En cours au Siège de l'ONU

AG/908

LA NECESSITE D'ADAPTER L'ONU AUX NOUVELLES REALITES DU MONDE SOULIGNEE PAR L'ENSEMBLE DES DELEGATIONS A L'OUVERTURE DU DEBAT GENERAL

20 septembre 1999


Communiqué de Presse
AG/908


LA NECESSITE D'ADAPTER L'ONU AUX NOUVELLES REALITES DU MONDE SOULIGNEE PAR L'ENSEMBLE DES DELEGATIONS A L'OUVERTURE DU DEBAT GENERAL

19990920

La nécessité d'adapter l'ONU aux nouvelles réalités du monde, a été soulignée de manière unanime, ce matin, lors de l'ouverture du débat général de l'Assemblée générale qui consacrera, cette année, une grande part de ses travaux aux préparatifs de la session du millénaire. "Le moment est venu d'agir de concert pour reconstruire la société humaine conformément à la vision de la Charte de l'ONU", a ainsi déclaré le Président de l'Afrique du Sud, M. Thabo Mbeki. Avec la fin des luttes idéologiques issues de la Guerre froide et l'avènement de formes démocratiques de gouvernement dans la majorité des pays, un système de gouvernance internationale plus démocratique devient possible et devrait être reflété par une restructuration adéquate de l'ONU, qui permette aux petits pays de jouer un rôle dans le concert des Nations. M. Mbeki a attribué l'absence de progrès à cet égard, au désir de certains de réinstitutionnaliser des relations d'inégalité dans une Organisation légèrement réformée, au mépris du principe de l'égalité des droits entre les nations, inscrit dans la Charte. La méfiance et un sentiment de frustration à l'égard de l'Organisation augmentent, ont souligné plusieurs délégations, appelant à ce que soit mis fin à la politique du deux poids et deux mesures. Le Président de la Géorgie, M. Eduard Shevardnadze, a ainsi dénoncé l'inaction de la communauté internationale face à l'épuration ethnique menée par les séparatistes abkhazes en Géorgie. La raison de cet échec est due, à son avis, à l'absence d'une appréciation juste par le Conseil de sécurité.

Le Président de l'Algérie, M. Abdel-Aziz Bouteflika, a, de son côté, mis en garde contre toute ingérence sans le consentement de l'Etat concerné. Evoquant la situation du continent africain, il a affirmé que les pays du Sud étaient capables de surmonter leurs difficultés, pourvu que la solidarité, l'aide loyale et la sollicitude des pays développés et de la communauté internationale ne leur fassent pas défaut. A la logique de puissance et de confrontation qui a marqué le XXe siècle, doit se substituer une logique de solidarité, c'est-à-dire d'humanisme dans le cadre de relations internationales fondées sur l'échange équitable et la propriété partagée, a-t-il déclaré, estimant que l'ONU est à même d'apporter des solutions aux problèmes et les remèdes aux contentieux et de susciter des formes nouvelles de coopération avec les Etats et les organisations intergouvernementales telles que l'OUA pour faire avancer la cause de la paix, de la justice et du développement.

(à suivre - 1a) - 1a - AG/908 20 septembre 1999

Pour le Président de la Namibie, M. Sam Nujoma, la revitalisation et la démocratisation de l'ONU passent par la réforme du Conseil de sécurité dont la composition doit être élargie. M. Nujoma a réclamé "au moins deux sièges permanents pour l'Afrique" et des sièges non permanents supplémentaires. Le Conseil de sécurité réformé devrait compter au moins 26 membres, a-t-il estimé. Il a aussi préconisé l'abandon du droit de veto, par nature non démocratique et qui perpétue les différences entre les Etats Membres.

Tout en rappelant le rôle primordial du Conseil de sécurité, le Premier Ministre français, M. Lionel Jospin, a estimé que, pour des raisons d'efficacité, l'ONU devait encourager, dans chaque partie du monde, les groupements d'Etats capables de traiter les crises en première instance. Il a préconisé un partage réaliste des tâches entre les organisations régionales et le Conseil de sécurité, sans que pour autant l'autorité de ce dernier en soit affaiblie. Il a pu exister des circonstances où l'urgence humanitaire a commandé d'agir sans délai. Mais cette démarche doit rester une exception.

"Nous ne réussirons à vaincre la guerre et la pauvreté qu'en adaptant notre Organisation à un monde fait de nouveaux acteurs, de nouvelles responsabilités et de nouvelles possibilités pour la paix et le progrès", avait lui aussi souligné le Secrétaire général en présentant, en début de séance, son rapport annuel sur l'activité de l'Organisation. Les évolutions dans le monde exigent une réflexion originale sur la manière dont l'ONU réagit aux crises politiques, aux urgences humanitaires et aux violations des droits de l'homme dans le monde, et sur la volonté d'agir dans certaines zones de conflit, alors que l'on se limite à des palliatifs humanitaires dans d'autres crises.

Les Chefs d'Etats et de Gouvernement suivants ont fait une déclaration : M. Thabo Mbeki, Président de l'Afrique du Sud (au nom des Etats membres du Mouvement des pays non alignés); M. Abdelaziz Bouteflika, Président de l'Algérie (au nom de l'Organisation de l'unité africaine); M. Sam Nujoma, Président de la Namibie; M. Eduard Shevardnadze, Président de la Géorgie; et M. Lionel Jospin, Premier Ministre de la France. M. Luiz Felipe Lampreia, Ministre des affaires étrangères du Brésil, et M. Abdel-Elah Mohammad Khatib, Ministre des affaires étrangères de la Jordanie, sont aussi intervenus.

En début de séance, le Président de l'Assemblée générale a annoncé qu'après la parution du document A/54/333, la Sierra Leone a effectué les paiements nécessaires afin de réduire ses arriérés en deça du montant spécifié à l'Article 19 de la Charte.

En fin de séance, l'Assemblée générale a accepté, sur recommandation du Comité des conférences, d'autoriser le Comité préparatoire de la session extraordinaire de l'Assemblée générale consacrée à la mise en oeuvre des résultats du Sommet mondial pour le développement social et à l'examen de nouvelles initiatives, et le Comité de l'information à tenir des réunions à New York pendant la session ordinaire de l'Assemblée générale, à condition qu'elles se tiennent dans les limites des installations et services disponibles.

Le débat général se poursuivra cet après-midi à partir de 15 heures.

