FEM/1076

LA GRAVE CRISE ECONOMIQUE ET FINANCIERE EMPECHE LE GOUVERNEMENT DE LA GEORGIE DE PRENDRE DES MESURES SPECIFIQUES EN FAVEUR DES FEMMES

9 juin 1999


Communiqué de Presse
FEM/1076


LA GRAVE CRISE ECONOMIQUE ET FINANCIERE EMPECHE LE GOUVERNEMENT DE LA GEORGIE DE PRENDRE DES MESURES SPECIFIQUES EN FAVEUR DES FEMMES

19990609 La Géorgie présente son rapport initial aux expertes du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a entamé, ce matin, l'examen du rapport initial de la Géorgie sur les mesures prises par le Gouvernement pour appliquer les dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Mme RUSUDAN BERIDZE, Vice-Secrétaire du Conseil national de Sécurité de la Géorgie pour la défense des droits de l'homme et Présidente de la Commission d'Etat sur l'élaboration d'une politique d'Etat pour la promotion des femmes a présenté ce rapport.

La grave crise économique et financière qui frappe la Géorgie comme nombre de pays de l'ancien bloc soviétique depuis le deuxième semestre 1998, le passage à l'économie de marché sont autant de facteurs ayant contribué à la détérioration de la situation des femmes, a expliqué Mme Beridze. Les femmes géorgiennes ont en particulier du mal a accéder aux postes de responsabilité dans les entreprises et l'on constate que malgré le processus de privatisation, très peu d'entre elles sont chefs d'entreprise. Le chômage les touche particulièrement, surtout pour les plus diplômées d'entre elles, et dure en moyenne trois ans. Les difficultés économiques ont également favorisé la toxicomanie, la prostitution et fait augmenter le nombre de cas de violence à l'égard des femmes. La situation s'est également dégradée pour elles en matière de santé. Le nombre des avortements reste élevé et les taux de mortalité maternelle et infantile sont en augmentation. Mme Beridze est également revenue sur le problème des déplacements de population liés au conflit en Abkhazie. Les réfugiés, parmi lesquels figurent une majorité de femmes et d'enfants, pèsent lourdement sur l'Etat géorgien, a-t-elle déclaré.

Formulant ensuite des commentaires et posant des questions supplémentaires, les expertes du Comité ont félicité l'Etat partie de la franchise dont il a fait preuve dans son rapport, qui ne cherche nullement à voiler la réalité. Elles ont cependant relevé une certaine complaisance et un relatif manque de volonté politique du Gouvernement géorgien, qui invoque trop souvent la crise budgétaire pour expliquer l'absence d'actions spécifiques en faveur des femmes et de mécanismes de contrôle. Plusieurs expertes ont jugé que le rapport témoignait d'une mauvaise compréhension de la notion de discrimination à l'égard des femmes de la part de l'Etat partie.

Le Comité poursuivra son examen du rapport initial de la Géorgie, cet après-midi, à partir de 15 heures.

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Examen du rapport initial de la Géorgie

Rapport (CEDAW/C/GEO/1)

Ce rapport, en date du 10 mars 1998, rend compte des mesures concrètes prises par le Gouvernement géorgien pour appliquer les dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, à laquelle il a adhéré le 22 septembre 1994.

En Géorgie, les principaux organes gouvernementaux dont relèvent les problèmes abordés dans la Convention sont le Ministère de l'éducation, le Ministère de la santé, le Ministère de l'intérieur, le Ministère de la protection sociale, du travail et de l'emploi et le Ministère des réfugiés et de la réinstallation. Le pays compte également une soixantaine d'organisations non gouvernementales qui s'occupent à divers titres des problèmes des femmes, mais ne compte pas d'organisations féministes à proprement parler. Dans la mesure où la Géorgie n'a pas encore adopté de programme national d'élaboration des politiques de défense des droits des femmes, elle n'a pas de système de surveillance de l'application des dispositions de la Convention.

La Constitution dispose que toutes les personnes sont de naissance libres et égales devant la loi, sans distinction de race, de couleur, de langue, de sexe, de religion, d'opinion politique et de toute autre opinion, d'origine nationale, ethnique ou sociale, de fortune, de classe ou de domicile. Il n'existe pas actuellement de formation sur les questions de parité entre les sexes à l'intention des fonctionnaires. En règle générale, indique en outre le rapport, il n'est pas appliqué de mesures provisoires spéciales visant à garantir la promotion des femmes dans divers domaines de la vie publique. Cela s'explique par le fait que la législation contient déjà des garanties concernant l'égalité entre les hommes et les femmes.

