FEM/1085

LE TROISIEME PLAN NATIONAL D'EGALITE DES CHANCES, AXE SUR LA SEXOSPECIFICITE, A ENTRAINE UNE AMELIORATION SENSIBLE DE LA SITUATION DES ESPAGNOLES

17 juin 1999


Communiqué de Presse
FEM/1085


LE TROISIEME PLAN NATIONAL D'EGALITE DES CHANCES, AXE SUR LA SEXOSPECIFICITE, A ENTRAINE UNE AMELIORATION SENSIBLE DE LA SITUATION DES ESPAGNOLES

19990617 Les expertes soulignent la contradiction entre le bon niveau d'éducation des femmes et leur manque d'accès à des postes de responsabilité

"La promulgation d'une nouvelle Constitution en 1978 et l'intégration à l'Union européenne en 1986 ont entraîné une série de réformes permettant de poser dans le système juridique espagnol l'égalité de tous", a affirmé Mme Concepcion Dancausa, Directrice générale de l'Institut national de la femme de l'Espagne, ce matin, devant les 23 expertes indépendantes du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Présentant les Troisième et Quatrième rapports périodiques de son pays, Mme Dancausa a mis l'accent sur un certain nombre de domaines d'action prioritaires, à savoir l'éducation, l'emploi, la prise de décision et la violence à l'égard des femmes. Elle a expliqué que ces actions intervenaient dans le cadre du Troisième Plan national pour l'égalité des chances, qui a pour objectif principal de garantir l'intégration d'une perspective sexospécifique dans toutes les politiques mises en oeuvre. En matière d'éducation, les jeunes filles sont désormais plus nombreuses que les garçons dans le secondaire et à l'université. Un nombre croissant d'étudiantes s'intéresse aux domaines des sciences et des techniques, traditionnellement réservés aux hommes. Les femmes rencontrent toujours cependant d'importantes difficultés à accéder aux postes décisionnels. Elles constituent la grande majorité des personnes employées à temps partiel. En outre, certains secteurs demeurent très largement féminisés, tels la coiffure, l'esthétique ou les métiers de la santé. Pour lutter contre cette situation, le Gouvernement a lancé deux plans d'action, l'un pour l'égalité et l'autre pour l'emploi. En conséquence, le taux d'activité des femmes est passé de 34 à 38% entre 1990 et 1998. Néanmoins, elles sont deux fois plus victimes du chômage que les hommes (27% en 1998 contre 14%).

Les efforts ayant également été ciblés sur la prise de décision, la représentation publique des femmes s'est améliorée. Ainsi, 33% des sièges réservés à l'Espagne au Parlement européen sortant étaient occupés par des femmes qui, par ailleurs, dirigent six des villes les plus importantes du pays. Abordant le problème de la violence, quatrième domaine prioritaire du Gouvernement, Mme Dancausa a indiqué que le 1er mai dernier, une Loi sur les délits contre la liberté et l'intégrité sexuelle et portant modification du Code pénal, a été adoptée. Ce texte vient compléter le Plan d'action contre la violence domestique mis en oeuvre en 1998 qui dispose d'un budget de 70 millions de dollars et est axé sur la sensibilisation et la prévention, la santé et la pratique judiciaire.

De son côté, le Représentant permanent de l'Espagne auprès des Nations Unies, M. Inocencio Arias, a affirmé que la Convention n'est pas seulement un élément à part entière du système juridique espagnol mais qu'elle sert également de référence pour l'élaboration des normes nationales en matière d'égalité.

Dans leurs observations, les expertes ont salué les grands progrès réalisés en Espagne en matière d'égalité. La discrimination positive est utilisée d'une façon judicieuse et les autorités ont très justement reconnu l'importance du rôle de l'éducation et des médias en matière de lutte contre la discrimination, a-t-il été fait remarquer. Forte de ces progrès, l'Espagne pourrait partager son expérience en matière de mise en place de programme d'égalité des chances avec d'autres Etats parties à la Convention, notamment ceux en développement. Plusieurs expertes se sont néanmoins étonnées du manque d'accès des femmes aux postes de responsabilité alors que leur niveau d'éducation ne cesse de s'élever.