Présentation par le Secrétaire général, M. Kofi Annan, de son rapport annuel sur l'activité de l'Organisation

M. KOFI ANNAN, Secrétaire général de l'ONU : En tant que Secrétaire général, je me suis fixé comme devoir suprême de restaurer les Nations Unies dans leur rôle essentiel qui est la recherche de la paix et de la sécurité, et de les rapprocher des peuples que l'Organisation sert. A l'aube du prochain siècle, cette mission se poursuit dans un monde qui a subi des transformations profondes par les changements géopolitiques, économiques, technologiques et environnementaux dont la portée nous échappe encore. Nous ne réussirons à vaincre la guerre et la pauvreté qu'en adaptant notre Organisation à un monde fait de nouveaux acteurs, de nouvelles responsabilités et de nouvelles possibilités pour la paix et le progrès. La souveraineté nationale, au sens le plus élémentaire, est redéfinie par les forces de la mondialisation et de la coopération internationale. L'Etat sert aujourd'hui les peuples et non vice-versa. Parallèlement, on constate une prise de conscience renouvelée du droit de chaque individu à contrôler son propre destin. Ces évolutions parallèles exigent une réflexion originale sur la manière dont l'ONU réagit aux crises politiques, aux urgences humanitaires et aux violations des droits de l'homme dans toutes les régions du monde; sur les moyens employés pour répondre aux situations de pénurie; et sur la volonté d'agir dans certaines zones de conflit, alors que l'on se limite à des palliatifs humanitaires dans d'autres crises.

De la Sierra Leone au Soudan, en passant par l'Angola, les Balkans, le Cambodge et l'Afghanistan, d'innombrables êtres humains attendent de la communauté internationale un véritable engagement à les aider à mettre fin au cycle de la violence et à les mettre sur la voie de la prospérité. Tandis que le génocide au Rwanda symbolisera pour notre génération les conséquences de l'inaction, le conflit au Kosovo a soulevé d'importantes questions sur les conséquences d'une action en l'absence d'unité de la part de la communauté internationale. Il a mis en évidence le dilemme de l'"intervention humanitaire" : d'une part la question de la légitimité d'une action conduite par une organisation régionale sans un mandat de l'ONU; d'autre part, l'obligation universellement reconnue de mettre fin à des violations graves et systématiques des droits de l'homme ayant de graves conséquences humanitaires. L'incapacité de la communauté internationale de réconcilier ces deux impératifs incontournables au Kosovo ne peut être considéré que comme une tragédie. Celle-ci met en lumière le défi fondamental posé au Conseil de sécurité et aux Nations Unies au siècle prochain : trouver une unité autour du principe selon lequel les violations massives et systématiques des droits de l'homme, où qu'elles se produisent, sont intolérables.

A ceux qui estiment que ce qui menace le plus le futur ordre international est le recours à la force en l'absence d'un mandat du Conseil de sécurité, on pourrait poser la question de savoir si, dans les jours qui ont précédé le génocide au Rwanda, une coalition d'Etats avait été disposée à intervenir pour défendre les Tutsi, en l'absence de toute autorisation du Conseil de sécurité, aurait-elle dû rester les bras croisés alors que se perpétrait ce carnage ? A ceux pour qui l'action au Kosovo ouvre la voie à des actions militaires d'Etats et de groupes d'Etats en dehors des mécanismes de droit international établis, on pourrait demander : ne faut-il pas craindre que de telles interventions sapent le système de sécurité mis en place après la seconde guerre mondiale et créent des précédents dangereux. Certains estiment que la Charte, elle-même, n'est pas le document le plus adapté pour nous guider dans un monde de conflits ethniques et de violence à l'intérieur des Etats. Je pense qu'ils ont tort. La Charte est un document vivant, dont les principes élevés continuent de refléter les aspirations des peuples. Ce ne sont pas les insuffisances de la Charte qui font que l'on en est arrivé à ce tournant, mais les difficultés à appliquer ses principes à une ère nouvelle. Les auteurs de la Charte savaient qu'il est parfois légitime de recourir à la force pour préserver la paix. C'est pourquoi la Charte stipule que "la force armée ne sera pas utilisée, sauf dans l'intérêt commun". Définir cet intérêt commun fait partie des questions importantes qui se posent à nous à l'aube du nouveau siècle.

Pour faire face aux conflits à venir, il importe en premier lieu de définir l'intervention de manière aussi large que possible, afin d'inclure une large gamme d'actions, des plus pacifiques aux plus coercitives. Nombre de crises qui n'attirent que peu d'attention pourraient être réglées par des interventions peu dangereuses. L'assistance internationale varie cependant beaucoup d'une crise et d'une région à l'autre. Si l'on veut que le principe d'ingérence humanitaire conserve le soutien des peuples, il doit être appliqué de manière juste et consistante. Toute intervention armée traduit l'échec de la prévention. Il faut donc tout faire pour renforcer nos capacités de prévention. Les tribunaux pour le Rwanda et l'ex-Yougoslavie constituent un nouvel instrument puissant de dissuasion. C'est dans cet esprit que j'ai consacré l'introduction de mon rapport annuel sur l'activité de l'Organisation à la recherche des moyens de passer d'une culture de la réaction à une culture de la prévention. Même la politique la plus coûteuse de prévention est de loin moins onéreuse, en vies et en ressources, que l'utilisation la moins coûteuse d'une force armée.

Il est clair que la souveraineté ne fait pas seule obstacle à une intervention efficace dans les crises humanitaires. La façon dont les Etats et les Nations Unies définissent leur intérêt national est tout aussi importante. Alors que le monde a profondément changé depuis la seconde guerre mondiale, notre conception des intérêts nationaux n'a pas évolué en conséquence. Une nouvelle définition des intérêts nationaux conduirait

les Etats à trouver une unité bien plus grande dans la recherche des valeurs fondamentales de la Charte, telles la démocratie, le pluralisme, les droits de l'homme et la règle du droit. Dans un nombre croissant de défis auxquels l'humanité doit faire face, l'intérêt collectif coïncide avec les intérêts nationaux. Lorsque le recours à la force devient nécessaire, nous devons faire en sorte que le Conseil de sécurité soit en mesure de relever le défi. Tout aussi important que le pouvoir de coercition du Conseil, est son pouvoir de dissuasion. A moins qu'il ne soit capable de se faire entendre collectivement là où la cause est juste et les moyens disponibles, sa crédibilité risque de souffrir. La Charte stipule que le Conseil doit défendre l'intérêt commun, et s'il n'est pas perçu comme tel, on risque de voir d'autres prendre sa place. L'initiative prompte et efficace du Conseil pour le déploiement d'une force au Timor oriental reflète précisément cette unité d'objectif.

Lorsque le conflit est terminé, le désir de construire la paix doit être aussi fort qu'a été celui de faire la guerre. Notre volonté de paix ne saurait prendre fin à la cessation des hostilités. Le Kosovo, comme d'autres missions de l'ONU, offre un exemple parfait des problèmes qui se posent après un conflit. Si l'ONU n'obtient pas les moyens et l'appui nécessaires pour s'acquitter de sa tâche, non seulement la paix, mais la guerre aussi auront été vaines. Les obstacles auxquels font face les missions de l'ONU sont immenses. Mais si les moyens nous sont donnés, nous avons la possibilité réelle de briser une fois pour toute le cycle de la violence. Aujourd'hui, notre défi le plus important reste notre capacité de gagner le respect et l'appui des peuples du monde. Si la conscience collective de l'humanité ne peut trouver au sein de l'ONU sa plus grande tribune, il y aura un grand risque qu'elle cherche ailleurs paix et justice. La norme internationale qui se développe en faveur des interventions visant à protéger les civils continuera à imposer de grands défis à la communauté internationale. Cette évolution se heurtera parfois à la méfiance, au scepticisme, voire à l'hostilité. Mais nous devons nous réjouir de cette évolution car elle témoigne d'une humanité plus soucieuse des souffrances en son sein et prête à faire davantage pour y mettre fin.

