En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/7058

LE SECRETAIRE GENERAL DES NATIONS UNIES SUGGERE DES PRIORITES POUR VAINCRE LA PAUVRETE

6 juillet 1999


Communiqué de Presse
SG/SM/7058
ECOSOC/5828


LE SECRETAIRE GENERAL DES NATIONS UNIES SUGGERE DES PRIORITES POUR VAINCRE LA PAUVRETE

19990706 Ci-après, le texte de la déclaration que le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, a faite le 5 juillet à Genève à l'ouverture de la session de fond de 1999 du Conseil économique et social :

"Je suis heureux de vous voir rassemblés ici pour cette importante session. Permettez-moi de commencer par rendre hommage à M. l'Ambassadeur Paolo Fulci pour la façon dont il a assuré la présidence de ce Conseil. Il a fait preuve de la plus grande détermination dans son ambition de donner un nouveau souffle au Conseil économique et social, et je pense que chacun conviendra du dynamisme manifesté par le Conseil pendant son mandat.

Je tiens également à remercier son prédécesseur, M. l'Ambassadeur Juan Somavia, qui a aidé à poser les bases du renouveau du Conseil économique et social et qui, dans son rôle de Directeur général de l'OIT, reste membre à part entière de notre communauté. On peut dire sans hésiter que le Conseil nouveau est arrivé, et qu'il ne cesse de se renouveler.

Nous ne manquons certes pas de problèmes auxquels nous attaquer. Il y a un an, la communauté internationale était aux prises avec la menace d'une récession à l'échelle mondiale. Les effets dévastateurs de la crise financière en Asie avaient atteint la Fédération de Russie et l'Amérique latine. Ils menaçaient de s'étendre aux pays développés, ce qui aurait aggravé le ralentissement déjà inquiétant de la production mondiale.

Fort heureusement, ces craintes ne se sont pas matérialisées. La croissance économique s'est maintenue aux Etats-Unis. L'Asie et l'Amérique latine présentent des signes encourageants de redressement.

Nous aurions toutefois bien tort de nous reposer sur nos lauriers. D'abord, parce que le risque de nouvelles crises et celui d'un ralentissement de la croissance mondiale restent bien réels. Ensuite, parce que nous sommes toujours aux prises avec une crise du développement.

Alors que la fin du XXe siècle approche, la communauté planétaire peut se féliciter de bien des progrès remarquables dans l'amélioration des conditions de vie et dans la lutte contre la pauvreté.

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Sur le plan du développement humain, les pays en développement ont parcouru autant de terrain ces 30 dernières années que le monde industriel en plus d'un siècle.

Depuis 1960, le taux de mortalité infantile a été réduit de moitié, le taux de malnutrition d'un tiers, et la proportion des enfants scolarisés au niveau de l'enseignement primaire est passée de 50 à 75 %. Les choix et les possibilités qui s'offrent aux individus se sont aussi multipliés, les hommes et les femmes participant plus pleinement à la prise de décisions grâce à la progression de la démocratie et des principes de bonne gouvernance.

Il reste cependant une ombre très noire au tableau : l'étendue du phénomène de la pauvreté dans le monde, tant dans les pays riches que dans les pays pauvres.

En 1974, la Terre comptait 4 milliards d'habitants, dont on estimait qu'un sur quatre vivait dans un état de dénuement absolu.

Aujourd'hui, la planète compte 6 milliards d'habitants, mais la moitié d'entre eux sont prisonniers de la misère, s'efforçant de survivre avec 3 dollars par jour ou même moins. Le sida, la criminalité et les conflits rendent la pauvreté encore plus indélogeable, tandis que l'indigence elle-même aide à répandre la maladie et le chaos.

L'élimination de la pauvreté est au premier rang des préoccupations de ce Conseil. Il s'agit là d'un objectif ambitieux, mais certainement pas utopique. Les progrès réalisés depuis quelques dizaines d'années nous montrent ce qui peut être accompli, et comment.

Nous savons aussi combien coûterait la réalisation de cet objectif. Le montant total de l'investissement supplémentaire qu'il faudrait consentir pour assurer à tous l'accès aux services sociaux de base C instruction, santé, nutrition, santé en matière de procréation, planification familiale, eau salubre et assainissement C est estimé à quelque 40 milliards de dollars par an. C'est moins que ce que les Européens dépensent en cigarettes et cela représente un dixième du commerce mondial de stupéfiants. C'est aussi trois fois moins que le montant des dépenses militaires des pays non-industrialisés.

Cependant, l'élimination de la pauvreté est un objectif si vaste qu'il est parfois difficile de savoir par où commencer. Aussi est-il bon de définir des priorités. Permettez-moi d'en suggérer quelques-unes.

