En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/7153

LES INTERVENTIONS HUMANITAIRES NE DISPENSENT PAS L'AFRIQUE ET LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE DE L'ENGAGEMENT POLITIQUE ET MILITAIRE A REGLER LES CONFLITS

29 septembre 1999


Communiqué de Presse
SG/SM/7153
AFR/177


LES INTERVENTIONS HUMANITAIRES NE DISPENSENT PAS L'AFRIQUE ET LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE DE L'ENGAGEMENT POLITIQUE ET MILITAIRE A REGLER LES CONFLITS

19990929

On trouvera ci-après la déclaration faite par le Secrétaire général, M. Kofi Annan, à la Réunion ministérielle du Conseil de sécurité sur l'Afrique:

Il y a près de deux ans et demi, j'ai présenté au Conseil de sécurité un rapport sur l'une des questions les plus pressantes de notre temps : comment parvenir à un développement et à une paix durables en Afrique.

J'ai vu un signe d'encouragement dans le retentissement qu'a eu ce rapport au sein du système des Nations Unies et ailleurs. Le Conseil de sécurité a constitué un groupe de travail chargé d'examiner les parties du rapport relatives à la paix et la sécurité et a adopté plusieurs résolutions et déclarations importantes à ce sujet. L'Assemblée générale a elle aussi créé un groupe de travail chargé de suivre l'application de mes recommandations. Des instituts de recherche, des universités, des associations et des particuliers se sont joints au débat.

Mais, dira-t-on, ce ne sont jamais les propositions et les idées qui ont manqué. Ce dont nous avons besoin, c'est de résultats concrets susceptibles d'améliorer l'existence quotidienne des Africains.

Vous avez devant vous mon rapport de suivi. Aujourd'hui, je voudrais faire quelques observations générales dans l'espoir d'aider le Conseil à examiner ce nouveau rapport et à réfléchir à ce qu'il pourrait faire de plus pour promouvoir la paix et la sécurité en Afrique.

Etant donné l'extraordinaire diversité humaine, culturelle et naturelle de l'Afrique, il n'est pas étonnant que l'examen de la situation de ce continent à la veille du nouveau millénaire révèle une combinaison complexe de réalisations et de problèmes non résolus, de possibilités mises à profit et d'occasions manquées.

- 2 - SG/SM/7153 SC/6735 AFR/177 29 septembre 1999

Il y a des pays où le gouvernement et les groupes rebelles s'obstinent à consacrer de précieuses ressources à des guerres qu'ils ne devraient pas faire. Il y a des pays où des pans entiers de l'économie dépendent de la perpétuation de la guerre; où le pouvoir politique a été obtenu par des moyens violents, non démocratiques; où l'exercice pernicieux du pouvoir dépouille les habitants des moyens de pourvoir à leurs besoins fondamentaux; où le silence qui entoure le problème du sida ne fait qu'aggraver l'épidémie; où la corruption paralyse la croissance économique; où l'énorme fardeau de la dette, les obstacles aux échanges et la diminution de l'aide internationale font qu'il est extrêmement difficile de ne pas se retrouver toujours plus en marge de l'économie mondiale.

En bref, il y a des pays où la perception répandue d'une Afrique perpétuellement en crise n'est pas seulement une image, mais la triste et douloureuse réalité.

Mais il y a aussi des pays, plus nombreux que l'on ne l'imagine, où l'on peut constater des améliorations spectaculaires.

De nombreux pays africains libéralisent les échanges, lèvent le contrôle des changes, privatisent des entreprises d'Etat moribondes, mettent en place des réseaux de télécommunications et réforment l'appareil juridique. L'Afrique possède des ressources en terre et en main-d'oeuvre attrayantes pour les investisseurs étrangers. La CNUCED a récemment publié une étude montrant que l'Afrique était, de toutes les régions du monde, celle qui offrait aux sociétés américaines et japonaises les investissements les plus rentables.