Ouverture du débat général

M. LUIZ FELIPE LAMPREIA, Ministre des affaires étrangères du Brésil : Dès lors qu'un conflit éclate, la tragédie humanitaire qu'il fait apparaître ne laisse plus indifférente la communauté internationale; c'est vers les Nations Unies que l'opinion publique se tourne en vue de réponses constructives. L'Angola et le Timor oriental offrent deux exemples de situations auxquelles des attentions inégales et biaisées sont portées. En Angola, pays qui est particulièrement lié au Brésil, la communauté internationale doit faire face à un défi politique considérable et

une catastrophe humanitaire aux proportions choquantes. Il faut d'urgence prendre des mesures prioritaires et il faut que le Conseil de Sécurité ne tolère plus que l'on fasse fi de ses résolutions. La situation est tout aussi urgente au Timor oriental où il faut aider le peuple timorais à garantir son droit de décider lui-même de son avenir en tant que nation indépendante. La société brésilienne qui a des liens linguistiques, culturels et historiques communs avec le peuple timorais, s'est associée à leur joie lors des résultats du référendum.

Au cours des dix dernières années, l'Amérique latine s'est forgée une nouvelle image de marque sur la base des transformations qu'elle a réalisées. Le retour à la démocratie et la promotion du respect des droits de l'homme ont joué à cet égard un rôle important, bien qu'il reste encore beaucoup à faire. Aussi l'adoption de politiques économiques appropriées a permis de mettre un terme à la spirale inflationniste. Pendant quelques jours, peut-être quelques mois, au début de cette année, le Brésil a été appelé "le pays malade de l'Amérique latine". On pensait que notre pays allait glisser de nouveau dans le piège de la grande inflation et qu'il allait connaître une profonde récession. Et pourtant le Brésil est parvenu à la fin de ce cycle avec un taux d'inflation en-dessous de 8% et il espère un taux de croissance annuelle de plus de 4%. Le Président Fernando Henrique Cardoso ne fléchira pas dans sa détermination de jeter les bases qui feront du Brésil un pays moderne, en bonne santé économique, animé par une politique sociale juste et une grande maturité politique.

Avec l'avènement de la démocratie, le Brésil et l'Argentine ont développé des liens d'amitiés solides qui lient leurs peuples. Nos accords bilatéraux dans les domaines de la coopération nucléaire sont un exemple de force stabilisatrice dans la région. Mercosur qui joint nos deux pays à ceux du Paraguay et de l'Uruguay et auxquels les démocraties de Bolivie et du Chili se sont associées a fondamentalement changé la carte économique de l'hémisphère. L'Amérique latine s'est transformée en une union aux liens très forts et qui est intégrée au plan politique, économique et social. Les élections prévues en Argentine au mois d'octobre prochain confirmeront sans aucun doute la vitalité de notre voisin. Nous avons les mêmes attentes pour les élections qui auront lieu en 1999 au Chili, en Uruguay et au Mexique. Le Pérou, quant à lui, a gagné une reconnaissance internationale par sa lutte contre le terrorisme, de même les capacités de l'Equateur de surmonter les obstacles de la crise actuelle sont remarquables. Le Paraguay se trouve sur la voie de l'établissement d'institutions démocratiques et la Guyane continue à prouver son engagement en faveur des valeurs démocratiques. Nous devons respecter les transformations qui ont lieu au Venezuela. C'est du succès réalisé chez nos voisins que dépend le succès du peuple brésilien et de son gouvernement.

Le crime organisé et le trafic de drogue constituent aujourd'hui un défi majeur pour les sociétés démocratiques. Parce que des citoyens y perdent leur vie quotidiennement, le Brésil accorde la plus haute importance à cette question. Au niveau régional, nous approuvons l'importante Convention interaméricaine sur la transparence dans l'acquisition d'armes classiques. Par ailleurs, l'existence d'armes de destruction massive reste une menace pour la sécurité et la survie même de l'humanité. C'est pour cette raison que le Brésil, l'Egypte, l'Irlande, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, l'Afrique du Sud et la Suède présentent à nouveau lors de cette session un projet de résolution sur un "Nouvel ordre du jour pour le désarmement nucléaire".

Les institutions démocratiques de nos pays et des organisations internationales, en particulier des Nations Unies, font face aujourd'hui à des défis considérables. Nos pays sont confrontés quotidiennement à de grandes difficultés économiques et d'importantes revendications sociales qui génèrent de l'impatience face à la vulnérabilité des crises et aux processus politiques qui paraissent parfois trop lents dans leur réponse aux besoins. L'engagement du Brésil en faveur de la primauté du droit s'applique également à ses relations internationales, comme l'a souligné le Président Fernando Henrique Cardoso au début de son second mandat "la primauté du droit est le seul fondement admissible pour l'ordre international". Nos sociétés attendent, avec impatience toujours grandissante, que les Nation Unies en particulier soient en mesure de jouer un rôle significatif dans l'établissement d'un ordre international en adéquation avec les aspirations et les valeurs partagées de l'ensemble de l'humanité. L'avenir exige des renouvellements et des changements. Si les gouvernements du monde souhaitent une Organisation des Nations Unies qui soit forte et efficace, ils ne doivent pas seulement changer leur façon de penser et d'agir par rapport à l'Organisation mais ils doivent également penser et agir de façon à permettre des changements au sein de l'Organisation elle-même. C'est en cela que réside le défi auquel nous devons faire face.

Allocution de M. Thabo Mbeki, Président de la République sud-africaine

M. THABO MBEKI, Président de l'Afrique du Sud (au nom des Etats membres du Mouvement des pays non alignés) : La Charte de l'ONU nous propose l'idéal auquel nous devons tous aspirer. Le moment est venu d'agir de concert pour reconstruire la société humaine conformément à cet idéal. C'est un défi historique pour les dirigeants politiques. Le temps dira si nous avons eu le courage moral et intellectuel de le relever. Si les conditions existent aujourd'hui de mettre en oeuvre la vision de la Charte, ce qui manque souvent, c'est le courage des hommes politiques. La Guerre froide a pris fin et on ne constate plus de lutte idéologique entre les superpuissances qui les pousserait à chercher à détruire l'autre pour se protéger. Il est vrai que le fait pour un certain nombre de pays de posséder des armes de destruction massive, en particulier des armes nucléaires, continue de représenter

une menace. Il faut vigoureusement poursuivre l'objectif du désarmement universel et détruire ces armes. La grande majorité des pays du monde ont opté pour une forme de gouvernement démocratique. De ces constats, on peut tirer comme conclusion qu'aucun pays ne devrait avoir besoin de chercher à établir des sphères d'influence pour faire avancer ses intérêts nationaux. En outre, la démocratie dans l'ensemble du monde nécessite que partout le citoyen ait l'impression de décider de son propre destin. Les circonstances actuelles créent la possibilité d'un système plus démocratique de gouvernance internationale qui devrait être reflété par la restructuration correcte de cette Organisation.