Cet après-midi, à partir de 15 heures, le Comité poursuivra son dialogue avec l'Etat partie.

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EXAMEN DES TROISIEME ET QUATRIEME RAPPORTS PERIODIQUES DE L'ESPAGNE

Rapports (CEDAW/C/ESP/3 et CEDAW/C/ESP/4)

L'Espagne a ratifié la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes en 1983. Le Troisième rapport rend compte des mesures prises et des changements correspondants intervenus entre 1991 et mars 1996. Le Quatrième rapport analyse la période 1995-1998.

Selon le Troisième rapport, des modifications ont continué à être apportées dans le cadre juridique espagnol - par le truchement, en partie du Premier Plan en faveur de l'égalité des chances pour les femmes (1988-1990) approuvé par décision des ministres le 25 septembre 87, et en partie du Deuxième Plan en faveur de l'égalité des chances pour les femmes (1993-1995), approuvé le 15 janvier 93. D'autre part, le développement de l'autonomie conformément à la Constitution a permis de mettre en place un réseau d'organismes autonomes chargés de la condition de la femme qui, dans de nombreux cas, ont élaboré leur propre plan en faveur de l'égalité des chances pour les femmes. L'Institut de la femme, créé dès 1983, a élaboré un "Code de la femme" qu'il a publié en 1992 et que renferme toutes les dispositions législatives en vigueur à la date du 30 juin 1991. Dans son introduction, le Quatrième rapport donne des précisions sur le fonctionnement de cet Institut, chargé d'appliquer les propositions et politiques en matière d'égalité définies dans les plans pour l'égalité des chances entre hommes et femmes. Il coopère à cet égard avec les communautés autonomes par la biais de la Conférence sectorielle de la femme, que préside le Ministre du travail et des affaires sociales (dont relève l'Institut) et aux travaux de laquelle participent le Ministère de la fonction publique ainsi que les 17 communautés autonomes.

Dans ses données générales, le Quatrième rapport indique qu'en 1991, date de la dernière enquête, les femmes constituaient 51% de la population en Espagne, et qu'il y a proportionnellement moins de femmes dans les zones rurales que dans les zones urbaines. Depuis l'adoption de la loi sur le divorce en juillet 1981, le nombre des jugements de séparation et de divorce a augmenté progressivement. Dans 86,85% des cas, les familles monoparentales sont dirigées par des femmes, qui consacrent par ailleurs sept fois plus de temps que les hommes aux tâches domestiques proprement dites. En matière d'éducation, le nombre de femmes analphabètes en Espagne est de 895 200, contre 361 100 pour les hommes. Les femmes constituent cependant le groupe d'étudiants le plus nombreux; elles représentent 46,82% des titulaires d'un doctorat et 57,48% du corps enseignant.

Malgré l'intégration progressive des femmes au marché du travail ces dernières années, leur nombre reste faible par rapport à celui des hommes. Le taux d'activité féminine a augmenté pour se situer actuellement autour de 37,2%, ce qui fait toujours un écart de 26,18% par rapport au taux d'activité

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masculine. Le secteur des services (qui emploie 80% des femmes espagnoles) est celui où les écarts entre hommes et femmes sont les moins prononcés. Il y a plus de femmes employées dans le secteur public que dans le secteur privé, et le salaire moyen des femmes est inférieur d'environ 30% à celui des hommes.

