En cours au Siège de l'ONU

AG/DSI/223

INQUIETUDE A LA PREMIERE COMMISSION AU LENDEMAIN DU REFUS DU SENAT AMERICAIN DE RATIFIER LE CTBT

14 octobre 1999


Communiqué de Presse
AG/DSI/223


INQUIETUDE A LA PREMIERE COMMISSION AU LENDEMAIN DU REFUS DU SENAT AMERICAIN DE RATIFIER LE CTBT

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Le "Club des pays nucléaires" est montré du doigt par certaines délégations

La Première Commission a poursuivi cet après-midi son débat général. Au lendemain de la décision prise par le Sénat américain de ne pas ratifier le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (CTBT), le représentant de Cuba a noté que la superpuissance mondiale n'a pas été en mesure d'accepter les engagements pourtant limités du CTBT. Ce refus a également inquiété le représentant de la Bolivie. Des délégations ont mis en garde contre le "club de pays nucléaires". Des représentants ont dénoncé le fait que ce groupe restreint d'Etats trouve une légitimité dans le Traité sur la non- prolifération des armes nucléaires (TNP). Le représentant de la Bolivie s'est, quant à lui, demandé s'il n'était pas utopique de prier les Etats détenteurs de l'arme nucléaire d'adopter des mesures qui conduiront à l'élimination de ces armes alors qu'en réalité le club des Etats nucléaires ne cesse de s'élargir. Les efforts de mise à jour des doctrines de défense stratégique des puissances nucléaires ont été regrettées par le représentant de la République démocratique populaire lao. Le développement de systèmes de défense antimissile balistique ainsi que l'armement militaire de pays dans la région du Moyen-Orient ont constitué une autre source de préoccupation pour les délégations, en particulier celles du Maroc et du Pérou.

Les représentants des pays suivants ont pris la parole: Turquie, Cuba, République démocratique populaire lao, Bolivie, Maroc et du Pérou.

La Commission reprendra son débat général demain matin, à 10 heures.

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Débat général

M. MAHMET SAMSAR (Turquie) a estimé que les succès des initiatives en matière de désarmement et de contrôle des armements dépendent principalement d'une atmosphère propre à inspirer la confiance. Toute mesure de désarmement doit s'accompagner de garanties de sécurité pour les pays concernés et d'outils de vérification sans que l'équilibre stratégique ne soit modifié. Une plus grande transparence des questions de défense est également nécessaire si l'on veut éviter les malentendus. La Turquie pour sa part a fait du contrôle des armements et du processus de désarmement un élément important de sa politique nationale. Elle continue de considérer le Traité sur les forces conventionnelles en Europe comme la pierre de taille de la sécurité en Europe. Ce traité devra être adapté aux nouvelles réalités européennes en matière de sécurité. Nous souhaitons que le Sommet d'Istanbul, qui se tiendra en novembre, adoptera un Traité plus récent qui tienne compte de l'actualité.

En raison de sa proximité géographique avec des zones de turbulence, la Turquie suit avec attention et anxiété la prolifération d'armes de destruction massive. Le représentant a rappelé que son pays a été l'un des premiers signataires du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, qu'il est partie à la Convention sur les armes chimiques et à celle sur les armes biologiques et bactériologiques. Le représentant a plaidé en faveur d'un Protocole à la Convention sur les armes biologiques pour en renforcer son application. La Turquie est membre fondateur des Accords de Wassenaar relatifs au contrôle des exportations des armes classiques. Le trafic illicite des armes légères et leur utilisation par des groupes terroristes et par les trafiquants de drogues est une source de préoccupation constante pour la Turquie. Cette question, qui est de portée mondiale, exige une réponse multilatérale qui se traduirait par une meilleure coopération, le partage des informations, le contrôle des frontières et par la mise en place d'un réseau de surveillance international. Nous sommes en faveur de l'élargissement du Registre des Nations Unies sur les armes classiques pour qu'il porte également sur les armes de petit calibre.

