Il a ensuite mentionné la participation de la Turquie au Bureau du contrôle des drogues et à l'application des divers instruments internationaux et accords bilatéraux.
En ce qui concerne la lutte collective des Etats contre la production illicite, le trafic et la consommation de drogues, le représentant a estimé que les exportations de précurseurs et d'acétone anhydride devraient être plus strictement contrôlées. En outre, une attention plus grande devrait être portée aux liens qui existent entre la production illicite et le trafic et les ressources financières des groupes terroristes et des organisations criminelles. Le profit réalisé par ces activités criminelles constitue
la principale source de financement du terrorisme. A cet égard, le représentant a exprimé l'espoir de voir la communauté internationale traiter ce problème de manière plus efficace à l'avenir. Enfin, le représentant a assuré la communauté internationale de la détermination de la Turquie à appuyer tous les efforts engagés dans ce domaine.
M. NASSIR ABDULAZIZ AL-NASSER (Qatar) a déclaré que la proximité des sources productrices ou consommatrices de drogues a amené le Qatar à prendre des mesures de coopération internationale et régionale afin de lutter contre ce fléau. Estimant que les toxicomanes sont des victimes, les autorités du Qatar ont mis en place des centres de réhabilitation pour ces personnes, a-t-il indiqué.
Le représentant a déclaré qu'un grand nombre d'Etats ont promulgué des lois garantissant la sécurité de leurs citoyens en se basant sur leur patrimoine social et spirituel et sur les principes de la Charte des Nations Unies. Le Qatar a ainsi établi la peine de mort afin de protéger ses citoyens. Le représentant a critiqué la présentation d'un projet de résolution contre la peine de mort par l'Union européenne alors que cette question ne fait pas l'objet d'un consensus. Le représentant a déclaré que les Etats qui ont promulgué des lois relatives à la peine de mort, l'ont fait pour réaliser la justice et protéger les victimes en partant du principe qu'à tout crime correspond une peine.
Mme ZAMIRA TOHTOHDJARVA (Kirghizistan) a indiqué qu'en Asie centrale, le trafic de stupéfiants et la criminalité qui en découle menacent la paix et la stabilité dans la région. Elle a cité en exemple l'infiltration de groupes armés autofinancés par les trafics qui tentent de déstabiliser le gouvernement en place. Elle a estimé que les Etats victimes de ce genre de pratiques ont besoin d'une assistance spécifique afin de mettre en oeuvre les mesures déjà identifiées par la communauté internationale, notamment la mise en place d'une base de données accessible à tous, la coopération entre organisations nationales et internationales de répression, ainsi que le développement d'études mondiales de ces phénomènes.
La représentante a ensuite mentionné les efforts entrepris au niveau régional, notamment la réunion de la Commission de la Communauté économique d'Asie centrale, mise en place conformément à la Convention sur la lutte contre le trafic des stupéfiants et des substances psychotropes qui s'efforce d'établir une base juridique entre les parties à cet accord. Rappelant la visite officielle de M. Arlacchi au Kirghizistan, elle a indiqué que celle-ci a permis d'envisager des mesures pour renforcer la coopération et a abouti à un Accord entre le PNUCID et le Kirghizistan.
Mme MARINA FAETANINI (Saint-Marin) a déclaré que, dans la lutte contre le commerce illicite des drogues et les cartels criminels, il est plus efficace de confisquer les avoirs que de confisquer la drogue elle-même. La représentante a estimé que les pays industrialisés doivent prendre en compte le fait que la plus grande partie de la drogue est consommée chez eux. A cet égard, elle a mis l'accent sur l'importance d'informer les jeunes du pouvoir destructeur des drogues et de construire une culture de la prévention. Elle a cependant reconnu que les campagnes d'information sur la drogue ne portent pas toujours les fruits espérés et que de nombreuses personnes adoptent, en connaissance de cause, des pratiques suicidaires.
La représentante a estimé qu'éliminer les drogues alors que la demande se maintient est une tâche comparable à celle de Sisyphe. Elle a estimé que le haut niveau de vie dont bénéficient les habitants des pays développés ont des effets contradictoires. Ils semblent encourager la consommation de drogues récréationnelles telles que l'ecstasy. Il faut admettre que le développement économique n'est pas forcément lié au bien-être social, a-t-elle noté. La représentante a également relevé que la consommation de drogues se fait aussi en réponse à des problèmes humains, tels que le chômage, la négligence et la violence. Elle a préconisé de faire participer les hommes et les femmes anciens toxicomanes à la lutte contre la drogue. Leur expérience peut être précieuse pour la société, a-t-elle conclu.