En matière de santé, le rapport note que l'espérance de vie des femmes continue d'augmenter (81,03 ans contre 73,28 ans pour les hommes). Les cas de décès les plus fréquents chez les femmes sont imputables à des troubles de l'appareil circulatoire, des tumeurs ou des maladies respiratoires. Le rapport note en outre qu'il y a eu plus de 51 000 interruptions volontaires de grossesse en 1996. Le nombre d'avortements chez les adolescentes âgées de 15 à 19 ans a considérablement augmenté, passant de 6 272 en 1993 à 7 211 en 1996. Par ailleurs, les femmes constituent un peu plus de 16% du total de la population traitée pour addiction aux drogues. Elles représentent aussi un peu plus de 18% des cas de sida diagnostiqués, un chiffre en augmentation progressive depuis 1989.

Pour ce qui est de la vie publique, le rapport note que le taux de représentation des femmes n'atteint 50% dans aucun des partis politiques et que leur participation à la vie politique, qui augmente progressivement, demeure faible aux niveaux international, national et local. Si on inclut les enseignants, la fonction publique a plus de fonctionnaires femmes que de fonctionnaires hommes. Des nuances existent toutefois : dans la hiérarchie A, qui est la plus élevée, elles ne sont que 29,48%, alors que dans la hiérarchie D, correspondant au corps auxiliaire, elles représentent 52,9% des effectifs. A peine 30% des permis de travail délivrés à des personnes d'origine étrangère le sont à des femmes, qui sont originaires pour la plupart de pays en développement. Les femmes représentent 10% de la population carcérale. Par ailleurs, le nombre de cas de sévices exercés par les maris sur leur femme a augmenté progressivement ces dernières années, tout comme le nombre de cas de délits et d'atteinte à la liberté sexuelle.

Au cours de la période 1996-1998, les organisations non gouvernementales ont augmenté les fonds alloués aux programmes en faveur de l'insertion sociale des femmes, de leur formation à l'emploi et au travail indépendant, de l'alphabétisation et de l'éducation de l'aide aux femmes victimes de violences, de la prévention des maladies et de l'amélioration de la santé ainsi que de l'information, de la diffusion et de la protection de l'exercice de leurs droits fondamentaux. Au cours de la même période, des ressources ont été allouées à 354 entités et organisations non gouvernementales pour l'exécution de 604 programmes en faveur de l'insertion sociale des femmes. Les familles monoparentales ont bénéficié d'une protection sociale; les femmes gitanes et les femmes rurales ont également reçu une assistance. Le rapport note encore que les données générales indiquent qu'au cours de la période considérée, les ressources budgétaires, humaines et matérielles ont été sensiblement accrues pour assurer l'égalité des chances entre hommes et femmes en Espagne, conformément aux engagements pris par le Gouvernement espagnol et au texte de la Convention.

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Le principe de la non-discrimination fondée sur le sexe est expressément posé dans la Constitution espagnole, et l'Espagne a signé et ratifié les instruments internationaux qui consacrent et garantissent le principe d'égalité entre hommes et femmes. Une des nouveautés du Code pénal de mai 1995 est d'avoir érigé le harcèlement sexuel en délit d'agression sexuelle. A l'heure actuelle, peu de plaintes sont déposées à ce sujet. Concernant la prostitution, la nouveauté consiste à dénoncer expressément toute personne qui incite un mineur ou un handicapé à la débauche. Les dispositions du nouveau Code pénal ont aussi apporté une nouveauté en qualifiant de délit les cas graves de discrimination sur le lieu de travail fondée notamment sur l'idéologie, la religion, la race, le sexe ou l'orientation sexuelle. Le rapport fait également référence à un avant-projet de loi organique portant sur la réforme du Code pénal et la loi de procédure criminelle en matière de protection des victimes de mauvais traitements, actuellement en cours d'élaboration. En matière de législation du travail et afin de déterminer les professions ou les fonctions où les femmes sont sous-représentées, l'Espagne a adopté l'Ordonnance du 16 septembre afin d'encourager l'emploi stable des femmes dans des métiers et des professions à faible indice d'emploi féminin. Pour ce qui est du droit du travail, un avant-projet de loi a été adopté en vue de permettre aux travailleurs de concilier leurs responsabilités professionnelles et familiales. Il vise notamment à éliminer la discrimination à l'égard des femmes en matière de recrutement et à protéger la maternité en tant que fonction sociale. En août 1998, le taux de chômage s'élevait à 26,65% pour les femmes, contre 13,94% pour les hommes. Le marché de l'emploi a évolué positivement en 1997 et 1998 par rapport à 1996, grâce aux réformes introduites dans le droit du travail au cours des deux dernières années, ainsi qu'à la restructuration observée dans le secteur du travail à temps partiel.