Les Africains prennent en charge leur destin politique et sont prêts à reconnaître leurs erreurs passées. La majorité des Africains vivent désormais sous des régimes démocratiques. L'Afrique du Sud vient d'organiser une deuxième élection présidentielle paisible et démocratique, et le Mozambique organisera lui aussi, le moins prochain, sa seconde élection présidentielle. Le retour à un régime civil démocratique au Nigéria a transformé les perspectives de ce pays. Le Libéria et le Mali ont procédé à la destruction d'un grand nombre d'armes légères. L'Algérie a pris des mesures importantes pour venir à bout de la guerre civile qui a si longtemps paralysé son développement et a causé tant de souffrances.

Cette année, au Sommet de l'OUA à Alger, les dirigeants africains ont clairement laissé entendre que les dirigeants arrivés au pouvoir par des moyens non constitutionnels ne devaient plus s'attendre à être reçus comme des égaux dans une assemblée de chefs d'Etat élus. C'est un changement bienvenu. Je sais que le jour viendra où l'Assemblée générale des Nations Unies appliquera des critères aussi stricts à tous ses membres.

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Mais tant que l'Afrique ne sera pas venue à bout de ses conflits, les progrès resteront précaires, même dans les pays éloignés du théâtre des hostilités. Rares sont les pays africains où les ressources naturelles sont si abondantes qu'en Angola et où, pourtant, la population est si misérable. Or, les belligérants persistent à se battre, quand ils auraient dû comprendre depuis longtemps qu'il n'y a pas de solution militaire possible.

Le peuple soudanais, lui aussi, souffre trop depuis trop longtemps; pourtant, rien n'indique que ses épreuves touchent à leur fin. L'Ethiopie et l'Erythrée ont laissé de nouveaux différents mettre une fin brutale à un nouveau chapitre prometteur de leur histoire. Nous devons absolument garantir l'accès des secours humanitaires aux victimes de ces crises. Mais aucune intervention humanitaire ne saurait nous dispenser de l'engagement politique et militaire requis des pays d'Afrique et de la communauté internationale pour instaurer la stabilité et s'attaquer aux causes profondes des conflits.

Le cas de la Sierra Leone montre bien que les Africains peuvent prendre en main la résolution d'un conflit. La Communauté des Etats de l'Afrique de l'Ouest a envoyé des soldats de la paix dans le pays et a patiemment aidé à conclure l'accord de Lomé, qui a mis fin au conflit. Cet accord est loin d'être parfait. Mais il répond au réel désir de paix du pays et a permis à celui-ci de prendre un nouveau départ après avoir connu des violations des droits de l'homme qui comptent parmi les plus cruelles et les plus odieuses que le monde ait vu ces dernières années.

Une autre initiative de médiation menée par les pays d'Afrique qui a abouti, bien que les résultats soient fragiles, est celle qui a conduit à la signature des accords de Lusaka pour la paix dans la République démocratique du Congo. La semaine dernière, le Président de la Zambie, M. Chiluba, a présenté au Conseil de sécurité un exposé détaillé de cette action, qu'il a menée au nom des pays de la Communauté de développement de l'Afrique australe.

Il faut à présent que les parties à ces deux accords honorent leurs engagements. L'ONU a facilité l'action diplomatique. La semaine dernière, j'ai proposé au Conseil de déployer dès que possible une mission de maintien de la paix comptant jusqu'à 6000 hommes. Et maintenant que les premiers officiers de liaison sont arrivés en République démocratique du Congo, j'étudie les autres mesures qui pourraient être prises pour promouvoir la paix dans ce pays.

Je tiens aussi à mentionner la situation en Somalie. Dans le rapport que j'ai présenté au Conseil le mois dernier, j'ai indiqué qu'en tant que pays dépourvu de gouvernement central, la Somalie demeurait un cas unique. Pourtant, dans la plus grande partie du pays, l'anarchie ne règne pas. Certes, dans certaines régions, l'absence d'ordre public a attiré des éléments criminels ou subversifs.