M. SAKIUSA RABUKA (Fidji) a déclaré que, depuis 1998, les forces de police et le Ministère de l'éducation menaient des campagnes de sensibilisation aux dangers de la drogue à destination des jeunes et des enfants. Dans les zones rurales de Fidji, où le chanvre indien est parfois cultivé, la police et le Bureau des affaires intérieures ont mis en place des commissions de prévention de la criminalité. Depuis 1990, les personnes reconnues coupables de possession de drogue sont obligatoirement punies par la prison. Le représentant de Fidji a déclaré que le 25 septembre dernier, l'île avait célébré sa première "Journée sans crime". La Journée a été consacrée notamment au rôle de la police et des communautés dans la lutte contre la criminalité.
Compte tenu de sa position stratégique, Fidji est une zone de transit pour les activités criminelles transnationales. Le Gouvernement a édicté deux textes législatifs qui, notamment, autorisent l'extradition des criminels, la coopération dans les enquêtes, la confiscation des propriétés et de l'argent des criminels. En application de ces deux textes, des accords ont été passés avec les Gouvernements australien et néo-zélandais. Dans le domaine de la lutte contre la corruption, un éminent membre du corps judiciaire a été nommé à la tête d'une commission d'enquête indépendante afin d'évaluer la nécessité d'une Commission permanente anticorruption.
Citant un article du quotidien américain Washington Post dans lequel il était dit que les îles des Caraïbes utilisaient leurs places financières pour contrebalancer les pertes enregistrées dans l'industrie de la banane, M. Rabuka a estimé que la communauté internationale ne pouvait ignorer l'appel des petites îles à un traitement différentié. M. Rabuka a affirmé que certains membres de la communauté internationale ne pouvaient profiter des opportunités qu'offre la mondialisation et, en même temps, nier aux îles des Caraïbes la possibilité de se tourner vers ces nouvelles sources de financement. La communauté internationale doit combattre les causes des difficultés économiques de ces pays.
M. MAHMOUD BEN SHARAN (Jamahiriya arabe libyenne) a insisté sur la nécessité de mettre en place des stratégies de contrôle de la production, du trafic et de la consommation de drogues. Il a insisté sur la nécessité d'agir sur la demande, notamment par la réhabilitation des toxicomanes, par le lancement de campagnes d'information et par l'éducation. En outre, le représentant a estimé qu'il convient également de développer les cultures de remplacement dans les pays producteurs. Par ailleurs, reconnaissant la nécessité d'une coopération accrue entre les Etats, il a indiqué que cette coopération renforcée doit respecter le principe de non-ingérence et les législations nationales. Dans le cadre de cette coopération, a-t-il ajouté, il convient de surveiller particulièrement le blanchiment d'argent qui doit être sévèrement puni.
Le représentant a rappelé que la Jamahiriya arabe libyenne ne produit pas de drogue, mais que sa situation géographique en fait un pays de transit, ce qui a conduit le Gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre ce problème qui met en danger sa société, y compris la peine capitale et la peine d'emprisonnement à perpétuité. Le représentant a souligné que ces mesures punitives à l'égard des trafiquants sont assorties de campagnes d'information spécialement désignées pour protéger les jeunes des dangers de la drogue. Il a ajouté que son pays est partie aux divers instruments internationaux en la matière et a conclu des accords de coopération régionale. En conclusion, il a rendu hommage au travail du PNUCID et a formé le voeu qu'il reçoive des ressources financières à la hauteur de sa tâche.
Mme YVONNE GITTENS-JOSEPH (Trinité-et-Tobago) a déclaré que son Gouvernement a du prendre de sérieuses mesures pour ne pas abandonner l'archipel à des barons de la drogue. De nombreuses agences gouvernementales ont été mises en place pour lutter contre le phénomène de la drogue ou le blanchiment d'argent. Au niveau régional, Trinité-et-Tobago a mis l'accent sur la coopération, un programme de protection des témoins a été lancé en collaboration avec la Communauté des Caraïbes (CARICOM), les Etats-Unis d'Amérique, le Canada et le Royaume-Uni. Au niveau de la coopération bilatérale, Trinité-et-Tobago travaille avec l'Agence américaine de lutte contre la drogue (DEA). Des commissions mixtes sur la drogue ont été établies avec les Gouvernements canadien, anglais et vénézuélien.