Le 8 mars 1997, le Gouvernement espagnol a approuvé le Troisième Plan pour l'égalité des chances entre les femmes et les hommes, qui vise à promouvoir les politiques en faveur de l'égalité des chances et du progrès social des femmes, sur la base des engagements contractés à la quatrième Conférence mondiale sur les femmes de Beijing, et en s'appuyant sur les orientations définies dans le Quatrième Plan d'action communautaire. Ce Troisième Plan définit pour la période 1997-2000 un total de 25 objectifs et 192 mesures correspondant à 10 domaines d'action : éducation, santé, économie et emploi; pouvoir et prise de décisions; image de la femme dans les médias; environnement; violence; exclusion sociale; femmes vivant ou travaillant dans les zones rurales; et coopération. Le rapport détaille le contenu de ce Troisième Plan en les mettant en rapport avec les articles de la Convention.

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Rapport du Groupe de travail présessions (CEDAW/C/1999/II/CRP.1/Add.3)

Le Groupe dit avoir constaté que d'importants progrès ont été réalisés dans l'application de la Convention en Espagne, notamment en ce qui concerne l'adoption de mesures juridiques et de politiques appropriées. Il souhaite savoir quel a été l'effet du Troisième Plan d'action en faveur de l'égalité des chances pour les femmes, approuvé en 1997, et dans quelle mesure ses objectifs ont été atteints, notamment en ce qui concerne la lutte contre la violence à l'égard des femmes. Est-il possible de préciser la répartition, par classe d'âge, des victimes de viols ? Les travailleuses migrantes sont-elles davantage exposées ?

Abordant le thème de la participation des femmes à la vie politique et à la prise de décisions publiques, le Groupe demande à la délégation espagnole de décrire les mesures adoptées pour réduire l'écart entre hommes et femmes : établissement de quotas, fixation de délais pour la mise en application des mesures correctives, etc. Par ailleurs, face à la hausse du nombre d'avortements chez les adolescentes, le Groupe demande si les autorités ont mis en place des programmes spécifiques, et souhaite obtenir des informations complémentaires sur l'usage des contraceptifs.

Les expertes du Groupe de travail ont demandé des informations supplémentaires sur les articles 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 10, 11, 12, 14 et 16 de la Convention.

Présentation des rapports par l'Etat partie

Introduisant les rapports périodiques, le Représentant permanent de l'Espagne auprès des Nations Unies, M. INOCENCIO ARIAS, a rappelé que la Constitution actuellement en vigueur en Espagne a été adoptée en 1978 et représente le cadre juridique sur lequel se fonde l'ensemble des réformes visant à garantir l'Etat de droit et la démocratie ainsi que l'égalité entre les hommes et les femmes. Dans ce cadre, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes ne constitue pas seulement un élément à part entière du système juridique, mais sert également de référence pour l'élaboration des normes nationales en matière d'égalité. Le Gouvernement espagnol s'inspire aussi des conférences mondiales, telles celles de Vienne, du Caire et de Beijing, pour encourager l'intégration d'une perspective sexospécifique dans tous les programmes et politiques publics. Les programmes d'action adoptés lors de ces conférences ont notamment servi de référence dans la formulation du Plan national pour l'égalité des chances. L'Espagne en est actuellement à l'application de son Troisième Plan pour l'égalité des chances, qui s'étend jusqu'à l'an 2000. C'est l'Institut national de la femme, organisme responsable de la promotion des politiques d'égalité des chances dans le pays, qui a été chargé de la liaison entre les différents départements et administrations du Gouvernement et entre les ONG lors de la rédaction des présents rapports, a précisé encore M. Arias.