En Géorgie, le système d'enseignement ne comporte pas de programmes spéciaux ayant pour objet d'éliminer les stéréotypes négatifs concernant le rôle des femmes dans la famille et la société car il est généralement considéré dans le pays que les problèmes de ce type sont peu répandus. Dans le domaine de l'emploi, aucune discrimination en fonction du sexe n'est tolérée. Conformément à la législation pénale, contraindre une femme à des relations sexuelles, notamment dans l'exercice de fonctions officielles, est un délit puni par la loi. Les pratiques de polygamie, de la dot apportée par la famille de la fiancée, de la répudiation de la femme par son époux, etc., n'existent pas dans la société géorgienne. Le rapport indique par ailleurs que la forte détérioration de la situation économique et sociale dans le pays après 1991 est l'une des causes principales de l'extension de la prostitution féminine qui, conformément à la législation en vigueur, n'est pas en tant que telle considérée comme un délit. Ces derniers temps, le tourisme sexuel s'est répandu dans le pays.

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La législation géorgienne contient des dispositions garantissant l'égalité des hommes et des femmes pour ce qui concerne la jouissance de tous les droits civils et politiques. Toutefois, les femmes occupant des postes de responsabilité ou assumant des fonctions de haut niveau dans les organes des pouvoirs législatif et exécutif sont peu nombreuses. Au total, 16 femmes sont membres du Parlement, une femme est ministre et une autre dirige l'administration de district. Soixante-dix juges sont des femmes, ce qui représente 48% de l'ensemble du corps des magistrats. Les femmes sont largement représentées dans les partis politiques et autres organisations sociales. La législation géorgienne ne contient aucune limitation concernant la nomination des femmes à des postes diplomatiques, et les critères limitant l'attribution de la citoyenneté ne sont en aucune façon liés au sexe.

Dans le cadre des programmes d'enseignement ou de formation professionnelle, les femmes disposent de possibilités égales à celles des hommes en matière de recyclage et de choix d'une profession. A l'initiative du Conseil des femmes de Géorgie, l'association "Amagdari" visant à promouvoir l'emploi des femmes, a été créée en mars 1996. Elle a notamment pour but d'assurer un travail à domicile aux femmes sans emploi et sans protection sociale, de créer de nouveaux postes de travail par l'organisation de petites entreprises ou encore de mettre en place des mécanismes facilitant leur réinsertion sociale et professionnelle. La Loi sur l'emploi, adoptée en 1991, stipule que tous les Géorgiens ont droit au travail. Pour les femmes, le Code du travail prévoit notamment une limitation du travail de nuit et des heures supplémentaires, des affectations à des tâches moins pénibles pour les femmes enceintes ayant des enfants de moins de 18 mois ainsi qu'un congé de maternité et un congé parental d'éducation. Un titre spécial du Code du travail réglemente l'emploi des mineurs, l'âge minimum d'accès au travail étant de 14 ans. Les femmes représentent 53% des actifs en Géorgie; 46% d'entre elles travaillent actuellement, dont 23% occupent un emploi à temps partiel. La grande majorité des femmes sont employées dans l'agriculture (81,3%). Le rapport souligne également que depuis le début de la transition, le niveau d'emploi des hommes est plus stable que celui des femmes; celles-ci s'adaptent avec difficulté aux nouveaux modes de gestion économique et 292 400 sont au chômage. Le taux élevé de chômage féminin s'explique en partie par la fermeture d'entreprises dans les industries légères, agroalimentaire et chimique, qui avaient toujours employé une main-d'oeuvre féminine importante. En outre la réforme des secteurs de la santé et de l'éducation a privé de nombreuses femmes de leur emploi, et des études montrent que les femmes ne participent pratiquement pas à la gestion des entreprises. Bien qu'il n'a pas été constaté d'infractions graves aux droits des femmes en matière de travail, on peut cependant supposer qu'il s'en est commis dans le secteur privé car celui-ci n'est pas encore réglementé. La législation ne protège d'ailleurs pas les femmes qui accomplissent des travaux domestiques non rémunérés. Le volet principal du Programme national pour l'emploi, dont l'élaboration est en cours, porte sur l'emploi des femmes et l'amélioration de leurs conditions de travail.