Le processus de la mondialisation redéfinit le concept et la pratique de la souveraineté nationale. Les frontières de cette souveraineté sont repoussées, en particulier en ce qui concerne les petits pays. Partant, il devient nécessaire de mettre en place un système de contrepoids afin de renforcer la participation de ces pays au système de gouvernance mondiale, par la démocratisation du système de relations internationales. L'humanité n'a jamais eu une si bonne perspective d'établir durablement la paix et la sécurité mondiales. La responsabilité de l'ONU dans la prévention des conflits exige que l'Organisation soit vue par les gouvernements et les peuples comme un interlocuteur véritablement impartial et un défenseur de la paix. Ainsi, si nous sommes vraiment attachés aux objectifs de la paix et de la démocratie dans le monde, nous n'avons aucune excuse à repousser une restructuration significative des Nations Unies. Ce qui bloque le progrès à cet égard, c'est le désir de satisfaire ce que l'on considère comme de nouvelles relations de pouvoir, de réinstitutionnaliser des relations d'inégalité au sein d'une Organisation légèrement amendée. Cette optique est fondée sur la thèse selon laquelle l'institutionnalisation de ces relations doit prévaloir sur les principes fondateurs de l'ONU, à savoir : le respect de l'égalité des droits entre les nations. La gestion du monde, par l'exercice d'un tel pouvoir, ne fera qu'assujettir les objectifs de la démocratie et de la paix et subvertir ceux qui prétendent au trône aux niveaux mondial, des continents et des régions. Outre la prévention des conflits, l'ONU doit aussi s'attaquer à l'élimination des armes de destruction massive, à l'application de l'interdiction des mines anti-personnel, au déminage et au contrôle de la prolifération des armes de petit calibre, et contribuer à mettre fin aux conflits en cours, y compris en République démocratique du Congo, en Angola, au Sahara occidental, au Timor oriental, en Erythrée et Ethiopie, au Kosovo, et ailleurs.

Le processus de la mondialisation est allé de pair avec des inégalités croissantes. Pourtant, des ressources suffisantes existent dans l'économie mondiale pour promouvoir le progrès social et améliorer les conditions de vie de tous, pour avoir un impact réel sur la pauvreté, l'ignorance et la maladie. La paix internationale, la démocratie et la prospérité sont les conditions

nécessaires à une croissance rapide de l'économie mondiale. La révolution de l'information et des technologies de la communication permet, tout autant qu'elle exige, de plus hauts niveaux d'éducation. Il est clair qu'il n'existe pas de mécanisme automatique ou inhérent dans le fonctionnement des marchés qui permet au capital et à la technologie d'avoir ce type d'impact sur tous les pays du monde. Chaque pays doit créer les conditions favorables aux investissements et au transfert des technologies. Mais, le fonctionnement des marchés ne peut pas exclure des interventions conscientes tant pour améliorer les opportunités économiques qu'élever les conditions de vie des populations. Les dirigeants politiques doivent avoir le courage de faire ce qui est correct et nécessaire. Dans ce domaine aussi, cela exige de réexaminer le fonctionnement des institutions multilatérales, y compris celles de la famille des Nations Unies. Il faut que nos actions soient à la hauteur de nos paroles, en particulier dans les domaines de la paix, de la démocratie et du développement. Un tel programme d'action rencontrerait les aspirations des membres de l'Organisation de l'unité africaine et du Mouvement des non alignés. Les systèmes démocratiques nécessiteraient aussi que l'on s'assure l'appui des électeurs pour ce qui devrait être un programme d'action des Nations Unies pour le XXIe siècle. Ce serait trahir des millions de personnes que de ne pas agir pour transformer leur rêve en réalité. Ne laissons pas les générations futures nous reprocher notre inaction.

Allocution de M. Abdelaziz Bouteflika, Président de la République algérienne démocratique et populaire

M. ABDELAZIZ BOUTEFLIKA, Président de la République algérienne démocratique et populaire (au nom de l'Orgnisation de l'unité africaine) : De nouveaux défis se posent aujourd'hui à la communauté internationale, dans le contexte issu de l'atténuation des luttes idéologiques, de la fin de la guerre froide et de l'unipolarisation d'un monde qui porte en lui les paradoxes de son évolution. Sur le plan économique d'abord, les inégalités de développement entre nations ne facilitent pas l'instauration d'un nouvel ordre international universellement accepté. L'Afrique, en particulier, subit des craquements inquiétants. C'est en Afrique que se comptent les 2/3 des pays les moins avancés, les 3/a des pays à faible revenu et que vit dans une situation de pauvreté absolue près de 50% de la population du continent. Si le 3ème Sommet de l'OUA a été révélateur de la volonté des Africains de faire face à la situation en oeuvrant en faveur de la paix, de la stabilité, de la coopération et en consolidant les réformes politiques et économiques engagées, il a aussi mesuré combien demeure sans consistance la coopération Nord-Sud qui se limite souvent à une politique de clientèle ou d'interventions ponctuelles. Aux nombreuses difficultés à résoudre en Afrique, en Asie, dans les Balkans et au Proche-Orient, s'ajoute une controverse planétaire qui oppose les partisans d'un universalisme optimiste qui s'accommodent volontiers de l'avènement d'un monde unipolaire, et les partisans d'un particularisme soupçonneux qui situe,

à juste titre, l'intérêt de l'humanité dans la construction d'un monde multipolaire. La mondialisation des problèmes est un fait. Et c'est parce qu'il en est ainsi que la mondialisation de leurs solutions devient alors une nécessité. A la logique de puissance et de confrontation qui a marqué le XXe siècle, doit se substituer une logique de solidarité, c'est-à-dire d'humanisme dans le cadre de relations internationales fondées sur l'échange équitable et la propriété partagée. Le progrès des nations ne serait pas complet si nous nous limitons à ne le rechercher que par le marché. Il faudrait aussi continuer à le rechercher tout simplement par la promotion des droits les plus élémentaires de l'homme.