M. RAFAEL DAUSA CESPEDES (Cuba) a déclaré que même ceux qui affichaient le plus d'optimisme au début de cette décennie, lorsqu'il était à la mode d'affirmer que la guerre froide était terminée, ne peuvent plus cacher leur scepticisme au seuil du nouveau millénaire. Par la mise en place de plans pour le développement d'un soit-disant programme de défense antimissile, en violation flagrante du Traité ABM et malgré un refus international, s'ouvre à nouveau la voie pour une course aux armements dans l'espace. Les engagements d'une portée limitée, tels qu'ils existent dans le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (CTBT), ne sont pas acceptés par la superpuissance mondiale, qui, d'après de récents rapports, a décidé de ne pas ratifier cet instrument juridique. Alors que nous nous rassemblons chaque année au sein de cette Commission pour adopter des résolutions visant à appliquer les mécanismes de désarmement des Nations Unies, ces mécanismes sont, dans la pratique, brisés par certains Etats détenteurs du pouvoir

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militaire et économique qui les ignorent et agissent pour leur compte. Cuba réitère son soutien ferme à l'établissement d'un comité spécial sur le désarmement nucléaire au sein de la Conférence du désarmement. En tant que mesure immédiate, il convient également de consigner les assurances négatives à accorder aux Etats non dotés de l'arme nucléaire dans un instrument international et juridiquement contraignant. Conformément à sa ferme vocation en faveur de l'élimination des armes nucléaires, Cuba a décidé de signer le Protocole facultatif des Accords de garanties de l'AIEA. La signature se fera dans les jours à venir. Cuba sera alors le premier pays qui aura des accords de garantie de type INFCIRC/66 en signant le Protocole facultatif de l'AIEA.

Le représentant de Cuba a regretté que le régime de non-prolifération établi par le TNP amenuise le principe d'égalité souveraine en créant deux catégories d'Etats qui se voient conférer des droits et obligations différents. En pratique, le Traité légitimise un "club de pays nucléaires", et après la prorogation indéfinie des dispositions du TNP, les pays dotés de l'arme nucléaire se sont arrogés le droit de détenir ces armes de façon indéfinie. Un tel statu quo est inacceptable. Concernant les matières fissiles, le représentant a indiqué qu'il existe actuellement dans le monde entre 2000 et 3000 tonnes de plutonium et d'uranium hautement enrichi dont moins de 1% font l'objet du régime de garanties de l'AIEA. Il est enfin qu'aucun traité international ne contrôle les matières fissiles des Etats nucléaires que seuls les Etats non-dotés de l'arme nucléaire aient une obligation à cet égard aux termes de TNP. Concluant sur les efforts entrepris par la communauté internationale dans le domaine du désarmement et de la protection de l'environnement, le représentant a fait savoir que Cuba soutiendra fermement la résolution qui sera présentée, cette année, par le mouvement des pays non alignés à ce sujet.

M. ALOUNKEO KITTIKHOUN (République démocratique populaire lao) a regretté que les puissances nucléaires ne fassent pas suffisamment d'effort pour progresser dans leur programme de désarmement. Le concept de sécurité internationale qui repose sur des alliances militaires et des politiques de dissuasion nucléaire ne suivent pas les objectifs généreux du désarmement. La situation n'est pas brillante mais elle n'est pas non plus désespérée et il n'y a pas lieu de nous sentir découragés. Les relations entre les Etats-Unis et la Fédération de Russie dans le cadre de START I et la déclaration conjointe des deux chefs d'Etat au sujet de START II et START III constituent des avancées positives dans le domaine du désarmement nucléaire. Nous souhaitons que ces deux puissances nucléaires adoptent d'autres mesures de réduction de leur arsenal dans le cadre de START II et par la suite de START III. Trois années se sont écoulées depuis l'ouverture à la signature du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires qui n'est toujours pas entré en vigueur. Pour certains pays, l'explication réside dans les lacunes du Traité qui ne comprend pas d'échéancier pour l'élimination totale des armes nucléaires. Nous comprenons cet argument mais en même temps, bien qu'imparfait, le Traité, s'il est strictement mis en oeuvre, empêchera les Etats qui ne sont pas dotés de l'arme nucléaire de s'en procurer et les Etats

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nucléaires d'étoffer leur arsenaux. Nous soutenons la création de zones exemptes d'armes nucléaires sur la base du libre consentement des Etats concernés.

