AG/930

FACE AUX INSUCCES EN AFRIQUE, LES METHODES DE REGLEMENT DES CONFLITS REMISES EN QUESTION A L'ASSEMBLEE GENERALE

1 octobre 1999


Communiqué de Presse
AG/930


FACE AUX INSUCCES EN AFRIQUE, LES METHODES DE REGLEMENT DES CONFLITS REMISES EN QUESTION A L'ASSEMBLEE GENERALE

19991001

Certaines délégations demandent un réexamen des opérations de maintien de la paix

Face à la multiplication des conflits dans le monde et au faible succès rencontré sur le terrain par certaines opérations de la paix des Nations Unies, plusieurs orateurs à l'Assemblée générale ont appelé cet après-midi à un renforcement des mécanismes de prévention des conflits et a une amélioration des stratégies de résolution des crises. Le Ministre des affaires extérieures de l'Angola a plaidé pour un réexamen des opérations de maintien de la paix car à son avis la fragilité évidente des systèmes de vérification des accords de paix et la tendance à réserver un traitement similaire à celui qui viole les accords et à celui qui les respecte expliquent entre autres le faible succès de certaines missions de maintien de la paix de l'ONU. S'il est clair que l'ONU joue un rôle essentiel dans l'établissement de la paix", a-t-il souligné, "elle se doit de l'assumer avec davantage de réalisme et d'efficacité pour répondre aux aspirations des populations. L'ONU nous a fait défaut, a affirmé de son côté le Ministre des affaires étrangères éthiopien, estimant que l'Organisation n'a pas répondu de manière adéquate à ce qu'il considère comme une agression non provoquée de la part de l'Erythrée. En réponse à ces accusations, le Ministre des affaires étrangères de l'Erythrée a appelé les Nations Unies et la communauté internationale à condamner la menace de l'Ethiopie de recourir à la force, et a demandé le déploiement immédiat d'une mission d'observation afin d'identifier l'agression au cas où un nouveau conflit se déclencherait. Le représentant de l'Azerbaïdjan a pour sa part rejeté les modèles de règlement des conflits qui empiètent sur son intégrité territoriale, son unité nationale qui vont à l'encontre de son intérêt national. Il a invoqué à cet égard, comme son homologue de la République démocratique populaire lao les principes du respect de la souveraineté des Etats et de la non ingérence dans leurs affaires intérieures. Inquiet de la recomposition stratégique actuelle en Asie du Sud-Est, le Ministre des affaires étrangères philippin a plaidé, quant à lui, pour un règlement des conflits au niveau régional.

(à suivre 1a)

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Le problème de la lutte contre le terrorisme a également été évoqué par plusieurs délégations. La plupart des menaces qui pèsent aujourd'hui sur la sécurité et la stabilité internationales ne proviennent plus des Etats mais de leur dysfonctionnement, a déclaré le Ministre des affaires étrangères de l'Estonie, évoquant, comme plus tard ses homologues malgache et mauritanien, la nécessité de lutter contre le terrorisme qui, ont-il rappelé, tue chaque année des milliers d'innocents.

Plaidant pour la survie des petits Etats insulaires, les Ministres des affaires étrangères de la Dominique, de Vanuatu et des îles Marshall ont fait part de leur inquiétude concernant la gestion des ressources marines et côtières menacées par la pollution et la surexploitation.

Ont participé au débat: M. Toomas Hendrick Ilves, Ministre des affaires étrangères de l'Estonie; M. Somsavat Lengsavad, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères de la République démocratique populaire lao; Mme Lila Hanitra Ratsifandrihamanana, Ministre des affaires étrangères de Madagascar; M. Domingo Siazon, Secrétaire aux affaires étrangères des Philippines; M. Clement Leo, Vice-Ministre des affaires étrangères de Vanuatu; M.Tofik Zulfugarov, Ministre des affaires étrangères de l'Azerbaïdjan; M. Ahmed Ould Sid Ahmed, Ministre des affaires étrangères et de la coopération de la Mauritanie; M. Norris Charles, Ministre des affaires étrangères, du commerce et du marketing de la Dominique; M. Seyoum Mesfin, Ministre des affaires étrangères de l'Ethiopie; M. Haile Weldensae, Ministre des affaires étrangères de l'Erythrée; M. Joao Bernardo de Miranda, Ministre des relations extérieures de l'Angola; et M. Hiroshi Yamamura, Ministre des affaires internes des Iles Marshall.

Les représentants de la Syrie, du Chili, de l'Erythrée, de l'Ethiopie et de la Bolivie ont exercé leur droit de réponse.

L'Assemblée générale poursuivra demain à partir de 10h son débat général qu'elle devrait terminer dans la journée.

Suite du débat général

M. TOOMAS HENDRIK ILVES, Ministre des affaires étrangères de l'Estonie: la plupart des menaces qui pèsent aujourd'hui sur la sécurité et la stabilité internationales ne proviennent plus des Etats mais de leur dysfonctionnement. Les conséquences en sont tout aussi graves: terrorisme, corruption, effondrement économique, dangers nucléaires, immigration massive et troubles ethniques ne sont que quelques uns des défis que le monde a dû relever au cours des dernières années. Le violent conflit au Timor oriental, le nettoyage ethnique au Kosovo, et l'escalade récente de la violence en Tchéchénie ne sont que quelques exemples de ces nouvelles menaces.

L'ONU a un rôle important à jouer pour lutter contre ces menaces mais avant de pouvoir jouer un rôle plus actif dans le nouvel ordre mondial d'après la guerre froide, des réformes structurelles importantes sont nécessaires. Ces réformes doivent se concentrer en premier lieu sur le Conseil de sécurité dont l'autorité est remise en question. En raison de son incapacité récurrente à prendre des décisions en situation de crise, les pays se tournent de moins en moins vers lui. Pour éviter de devenir un organe purement normatif incapable d'assurer la mise en oeuvre des règles qu'elle établit, les procédures et mécanismes de vote au sein du Conseil doivent être réformés. La question clef est la pratique du vote et non la question des membres non permanents. Le recours souvent irresponsable au droit de veto et la menace plus fréquente du droit de veto ont paralysé le Conseil et sapé sa légitimité. On voit de plus en plus souvent les membres permanents décider de mesures en fonction de leurs intérêts nationaux et des objectifs de leur propre politique étrangère. Or, en tant qu'Etats Membres, c'est nous qui avons défini le mandat du Conseil. Avant même d'entreprendre des réformes, nous engageons les membres permanents à faire usage de leur droit de veto de manière responsable. L'ONU a été créée pour maintenir la paix après les tumultes de la Deuxième Guerre mondiale. Mais le monde a changé. Pourquoi serions-nous freinés par des structures obsolètes qui restent fondées sur les relations de pouvoir qui datent de 1945 ? Il ne faut pas craindre d'ouvrir un débat sur la question de savoir si le raisonnement moral et juridique qui soustend la composition du conseil de sécurité est encore valable aujourd'hui. De même, la composition actuelle des groupes régionaux n'est plus appropriée, en ce qu'ils reflètent les alliances de la guerre froide. Pour correspondre aux réalités d'aujourd'hui, ils devraient devenir véritablement géographiques.