Au sujet de la criminalité, Mme Gittens-Joseph a déclaré que son Gouvernement estimait que les droits de la victime ne devaient pas être oubliés au profit de ceux des criminels. Trinité-et-Tobago punit de la peine capitale, les personnes coupables de crimes ayant entraîné la mort. La peine de mort n'est cependant pas appliquée lorsque le coupable est une femme enceinte, ou est âgé de moins de 18 ans au moment de la perpétuation du crime, ou est dément. Trinité-et-Tobago estime que l'application de la peine de mort est l'une des prérogatives d'un Etat souverain et démocratique.
Mme MAHOUVE S. CATHERINE (Cameroun) a indiqué que le Cameroun vient d'accéder au statut de l'Institut africain des Nations Unies pour la prévention du crime et du traitement des délinquants (UNAFRI). Elle a souhaité que cette structure vienne conforter les efforts du Cameroun dans le combat contre l'utilisation illicite et anarchique des drogues. Le Gouvernement camerounais s'est en effet attelé à l'adaptation méthodique de sa législation pour répondre efficacement aux problèmes posés par le trafic illicite des drogues, des armes à feu, le blanchiment d'argent et la criminalité qui lui sont liés. Ainsi, un Comité national de lutte contre la drogue a été créé. De même, le Cameroun a adopté, en 1997, une loi relative à la coopération judiciaire en matière de trafic de stupéfiants, des substances psychotropes et des précurseurs.
Malheureusement, les résultats de ces efforts restent en-deçà des attentes, et cela en raison de l'utilisation d'un matériel obsolète, et en raison de l'absence de personnel qualifié, a souligné la représentante. D'où la nécessité et l'importance d'une aide accrue aux services de police notamment pour la formation aux nouvelles techniques de détection et de recherche, et pour l'acquisition des équipements adéquats. A cet égard, la délégation camerounaise s'est félicitée de la mission effectuée par le PNUCID au Cameroun en avril 1999. La représentante a espéré que cette visite aurait révélé la nécessité de la mise en place urgente d'une structure sous-régionale du PNUCID en Afrique centrale.
M. KHALID BU-QUARRAH (Emirats arabes unis) a indiqué que les problèmes de drogue minent les progrès du développement social et s'est déclaré préoccupé par l'ampleur du phénomène. Le représentant a souligné la nécessité de venir en aide aux pays en développement qui ne disposent pas des ressources financières, techniques et humaines nécessaires pour combattre les trafiquants. En ce qui concerne les pays producteurs, il a insisté sur le fait qu'il convient d'accroître la coopération internationale en vue d'aider à mettre en place des cultures de substitution, à pratiquer des saisies aux frontières ou même à la réinsertion des toxicomanes.
Le représentant a indiqué que les Emirats arabes unis appliquent une stratégie nationale stricte et qu'ils ont notamment créé une base de données judiciaires, renforcé les compétences des forces de sécurité et augmenté la surveillance des frontières terrestres et maritimes. Il a signalé également des mesures de prévention contre le blanchiment d'argent et des mesures contre le trafic des précurseurs qui doivent être particulièrement contrôlés. Par ailleurs, le représentant a rappelé que les Emirats ont ratifié les trois conventions internationales dans ce domaine, ainsi que des accords régionaux. Il a insisté sur la nécessité d'appliquer toutes les mesures nécessaires pour combattre ce danger, y compris la peine de mort, et s'est associé aux déclarations qui ont demandé à l'Union européenne de retirer son projet de résolution sur ce sujet.
M. CARL-BENNY RAYMOND (Haïti) a déclaré que, dans le cadre du Programme des Nations Unies en matière de prévention du crime et de justice pénale, beaucoup d'efforts se sont déployés en Haïti sinon pour supprimer les causes du moins réduire les effets de la criminalité. En effet, la publication de la loi du 8 mai 1998 sur la réforme judiciaire est sans nul doute le point de repère autour duquel s'articulent les actions du Gouvernement dans le domaine judiciaire. Cette loi a mis l'accent sur l'indépendance du pouvoir, la restructuration de l'appareil judiciaire et du système pénitentiaire.
Le représentant a précisé que la réforme judiciaire en cours en Haïti garantit les droits fondamentaux en sortant de la raison d'Etat et en rendant leurs droits aux citoyens et contribue notamment à la pacification en combattant l'impunité structurelle et en redonnant à la société civile le pouvoir de se réguler.