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En matière sanitaire, le rapport note que la pratique des interruptions volontaires de grossesse est un problème grave en Géorgie. En 1996, on a recensé 24 136 avortements, dont 1 277 parmi les mineures. L'année suivante, des poursuites pénales ont été engagées contre quatre personnes accusées d'avoir pratiqué des avortements clandestins. D'une façon générale, les difficultés socio-économiques et politiques que connaît le pays expliquent la dégradation des indicateurs de la santé des femmes et des enfants : la natalité diminue, tandis que les taux de mortalité maternelle et infantile augmentent à nouveau dans tout le pays. Depuis mai 1996, le Ministère de la santé met en oeuvre un programme de lutte contre la toxicomanie, qui constitue un problème majeur dans le pays. En outre, d'après les données du Ministère de l'Intérieur, de plus en plus de femmes se livrent au trafic de stupéfiants : elles étaient 111 en 1997 contre 54 en 1996.

Selon les chiffres du Département d'Etat des statistiques en Géorgie, 1 069 000 femmes, soit 25% de la population vivent dans les zones rurales; elles représentent 42% de la main-d'oeuvre agricole. Le rapport indique que la femme a le droit d'ester en justice en son propre nom et, pour ce qui est du mariage, cite la Constitution stipulant que "le mariage en tant qu'union de plein gré est fondé sur l'égalité des droits des conjoints". Les différends entre conjoints qui ne peuvent être réglés d'un commun accord sont portés devant les tribunaux, sans aucune discrimination fondée sur le sexe. Le divorce à l'initiative de l'un ou l'autre conjoint est autorisé à condition que les procédures prévues soient suivies et ce, quel que soit le conjoint qui entame la procédure de divorce. Des parents divorcés ont le droit de se remarier.

Présentation du rapport par l'Etat partie

Mme RUSUDAN BERIDZE, Vice-Secrétaire du Conseil national de sécurité de la Géorgie pour la défense des droits de l'homme et Présidente de la Commission d'Etat qui élabore la politique pour la promotion des femmes, a présenté le rapport. Elle a informé les expertes des changements intervenus depuis février 1998, date à laquelle le rapport initial a été soumis. Le 27 avril 1999, la Géorgie a fait son entrée au Conseil de l'Europe, une démarche qui devrait lui permettre d'améliorer la situation des droits de l'homme. Toujours en avril dernier, le Parlement a ratifié la Convention des Nations Unies sur l'élimination de toute forme de discrimination raciale. La réforme du système juridique géorgien, qui se poursuit, vise à parvenir à l'indépendance et l'impartialité réelle. Plus de 80% de la magistrature a été renouvelée.

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La crise financière du deuxième semestre 98 a durement touché la Géorgie qui a dû dévaluer sa monnaie, entraînant ainsi une augmentation des prix des produits et services de base. Les fonctionnaires n'ont pas perçu leur salaire pendant plus de six mois, et la dette de l'Etat envers la population s'élevait à la fin de l'année 98 à 45 millions de dollars. La situation des médecins et des enseignants, qui comptent parmi eux un grand nombre de femmes, est particulièrement critique. Les choses se sont améliorées ces trois derniers mois mais des retards de paiement persistent. Peu de femmes ont profité de la privatisation des entreprises pour devenir entrepreneurs : une politique économique globale s'avère indispensable pour développer l'entreprenariat féminin, même si la crise budgétaire empêche pour l'instant le Gouvernement de prendre des mesures en la matière.

Plus de 70 ONG travaillent actuellement à la défense des droits des femmes en Géorgie, soit 10 de plus que le chiffre mentionné dans le rapport. Ces organisations ont publié et diffusé le texte de la Convention en géorgien. La défense des droits des femmes est une priorité en Géorgie, qui s'emploie notamment à donner suite à la Plate-forme d'action de Beijing. Le 18 juin 98, le Président de la Géorgie a adopté un décret visant à améliorer la condition de la femme pour la période 1999-2000. Ce texte prévoit notamment de renforcer la place des femmes dans les prises de décision, de lutter contre la pauvreté, de protéger les femmes contre la violence et de préserver leur santé. La réalisation de ce plan a démarré même si les difficultés économiques risquent de freiner sa mise en oeuvre intégrale. Pour ce qui est de la place des femmes dans la vie publique, les ONG ont lancé un appel pour que les partis politiques présentent des femmes aux élections parlementaires au mois de novembre prochain, sachant qu'elles représentent 60% de l'électorat en Géorgie.