Le développement de systèmes de défense antimissiles balistiques est une source de préoccupation. Le respect strict du Traité ABM par les Etats parties constitue la réponse à la cause du désarmement. Pour ce qui est des armes biologiques, le représentant a demandé le renforcement de la Convention pertinente et la création d'un régime de vérification. Evoquant l'entrée en vigueur de la Convention d'Ottawa sur les mines antipersonnel, il a estimé que les Etats avaient le droit légitime de faire usage de telles armes dans le cadre de leur défense nationale et de la préservation de l'intégrité territoriale conformément à la Charte des Nations Unies. Notre tâche est loin d'être achevée, a-t-il observé. L'incapacité de la Commission préparatoire de parvenir à un consensus sur la Conférence d'examen du Traité sur la non- prolifération des armes nucléaires prévue en l'an 2000, l'incapacité de la Conférence du désarmement de lancer des négociations sur un traité d'interdiction des matières fissiles l'absence de consensus au sein de la Commission sur le désarmement au sujet des objectifs de la Quatrième session spéciale consacrée au désarmement sont des sources de préoccupation. Il ne faudrait pas dissocier les mesures de non-prolifération nucléaire des mesures de désarmement nucléaire qui sont deux concepts interdépendants. Le représentant a soutenu les activités des Centres régionaux des Nations Unies pour la paix et le désarmement et, notamment, celui pour l'Asie et le Pacifique dont les initiatives et programmes sont connus sous le nom de "processus de Katmandou".

M. ALBERTO SALAMANCA (Bolivie) a indiqué que l'explosion de la bombe atomique a été déterminante pour la conclusion de la guerre et la création de l'Organisation des Nations Unies. Par la suite, la bombe atomique a modifié les bases de la construction d'un système multilatéral de relations internationales. Qui plus est, l'arme nucléaire s'est transformée en une pièce maîtresse des politiques du pouvoir, créant ainsi des déséquilibres internationaux. La Bolivie estime qu'il faut suivre l'exemple de l'Afrique du Sud qui, en 1989, a démantelé volontairement sa capacité nucléaire, devenant ainsi le premier pays dans l'histoire à adopter cette attitude. Faisons de l'attitude de l'Afrique du Sud une attitude généralisée!

Jorge Agustin Nicolas Ruiz, un grand philosophe espagnol, a dit un jour que ceux qui ne se souviennent pas du passé sont condamnés à le répéter. En conséquence, il est légitime de se demander si nous ne continuons pas à prêcher des utopies en demandant aux Etats détenteurs de l'arme nucléaire d'adopter des mesures qui conduiront à l'élimination de ces armes alors qu'en réalité le club des Etats nucléaires ne cesse de s'élargir. Le représentant a exprimé sa vive inquiétude face au refus exprimé hier par le Sénat américain de ne pas ratifier le CTBT. A la fin d'un siècle, qui a la réputation d'avoir été le plus sanglant, il convient de réfléchir avec prudence et solidarité en renonçant aux considérations d'hégémonie et de pouvoir absolu.

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M. MOHAMED AMAR (Maroc) a déclaré qu'au cours de ces dernières années la communauté internationale a réitéré l'importance du désarmement nucléaire et l'obligation d'oeuvrer en faveur d'un désarmement général et complet. A cet égard, il est évident que le Chapitre VI du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TNP) est au coeur du régime de non-prolifération. Lors de la dernière Conférence de prorogation du TNP en 1995, les Etats dotés de l'arme nucléaire se sont engagés à "aller systématiquement et progressivement de l'avant pour réduire puis éliminer les armes nucléaires". Certes, les résultats obtenus dans le cadre de START sont encourageants mais il est important d'oeuvrer dans un cadre plus multilatéral. La Conférence du désarmement, en sa qualité d'unique organe de négociation des Nations Unies dans le domaine du désarmement, doit poursuivre ses efforts dans le domaine du désarmement nucléaire. La mise en place d'un Comité spécial sur le désarmement nucléaire constitue la solution la plus appropriée.

A quelques mois de la Conférence d'examen du TNP, il semble opportun de nous pencher sur les insuffisances de cet instrument juridique essentiel à la sécurité internationale. Ceci étant, le TNP est un succès en raison de son universalité. En effet, 185 Etats sont parties au Traité et cette large adhésion constitue un gage de paix et un signe d'espoir pour les générations futures. Le Royaume du Maroc a toujours réaffirmé son adhésion totale aux principes de la non-prolifération nucléaire. Par son adhésion au TNP en 1968 et au Traité de Pelindaba puis, par sa signature du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, le Maroc n'a cessé de montrer son engagement en faveur du renforcement du dispositif juridique international tant dans le domaine du désarmement nucléaire que de la non-prolifération nucléaire. Comment ne pas déplorer alors qu'un seul Etat du Moyen-Orient refuse de soumettre ses installations au contrôle de l'AIEA et de signer le CTBT.