L'ONU a consacré plus de ressources au développement économique et social que dans tout autre domaine. De nombreux pays, comme l'Estonie, ont bénéficié de l'aide de l'ONU. Nous pensons qu'il est temps de rendre ce que nous avons reçu. Le fait de faire partie de la communauté internationale nous impose comme devoir de fournir une aide au développement et une aide humanitaire. Cela devrait être l'objectif de tous les pays. La plupart des activités de l'ONU, que ce soit en matière de maintien de la paix ou d'aide économique, ont tendance à devenir permanentes. La permanence n'est pourtant pas un signe de réussite, mais prouve plutôt l'échec. L'ONU devrait donc s'efforcer de donner la priorité aux actions préventives et à une mise en oeuvre bien planifiée et bien ciblée qui encourage le succès et des développements positifs, plutôt que la dépendance. L'ONU devrait également jouer un plus grand rôle pour veiller à ce que les principes universels inscrits dans la Charte soient mieux respectés et appliqués de manière plus juste. Malgré les nombreuses résolutions et conventions adoptées par la communauté internationale, des milliers d'innocents meurent chaque année dans des attentats terroristes brutaux. Au vu de la vague d'attentats récents en Fédération de Russie, il est évident que la lutte contre ce fléau doit se poursuivre, sans toutefois servir d'alibi aux violations des droits de l'homme.

S'agissant du financement de l'ONU, il est clair que si l'Organisation veut entrer dans le XXIème siècle comme une organisation sérieuse et efficace, nous devons tenir compte des réalités économiques. Cela implique de procéder à des réformes administratives, une croissance nulle du budget et une responsabilité fiscale, couplée au paiement par tous les pays de leur contribution. Le monde a changé considérablement et l'ONU doit s'adapter à ces changements.

M. SOMSAVAT LENGSAVAD, Vice-Premier Ministre, Ministre des affaires étrangères et Chef de la délégation de la République démocratique populaire lao: il est plus qu'urgent que la communauté internationale prenne des mesures collectives concrètes pour permettre à l'ONU de consacrer davantage ses principales ressources au développement socio-économique en vue de construire une vie meilleure pour tous les peuples du monde et, en particulier, pour les plus démunis. En tant que seule organisation internationale universelle, les Nations Unies devraient avoir la capacité d'agir et de s'adapter aux nouvelles réalités mondiales changeantes afin de pouvoir aider à relever ces défis.

La République démocratique populaire Lao a, conjointement avec les autres pays membres de l'Anase, signé le Traité sur la zone dénucléarisée d'Asie du Sud-Est en vigueur depuis 1997. Elle se joint à la déclaration conjointe adoptée l'année passée par l'Afrique du Sud, le Brésil, l'Egypte, l'Irlande, le Mexique, la Nouvelle-Zélande et la Suède, dont l'objectif est de relancer les efforts en faveur de la non-prolifération et du désarmement nucléaires.

En évoquant les réformes de l'ONU, on ne peut passer sous silence les travaux délicats du Groupe de travail à composition non limitée sur la réforme du Conseil de sécurité. Nous sommes en faveur de l'augmentation du nombre de membres aussi bien permanents que non permanents selon le principe de la répartition géographique équitable et tenant compte de l'importance du pays. Certains pays comme le Japon, l'Allemagne et l'Inde en particulier, pourraient être membres du Conseil de sécurité une fois restructuré. La RDP lao considère également que l'usage de la force contre un Etat souverain et indépendant sans l'autorisation du Conseil de sécurité, sous quelque prétexte que ce soit, est contraire au droit international ainsi qu'à la Charte des Nations Unies. Nous estimons que tout conflit, si complexe soit-il, ne devrait être résolu que par des négociations. En ce qui concerne la péninsule coréenne, nous lançons un appel à tous les pays concernés pour qu'ils fassent preuve de maximum de retenue et recherchent ensemble les solutions permettant de répondre aux aspirations du peuple coréen et à la réunification pacifique des deux parties de la Corée. La RDP lao réaffirme sa position constante que Taïwan est une partie intégrante et inaliénable de la Chine et que le Gouvernement de la République populaire de Chine est le seul représentant légal et légitime du peuple chinois tout entier.

Depuis le Sommet de Copenhague, en 1995, la lutte contre la paupérisation s'est trouvée renforcée. Nous estimons que la réunion extraordinaire de suivi, qui aura lieu en l'an 2000, offrirait à la communauté internationale l'occasion de réexaminer la situation et de prendre des mesures qui s'imposent afin d'atteindre les objectifs fixés.

En dépit des mesures prises tant au niveau national qu'international, les problèmes des pays en développement sans littoral sont encore loin d'être réglés. La RDP lao, qui a l'honneur d'assumer la présidence de ce groupe d'Etats, coopère activement avec les pays membres pour l'installation et le maintien d'un système de transport en transit efficace et auto- soutenu, tâche colossale qui exige de la communauté internationale soutien et assistance nécessaires à leurs besoins particuliers. Il est plus qu'urgent que les recommandations adoptées par la quatrième Réunion d'experts gouvernementaux des pays en développement sans littoral et des pays en développement de transit ainsi que des représentants des pays donateurs et d'organismes de financement et de développement, tenue au mois d'août dernier à New York, soient traduits intégralement dans les faits le plus tôt possible.

La question de la drogue continue d'être une préoccupation importante dans la vie quotidienne en Asie du Sud-Est. En coopération avec le programme des Nations Unies pour le contrôle de la drogue (PNUCID), nous sommes en train d'élaborer une stratégie pour l'éradication substantielle de la production de l'opium dans les six années à venir. A cet égard, je lance un appel à la communauté internationale pour qu'elle apporte sa contribution au fonds du PNUCID.

Mme LILA HANITRA RATSIFANDRIHAMANANA, Ministre des affaires étrangères de Madagascar: il nous appartient de procéder d'urgence à la mise en application des mesures nécessaires à la restructuration de notre Organisation. Nous réitérons notre adhésion à la position de l'Organisation de l'Unité africaine (OUA) quant à la nécessité d'élargir la composition du Conseil de sécurité. La restructuration de cet organe doit être fondée sur les principes de la démocratie, la transparence et la répartition géographique équitable. Concernant la question du droit de veto, il n'y a point à notre sens à tergiverser : soit, il est étendu à tous les membres permanents, soit, il conviendrait de l'abolir.