Pendant la période donnée, quatre cas de proxénétisme et plusieurs dizaines de prostituées mineures ont été signalées. Ces dernières ont été reçues dans des centres spécifiques pour les mineurs, nouvellement créés. Le Parlement envisage une modification du Code pénal prévoyant des peines plus sévères pour punir le viol, en particulier envers les mineures. Pour ce qui est du trafic illicite de femmes à l'étranger, l'attention a été portée sur un certain nombre de cas, et le fait que la Géorgie fasse partie de l'Interpol devrait aider les autorités à faire face à ce problème.

Une femme est actuellement à la tête d'un ministère, le Vice-Ministre des affaires étrangères est aussi une femme et on dénombre 12,5% de femmes parmi les députés. L'ambassadeur de la Géorgie en Italie est aussi une femme. Dans la capitale de la Géorgie, les femmes juges sont plus nombreuses que les hommes (24 contre 22). Le principe "travail égal/salaire égal" est théoriquement respecté mais des différences subsistent à hauteur de 12 à 20% au détriment des femmes dans les secteurs de la santé et de l'enseignement.

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La plus grande partie des personnes inscrites au chômage sont des femmes, souvent âgées entre 30 à 40 ans, et la situation des femmes éduquées est particulièrement difficile. Un programme d'emploi, actuellement en cours d'élaboration, visera notamment à améliorer la formation et les conditions de travail des femmes.

Dans le domaine de la santé, le nombre d'avortements reste élevé. Il atteignait 23 403 en 1997. L'an dernier, 5 personnes ont été arrêtées pour avortement illicite. Des efforts sont faits pour faire mieux connaître les moyens de contraception. La natalité diminue, de même que la mortalité infantile. On constate par ailleurs un tendance à l'augmentation du nombre de femmes toxicomanes et de femmes impliquées dans le trafic de stupéfiants. La violence domestique à l'égard des femmes est difficile à évaluer en raison du secret qui entoure généralement ces pratiques. Une ligne téléphonique est prévue à leur intention mais il n'existe pas de lieu spécifique pour recevoir les victimes, qui trouvent traditionnellement refuge auprès de leur famille et de leurs amis. La situation sanitaire dans les prisons, où des cas de tuberculose ont été signalés, reste à améliorer. L'Etat veille toutefois à ce que les conditions de détention des femmes soient acceptables. Au cours des cinq dernières années, il y a eu seulement un cas de morte en prison. Le Président a récemment gracié 170 femmes n'ayant pas commis de crimes graves.

Pour finir, la représentante a tenu à signaler que les conflits internes ont entraîné d'importants déplacements de personnes en Abkhasie, et parmi elles figurent une majorité de femmes et d'enfants. Le processus de rapatriement n'est pas encore engagé et la protection de ces personnes déplacées pèse lourdement sur l'Etat, sachant qu'elles ne payent ni loyer ni impôts. Cette région ne situe de facto hors de la juridiction de la Géorgie, qui n'a pas les moyens de les protéger. Les particularités culturelles de ces régions font qu'il est difficile d'avoir des données précises sur la situation des femmes.

Questions et commentaires des expertes

Faisant des remarques générales au nom du Comité, l'experte de l'Allemagne, Mme HANNA BEATE SCHOPP-SCHILLING, s'est déclarée parfaitement consciente des conditions politiques et économiques difficiles que traverse la Géorgie depuis son accession à l'indépendance. A cette lumière, il est d'autant plus rassurant et louable qu'un Plan national en faveur des femmes ait été élaboré en 1998. En revanche, il est fort inquiétant d'entendre de la part de la délégation géorgienne que les difficultés budgétaires actuelles risquent fortement d'en retarder voire d'en empêcher l'application. Comment ce Plan national est-il mis en oeuvre dans les différents ministères concernés ? a-t-elle demandé. Quels sont les mécanismes de contrôle mis en place pour s'assurer que l'on progresse et que les sommes allouées