Dans un monde unipolaire, caractérisé par la force triomphante des uns, la fragilité et la vulnérabilité déconcertantes des autres, qui mieux que le système des Nations Unies est à même d'imprimer l'impulsion aux défis, les solutions aux problèmes et les remèdes aux contentieux. Qui mieux que la famille des Nations Unies est à même de susciter des formes nouvelles de coopération avec les Etats et les organisations intergouvernementales telles que l'OUA pour faire avancer les causes de la paix, de la justice, du développement. Qui mieux que l'ONU est à même de donner corps à l'idée d'une solidarité des nations nanties envers celles qui subissent les affres de l'endettement et du retard économique et social. Comment atténuer enfin la brutalité de l'ordre du marché sinon en recourant aux normes admises par l'ONU en tant qu'elles sont vouées à conférer au libéralisme un visage humain. Nous disposons des instruments pour améliorer le sort de l'humanité et lui ouvrir des perspectives moins pénibles dans le siècle prochain que celles qu'elles a connues dans le siècle qui tire à sa fin. Il faut sans doute se doter de moyens plus importants et réaffirmer notre ferme volonté politique de construire un monde nouveau duquel la guerre et la misère seront bannies.

Un redressement est possible pour autant qu'une action soutenue et concertée sera menée en parallèle avec celle des Nations Unies, à un double niveau. Au niveau des pays industrialisés car la résolution des problèmes du tiers monde est entre leurs mains : ils disposent des leviers économiques, financiers et institutionnels permettant de restaurer un cadre favorable à la croissance des pays en voie de développement. Au niveau des pays sous- développés, auxquels il revient d'accomplir l'essentiel des tâches en comptant d'abord sur eux-mêmes, en organisant leur insertion dans l'économie mondiale et en poursuivant les réformes économiques et politiques entreprises. C'est dans cette perspective que l'Afrique s'était donnée rendez-vous à Alger, où s'est tenu le 35ème Sommet de l'OUA. Dans ce cadre, l'Afrique a dressé le bilan des indépendances, évalué les réformes en cours à la lumière du rapport des forces externes et des réalités internes et posé les bases d'une approche et d'une vision nouvelles de l'avenir du continent africain. Au coeur de cette démarche, la concorde et la paix en Afrique figurent en tête des priorités. Dans le cadre de l'OUA et des organisations sous-régionales,

les actions s'intensifient afin de rétablir la paix et mettre fin au calvaire des réfugiés. Dans le même ordre d'idées, l'Afrique a dit haut et fort son attachement à la légalité internationale, à la démocratie et au respect du droit, fixant ainsi les principes directeurs de la position de l'OUA à l'égard de la situation en Angola et au Sahara occidental où elle soutient fermement l'approche des Nations Unies, ainsi que les bons offices de l'OUA aux Comores. Le souci de la paix et de la concorde guide aussi l'Afrique dans son évaluation du processus de paix au Proche-Orient, processus dont elle attend qu'il débouche sur une solution globale, juste et durable sur la base de l'évacuation des territoires indûment occupés par Israël et de la reconnaissance des droits nationaux légitimes et inaliénables du peuple palestinien. Dans le même esprit, l'OUA - préoccupée de la paix et de la sécurité dans le Golfe où les sanctions économiques désastreuses doivent prendre fin au même titre que celles qui frappent la Libye et le Soudan - estime que l'humanité est en droit de faire son entrée dans le nouveau millénaire complètement débarrassée des contentieux nés des vicissitudes de l'histoire du siècle si tourmenté et si sanglant qui tire à sa fin.

Le Sommet d'Alger s'est également penché sur les questions du développement économique telle que la logique en a été posée par le Traité d'Abuja, de la consolidation des réformes macro-économiques à travers la relance d'une croissance soutenue, de l'intégration régionale dans le cadre de l'unité africaine dont le principe vient d'être consacré par le Sommet de Syrte. Ce Sommet a réaffirmé le droit plein et entier du continent africain à être partie prenante dans le processus de mondialisation. Dans la mesure où l'Etat souverain demeure incontestablement le lieu du contrat social et le cadre dans lequel doivent s'organiser les droits de l'homme, la communauté internationale doit y favoriser la stabilité, c'est-à -dire pour les pays en développement, la concorde et l'apprentissage de la démocratie. L'Algérie est fermement convaincue que l'ingérence ne peut intervenir sans le consentement de l'Etat concerné. Elle estime fermement que les pays du Sud sont capables de surmonter leurs difficultés, pourvu que la solidarité, l'aide loyale et la sollicitude des pays développés et de la communauté internationale ne leur fassent défaut. L'Algérie a payé un lourd tribut à la démocratie et, à l'instar des autres pays africains, supporte le coût social élevé des réformes qu'elles s'est données. Elle s'attelle à ramener la concorde civile, à approfondir son projet démocratique, à asseoir l'Etat de droit, à rénover et à moderniser la justice et l'administration. Une guerre qui nous a été imposée et qui a permis au terrorisme et à l'extrémisme de violenter la société, les valeurs, la dignité et la conscience des hommes. De ce drame, auquel l'Islam est tout à fait étranger, l'Algérie émerge peu à peu. Dans un contexte de passions déchaînées, de désordres, d'instincts meurtriers, de fragilisation de la société, de nihilisme ravageur, de sang et de larmes, des hommes, des femmes, des enfants ont vécu d'indicibles souffrances tandis que l'équipement du pays subissait des destructions très préjudiciables à son économie.

Aujourd'hui, le peuple algérien s'évertue à panser ses blessures et fait de la concorde civile l'axe directeur du redressement national. Il répudie la violence parce qu'elle n'est pas de ses traditions. Il est attaché aux droits de l'homme dont il fait l'axe principal de son combat pour l'indépendance et l'édification de son pays. Le peuple algérien l'a prouvé en donnant, résolument, à la faveur d'une participation massive au référendum du 16 septembre, son appui total à la loi sur la concorde civile adoptée en juillet dernier par le parlement. Il le fait parce que, fidèle à lui-même, il sait que seules la paix et la solidarité constituent les clés du progrès économique et social. L'Algérie poursuivra au plan régional les négociations avec l'Union européenne au sujet de l'Accord d'association et du processus de Barcelone, ne ménagera aucun effort pour relancer la construction de l'Union du Maghreb arabe et poursuivra ses négociations d'accession à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). A l'échelle africaine, elle oeuvrera sans relâche pour faire avancer les accords d'intégration économique conclus dans le cadre de l'OUA.