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Présentant en détail les Troisième et Quatrième rapports de son pays couvrant la période 1990-1998, Mme CONCEPCION DANCAUSA, Directrice générale de l'Institut national de la femme de l'Espagne, a rappelé qu'en accord avec la Constitution, la question de l'égalité entre hommes et femmes incombe à plusieurs entités en Espagne : l'Etat, les communautés autonomes - chacune des 17 communautés espagnoles possède un organisme chargé de l'égalité - et les districts, qui ont créé des conseils de la femme. L'Institut de la femme est l'organisme responsable de la promotion des politiques gouvernementales en matière d'égalité. Il est composé d'un Conseil de direction, où travaillent un certain nombre d'Organisations non gouvernementales, et d'une Direction générale, qui regroupe des départements chargés des relations internationales et des contacts avec les médias. L'Institut accorde des subventions aux ONG pour la réalisation de leurs programmes. Entre 1991 et 1998, 1 619 projets ont ainsi été soutenus financièrement à hauteur de 70 millions de dollars. De son côté, le Gouvernement espagnol a élaboré des Plans d'égalité des chances. Le Premier de ces Plans, élaboré pour la période 1988-1990, avait pour principal objectif d'établir une égalité juridique. Le Deuxième Plan (1993-1995) comprenait des programmes précis en matière d'éducation, de formation professionnelle ou encore de santé. Le Plan actuellement en vigueur prévoit lui aussi des programmes spécifiques : promotion des femmes rurales, lutte contre la violence, emploi, prises de décision.

L'éducation et l'insertion des femmes espagnoles dans le monde universitaire et le monde du travail sont des priorités pour le Gouvernement espagnol. Toutes les fillettes sont aujourd'hui scolarisées et les femmes sont majoritaires à l'université.

La Loi organique de 1990 sur l'enseignement prévoit l'égalité effective entre les sexes, et vise notamment à effacer les stéréotypes dans le matériel d'enseignement. Des matières spéciales telles que "rôle social des femmes et des hommes" ont aussi été ajoutées aux cursus. Des stages ont été organisés pour sensibiliser le corps professoral à cette question, et éviter l'utilisation de langage sexiste pendant les cours. Des mesures ont aussi été prises pour orienter les jeunes filles vers des domaines d'enseignement où les femmes sont peu présentes. Depuis la création de l'Institut de la femme, un certain nombre d'études et de programmes de recherches ont été menés grâce à un budget important, qui a doublé entre 97 et 99. Les progrès en matière d'éducation ont été significatifs ces dernières années en Espagne, où l'on constate que la population espagnole de plus de 16 ans est de plus en plus éduquée. Les statistiques montrent que la population la moins éduquée a diminué de 2 millions de personnes entre 1990 et 1998. Le niveau d'étude de la population féminine était inférieur à celui de la population masculine en 1990. Les différences se sont considérablement réduites et les femmes constituent aujourd'hui la majorité des élèves inscrits dans le secondaire et dans le supérieur. Pour ce qui est de la formation professionnelle,

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on constate que certains secteurs restent très féminisés comme le travail ménager, la coiffure, l'esthétique et les métiers de la santé, la population masculine demeurant pour sa part largement majoritaire dans des domaines tels que l'automobile, l'électronique, la travail du métal, les mines ou le bâtiment. D'une manière générale, les femmes sont majoritaires en lettre mais minoritaires en sciences et techniques. Toutefois, les deux branches où la proportion de la population féminine a le plus augmenté ces dernières années sont les études techniques et les sciences expérimentales.