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parviennent aux femmes ? Compte tenu du contexte financier du pays, il convient d'examiner le plus concrètement possible ce qui peut effectivement être réalisé, a estimé Mme Schöpp-Schilling. Elle a ensuite félicité l'Etat partie d'avoir adhéré à la Convention sans y émettre de réserves. Concernant le contenu proprement dit du rapport, elle a estimé qu'il ne fournissait pas suffisamment de données statistiques pour permettre de véritablement se faire une idée exacte de la situation des femmes. Existe-t-il en Géorgie un Bureau statistiques dans lequel des personnes seraient particulièrement formées aux questions sexospécifiques ? Mme CHARLOTTE ABAKA, experte du Ghana, a estimé que le rapport faisait ressortir qu'il existe en Géorgie une compréhension insuffisante de la notion de discrimination. Le taux de mortalité maternelle, bien qu'en diminution, demeure encore trop élevé et ce phénomène est révélateur d'une véritable discrimination, a-t-elle estimé. C'est pourquoi, elle a demandé à l'Etat partie de travailler sur ce point. L'experte de Cuba, Mme YOLANDA FERRER GOMEZ, s'est, quant à elle, dite très intéressée par les informations complémentaires fournies ce matin lors de la présentation orale. Selon elle, il est nécessaire que la politique de développement du pays tienne compte de la nécessité d'y faire participer pleinement les femmes, pour garantir à ces dernières l'égalité de fait avec les hommes. Mme Ferrer a demandé des précisions sur les programmes particulièrement destinés aux femmes pauvres qui sont mis en oeuvre en Géorgie. Comment les femmes les plus pauvres reçoivent-elles une aide ? Elle s'est réjouie de la création de la Commission d'Etat sur l'élaboration des politiques pour la promotion des femmes qui devrait permettre à terme d'intégrer la notion de sexospécificité dans toutes les politiques menées par le Gouvernement. Quelles sont les relations entre cette Commission et les différents organes gouvernementaux ? Cette Commission a-t-elle participé à l'élaboration du présent rapport ? Concernant les lois en vigueur, il n'apparaît pas clairement si elles sont effectivement conformes au contenu de la Convention. Il serait par ailleurs nécessaire que le pays diffuse plus largement la Convention, ainsi que les différentes lois en faveur de la promotion et de la protection des femmes, a estimé Mme Ferrer, avant de faire remarquer que le fait qu'il n'y ait eu aucun cas de discrimination porté devant les tribunaux pourrait en fait résulter d'un manque d'information de la part des femmes sur les recours dont elles peuvent bénéficier. Mme YUNG-CHUNG KIM, experte de la République de Corée, s'est réjouie d'apprendre qu'il avait actuellement un projet de traduction de la Convention en géorgien. Mme KIM a demandé des informations plus détaillées sur les organisations non gouvernementales actives dans le pays. Elle a également souhaité savoir jusqu'où le processus préparatoire des programmes en faveur des femmes est allé dans les organes gouvernementaux et juridiques. Compte tenu du pourcentage assez important de femmes travaillant dans le domaine juridique, il serait bon qu'elles bénéficient d'une formation sur les questions sexospécifiques.

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S'exprimant sur l'Article 2 de la Convention, Mme CARMEL SHALEV, experte d'Israël, a demandé si le fait que le rapport ne fasse aucune mention des garanties constitutionnelles existantes contre la discrimination relevait d'une simple omission ou si réellement la discrimination n'était pas condamnée dans la Constitution. Elle a, à son tour, fait remarquer que le fait qu'aucun cas de discrimination n'ait été porté devant les tribunaux ne signifiait pas qu'il n'y a aucune discrimination. Elle a regretté en outre le manque d'informations sur le contenu des lois.

Pour sa part l'experte de l'Italie, Mme IVANKA CORTI, s'est déclarée surprise par l'absence tant dans les lois que dans la Constitution de la Géorgie de toute mention du terme "discrimination". Concernant le rôle de l'ombudsman, Mme Corti a demandé si la protection des droits fondamentaux des femmes relevait également de son mandat. Poursuivant ensuite sur l'Article 3 relatif aux mesures, y compris législatives, pour garantir la jouissance des droits aux femmes, elle a fait remarquer que l'absence d'institution en faveur des femmes participait en quelque sorte à la persistance de la discrimination, et révélait un certain manque de volonté politique. Rien ne montre qu'il y a une réelle volonté politique de se saisir de la question de la situation des femmes, en tant que groupe social distinct, a-t-elle déclaré.