Madagascar se préoccupe de la situation qui prévaut aux Comores, son proche voisin. A ce titre, nous nous félicitons d'avoir abrité en avril de cette année à Antananarivo la Conférence comorienne inter-îles sous l'égide de l'OUA. Nous exhortons la communauté internationale à soutenir les efforts en vue de l'application de l'Accord d'Antananarivo pour l'avènement d'un Etat comorien démocratique et uni. L'année dernière a marqué le cinquantième anniversaire des opérations de maintien de la paix des Nations unies. Tout en reconnaissant l'utilité de ces opérations, Madagascar estime que le désarmement est inséparable de tout effort de consolidation de la paix. Autre souci de notre temps, la lutte contre le terrorisme international mérite notre solidarité sans faille. C'est la raison qui nous incite à nous associer à l'élaboration du projet de convention internationale pour la répression du financement du terrorisme. Nous venons de procéder aujourd'hui même à la signature de la Convention internationale pour le répression des attentats terroristes à l'explosif. Le respect des principes démocratiques est une nécessité absolue. Nous exhortons la communauté internationale à condamner fermement toute prise de pouvoir par les moyens autres que démocratiques et l'ONU est appelé à jouer un rôle de premier plan dans ce domaine.

Conscient de la recrudescence du trafic transnational des femmes et des enfants, ainsi que des formes d'esclavage moderne, Madagascar vient d'adopter une loi portant sur la répression de la pédophilie. En outre, nous saluons les conventions élaborées sous l'égide de l' Organisation internationale du travail (OIT) sur l'emploi des enfants et des jeunes.

Nous nous félicitons du plan de réduction de la dette, approuvé au Sommet du G-8 à la Cologne, mais la lenteur avec laquelle le bénéfice de la réduction semble s'opérer serait de nature à éroder nos espoirs. La dette africaine mérite une attention particulière en raison de la capacité de remboursement très limitée de nos pays. Les indicateurs montrent que la dette de l'Afrique ne pourra jamais être remboursée. C'est ainsi que nous réclamons son annulation totale. Avant même le processus d'intégration dans le système obligé de la mondialisation, il est normal, voire impérieux que les pays du Sud s'organisent. Il faut admettre que le stade de mise en oeuvre de cette coopération Sud-Sud réclame aujourd'hui une cohésion beaucoup plus grande et un engagement politique réel de la part des pays membres.

M. DOMINGO SIAZON, Jr. Secrétaire aux affaires étrangères des Philippines: la mondialisation n'est freinée que par notre incapacité à nous y adapter assez vite. Ce qu'on a appelé le "Miracle de l'Asie de l'Est" fut avant tout possible grâce à notre faculté d'adaptation. Notre croissance très rapide a permis de doubler notre revenu et de faire sortir des dizaines de millions d'Asiatiques de la pauvreté. Néanmoins, depuis la crise de juillet 1997, nous ne nous berçons plus d'illusions et l'Asie du Sud-Est est aujourd'hui sur la voie de la guérison. L'inflation est jugulée, les investisseurs reviennent. Le Japon, la République de Corée, Singapour, la Thaïlande et la Malaisie recouvrent une bonne santé économique. Pour leur part, les Philippines vont enregistrer une croissance de plus de 3% cette année et de 5% l'an prochain, et nous sommes déterminés à poursuivre notre processus de réforme. L'économie mondiale doit aujourd'hui être gérée de manière plus équitable dans un monde de plus en plus interdépendant. Le système d'échange international doit tendre vers un objectif commun : le développement durable. L'architecture financière doit être renforcée; il faut aussi mettre au point des normes et des codes de conduite en ce qui concerne la gestion privée des revenus des capitaux, et chercher des moyens de lutter contre une concurrence trop féroce. La mondialisation peut nous permettre d'enregistrer une croissance exponentielle, mais seule une véritable coopération permettra de ne pas aboutir à la marginalisation de certains pays. Le progrès économique ne suffit plus à assurer la croissance d'un pays; l'instauration d'une stabilité politique est aussi essentielle. La structure stratégique en Asie du Sud-Est est en pleine reconfiguration. Le développement des missiles dans la péninsule coréenne et le développement nucléaire en Asie du Sud nous inquiètent.

Nous nous félicitons de l'intervention rapide des Nations Unies au Timor oriental. En tant que voisins, nous ferons tout pour permettre à cette région de trouver un règlement pacifique à ses problèmes. D'une manière générale, les Etats sont plus disposés à régler leurs différends pacifiquement, mais des tenions persistent. Pour les Philippines, la coopération régionale est à cet égard indispensable. L'ONU manque en effet des ressources et des compétences nécessaires pour régler tous les problèmes; en matière de paix et de sécurité, elle doit compléter plus que remplacer les efforts faits au niveau régional. Des critères plus précis doivent aussi être pris en compte par le Conseil de sécurité dans la gestion des crises. L'ONU doit aussi prendre des mesures pratiques pour améliorer les exercices de maintien de la paix et encourager les partenariats entre les pays. L'humanité, comme la paix, est indivisible. L'ONU, seule organisation internationale véritablement universelle doit être plus novatrice dans ses démarches, surtout dans les cas de violation systématique des droits de l'homme. Pour les Philippines, la sécurité internationale va au-delà du soucis de souveraineté et d'intégrité territoriale. Il en va de notre intérêt commun de réformer les Nations Unies, qui doivent être plus efficaces mais aussi plus aptes à répondre aux nouveaux défis auxquels elles doivent faire face en matière de paix, de sécurité et de développement. Le Conseil de sécurité doit être au centre de ce changement en devenant vraiment représentatif, démocratique et transparent. L'utilisation du droit de veto doit être rationalisé.

M. CLEMENT LEO, Ministre-adjoint des affaires étrangères de Vanuatu: en tant que petit Etat insulaire, dont l'océan est à la base de la chaîne alimentaire, nous voudrions nous associer aux inquiétudes exprimées concernant la gestion des mers et des océans. Ainsi avons nous participé à la Conférence de Londres sur les océans en décembre dernier, et avons ratifié trois conventions de l'OMI (Organisation maritime internationale).

Le programme de réformes globales amorcé l'an dernier à Vanuatu est actuellement mené à bien, afin d'apporter des solutions aux problèmes des 80% de Vanuatuans vivant en zone rurale et pratiquant une agriculture de subsistance. Nous demandons pour cela le renouvellement du soutien apporté par plusieurs organisations et nations, suite à notre classification parmi les pays les moins développés. A ce sujet nous accueillons avec joie la décision du CESNU (Commission économique et sociale des Nations Unies) de ne pas nous enlever ce statut, prenant ainsi en compte l'indicateur de vulnérabilité et de fragilité écologique comme critère de classification. Avec l'aide de la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement) notre Gouvernement va d'ailleurs effectuer une étude sur la situation de Vanuatu. Nous souhaitons préciser que la protection de l'individu, la liberté de la presse et l'égalité des sexes sont des sujets faisant partie intégrante de notre programme de réforme. Vanuatu saura, à moyen terme, se montrer à la hauteur de ces défis avec l'aide de la communauté internationale.

Le droit à l'autodétermination est aussi un sujet qui nous préoccupe. Nous nous sommes réjouis de la signature des Accords de Nouméa entre le Gouvernement français et les principaux partis politiques calédoniens, et nous demandons à tous les protagonistes de tenir leurs engagements concernant le droit de la population calédonienne à l'autodétermination. Nous avons aussi accueilli favorablement la décision de la France de permettre à des représentants du Forum du Pacifique Sud et du Comité des Nations Unies pour la décolonisation de pouvoir se rendre en visite dans le territoire.