Pour ce qui est de l'emploi, les femmes, bien que de mieux en mieux préparées au marché du travail, continuent d'être défavorisées par rapport aux hommes. Cette question constitue d'ailleurs l'une des priorités du Gouvernement qui a lancé deux plans d'action : l'un pour l'égalité, l'autre pour l'emploi. Ce dernier vise notamment à améliorer l'esprit d'entreprise, la capacité d'adaptation des travailleurs et des entreprises et à renforcer la politique d'égalité des chances. Dans les programmes organisés par l'Agence nationale pour l'emploi espagnole, 60% des postes sont réservés aux femmes. Parmi les mesures protégeant plus spécifiquement les femmes au travail, Mme Dancausa a fait savoir qu'un licenciement ou l'extinction d'un contrat pendant une grossesse ou pendant les congés parentaux est nulle et non avenue. Depuis 1996, l'emploi a augmenté et le chômage a diminué en Espagne. Le taux d'activité des femmes est passé de 34% en 90 à 38% en 98; leur taux de chômage est passé de 24% en 1990 à 27% en 1998. Toutefois, au cours des deux dernières années, le taux de chômage féminin a baissé d'environ 3%. Les femmes constituent une minorité très nette parmi les travailleurs employés à temps complet mais la situation évolue : le pourcentage de femmes travaillant à temps partiel est en recul; il est passé de 78% à 76% entre 1990 et 1998.

Mme Dancausa a expliqué ensuite qu'outre l'éducation et l'emploi, le Gouvernement espagnol cible aussi ses efforts sur la prise de décision des femmes, car même si la participation des femmes à la vie politique est en constante augmentation, un déséquilibre évident demeure, tant quantitatif que qualitatif. Cette situation est due dans la plupart des cas à la persistance des comportements traditionnels, voulant par exemple que les postes de direction et de responsabilités soient réservés aux hommes. Pour renforcer la présence féminine aux postes aux fonctions de haut niveau, le Gouvernement a pris plusieurs mesures. Il a fallu dans un premier temps identifier quels sont les obstacles à la participation des femmes à la prise de décisions, puis de mettre en place un processus de sensibilisation du public, ce qui, par exemple, a été fait récemment par le biais d'une campagne radio et télé. Les autorités appuyent également des programmes de formation des femmes. Il en est résulté que lors des dernières élections législatives, le pourcentage de femmes élues a sensiblement augmenté (passant de 15 à 22%). L'augmentation a été encore plus forte au Parlement européen, où dans le Parlement sortant 33% des sièges réservés à l'Espagne étaient occupés par des femmes (contre 15% lors de la précédente législature). La tendance se poursuit puisque lors

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des élections européennes qui se sont déroulées dimanche dernier, le nombre de candidates inscrites sur les listes de tous les partis était encore en augmentation, a précisé la Directrice. La fonction publique a connu la même "féminisation" puisque désormais 45% des fonctionnaires sont des femmes, contre 35% en 1990. Le problème est que les femmes restent pour l'instant cantonnées aux échelons inférieurs, y compris pour celles qui travaillent dans l'enseignement. Le même phénomène se retrouve dans le secteur privé où l'on constate que plus la taille de l'entreprise est grande, plus les femmes ont des difficultés à accéder aux postes de responsabilité. Mme Dancausa a estimé cependant que le pays connaît un transformation sociologique importante en faveur des femmes, et elle en a pris pour preuve le fait que, pour la première fois, une femme a été désignée Présidente du Sénat et que 6 des villes les plus importantes du pays sont dirigées par des femmes.