Allocution de M. Sam Nujoma, Président de la République de Namibie

M. SAM NUJOMA, Président de Namibie : Les disparités économiques, le fardeau de la dette, l'injustice sociale, le chômage sont devenus le lot inacceptable des populations de diverses régions du monde. Tous les progrès technologiques à notre disposition ne peuvent-ils être partagés par l'humanité tout entière? A ce jour, la mondialisation qui devait apporter la solution aux problèmes de développement, ne devrait pas se résumer à une prospérité sélective et limitée. La réalité de l'inégalité entre les Etats devrait occuper le coeur des débats sur l'économie mondiale. Pour leur part, les Nations Unies ont le pouvoir d'aider les pays en développement à tirer les bénéfices de cette économie mondialisée. L'Afrique avec 10 pour cent de la population mondiale ne produit qu'un pour cent du produit national brut mondial et ne reçoit que trois pour cent des investissements étrangers directs. Même si certains pays africains enregistrent aujourd'hui une croissance positive et s'engagent sur la voie de la démocratisation, cela ne suffira pas et il est indispensable qu'une augmentation des investissements étrangers directs vienne soutenir ces réformes et la croissance actuelle.

La Namibie compte parmi les premiers pays africains à avoir achevé la mise en oeuvre de son Programme national d'Action pour l'application du Sommet mondial pour les enfants qui s'est tenu, ici même, en 1990 et dont nous nous apprêtons à célébrer le dizième anniversaire. Parmi les nombreux défis qui se posent au continent africain, la situation des enfants dans les conflits armés demande que soit mis en place un environnement et une culture de la paix pour que chaque enfant ait le droit de vivre, de jouer et de grandir dans

la sécurité. Il faut signaler que si chaque mètre carré de terre rendu inaccessible par les mines terrestres redevenait productif, de nombreux enfants, particulièrement en Afrique, seraient protégés de la faim. En outre, si chaque enfant-soldat d'Afrique pouvait devenir un étudiant le futur de l'Afrique serait assuré.

S'ajoutant aux problèmes économiques auxquels l'Afrique fait face, le défi du bogue de l'an 2000 vient à nouveau la mettre à l'écart de cet autoroute de l'information que constitue l'Internet. Les pays qui disposent du savoir et des ressources nécessaires pour traiter ce problème doivent venir en aide aux pays en développement. La communauté internationale doit partager ses ressources et les pays en développement ont tout à gagner de ces échanges d'informations.

En ce qui concerne le problème du VIH/sida, la Namibie a, pour sa part, adopté un plan national stratégique pour la période 1999-2004 en vue de réduire de manière significative l'incidence du virus en renforçant les efforts de prévention et de contrôle. Elle s'est également efforcée de mettre en place des mesures afin de lutter contre la discrimination touchant les personnes vivant avec le VIH/sida, en addition des programmes régionaux de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADEC). La communauté internationale doit soutenir les efforts des pays africains dans la mise en oeuvre de leurs programmes nationaux en vue d'endiguer l'épidémie. L'année prochaine, au mois de juin, nous aurons l'occasion lors de deux sessions extraordinaires de l'Assemblée générale d'évaluer les progrès accomplis par les gouvernements dans la mise en oeuvre des engagements pris lors de la Quatrième Conférence mondiale sur les Femmes et lors du Sommet mondial pour le développement social. Espérons que nous saurons utiliser ces occasions pour faire de l'égalité entre les peuples et de l'intégration sociale la norme et pour que les hommes et les femmes puissent vivre comme partenaires, dans des termes d'égalité.

La réforme du Conseil de sécurité compte parmi les éléments importants en vue de revitaliser et de démocratiser les Nations Unies. La composition actuelle du Conseil de sécurité ne reflète pas l'augmentation substantielle du nombre des membres des Nations Unies. Mon gouvernement soutient qu'il est nécessaire de corriger les déséquilibres existants dans la composition du Conseil de sécurité qui doit devenir une institution démocratique et représentative, libérée des pratiques injustes du passé. La composition du Conseil de sécurité doit être élargie dans les deux catégories. L'Afrique mérite au moins deux sièges permanents et des sièges non permanents supplémentaires. La Namibie, en sa qualité de membre du Mouvement des non- alignés, soutient que le Conseil de sécurité réformé devrait compter non moins de 26 membres et est en désaccord avec ceux qui défendent un nombre moins élevé au nom de l'efficacité. L'expérience a prouvé que l'inefficacité

et l'inaction du Conseil de sécurité venaient le plus souvent de la menace de l'emploi du veto par les pays qui en possèdent le droit. Ainsi, la Namibie est également opposée à l'usage du veto qui est, par nature, non démocratique et perpétue les différences entre les membres du Conseil de sécurité. Si le veto ne peut pas être aboli dès à présent son usage devrait être progressivement diminué jusqu'à ce qu'il puisse être complètement supprimé. En dépit de ses difficultés, la Namibie regarde l'Organisation des Nations Unies et ses diverses institutions comme les meilleurs instruments capables de promouvoir la paix mondiale, le commerce international et la coopération.

Allocution de M. Eduard Shevardnadze, Président de la Géorgie

M. EDUARD SHEVARDNADZE, Président de la République de la Géorgie : ayant vécu le processus de la Guerre froide et celui du mode bipolaire, il me semble opportun de donner une explication à ce sujet puisque le débat sur le pourquoi et le comment de cet événement continue d'exister aujourd'hui. Je tiens ici à souligner le rôle joué par le "nouveau mode de penser" qui avait été conçu avant même la Perestroika. On peut généralement décrire ce nouveau mode de penser comme un concept visant à rendre plus humaines toutes les sphères de la vie politique et publique. Dans les relations internationales, cela implique de remplacer le principe idéologique de classes par des décisions fondées sur un principe éthique. Seule cette nouvelle approche a permis aux pays de l'espace soviétique et de l'Europe de l'Est de faire avec relativement peu de difficultés leurs choix démocratiques. Aussi le mérite de la victoire contre la Guerre froide revient-il aux représentants de l'ancien camp d'opposition qui avaient en commun ce nouveau mode de penser et qui avaient pris l'engagement en de sauver l'humanité du cauchemar nucléaire. A l'aube du nouveau millénaire, il faut développer à nouveau un nouveau mode de penser de nouveaux principes dans les relations entre les Etats ainsi qu'une nouvelle approche face aux menaces et aux problèmes communs.

Mon pays, la Géorgie, est l'un de ces nouveaux Etats indépendants qui offrent une scène de choix pour l'observation à la fois des vertus mais aussi des lacunes du processus en cours dans ce monde nouveau post bipolarisation. Mon pays à commencé à sortir de son isolation au printemps de l'année 1992 lorsqu'il est devenu membre des Nations Unies, de l'OSCE et de la BSCE. La Géorgie s'est également engagée dans la voie de l'établissement d'une société libre et démocratique basée sur une économie de marché orientée vers le social. La communauté internationale n'a pas tardé à reconnaître le processus de construction démocratique en Géorgie. Les Nations Unies, le FMI, la Banque mondiale, la BERD, l'Union européenne, et particulièrement les Etats-Unis, l'Allemagne et les Pays-Bas sont venus à notre secours. L'année 1995 a marqué le tournant dans la nouvelle ère de la Géorgie.