La crédibilité des Nations Unies, lors du prochain millénaire, dépendra de sa capacité à répondre aux situations concrètes vécues par ses Etats Membres, et, particulièrement, par les petits Etats insulaires. La récente admission de nos voisins du Pacifique, la République de Kiribati, la République de Nauru et le Royaume du Tonga en est le symbole.

M. TOFIK ZULFUGAROV, Ministre des affaires étrangères de l'Azerbaïdjan: l'Azerbaïdjan, Etat à l'indépendance, à la souveraineté et à l'intégrité territoriale menacées, attend l'appui de la communauté internationale et, pour cette raison, s'inquiète des difficultés que traverse actuellement l'Organisation des Nations Unies. En conséquence, mon pays soutient activement le processus de réforme des Nations Unies, considérant qu'une Organisation adaptée aux réalités du monde contemporain sera en mesure d'affronter un nombre croissant de défis et de risques dans le domaine de la paix et de la sécurité. En effet, tout conflit qui n'est pas géré rapidement et fermement se transformera bien vite en une catastrophe humaine, provoquant alors de vives réactions parmi la communauté internationale. Qu'il s'agisse d'une situation similaire à celle des Balkans ou de conflits irrésolus ou "gelés", il est impensable de privilégier l'un plutôt que l'autre. Nous voudrions en ce sens attirer l'attention de la communauté internationale sur le fait alarmant qu'un cinquième du territoire d'un des Etats souverains des Nations Unies, l'Azerbaïdjan, continue d'être occupé depuis maintenant six ans et qu'un de ses citoyens sur sept, suite à un nettoyage ethnique, est un réfugié ou une personne déplacée dans son propre pays. Accepter le comportement de l'agresseur et même contribuer délibérément à ses tentatives de "légitimer" la situation dans la zone de conflit de même que l'empressement de certains médiateurs a parvenir aisément à un accord sur la base du nettoyage ethnique de la population azerbaïdjaise et de l'occupation des territoires du pays, ne font que nourrir le conflit et retarder la solution. Comme tous les pays aux prises avec l'agression et un militantisme séparatiste, l'Azerbaïdjan refuse des modèles de règlement des conflits qui empiètent sur sa souveraineté, son intégrité territoriale ou son unité étatique et qui vont à l'encontre de son intérêt national. Grâce aux contacts répétés maintenus par le Président de l'Azerbaïdjan et celui de l'Arménie , il est aujourd'hui possible d'envisager une approche plus positive qui pourrait toutefois être complétée par un travail plus actif du Groupe de Minsk de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), responsable du règlement du conflit entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie afin que le processus de négociations puisse reprendre. Nous demandons aux Coprésidents du Groupe de Minsk de déployer tous les efforts pour élaborer une proposition révisée de règlement du conflit acceptable. L'Azerbaïdjan réaffirme son engagement de respecter le cessez-le-feu.

Mon pays soutient la réforme du Conseil de sécurité car il est inconcevable que les Etats de l'Asie, de l'Afrique et de l'Amérique latine n'y soient pas représentés. Nous soutenons également l'élection de l'Allemagne et du Japon en tant que membres permanents du Conseil. Tout en saluant le désir grandissant du Conseil de prendre en compte les questions humanitaires, nous approuvons l'addition au mandat des forces de maintien de la paix dans les zones de conflit des fonctions de démilitarisation, de désarmement et de protection des civils. Compte tenu du fait que le transfert illégal d'armes dans ces zones retarde la résolution des conflits, le non respect des résolutions du Conseil par certains Etats Membres est tout à fait inacceptable.

Il n'y a pas d'alternative à ce courant de réformes qui tend à instaurer une société démocratique à économie de marché. Situé à la frontière de l'Europe et de l'Asie, l'Azerbaïdjan souhaite pouvoir développer une plus ample coopération avec les économies de ces deux régions.

M. AHMED OULD SID'AHMED, Ministre des affaires étrangères et de la coopération de la Mauritanie: la poursuite de l'intérêt commun exige que l'on entreprenne sans tarder la réforme de l'ONU et la restructuration de ses organes. C'est dans cet esprit que la Mauritanie appuie l'élargissement de la composition du Conseil de sécurité afin d'assurer une représentation géographique équitable au sein de cet organe et d'y refléter le caractère universel de l'Organisation tel qu'il est consacré dans la Charte. Au seuil de ce troisième millénaire, une grande partie de l'humanité continue à vivre dans des conditions qui ne lui permettent pas de satisfaire son légitime espoir à vivre dans un monde où règnent la paix, la justice et le bien-être. Malgré des indices encourageants dans certains pays en développement, la tendance générale consacre l'élargissement du fossé qui sépare les pays développés des pays en développement. Ces derniers vivent de profondes mutations sur lesquelles ils n'ont aucune emprise et qui se traduisent entre autres par le fardeau de la dette, la détérioration des prix des matières premières, la difficulté d'accès aux marchés internationaux et la faiblesse des investissements étrangères. Cette situation exige de l'ONU qu'elle s'emploie à alléger la charge des pays en développement dans les domaines économique et social, et les aide à accélérer le rythme de leur croissance économique. A cet égard, les pays donateurs sont appelés à augmenter le niveau de leur aide publique au développement, à accroître davantage l'investissement étranger et à ouvrir leurs marchés aux produits des pays en développement, afin de contribuer à l'instauration d'un nouvel ordre mondial fondé sur la concertation, la coopération et la solidarité. Il est aussi impératif d'accorder à la question de la dette tout l'intérêt qu'elle mérite. La Mauritanie exprime l'espoir que les initiatives prises en faveur des pays pauvres les plus endettés permettront d'éliminer les obstacles qui anéantissent leurs efforts de développement.

La Mauritanie réitère sa condamnation du terrorisme quelle qu'en soient l'origine et la forme, et appelle la communauté internationale à renforcer la coopération et la concertation afin de lutter avec détermination et fermeté contre ce phénomène. Elle s'emploie, pour sa part, à traduire dans les faits les recommandations de la Conférence internationale de Vienne sur les droits de l'homme. La Mauritanie a aussi intensifié ses efforts visant à promouvoir la condition de la femme et la lutte contre l'analphabétisme. En matière de politique étrangères, la Mauritanie défend les principes immuables qui visent à promouvoir les relations de bon voisinage, la coexistance pacifique et le renforcement de la coopération régionale et internationale. Dans cet esprit, la Mauritanie estime qu'une paix juste et durable au Moyen-Orient doit être fondée sur le principe de la "terre contre la paix" et l'application intégrale des résolutions du Conseil de sécurité relatives au retrait israélien de tous les territoires occupés, ainsi qu'au recouvrement par le peuple palestinien de tous ses droits légitimes.