Passant ensuite au problème de la violence à l'égard des femmes, la Directrice de l'Institut national de la femme a indiqué que dans ce domaine, les autorités espagnoles ont aussi consenti d'importants efforts. Ainsi le 1er mai dernier a été adoptée une loi organique sur les délits contre la liberté et l'intégrité sexuelle portant modification du Code pénal. Désormais les délits sont définis de manière plus précise, tenant compte notamment de l'âge de la victime. La notion de détournement de mineurs a été réintroduite et les délits liés au trafic des personnes à des fins de prostitution et au harcèlement sexuel ont aussi été révisés. Parallèlement, en 1998, le Gouvernement a adopté le Plan d'action contre la violence domestique (1998-2000), qui est le résultat d'un processus de concertation nationale, entre les institutions, les ONG, les entités en prise directe avec le phénomène de la violence et l'ensemble de la société civile. Le Plan adopte une approche globale et tient compte de tous les agents concernés par la violence. Le budget alloué est de 70 millions de dollars et les domaines prioritaires d'action sont la sensibilisation et la prévention, l'éducation et la formation, la santé, la législation et la pratique juridique, y compris l'investigation, et les infrastructures sociales. Ainsi de 1990 à 1998, le nombre de dénonciations pour mauvais traitement est passé de 15 000 à plus de 20 000 et le nombre de décès de femmes suite à des violences conjugales a diminué de 46%.

Outre ces 4 domaines d'action principaux, le Gouvernement espagnol a identifié un certain nombre de secteurs jouant un rôle important dans l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, a indiqué ensuite Mme Dancausa. Ainsi une attention particulière est accordée aux médias. L'Observatoire de la publicité, par le biais d'une ligne téléphonique gratuite et d'un Conseil d'évaluation de l'image des femmes dans les médias, s'attache à faire disparaître les messages publicitaires discriminatoires ou sexistes. Des études visant à intégrer les femmes dans tous les médias ont aussi été réalisées. Les autorités espagnoles prennent également en compte la situation particulière des femmes rurales. Mme Dancausa a précisé que les zones rurales

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connaissent en ce moment un phénomène d'exode, se traduisant notamment par le fait que les jeunes femmes rurales recherchent davantage une activité professionnelle sans relation avec l'agriculture ou l'élevage. Les statistiques révèlent que 52% des femmes rurales sont actives. En revanche, le nombre de femmes chef d'exploitation est faible (environ 25%). Les obstacles majeurs rencontrés par les femmes sont l'insuffisance de leur formation, le chômage et le sous-emploi, et la faiblesse des infrastructures sociales. Dans ce domaine également, le Gouvernement s'efforce d'intégrer une perspective sexospécifique. En collaboration avec les ONG, des programmes de formation des femmes agricultrices sont mis en place. La création de coopératives nationales de femmes rurales est encouragée et des centres de formation destinés aux femmes rurales reçoivent une assistance financière.

La Directrice de l'Institut de la femme a expliqué qu'il existe en Espagne une tendance à la paupérisation des femmes, qui entraîne leur exclusion sociale. Les femmes les plus vulnérables, a-t-elle indiqué, sont les immigrées, les gitanes, les prostituées, les toxicomanes, les femmes atteintes du VIH/sida et celles ayant seules la charge d'une famille. Le Gouvernement a, pour combattre l'exclusion, dirigé son action vers la mise en oeuvre de programmes spécifiques et un soutien financier accru aux organisations non gouvernementales qui s'occupent de ces femmes. Les autorités espagnoles ont également pris un certain nombre de mesures pour améliorer la santé des citoyennes, qui prennent en compte non seulement la santé physique mais également le bien-être émotionnel et social des femmes. Pour améliorer les secteurs sanitaires déficients, un Plan global de soin à la femme a été adopté en 1998. Ce Plan se fonde sur 4 axes principaux : la prévention des cancers gynécologiques, la maternité et les soins postnataux, la ménopause et l'information sur les méthodes contraceptives ainsi que la prévention des grossesses non désirées, notamment pour les adolescentes.

Mme Dancausa a estimé en conclusion que la décision de mettre en place des politiques en faveur des femmes dont la problématique est parallèlement incorporée à des programmes spécifiques, a permis d'intégrer la notion d'égalité de manière transversale et a constitué un changement radical dans la façon dont les autorités publiques appréhendent la promotion de la femme.