Reprenant la parole pour aborder l'Article 4 portant sur le recours à des mesures temporaires spéciales en faveur des femmes, Mme ABAKA a regretté que le Gouvernement géorgien n'ait, semble-t-il, pas bien saisi la notion et la portée de ces mesures. Ces dernières seraient particulièrement bienvenues dans le domaine de l'emploi et pour lutter contre le chômage des femmes, alors que nombre d'entre elles ont un niveau d'éducation supérieure. Il importe d'utiliser l'article 4 à bon excient.

L'experte du Burkina Faso, Mme AHOUA OUEDRAOGO, abordant l'Article 5 sur l'élimination des préjugés et pratiques coutumières, s'est déclarée fort inquiète par l'institution en Géorgie d'une Journée de la mère. En raison du manque d'informations détaillées sur cet événement, on est porté à croire qu'en fait le rôle traditionnel de la femme est encouragé et que l'on ne lutte pas réellement contre les stéréotypes. Il faudrait que le rapport donne des exemples du contenu des messages diffusés et des types de manifestations organisées ce jour là. Par ailleurs, elle a noté une contradiction entre le fait de chercher à obtenir "une maternité sans risque" et celui de favoriser la femme en tant que mère, puisque l'on sait que ce sont les grossesses à répétition qui sont la plus grande source de risques pour les femmes. En conclusion, elle a fait observer qu'il serait deux fois plus grave encore si cette Journée est effectivement célébrée le 8 mars de chaque année, également Journée de la femme. Mme FERRER, sur le même article, s'est inquiétée du fait qu'il n'existe pas de programmes spéciaux destinés à éliminer les stéréotypes, ni de programmes de formation pour les femmes qui occupent des postes de direction. Dans une société où la tradition patriarcale prévaut,

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il ne faut pas oublier l'influence de ce mode de pensée sur toutes les possibilités de développement de la femme. Abondant dans ce sens, l'experte de la Tunisie, Mme EMNA AOUIJ, a déclaré que la situation de la femme géorgienne découle pour la plus large part des stéréotypes qui persistent dans le pays. Les manuels scolaires sont par exemple un médium idéal pour inculquer très tôt des valeurs égalitaires entre les hommes et les femmes. Il convient donc que les autorités publiques expurgent le plus rapidement possible les matériaux éducatifs employés. La vision inférieure de la femme dans tous les secteurs, que la société présente, est la source de la discrimination dont les femmes sont victimes. Pourtant, a fait observer Mme Aouij, la Géorgie dispose d'un réseau solide d'ONG pour lutter contre cet état de faits. Le pays devrait aussi tirer parti de l'important pourcentage de femmes magistrats et également s'appuyer sur les médias dans ce combat. Pour réaliser tout cela, il faut qu'il y ait une réelle volonté politique. L'experte de la Turquie, Mme FERIDE ACAR, a félicité la Géorgie pour la manière dont elle poursuit sa transition vers la démocratie. Toutefois, elle a insisté sur le fait que la démocratie ne pourra être pleinement atteinte qu'une fois la discrimination à l'égard des femmes éliminée et les stéréotypes combattus. Elle a rappelé, à cet égard, que la ratification de la Convention fait obligation aux Etats parties de lutter contre ces stéréotypes. Elle a demandé des informations sur ce qui a été fait tant sur le plan concret que symbolique pour modifier les attitudes reléguant les femmes au seul rôle de mère. Quelle est l'attitude des dirigeants sur cette question ? Le Gouvernement pourrait par exemple chercher à mettre en place une campagne de communication qui, compte tenu des contraintes financières actuelles, aurait l'avantage d'être peu coûteuse et néanmoins efficace, a suggéré l'experte.

L'experte des Philippines, Mme ROSARIO MANALO, a demandé des précisions sur les conditions de détention en Géorgie. Elle a voulu savoir ce que pouvaient faire les autorités géorgienne pour faire renaître "l'âge d'or" des femmes, qui, présent au cours de l'Histoire, a aujourd'hui complètement disparu. Le Gouvernement a-t-il adopté un plan politique permettant d'intégrer les femmes aux différents aspects de la vie politiques et civile ? a-t-elle demandé. Comment expliquer le fait que les femmes, majoritaires dans le journalisme, la publicité, les métiers juridiques, sont complètement absentes dans d'autres domaines, s'est-elle aussi interrogée.