Le représentant a attiré l'attention de la Commission sur la déportation vers Haïti de jeunes imprégnés de cultures étrangères qui ne fait qu'aggraver une situation déjà fragile, notamment du fait que la police nationale en est à son "coup d'essai". Le nombre de jeunes délinquants d'origine haïtienne rapatriés après avoir purgé leur peine dans des prisons des Etats-Unis, du Canada et de France équivaut pour la seule année 1998, à un peu plus de 10% de la nouvelle force de police. Il convient de souligner encore que malheureusement ces derniers temps le taux de criminalité augmente dans le pays, malgré les efforts de la jeune force de police, qui compte 6 000 policiers pour une population de près de 8 millions d'habitants.
M. ALFONSO VALDIVIESO (Colombie), concernant l'élaboration de la convention sur la criminalité transnationale, a posé la question de savoir, si les crimes visés supposent l'existence d'une organisation transnationale car le manque de clarté dans la définition pourrait restreindre le champ d'application de la convention. En outre, il a estimé qu'il importe d'introduire un mécanisme de règlement de conflit potentiel entre les systèmes judiciaires de divers Etats pour juger le même criminel, car seuls des mécanismes judiciaires solides pourront empêcher l'application de mécanismes politiques qui porteraient préjudice à la nature de la convention.
Ensuite, le représentant a fait référence aux trois protocoles additionnels, notamment celui qui porte sur le trafic de femmes et d'enfants, et s'est félicité de la décision d'élargir sa portée au trafic des êtres humains. Par ailleurs, en ce qui concerne le protocole contre la fabrication et le commerce illicites d'armes à feu, le représentant s'est félicité de la décision des experts de s'inspirer de l'expérience régionale américaine et de la convention existante dans le même domaine. Au regard du protocole contre le trafic et le transport illicites de migrants, le représentant a insisté sur le fait qu'il importe que les termes du protocole n'incriminent pas les migrants eux-mêmes qui sont des victimes et sur la nécessité de mettre en place des mécanismes pour leur venir en aide et faciliter leur rapatriement. En conclusion, il a exprimé le soutien de la Colombie à l'adoption d'un instrument international contre la corruption.
M. MOSTAFA ALAEI (République islamique d'Iran) a déclaré que de nouvelles formes de criminalité ont émergé suite aux progrès de la science, de la technologie et des modes de communication. Le développement et la promotion des initiatives de coopération technique destinées à assister les pays en développement à mettre en oeuvre leurs engagements nationaux et internationaux en matière de lutte contre le crime organisé transnational, méritent une attention internationale plus concrète, a-t-il estimé.
En ce qui concerne l'abolition de la peine de mort, le représentant a estimé qu'il s'agit d'une question juridique dont on ne saurait faire une règle absolue pour toutes les sociétés et régions du monde. Les législations et les politiques de justice pénales de chaque pays doivent être établies en fonction de ses particularités sociales, culturelles et historiques. Selon les normes et principes du droit international, les Etats ont le droit inviolable de déterminer librement leurs politiques de justice pénale.
Le représentant a souhaité que le PNUCID parvienne à un équilibre dans ses travaux entre les questions liées à la criminalité transnationale organisée et les autres questions liées à la prévention du crime en général, telles que la corruption et la justice pour les mineurs, par exemple.
M. MUNAWAR SAEED BHATTI (Pakistan) a indiqué que la criminalité transnationale organisée est l'un des plus grands défis actuels, dans la mesure où le blanchiment d'argent concerne chaque année des sommes très élevées. Le représentant a estimé que le maintien de la paix et de l'ordre social par la prévention du crime et la justice pénale relève, au premier chef, de la responsabilité des Etats et que la condamnation des criminels est d'une importance capitale pour toutes les sociétés. Il a ajouté que chaque société est en droit de prendre les mesures qui conviennent à sa culture pour punir les criminels dans le cadre de sa législation existante et dans le respect du droit. Pour sa part, la communauté internationale a l'obligation d'appuyer les efforts nationaux en vue de créer des sociétés pacifiques et sûres.
Le représentant a ajouté que le Pakistan respecte le choix des pays qui ont aboli la peine de mort en vertu de leur droit souverain. Dans le même ordre d'idées, ces derniers devraient respecter le choix des autres pays d'appliquer la législation qui convient à leurs conditions nationales pour combattre le crime et punir les criminels, car il est normal que des sociétés différentes aient des vues différentes sur la prévention du crime et la justice pénale, y compris sur la peine capitale. Ceci ne devrait pas poser de difficulté à la promotion d'une coopération internationale en vue de combattre le crime organisé et de créer des sociétés sans crime. Il convient de ne pas chercher à imposer ses propres valeurs car cette attitude condescendante risque de provoquer du ressentiment.
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