Dans la région du Maghreb, la Mauritanie oeuvre en coordination avec l'Union du Maghreb arabe en vue de développer la coopération et la concertation pour répondre aux aspirations des peuples magrébins. La Mauritanie tient à réaffirmer sa disponibilité à faire tout ce qui est en son pouvoir en vue de favoriser l'application du plan de règlement des Nations Unies au Sahara occidental. S'agissant de l'affaire de Lockerbie, elle se félicite des efforts accomplis sur la voie d'un règlement définitif de cette question et estime qu'il est temps que le Conseil de sécurité prenne les dispositions nécessaires pour la levée définitive de l'embargo qui frappe la Jamahirya arabe libyenne. La Mauritanie soutient le Gouvernement de transition en Guinée-Bissau et, en particulier, l'application des engagements pris au cours de la table ronde de Genève relatifs à l'organisation d'élections pluralistes et à la reconstruction du pays. Elle exprime l'espoir de voir les frères somaliens engager un dialogue constructif en vue de parvenir à un règlement pacifique de leur différend afin que ce pays puisse recouvrer son unité et sa souveraineté nationales et connaître à nouveau la stabilité et la concorde. La Mauritanie accueille avec satisfaction les Accords de paix conclus entre le Gouvernement de la Sierra Leone et le Front des forces révolutionnaires et appelle de tous ses voeux la stabilité et la réconciliation en Sierra Leone. Elle engage les frères congolais en République démocratique du Congo à poursuivre les négociations en vue de régler pacifiquement leurs différends. La Mauritanie regrette profondément la reprise des combats entre les forces gouvernementales angolaises et l'UNITA. Elle réaffirme, à cet égard, son plein appui aux résolutions du Conseil de sécurité et engage l'UNITA à respecter les obligations qu'elle a contractées dans le cadre des Accords de Lusaka pour le retour de la paix et de la sécurité. Enfin, s'agissant du conflit entre l'Ethiopie et l'Erythrée, elle engage les deux parties à respecter le cessez- le-feu et à rechercher un règlement pacifique sur la base du plan de l'Organisation de l'unité africaine. A cet égard, elle fonde de grands espoirs sur la mission de bons offices du Président en exercice de l'OUA, M. Abdellaziz Bouteflika, en vue de parvenir à un règlement pacifique et équitable du conflit.

M. NORRIS M. CHARLES, Ministre des affaires étrangères, du commerce et de la commercialisation de la Dominique: nous sommes reconnaissants au système des Nation Unies d'avoir contribué à des améliorations dans le domaine de la santé, de l'éradication des maladies, ainsi qu'à l'amélioration du niveau d'éducation et du niveau de vie dans plusieurs régions du monde. Néanmoins, l'élimination de la pauvreté reste une promesse.

En ce qui concerne la réforme du Conseil de sécurité, nous estimons qu'elle doit refléter les réalités économiques et géographiques d'aujourd'hui et permettre une augmentation raisonnable du nombre de ses membres et une représentation équitable des groupes régionaux, sans établir de droits distincts pour les membres permanents.

Pour ce qui est de la République de Taïwan, la Dominique regrette qu'un pays industrialisé, qui dispose d'un gouvernement élu démocratiquement et qui exerce sa souveraineté sur une zone géographique peuplée de 22 millions de personnes, se voit nier son droit d'être Membre des Nations Unies.

Le Programme d'action de la Barbade reconnaît l'importance des ressources marines et côtières pour le développement durable des petits Etats insulaires en développement. Ces ressources sont constamment menacées, entre autres, par le déchargement illicite et en toute impunité de déchets par des navires étrangers, par la surpêche par des flottes de pêche étrangères et par l'utilisation de la mer des Caraïbes pour le transport par voie maritime de déchets nucléaires et autres substances dangereuses. Les membres de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) appellent l'Assemblée générale à "faire de la mer des Caraïbes une zone spéciale dans le domaine du développement durable" et exhortent la communauté internationale à soutenir ce projet.

L'expérience qu'a connue mon pays avec l'Organisation mondiale du commerce (OMC) n'a pas été satisfaisante. L'économie de la Dominique et des autres Etats caribéens exportateurs de bananes est étroitement dépendante des recettes d'exportations de la banane. Le règlement rendu par l'OMC en ce qui concerne la banane a provoqué une baisse importante de nos exportations de bananes. Nous devons trouver une solution au différend sur le commerce de la banane qui permette à nos agriculteurs de continuer à gagner leur vie. Les Etats-Unis insistent pour que soit appliquée une solution qui vise à ruiner les petits producteurs de banane des Caraïbes et des autres pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique). Les Etats-Unis insistent pour que l'on adopte une interprétation restrictive des règles du commerce multilatéral, et se montrent ainsi insensibles aux souffrances des petites exploitations bananières. Pour être complet, l'examen des questions relatives à notre région doit comporter un appel à cet organe au sujet des souffrances des citoyens de notre île soeur, Cuba. Les Nations Unies doivent continuer à condamner le blocus économique prolongé de Cuba.

M. SEYOUM MESFIN, Ministre des affaires étrangères de l'Ethiopie: du point de vue de l'Afrique, il est difficile d'affirmer avec confiance que l'ONU est véritablement nôtre. La mention "nous, peuple des Nations Unies" dans le préambule de la Charte des Nations Unies, tout comme les nobles aspirations qui figurent dans ce texte restent pour l'Afrique des rêves éloignés. Cette critique peut paraître exagérée car il est vrai que l'Ethiopie a bénéficié du travail des fonctionnaires et de la coopération de l'Organisation et de ses diverses institutions. Il faut aussi reconnaître que l'Afrique n'a pas su saisir les opportunités qui ne sont offertes à elle en vue d'établir des conditions de sécurité et de paix durables. Au-delà des difficultés économiques, la mauvaise gestion des affaires publiques, la mauvaise utilisation des ressources, le manque de tolérance face à la diversité ethnique, les violations des droits de l'homme ont alimenté nombre de conflits sur le continent. Il faut donc avant tout rejeter la faute sur nous-mêmes tout en essayant de trouver des solutions à tous ces problèmes. D'un autre côté, force est de constater que l'Afrique a très peu bénéficié de la coopération internationale, et en particulier de celle des Nations Unies pour résoudre ses difficultés en matière de paix et de sécurité. Les conflits africains ont été soit négligés, soit abordés selon des critères différents. Le génocide du Rwanda, un phénomène honteux pour l'Afrique, illustre bien la politique de deux poids deux mesures dont notre continent fait l'objet. De même, le fait que la situation en Somalie, menacée de sombrer dans le chaos, ne figure pas au rang des priorités des Nations Unies prouve que les intérêts de ceux qui jouent un rôle important pour ce qui est de galvaniser les actions de l'Organisation ne sont pas concernés. Il en est et en a été plus ou moins de même pour l'Angola, la Sierra Leone, le Libéria. En somme, l'ONU a fait défaut à l'Afrique.