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Un médecin travaillant pour l'UNICEF a été assassiné récemment et les organismes humanitaires ont provisoirement suspendu leurs activités. Mais dans d'autres régions, les Somaliens, las de violente et des chefs de guerre qui la fomentent, cherchent la réconciliation. Dans certaines zones du nord-ouest et du nord-est du pays, il règne une relative stabilité et la vie publique s'organise. La communauté internationale commence à prendre acte de ces progrès. Ceux-ci offrent un exemple que d'autres régions pourront suivre et, s'ils sont encouragés, ils pourraient ouvrir la voie à un processus plus large de réconciliation nationale.

Je ne vous étonnerai pas en vous disant que bien des Africains, se rappelant qu'il n'y a pas eu d'intervention efficace pour mettre fin au génocide au Rwanda, considèrent parfois que le Conseil est indifférent à la détresse de leur continent et suivent de près les débats qu'il consacre à la République démocratique du Congo et à la Sierra Leone.

Ces dernières semaines, les Africains ont vu le Conseil approuver une vaste opération au Kosovo et réagir à la violence qui s'était emparée du Timor oriental. Ils nous ont écouté, nombre de dirigeants mondiaux et moi-même, saluer, quoique prudemment, l'émergence d'une nouvelle conception de la souveraineté permettant à la communauté internationale d'intervenir plus facilement pour mettre fin à des violations massives et systématiques des droits de l'homme.

Vous prendrez bientôt des décisions concernant les situations que j'ai mentionnées; j'espère que vous adopterez alors la perspective la plus large possible. La Sierra Leone et la République démocratique du Congo attendent plus que des palliatifs humanitaires. Chaque crise est unique et doit être traitée comme un cas d'espèce. Mais pour que les Nations Unies, et plus particulièrement le Conseil de sécurité, conservent leur crédibilité et l'adhésion des peuples du monde, il faut absolument que la volonté d'assurer le maintien de la paix, d'offrir une aide humanitaire ou d'intervenir de toute autre façon s'applique équitablement et systématiquement, quels que soient la région du monde ou le pays concerné.

Qu'il s'agisse des problèmes touchant la paix et la sécurité ou d'autres questions qui y sont intimement liées — développement social, défense de l'environnement, droits de l'homme, ressources humaines — il faut absolument penser en termes de partenariat avec l'Afrique : partenariats avec l'OUA, avec les organisations régionales et sous-régionales, avec les associations de la société civile et avec les individus.

Les pays qui font de bonne foi ce qu'ils peuvent et qui adoptent des politiques sages méritent bien plus de soutien qu'ils ne reçoivent actuellement. Lorsque la communauté internationale est décidée à obtenir des résultats, nous avons vu que des changements considérables était possibles.

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Il n'y a pas d'excuse à l'inaction lorsque l'action est raisonnable et possible. Il est raisonnable, par exemple, de consacrer davantage de moyens à l'aide humanitaire et à la consolidation de la paix après les conflits. Il est raisonnable d'agir avec plus de rapidité et de détermination en ce qui concerne le problème de la dette. Il est raisonnable d'augmenter l'aide publique au développement.

Mais l'argent n'est pas la seule mesure du raisonnable et du possible. Formation, technologie, engagement politique — nombreux sont les domaines qui s'ouvrent au partenariat. Ce qu'il importe de souligner, c'est que si l'Afrique et la communauté internationale conjuguent leurs efforts, elles peuvent donner un nouvel élan décisif à la cause de la paix et du développement en Afrique.

L'"afropessimisme" ne mène nulle part. La "lassitude face aux problèmes de l'Afrique" est un affront à l'idée même d'une communauté internationale responsable. Dans mon rapport de l'an dernier, j'ai affirmé que notre travail avec l'Afrique était à la fois un processus et un partenariat. Quelles que soient les insuffisances, les Africains ont donné des gages multiples et importants de leur soif de paix, d'équilibre et de développement et de leur volonté d'y parvenir. Si nous apportons aujourd'hui une aide réfléchie à ceux qui sont le plus en mesure d'en faire bon usage, nous pouvons aider l'Afrique à prendre un nouveau départ et à se construire un avenir meilleur. Ne manquons pas cette occasion. Je vous remercie.

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