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Tout d'abord, il faut que les pays industrialisés adoptent des politiques qui entraînent des taux de croissance économique mondiale plus élevés et mieux équilibrés. Une économie mondiale qui croît dans une proportion de 2 % par an ne procurera ni les ressources nécessaires, ni l'environnement favorable à une guerre contre la pauvreté. Près de 2 milliards de jeunes sont sans emploi ou sous-employés dans le monde en développement. Trente-sept millions de personnes sont au chômage dans les pays de l'OCDE.

Le choix qui se présente à nous est donc clair : soit nous recherchons la croissance de l'économie mondiale, soit nous voyons l'exclusion sociale s'enraciner plus profondément encore, avec des conséquences éminemment prévisibles.

Ensuite, la communauté mondiale, par l'aide, par les échanges commerciaux et par la prise des décisions à l'Organisation des Nations Unies et ailleurs, doit donner la priorité absolue à la satisfaction des besoins fondamentaux des populations pauvres dans le monde.

C'est aux gouvernements des pays en développement qu'incombe la plus grande part des responsabilités à cet égard, et la façon dont ils s'acquittent de ces responsabilités est déterminante.

Nous savons tous ce que signifie un environnement économique favorable. Mais n'oublions pas que l'existence d'un environnement politique favorable n'est pas moins essentielle et que les dirigeants doivent avoir à coeur de soutenir les libertés et les pratiques qui libéreront les énergies créatrices de la population d'un pays, stimuleront son esprit d'initiative, et attireront l'investissement intérieur et étranger. Assurément, pour ouvrir la voie de la prospérité, économie et politique ne peuvent aller l'une sans l'autre.

Les tâches sont colossales. Les pays en développement ne peuvent tout faire d'eux-mêmes : ils ont besoin d'aide.

Pour cette raison, il faut arrêter le déclin de l'aide publique au développement, tombée aujourd'hui à son niveau le plus bas depuis 50 ans. Pour cette raison aussi, les pays en développement doivent obtenir un allégement de la dette qui paralyse leur développement et qui absorbe plus de la moitié du budget annuel de certains d'entre eux.

Pour cette raison enfin, les pays en développement doivent avoir un plus large accès aux marchés des pays développés afin de participer pleinement à l'économie et de sortir de la pauvreté par leurs propres efforts. À mon avis, je le souligne, l'adoption de telles politiques relève non seulement de la solidarité mais aussi de l'intérêt bien compris des pays développés.

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Enfin, nous devons faire plus pour améliorer la condition de la femme. Les femmes figurent parmi les plus pauvres des pauvres. Elles travaillent chaque jour de longues heures, parcourent de longues distances pour aller chercher l'eau et doivent trouver en plus le temps et l'énergie nécessaires aux activités du secteur informel qui sont leur seule source de revenu. Leurs tâches sont véritablement sans fin.

Il est plus que temps de mettre à profit l'expérience de nombreux pays qui montre que les investissements au profit des femmes, spécialement pour l'éducation des femmes et des filles, sont la clef du développement durable et profitent le plus aux familles, aux communautés et aux sociétés tout entières.

Le droit et la raison commandent de donner aux femmes les mêmes chances qu'aux hommes. En d'autres termes, il n'est pas davantage possible d'être à moitié égal que d'être à moitié libre.

Dans ces conditions, il était urgent de revitaliser le Conseil économique et social. Celui-ci est le forum par excellence pour débattre des questions économiques et sociales dans toute leur complexité. Il s'ouvre de plus en plus à la participation du secteur privé, de la société civile et des autres parties prenantes. Il a aussi établi des liens plus étroits avec les institutions issues des Accords de Bretton Woods, notamment par une série de réunions animées et impressionnantes qui ont rassemblé dans une même salle la plupart des spécialistes mondiaux du développement.

Cette évolution a une portée considérable. Pour la prise des décisions à l'échelon mondial, il est essentiel que le Conseil économique et social joue pleinement son rôle d'orientation et de légitimation; je ne doute pas que vous soyez à la hauteur de ces responsabilités.

L'étendue et la gravité de la pauvreté dans le monde ne constituent pas seulement une crise financière et économique mondiale. Le phénomène prend les dimensions d'une crise morale et éthique universelle qui exige davantage que des déclarations d'intention et des négociations interminables. Il doit nous obliger à remédier au véritable déficit, qui n'est ni un déficit commercial, ni un déficit budgétaire, mais le manque de volonté politique, principal obstacle auquel nous nous heurtons.

Je crois que d'autres avancées considérables sont à notre portée si nous réfléchissons sérieusement aux problèmes et nous attelons à la tâche avec l'énergie politique nécessaire. C'est dans cet esprit que je vous souhaite de très fructueux travaux".

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( suivre)

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