Dans le cadre du processus d'examen et de révision des dispositions du TNP, la question de l'octroi de garanties négatives de sécurité requiert un intérêt particulier. L'octroi de telles garanties relève de l'équilibre entre les droits et les obligations contractées par les parties au Traité. Les Etats parties non dotés de l'arme nucléaire sont en droit de réclamer des garanties de sécurité négative de la part des Etats nucléaires. L'établissement de ce type de mesures s'inscrit dans le cadre et la perspective du renforcement du régime de non-prolifération et constitue par essence un moyen de renforcer la confiance. L'idée centrale qui devait présider aux discussions devant mener à la définition des garanties de sécurité réside dans la levée de toute notion de conditionnalité.

Les objectifs fixés par la Conférence de prorogation du TNP en 1995 sont clairs. La Conférence du désarmement doit conclure les négociations sur le CTBT en 1996 et engager immédiatement des négociations sur les matières fissiles. Le statu quo à la Conférence du désarmement au sujet des négociation sur un traité d'interdiction des matières fissiles est regrettable

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et incompréhensible. Il est indispensable de rétablir le comité spécial sur les matières fissiles. Au sujet de la Convention sur les matières chimiques, le représentant a défendu l'idée selon laquelle l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques ne devrait pas solliciter des fonds financiers disproportionnés qui mettraient en difficultés des Etats Membres. L'Organisation devrait en revanche concentrer ses efforts dans le domaine de la coopération et de l'assistance. Le Maroc désire que l'on puisse se pencher sur les voies et les moyens à mettre en oeuvre pour assurer l'universalité de la Convention sur les armes chimiques. Au sujet des armes légères, le représentant a salué l'intérêt croissant porté à cette question ainsi que l'organisation d'une conférence internationale en 2001. Il est temps que la communauté internationale s'attache à établir des normes internationales dans ce domaine. Le représentant a dit l'incapacité de son pays à adhérer à la Convention d'Ottawa en raison d'impératifs de sécurité dans les provinces sud marocaines. Le Maroc a toutefois signé avec les Nations Unies un accord de déminage de la zone de la Mission des Nations Unies dans les provinces du Sud.

M. FRANCISCO A. TUDELA (Pérou) a fait remarquer que les engagements des puissance nucléaires tels que déclarés lors de la Conférence sur le Traité de non-prolifération en 1995 sont loin d'avoir été remplis. Cependant certains événements marquent un pas favorable vers la paix. Ainsi la récente entrée en vigueur de la Convention d'Ottawa est-elle une preuve que la majorité des Etats est attachée à la paix. Ces efforts en faveur de la paix se manifestent également en Amérique latine et aux Caraïbes. Ainsi l'Organisation des Etats américains a adopté des instruments importants au cours de ces deux dernières années, notamment par l'adoption de la Convention interaméricaine sur la transparence en matière d'acquisition d'armes classiques ou encore le compromis sur la conversion de l'hémisphère occidental en une zone libérée des mines terrestres antipersonnel.

Cette volonté de s'acheminer vers la paix s'est manifestée plus concrètement au Pérou et en Equateur par la signature des accord de paix intervenus entre ces deux pays en octobre 1998. Ces accords, qui prévoient également des mesures économiques et de protection commune, peut servir d'exemple dans d'autres situations, a précisé le représentant. Le Pérou est partie aux principaux instruments internationaux en matière de désarmement nucléaire et d'armes de destruction massive. Le Pérou sera, en décembre prochain, le siège de la Conférence annuelle des Etats parties de l'Organisation pour l'interdiction des armes nucléaires en Amérique latine. Le Centre régional des Nations Unies pour la paix et le développement en Amérique latine et aux Caraïbes, lequel a son siège à Lima, organisera un nouveau séminaire sur le désarmement et la sécurité intitulé "Un nouvel ordre du jour en Amérique latine et aux Caraïbes pour le nouveau millénaire".

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