Ce que subit l'Ethiopie depuis plus d'un an et demi en est un autre exemple. Les Nations Unies ont dit à l'Ethiopie que l'article 51 sur le droit des nations souveraines à la légitime défense n'est pas valable pour un pays pauvre comme le nôtre. La crise avec l'Erythrée, qui résulte d'une agression non provoquée par l'Ethiopie en mai 1998, est en train de se transformer en tragédie pour l'Ethiopie, l'Erythrée elle-même et les pays de la région. Fidèle à sa motivation d'exploiter l'anarchie en Somalie pour déstabiliser la corne de l'Afrique, l'Erythrée soutient les rebelles somaliens. Le Gouvernement érythréen travaille la main dans la main avec les terroristes internationaux en les entraînant, en les finançant, et en leur apportant des soutiens de toutes sortes. Cela ne peut avoir que des conséquences dramatiques pour la paix et la sécurité de la sous-région. L'Erythrée, dirigée par les caprices d'un homme, n'a rien à apporter à la communauté internationale sur le plan du respect des droits fondamentaux, et c'est le peuple érythréen qui souffre le plus de cette situation. Aucune personne ayant suivi de près cette tragédie ne peut méconnaître combien l'Ethiopie a tenté de régler le problème de façon pacifique. Or, les Nations Unies nous ont fait défaut: elles ont fait semblant de croire qu'il n'y avait pas eu d'agression. Le Conseil de sécurité a même cherché à punir la victime d'une violation flagrante du droit international, la réduisant à un simple différend frontalier. Cette instance n'a pas fait respecter le principe suprême d'interdiction du recours à la force sauf en cas de légitime défense. Le principe même de souveraineté n'a-t-il aucune importance pour un pays pauvre comme l'Ethiopie? Autre conséquence: le Fonds monétaire international a suspendu sa coopération avec notre pays en considération de motifs politiques et sachant qu'il n'avait aucune raison d'agir de la sorte. C'est pourquoi, il est difficile de conserver entière notre confiance dans l'efficacité du système de sécurité collective des Nations Unies. Il se pose la question fondamentale de savoir si la capacité de l'Organisation peut être garante du droit international; la réponse suppose des mesures radicales. Il faut envoyer un message clair aux dirigeants de l'Erythrée leur affirmant que l'agression ne paie pas. Ce pays ne doit pas tirer profit de son mépris des lois.

M. HAILE WENDESEA, Ministre des affaires étrangères de l'Erythrée: la tendance croissante à recourir à la force ou à la menace est particulièrement préoccupante. Cette tendance représente un grave danger pour l'indépendance et l'unité des Etats ainsi que pour la paix et la sécurité régionales et internationales. Cette année, des conflits sanglants ont eu lieu entre Etats et en leur sein, en Afrique, en Asie et en Europe. Les Etats d'Afrique subsaharienne ont été ceux qui ont le plus souffert et de fait, les résultats économiques de cette région ont été les plus bas en 1999. Parmi les cinquante-deux membres de l'Organisation de l'Unité africaine (OUA), environ vingt-deux ont été ravagés par des guerres civiles ou interétatiques. Cela fait à présent 16 mois que le conflit entre l'Erythrée et l'Ethiopie a éclaté, du fait que la politique éthiopienne est ouvertement fondée sur l'ethnicité, l'aggrandissement territorial et l'annexion systématique de larges pans du territoire érythréen. Dès le début du conflit, l'Erythrée a résolument recherché une solution pacifique du problème frontalier, même face aux actes de provocations, d'annexions sournoises de son territoire et d'aggression ouverte.

Après que l'Organisation de l'Unité africaine (OUA) ait été saisie de cette question, l'Erythrée a accepté, en dépit de grandes réserves, l'Accord-cadre soumis aux deux parties au Sommet de Ouagadougou, en juin 1998. Lors du Sommet de l'OUA qui s'est tenu à Alger en juillet 1999, l'Erythrée a également accepté sans équivoque les modalités de la mise en oeuvre de l'Accord-cadre. Finalement, l'Erythrée a également accepté les arrangements techniques en vue de l'application de l'Accord-cadre et de ses modalités qui prévoit, entre autres mesures, la cessation des hostilités, le redéploiement des troupes des deux côtés des territoires disputés et le déploiement de forces de maintien de la paix dans ces zones. L'Erythrée est pleinement décidée à respecter ces dispositions. En revanche, le Gouvernement éthiopien est décidé à réaliser ses visées territoriales par tous les moyens, qu'ils soient bons ou mauvais. Au mois de février 1999, l'Ethiopie a fait une tentative d'invasion en ouvrant plusieurs fronts sur notre frontière commune, alors même que des facilitateurs de la paix des Nations Unies et des Etats-Unis avaient entamé une mission de navette diplomatique pour essayer d'éviter que le conflit ne s'aggrave. Il est triste de constater que des dizaines de milliers d'Ethiopiens et de nombreux Erythréens ont perdu la vie ou ont été blessés au cours de cette aggression.

Le 4 septembre 1999, l'Éthiopie a fait une déclaration équivalant à un rejet des arrangements techniques de mise en oeuvre de l'Accord-cadre et des modalités, sous le prétexte fallacieux que les éléments constitutifs de ce dernier ne font pas partie des deux premiers. Une semaine plus tard, le Président a publiquement annoncé que l'Ethiopie aurait recours à la force pour imposer son autorité sur les territoires litigieux. A cet égard, l'Erythrée déclare solennellement à cette auguste assemblée que la responsabilité de tout engagement militaire incombera au régime d'Addis Abbeba.

Le Gouvernement de l'Erythrée appelle les Nations Unies et la communauté internationale à condamner la décisions de l'Ethiopie de recourir à la menace et à la force et d'établir un court délai pendant lequel l'Ethiopie devra se soummettre définitivement aux propositions de paix. Nous vous demandons de prendre des mesures urgentes et appropriées afin de metttre en oeuvre immédiatement et sans condition le Plan de paix de l'OUA dans sa totalité, et de déployer immédiatement une mission d'observation afin d'identifier l'aggression au cas où un nouveau conflit se déclencherait.

M. JOAO BERNARDO DE MIRANDA, Ministre des relations extérieures de l'Angola: face à des souffrances humaines similaires, la communauté internationale réagit de manière différente. Une telle attitude témoigne d'une politique de deux poids et deux mesures. Or, les objectifs de l'ONU dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité internationales pourraient être réalisés dans le monde entier pour autant que ses principes et décisions soient appliqués avec cohérence et détermination. L'impunité encourage les dirigeants de groupes subversifs qui prolifèrent dans le monde à poursuivre leurs campagnes de terreur et de destruction à l'encontre des populations civiles. Il est difficile à la justice internationale d'agir avec efficacité lorsqu'un traitement différent est réservé à des situations identiques de violations systématiques et massives des droits de l'homme. Nous sommes convaincus que si le pouvoir politique et moral de l'ONU s'exerçait de la même façon sur tous les auteurs de crimes graves, ceux qui auraient l'intention de se livrer à la subversion et au terrorisme renonceraient à leurs projets. Une telle attitude contribuerait à la prévention des conflits. S'il est vrai que la responsabilité première à cet égard, incombe aux Etats, la plupart des crises actuelles n'auraient pas duré aussi longtemps si tous les Etats respectaient, de bonne foi, leurs obligations internationales, en particulier en ce qui concerne la non-ingérence dans les affaires intérieures d'un autre Etat.