Le pays a adopté une nouvelle Constitution démocratique, organisé ses premières élections parlementaires et présidentielles et a adopté une nouvelle devise nationale. Entre 1996 et 1997 la croissance économique annuelle était de l'ordre de 11% et l'inflation continuait de diminuer. Je suis heureux d'annoncer que la Géorgie continue à améliorer ses institutions démocratiques et à développer son économie, devenant ainsi un partenaire pour les autres au lieu de rester un simple bénéficiaire de l'aide humanitaire. Cette évolution a été rendue possible largement grâce aux nouvelles fonctions que s'est assignées mon pays au cours des dernières années. Les pays de la région caspienne riches en pétrole, longtemps coupées du reste du monde, ont commencé à chercher des alternatives pour fournir leurs richesses au marché mondial. La Géorgie bénéficie d'une position de plaque tournante sur la route qui accueille les cargaisons entre l'Est et l'Ouest, le Nord et le Sud, le terminal de Baku-Supsa servant de terminal de transit au flux de pétrole traversant la Géorgie vers l'ouest depuis le mois d'avril de cette année. La Grande route de la soie sur laquelle se trouve la Géorgie est également en train de retrouver ses fonctions d'antan, notamment grâce à l'aide internationale matérialisée notamment par le projet TRACECA et INOGATE mis en place par l'Union européenne. Les réalisations de la Géorgie dans l'établissement d'une société démocratique ont été reconnues par le Conseil de l'Europe dont la Géorgie est devenue Etat membre en début d'année.

Le problème majeur auquel doit faire face la Géorgie sont est les conflits non-résolus et la violation de son intégrité territoriale. Il est, à cet égard, malheureux de constater que le conflit abkhaze n'a pas été couvert par les médias télévisés dans le monde et qu'ainsi la communauté internationale en ait été moins informée. Il est difficile de croire que les Abkhazes, qui constituaient à l'origine 17% de la population, aient expulsé la majorité des habitants au seuil motif qu'ils n'étaient pas abkhazes, mais géorgiens, arméniens, juifs russes grecs ou d'une autre ethnie. Les engagements des institutions internationales n'ont pas apporté de résultats tangibles. La raison de cet échec est, à mon avis, l'absence d'une appréciation juste de la situation par le Conseil de sécurité.

Les Géorgiens disent "sauvons notre culture et la culture sauvera notre nation". Je suggère que nous développions un mécanisme collectif pour la protection de la culture.

Dans le monde d'aujourd'hui, une approche éthique en politique internationale est plus justifiée d'un point de vue pragmatique. Cette approche devrait représenter la composante principale de la nouvelle mentalité du 21e siècle. Je suis optimiste quant à l'avenir de l'humanité. En 1996, lorsque beaucoup parlaient de la Guerre des étoiles et de la fin de l'humanité, j'ai déclaré que le nouveau mode de penser offrait au monde non pas une Guerre des étoiles mais la Paix des étoiles. Je remercie Dieu que cette déclaration ne soit pas restée un simple rêve et que l'humanité émerge peu à peu du cauchemar de la guerre nucléaire, à la fois sur la terre et dans le ciel.

Suite du débat général

M. LIONEL JOSPIN, Premier Ministre de la France : L'ONU poursuit une oeuvre de civilisation sans cesse remise en cause mais toujours nécessaire. Elle passe d'abord par le règlement des conflits. Dans cette mission, le rôle du Conseil de sécurité est plus que jamais primordial. Il tire de la Charte cette prééminence. Certes, il a pu exister des circonstances où l'urgence humanitaire a commandé d'agir sans délai. Mais cette démarche doit rester une exception. Nous devons alors veiller, comme dans le cas du Kosovo, à réinsérer cette action dans le cadre de la Charte.

Pour des raisons d'efficacité, l'ONU doit encourager, dans chaque partie du monde, les groupements d'Etats capables de traiter les crises en première instance. Tel est bien l'esprit du chapitre VIII de la Charte. Ainsi, mon pays, avec le programme RECAMP, a, avec d'autres, renforcé les capacités africaines de maintien de la paix par des aides placées sous l'égide de l'ONU, en coopération avec l'Organisation de l'unité africaine.

La sécurité internationale exige aussi la poursuite du désarmement, dans le cadre d'accords multilatéraux et vérifiables. C'est là un objectif constant de la France, qui souhaite la relance des travaux de la Conférence du désarmement, à quelques mois de la conférence d'examen du Traité sur la non prolifération des armes nucléaires (TNP). La France souhaite l'entrée en vigueur du Traité sur l'interdiction complète des essais nucléaires, le démarrage des négociations sur l'interdiction de la production de matières fissiles pour des armes nucléaires et la conclusion d'un protocole de vérifications annexé à la convention interdisant les armes biologiques. Elle ne serait pas favorable à des développements susceptibles de remettre en cause le traité ABM et d'entraîner une rupture des équilibres stratégiques.

La mission des Nations Unies ne se limite pas au règlement des conflits entre Etats. Alors que grandit l'aspiration des hommes à plus de liberté et de responsabilité, cette mission s'étend à la défense de la dignité humaine. Au sein de chaque Etat, et lorsqu'il le faut - comme la Charte le permet -, contre des Etats.

Ce fut le cas au Kosovo. La résolution 1244, qui a posé les bases du règlement, illustre ces principes et cette volonté. Le Représentant spécial du Secrétaire général et le Commandant de la KFOR ont accompli un travail remarquable. La France s'est engagée avec détermination, aux côtés de ses partenaires de l'Union européenne qui apporte au Kosovo la moitié de ses financements internationaux prévus par la Conférence des donateurs. Au Timor oriental, un autre peuple demande que son droit soit reconnu. La France participe à la force internationale mise en place sur une décision du Conseil de sécurité.

Mais bien des efforts sont encore nécessaires pour que les valeurs des Nations Unies soient partout respectées. Pour cela, le renforcement du droit pénal international est indispensable. L'établissement de la Cour pénale internationale constituera une nouvelle et décisive étape de ce progrès du droit. La France souhaite sa mise en place rapide : elle a, pour cela, déjà modifié sa propre Constitution. Mais pour accomplir sa mission, l'ONU a besoin de moyens assurés. Une attitude responsable des Etats contributeurs favoriserait la nécessaire réforme de l'Organisation -y compris celle de son Conseil de sécurité.

L'ONU voit sa vocation renforcée par la mondialisation. Parce que notre monde globalisé et instable a besoin d'organisation et que les Nations Unies ont pour vocation, depuis toujours, de rechercher une meilleure organisation du monde. Plus le monde se globalise, plus il a besoin de règles. Cela concerne d'abord l'économie. La France y a contribué par ses propositions, notamment pour ce qui concerne les fonds spéculatifs et les paradis fiscaux. Cette régulation doit s'appuyer sur une meilleure coordination des institutions internationales. Ainsi, la France a soutenu l'adoption par la Conférence internationale du travail, il y a un an, de la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux dans le travail. Pour que ces règles soient mieux respectées, il faut établir une coopération adaptée avec les pays les plus pauvres. Le poids de la dette reste pour eux le premier obstacle au développement. Réunis à Cologne, les pays du G7 ont pris l'engagement de procéder à de nouveaux allégements. La France continuera de plaider pour un effort accru des pays les plus riches.