Observations et question des expertes

L'experte de l'Italie, Mme IVANKA CORTI, a félicité la délégation pour la qualité de ses rapports et de la présentation verbale de Mme Dancausa, riche en informations. Cela reflète le rôle décisif joué par l'Espagne, notamment à travers l'Union européenne, en matière d'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Cette question n'intéresse pas que les femmes mais la société tout entière, et relève de l'autorité de l'Etat. Comme indiqué dans la Constitution, les principes d'égalité sont considérés comme essentiels en Espagne, a rappelé l'experte, saluant les travaux de l'Institut de la femme

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créé l'année même de l'adhésion de l'Espagne à la Convention. La discrimination positive est utilisée de façon judicieuse, notamment dans le domaine de l'emploi, et les autorités ont très justement reconnu l'importance du rôle de l'éducation et des médias dans la lutte contre la discrimination. Mme Corti a demandé quels sont les liens existant entre l'Institut de la femme et les autres institutions chargées de l'égalité des chances au niveau des régions. Rappelant qu'une majorité de femmes travaille à temps partiel, l'experte a souhaité avoir des précisions quant à la politique économique menée en Espagne. Les femmes sont aujourd'hui majoritaires à l'université, mais elles occupent moins de positions de pouvoir, de postes élevés, a aussi fait remarquer l'experte.

Mme CHARLOTTE ABAKA, experte du Ghana, a demandé dans quelle mesure le Gouvernement espagnol pourrait aider les pays en développement qui sont en train de se doter de programmes d'égalité des chances, à travers des séances de formation par exemple. Les enfants de la minorité castillane peuvent-ils recevoir une éducation dans leur propre langue ? a aussi demandé l'experte.

Saluant à son tour les progrès de l'Espagne en matière d'égalité entre hommes et femmes, Mme FERIDE ACAR, experte de la Turquie, a toutefois fait remarquer que beaucoup reste à faire au quotidien. L'experte estime que favoriser l'emploi à temps partiel des femmes n'est pas forcément une bonne chose pour parvenir à l'égalité dans le monde du travail. En outre, le fait que les femmes ont peu accès aux postes de responsabilité montre qu'une discrimination persiste. Qu'en est-il du travail domestique en Espagne ? A-t-on souvent recours aux employés de maison, espagnols ou étrangers ? a demandé l'experte.

L'experte de la Nouvelle-Zélande, Mme SILVIA CARTWRIGHT, a estimé que les rapports montrent clairement à quel point les dispositions législatives et les politiques en faveur des femmes ont évolué en Espagne. Aujourd'hui, alors que toutes les mesures législatives nécessaires ont été prises, l'Etat partie est parvenu à une étape où il lui sera plus difficile de garantir l'égalité de faits entre les hommes et les femmes. L'experte a indiqué que l'Espagne pouvait avoir un véritable rôle de modèle pour de nombreux Etats parties à la Convention. Elle a regretté en revanche le manque d'information relative à la discrimination indirecte dont les femmes âgées pourraient être victimes. Compte tenu de leur espérance de vie supérieure à celle des hommes, il y a de plus en plus de femmes veuves. Or, ces dernières sont encore dans une large partie analphabètes et ont donc été employées dans des tâches peu rémunérées ou encore à temps partiel. Comment un montant satisfaisant d'allocation retraite leur est-il assuré ? Rappelant aussi que les violences et les sévices à l'égard des femmes âgées augmentent, l'experte a demandé si le Gouvernement espagnol a pleinement conscience de l'existence de ce problème et s'il met au point une politique coordonnée en faveur de cette catégorie de femmes. Elle a fait observer que le rôle de modèle pour les pays en développement faisait peser sur l'Espagne une responsabilité encore plus lourde dans ce domaine.

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