L'Angola encourage le renforcement des mécanismes de prévention des conflits et estime urgent de redéfinir les méthodes et stratégies de résolution des conflits, en particulier en ce qui concerne les opérations de maintien de la paix. La fragilité évidente des systèmes de vérification des accords de paix et la tendance à réserver un traitement similaire à celui qui viole les accords et à celui qui les respecte, la marginalisation des premiers signaux reflétant l'absence de volonté politique et la mauvaise foi de l'une des parties et les délais qui en découlent dans l'application des mesures arrêtées, expliquent le faible succès de certaines missions de maintien de la paix de l'ONU. S'il est clair que l'ONU joue un rôle essentiel dans l'établissement de la paix, elle se doit de l'assumer avec davantage de réalisme et d'efficacité pour répondre aux aspirations des populations.

Pour ce qui est de la situation en Angola, bien que cinq ans se soient écoulés depuis la signature du Protocole de Lusaka entre le Gouvernement et l'UNITA, les tâches principales visant à réaliser une paix durable n'ont pas encore été accomplies, à savoir, le désarmement complet de l'UNITA et la restauration de l'autorité de l'Etat dans les régions occupées illégalement. L'intransigeance des rebelles menés par M. Jonas Savimbi qui préfèrent la prise du pouvoir par la force au respect de leurs obligations, a plongé le pays dans un nouveau cycle de violence. M. Savimbi poursuit son processus de déstabilisation, empêchant ainsi le bon fonctionnement des institutions démocratiques. Il détruit des villes et des villages, les infrastructures, les biens publics et privés, et tue sans merci la population civile, condamnant ainsi le peuple angolais à la maladie, à la famine et à la fuite. Ces communautés ont besoin de l'aide de la communauté internationale. Pour sa part, le Gouvernement a, de bonne foi, entrepris toutes les tâches prévues dans les accords de paix et continue d'assurer le fonctionnement des institutions démocratiques résultant des élections générales à la suite desquelles des représentants de l'UNITA sont entrés au Gouvernement et au Parlement. Seul M. Savimbi et un nombre réduit de ses partisans continuent de vouloir la guerre pour prendre le pouvoir. Le Gouvernement angolais a longtemps attendu que M. Savimbi opte pour la paix. L'Angola fait face aujourd'hui à d'autres problèmes politiques et économiques qui ne peuvent être indéfiniment reportés.

L'attitude de M. Savimbi a induit le Conseil de sécurité à décider de sanctions contre l'UNITA. De même, l'Organisation de l'unité africaine et la Communauté de développement de l'Afrique australe l'ont qualifié de criminel de guerre. Il doit être clair que M. Savimbi devra répondre de ses crimes et de ses actions. Le Gouvernement angolais réaffirme son engagement continu à oeuvrer pour une paix durable par tous les moyens à sa disposition. Une nouvelle constitution est en cours d'élaboration dans le cadre d'un processus auquel participent tous les partis politiques. Des réformes économiques sont également en cours qui ont pour objectif de créer les conditions favorables à la création d'une économie de marché et aux investissements étrangers. Pour relever ces défis, nous faisons appel au soutien et à la solidarité de la communauté internationale, en particulier en ce qui concerne l'application des sanctions à l'encontre de l'UNITA. L'Angola espère sincèrement que les nouvelles initiatives du Conseil de sécurité, présentées par le Président du Comité des sanctions, ainsi que le support de certains gouvernements et des institutions internationales contribueront au renforcement des sanctions et au démantèlement du trafic illégal de diamants qui alimente la guerre menée par M. Savimbi. Parallèlement à ses efforts de paix, le Gouvernement s'efforce également de mettre en oeuvre des programmes sociaux et de créer les conditions pour la réinstallation des communautés. A cet égard, nous demandons aux délégations d'appuyer le projet de résolution relatif à la reconstruction de l'Angola que nous soumettons à l'Assemblée générale et à nos partenaires de participer également à ce processus. Le déminage est une autre tâche qui requiert l'engagement et l'appui constant de la communauté internationale. La sécurité, la stabilité et l'intégrité territoriale de l'Angola et des pays voisins dépendent de la stabilité dans toute la région. Or, nous faisons face actuellement à une montée dangereuse des risques de déstabilisation qui, s'ils ne sont pas contrôlés, peuvent affecter sérieusement le développement de cette partie du continent. L'Angola continuera d'appuyer la résolution du conflit en République démocratique du Congo. Elle estime raisonnable, à cet égard, que les pays envahisseurs fassent un geste en se retirant du territoire congolais pour laisser la place à une future mission de maintien de la paix.

M. HIROSHI YAMAMURA, Ministre des affaires intérieures des îles Marshall: les îles Marshall, ancienne base d'essais nucléaires souffrent toujours des conséquences de cette activité néfaste. Non seulement notre population fut déplacée, mais elle fut aussi contaminée par ces essais. La reconnaissance internationale de cette tragédie reste à venir. Nous avons déjà évoqué les conséquences médicales, notamment le taux anormal de cancer de la thyroïde et le coût élevé des traitements pour les victimes, et nous subissons encore aujourd'hui les conséquences sanitaires et sociales de ces fléaux. Nous affrontons des problèmes complexes pour lesquels l'expertise internationale que nous réclamons se fait attendre, et nous renouvelons donc notre appel pour une assistance scientifique et technique.

Ma délégation est également préoccupée par les questions des changements climatiques dont les effets désastreux sévissent sur nos communautés, sur nos ressources naturelles et sur notre économie. Le changement climatique est une maladie dont nous n'observons que les symptômes. Certaines îles du Pacifique sont devenues plus humides alors que d'autres se sont asséchées. Au Samoa les écarts de température entre le jour et la nuit ont diminué et la sécheresse fut telle sur les îles Marshall cet été que la population ne pouvait utiliser de l'eau douce qu'à raison de deux heures par semaines. Il est temps d'agir, car le sort des petits Etats insulaires aura tôt ou tard un impact sur le reste de la planète. Nous attendons des pays développés qu'ils prennent des mesures préventives, car ils commettraient autrement une invitation au génocide des populations insulaires. Les émissions de gaz doivent être réduites, comme nous l'avons déjà fait nous-mêmes. Notre effort s'est concrétisé par le développement de l'énergie solaire avec l'installation de panneaux dans les centres médicaux et dans une école.

En tant que responsable de 750.000 miles carrés d'océan nous recherchons des solutions à la protection des océans et au développement de ressources marines viables. Les pratiques de pêche dangereuses, tel que les filets dérivants, doivent être interdites. Nous travaillons avec les Etats insulaires du Pacifique à l'élaboration d'un traité régional relatif à la protection et à la gestion durable des ressources halieutiques. Nous souhaitons aussi plus de soutien pour la recherche maritime et pour notre flotte de surveillance, et désirons limiter le transit dans notre zone. Un véritable soutien fait également défaut pour promouvoir un tourisme sain. Nous devons garantir que l'aide des Nations Unies continue de bénéficier aux pays en voie de développement. Les îles Marshall en ont déjà profité, mais nous pensons qu'il est possible d'aller plus loin en ce sens.