L'affirmation de valeurs et de règles communes doit de plus en plus inspirer notre action. Les droits des personnes sont au coeur de cette démarche. En décembre 1997, à Abidjan, la France a proposé de créer un Fonds de solidarité thérapeutique pour mobiliser toute la communauté internationale autour de la prise en charge des malades du sida. Le principe de précaution doit fonder notre action pour ce qui concerne l'environnement et la sécurité sanitaire. Nous le ferons, en plaidant avec nos partenaires de l'Union européenne en faveur d'une convention mondiale sur les forêts et en redoublant d'efforts pour réduire les émissions de gaz carbonique dans l'atmosphère. Le principe de précaution doit régir aussi le contrôle de la sécurité alimentaire. La conjonction du souci d'une agriculture durable, de la qualité des produits et de la préservation des traditions alimentaires de chaque pays explique la force des réactions qui s'expriment. La France entend donc que ces exigences soient prises en compte lors des prochaines négociations de l'OMC.

M. ABDEL-ELAH MOHAMMAD KHATIB, Ministre des affaires étrangères de la Jordanie : Les Jordaniens éprouvent aujourd'hui une pleine confiance dans la force et la permanence de leurs structures administrative et constitutionnelle qui ont permis au règne de sa majesté le roi Abdullah II, Bin Al-Hussein de bénéficier dès le début du respect de la communauté mondiale. La Jordanie entame cette nouvelle ère en s'engageant fermement à poursuivre ses efforts pour faire progresser la paix dans la région. Le résultat des élections israéliennes ont ramené l'espoir de la relance du processus de paix, enlisé depuis trois ans. Les développements positifs de ces dernières semaines montrent que la région est à nouveau en position de réussir la paix. Il faut espérer que les dirigeants régionaux sauront saisir cette occasion. Pour que la paix puisse aboutir, il faut qu'une solution juste, satisfaisant toutes les populations de la région, soit trouvée à la question de la Palestine qui demeure au coeur du conflit israélo-arabe. La Jordanie a parfaitement conscience que l'application du Mémorandum de Wye River permettrait de réactiver le processus de paix et de rétablir la confiance et l'esprit de collaboration entre les dirigeants israéliens et palestiniens. La signature du Mémorandum de Sharm el-Shaikh multiplie les chances de faire avancer le statut des négociations finales entre les Palestiniens et les Israéliens afin qu'ils parviennent à un accord qui permettrait l'exercice du droit d'autodétermination des Palestiniens, y compris leur droit d'établir un Etat indépendant sur leur territoire national ayant Al-Quds Al-Sharif (Jérusalem sainte) pour capitale.

La Jordanie supporte depuis cinquante ans le poids du problème des réfugiés qui soumet son économie à d'immenses pressions, surtout depuis la réduction des services fournis par l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). La somme des dépenses du Gouvernement jordanien est égale au budget total de l'UNRWA dans toutes ses zones d'activités. La Jordanie demande à la communauté internationale de ne pas permettre de réductions du rôle de l'UNRWA ni de ses programmes, jusqu'à ce que le problème des réfugiés ait été résolu en accord avec la légitimité internationale.

La Jordanie soutient fermement les demandes de la Syrie et du Liban pour que les négociations reprennent là où elles se sont arrêtées. Dans les dernières semaines, les récentes déclarations syriennes de s'engager à travailler pour l'établissement de la paix et l'expression par le gouvernement israélien qu'il est convaincu de l'importance et de la nécessité d'aboutir à un accord de paix avec la Syrie relancent l'espoir de reprise des négociations, en vue d'un accord permettant à la Syrie et au Liban de recouvrer leurs droits légitimes grâce au retrait d'Israël du Golan syrien et du Sud-Liban.

Les peuples de la région aspirent aujourd'hui à de réels progrès dans le processus de paix, ce qui permettrait de mettre fin à la course aux armements. Seule la paix pourra assurer la sécurité de tous. Elle saura convaincre les dirigeants régionaux de faire du Moyen-Orient une zone exempte d'armes de destruction massive. Il faudra donc que tous deviennent parties au Traité de non-prolifération des armes nucléaires et ratifient le traité d'interdiction complète des essais nucléaires. Les problèmes des réfugiés, des déséquilibres économiques, de l'eau et de l'environnement, ainsi que l'élimination des armes de destruction massive exigent une coopération régionale efficace et une aide internationale concrète. Si les aspects politiques de ces conflits ne sont pas résolus, la région continuera à souffrir des conséquences d'un manque de coopération et si ces questions ne trouvent pas de solution, elles deviendront de nouvelles sources de conflits dans la région.

A l'est de notre zone régionale, le peuple iraquien continue de souffrir des conséquences des sanctions économiques. La Jordanie appelle à ce que l'on mette un terme à ces souffrances en levant les sanctions. Elle appelle également à l'application des résolutions du Conseil de sécurité, en particulier celles relatives aux prisonniers de guerre koweitiens et aux personnes disparues. Elle demande au Conseil de sécurité de mener un examen général qui permettrait de sortir l'Iraq de cette situation et réaffirme sa position selon laquelle l'intégrité territoriale de l'Iraq constitue l'un des piliers de la sécurité régionale.

Du fait de sa position géographique au coeur de la crise du Moyen-Orient, du manque de progrès du processus de paix et des sanctions économiques imposées à l'Iraq depuis 9 ans, la Jordanie se trouve dans l'impossibilité d'atteindre un niveau acceptable de croissance économique et souffre d'une dette extérieure considérable. Reconnaissante du soutien qu'elle a reçu de la communauté internationale afin de pouvoir jouer son rôle dans le maintien de la stabilité de la région, la Jordanie espère une meilleure compréhension de ses problèmes économiques. A cet égard, elle se félicite du communiqué final du sommet des pays industrialisés, qui s'est tenu à Cologne en juin dernier, qui exprime la volonté politique d'aider la Jordanie et appelle à réévaluer à la baisse sa dette extérieure. La Jordanie espère donc que ses créditeurs s'appliqueront à transformer cette volonté politique en actes qui permettront de réduire la dette extérieure.

La Jordanie attache une grande importance au maintien du dialogue entre les régions et les civilisations, ce qui permettra de créer une base sur laquelle développer une pensée humanitaire. La communauté internationale se doit d'utiliser le dialogue pour mettre fin aux pratiques discriminatoires, notamment à l'islamophobie. L'Islam est soumis à des attaques injustifiées qui tentent de le lier à des pratiques extrémistes, qui font souffrir les populations musulmanes. La communauté internationale doit trouver des moyens de confronter ce problème.

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