Droits de réponse

Le représentant de la République arabe syrienne, répondant à la déclaration faite hier par le représentant d'Israël, a estimé que celle-ci reflétait la politique défendue par le Gouvernement israélien précédent que la Syrie souhaite ne pas voir appliquée par le Gouvernement actuel. Evoquant la position prise par l'ancien Premier Ministre israélien Yitzhak Rabin sur la question du Golan, le représentant syrien a estimé que soit le représentant d'Israël ignore le fait même de la confiance qui avait été établie ou soit décide sciemment de ne pas en tenir compte, en se fondant sur sa haine de la paix et en rejettant les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité sur le retrait des territoires occupés. Nos préoccupations en usant de notre droit de réponse ne visent pas simplement à rétablir la vérité, mais avant tout à informer la communauté internationale qui appuie une paix juste et complète au Proche-Orient. En juillet 1994, le Secrétaire d'Etat américain nous avait informés de l'accord du Premier Ministre Rabin de se retirer des hauteurs du

Golan jusqu'aux frontières de 1967 en échange d'une paix avec la Syrie. Dans sa déclaration devant l'Assemblée générale, le Ministre syrien des affaires étrangères a précisé que cette confiance ne faisait pas partie d'un accord de paix mais en était un élément fondamental. Il a aussi précisé que la Syrie entendait ne pas gaspiller les chances de paix. Mais si cela devait arriver, Israël en assumerait seul la responsabilité.

Le représentant du Chili, répondant à la déclaration faite ce matin par le représentant de la Bolivie, a insisté sur le fait qu'il n'y avait pas de problème territorial non réglé entre les deux pays. Les frontières ont été établies définitivement en 1904 entre les deux pays. Les relations diplomatiques ont été suspendues unilatéralement par la Bolivie il y a deux décennies, bien que les relations commerciales se poursuivent encore. Le Chili souhaite ouvrir un dialogue avec la Bolivie sur les questions bilatérales pour le bénéfice de leurs populations respectives.

Le représentant de l'Erythrée a déclaré que le Ministre des affaires étrangères de l'Ethiopie a présenté son pays comme une victime de l'agression de l'Erythrée obligée à faire la guerre pour se défendre. En réalité, c'est l'Ethiopie qui s'est livrée à d'incessantes agressions contre l'Erythrée, et c'est l'Erythrée qui, depuis mai 1997, défend sa souveraineté et son intégrité territoriale contre les agressions éthiopiennes répétées. Le représentant érythréen a dénoncé d'autres fausses accusations proférées au sujet de la question de l'agression. Il a insisté sur le fait que l'agression ne doit pas être récompensée, ajoutant qu'elle doit même être sévèrement punie. Ce ne sont pas l'Erythrée ni l'Ethiopie mais les Nations Unies et l'Organisation de l'unité africaine (OUA), ainsi que d'autres acteurs qui doivent déterminer si une agression a été commise et qui en est l'auteur, a estimé le représentant érythréen. Il a notamment appelé l'Ethiopie à signer les arrangements techniques pour faire la preuve de son engagement en faveur de la paix.

Le représentant de l'Ethiopie a déclaré que tant qu'il y aurait des agresseurs, il y aurait aussi des agressions. Déclarant que les agresseurs partagent certaines caractéristiques, et particulièrement celle de se présenter en victimes pendant qu'ils poursuivent leurs agressions, le représentant éthiopien a ajouté qu'ils clament aussi leurs accusations sur tous les toits. Ils se présentent en champions de la paix, ainsi que l'Erythrée vient de le faire, et ils insultent l'intelligence du reste du monde.

Le représentant éthiopien a déclaré que l'Erythrée s'était engagée dans une politique d'agression avant de se présenter comme un Etat épris de paix et d'accepter les accords de paix avec beaucoup de retard. L'Erythrée a finalement changé de discours lorsqu'elle a été obligée de se retirer d'un pan du territoire éthiopien. Leur prétendue option pour la paix ne représente qu'un vernis sous lequel on peut discerner la réalité. Le représentant a

également déclaré qu'il y a des tentatives de déstabilisation dans la corne de l'Afrique. Il a estimé que l'on ne peut pas faire confiance à un agresseur, avant d'ajouter que l'Erythrée doit s'en tenir strictement à l'Accord-cadre de l'OUA. Il n'y a pas de raison d'accepter de nouveaux documents alors que l'Accord-cadre a déjà été accepté, a-t-il conclu.

Le représentant de la Bolivie s'est étonné du droit de réponse du représentant du Chili. Le discours du Ministre des affaires étrangères de la Bolivie ce matin était constructif et appuyait l'idée d'un dialogue direct qui couvre toutes les questions bilatérales. Le Ministre a aussi affirmé sa confiance quant à l'établissement des modalités de ce dialogue. Nos deux pays semblent donc d'accord. C'est pourquoi, il faudrait attendre la tenue de ce dialogue. La question des frontières dure depuis 120 ans. A plusieurs reprises, la Bolivie a eu des pourparlers avec le Chili qui n'ont malheureusement jamais abouti. Au cours de ce siècle, cinq tentatives ont ainsi échoué, ce qui prouve qu'il y a un vrai problème.

Reprenant la parole, le représentant de l'Erythrée a précisé que la guerre que ce soit par des déclarations ou par des actes ne permettrait pas de se rapprocher de la résolution du conflit en cours. Des propositions justes et équitables ont été présentées par la communauté internationale qui ont été acceptées par l'Erythrée comme base d'un règlement pacifique, aux Ethiopiens maintenant de les accepter plutôt que d'expliquer pourquoi ils ne les acceptent pas, à eux donc de régler le problème.

Le représentant d'Israël, répondant à l'intervention du représentant syrien, a réaffirmé la détermination d'Israël à réaliser la paix avec tous ses voisins, y compris avec la Syrie. C'est le souhait et l'espoir de toute la population car la paix rendra notre pays plus sûr, a-t-il dit. Aucun engagement n'a été pris dans les négociations passées de revenir aux frontières du 4 juin 1967. A la base du règlement, on trouve les résolutions du Conseil de sécurité qui constituent la base des négociations depuis le lancement du Processus de Madrid. La position d'Israël a été clairment exprimée par les divers négociateurs d'Israël. Plutôt que d'essayer de transformer en accords contraignants des soi-disant engagements qui n'ont jamais existé, il faudrait qu'Israël et la Syrie se rencontrent face à face et règlent leurs différends une fois pour toutes. Tant que tout n'est pas réglé, rien n'est réglé, a dit le représentant. Si la Syrie accepte un dialogue face à face, nous pourrons parvenir à un règlement, non pas dans dix ans, mais au cours de l'année prochaine. Asseyons- nous à la table de négociations et réglons nos différends, a conclu le représentant.

Reprenant la parole, le représentant de l'Ethiopie a réaffirmé la position de son pays et indiqué qu'il maintenait toutes ses affirmations précédentes.

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