Abordant le problème de la violence à l'égard des femmes, Mme SILVIA CARTWRIGHT, experte de la Nouvelle-Zélande, a fait remarquer que ce problème concerne l'article 5 de la Convention relatif aux stéréotypes. En cas de conflit interne - et c'est le cas en Géorgie - les violences à l'égard des femmes semblent se multiplier. Une législation spécifique devrait criminaliser le viol au sein du mariage et la violence sexuelle à l'égard des femmes et des fillettes. Il faut aussi se préoccuper de la réhabilitation des délinquants. La police doit être en mesure d'arrêter les auteurs de violence familiale. Un travail d'éducation, de formation est également nécessaire pour sensibiliser les magistrats, les éducateurs, et tous les acteurs de la société à ce problème.

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Mme ROSALYN HAZELLE, experte de Saint-Kitts-et-Nevis, a demandé des précisions sur la Journée du 3 mars. S'agit-il d'une Journée des femmes ou simplement de la fête des mères, a-t-elle demandé. Revenant sur la question de la violence, elle a remarqué que le problème de la violence domestique n'était abordé que succinctement dans le rapport et a demandé des précisions notamment en ce qui concerne la ligne téléphonique destinée aux victimes. Un travail de sensibilisation doit aussi être fait.

Mme YUNG-CHUNG KIM s'est dite préoccupée elle aussi par le fait qu'aucune action n'ait été prise pour retirer les stéréotypes des manuels scolaires.

Sur l'Article 6, Mme CORTI a fait remarquer que la détérioration de la situation économique et sociale constituait une véritable discrimination à l'égard des femmes et était souvent la cause de la prostitution. Toutefois, l'experte a relevé une certaine contradiction dans les textes sur la manière dont les autorités abordent cette question. Il semble d'après le rapport que rien n'est fait pour empêcher les femmes de se rendre à l'étranger pour exercer la prostitution. Certes les conditions économiques expliquent cette situation, mais si l'Etat n'a pas de volonté politique réelle pour lutter contre ce phénomène, les choses ne feront qu'empirer, a-t-elle mis en garde. L'experte du Sri Lanka, Mme SAVITRI GOONESEKERE, s'est dite préoccupée par une certaine complaisance de la part des autorités concernant la prostitution. Ainsi la question de l'exploitation sexuelle des femmes et des mineurs ne semble pas avoir été considérée dans la politique de déréglementation mise en place.

Abordant l'Article 7 sur la participation des femmes à la vie politique et publique, l'experte du Bangladesh, Mme SALMA KHAN, a regretté le manque d'informations relatives à la participation des femmes à la vie publique. Rappelant que le niveau d'éducation des femmes géorgiennes est excellent, elle s'est étonnée de la faible proportion de femmes dans les instances politiques, gouvernementales, et administratives (hormis le système juridique). Or, du point de vue de la Convention, la large participation des femmes à la prise de décision dans les institutions publiques est très importante. Elle a demandé au Gouvernement d'envisager des mesures temporaires spéciales à cette fin. Y a-t-il, par exemple, une loi visant à donner de plus grandes chances aux femmes pour rétablir l'équilibre de représentation hommes/femmes dans les postes décisionnels de l'administration ?

Passant ensuite à l'Article 9 relatif à la nationalité, Mme GOONESEKERE a demandé comment la loi sur la citoyenneté s'applique dans la pratique ? Elle s'est interrogée sur sa pertinence dans la mesure où le pays connaît d'importants problèmes de trafic et des déplacements des femmes.

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Mme SCHOPP-SCHILLING, s'exprimant sur l'Article 11 qui porte sur l'emploi, s'est dite très préoccupée par la situation des femmes dans ce domaine. Elle a demandé à obtenir davantage d'informations permettant d'expliquer comment la situation s'est dégradée. On sait que traditionnellement pour les pays issus de l'ex-bloc soviétique ce sont les femmes qui sont les premières touchées par les réformes liées au passage à l'économie de marché, a-t-elle fait observer. Elle s'est étonnée du fait que le nombre des emplois dans l'éducation a été réduit alors que le nombre d'élèves augmente. S'agissant de la différence de rémunération entre les hommes et les femmes, elle a déclaré que ce phénomène pouvait être lié à la féminisation de certaines professions. On sait ainsi que les professionnels de la santé sont moins rémunérés que les ingénieurs. L'experte a souhaité savoir dans quelle mesure les femmes sont incluses aux programmes d'aide à l'emploi. Elle a insisté pour que les femmes soient prises en compte dans ces programmes à hauteur du pourcentage de chômeurs qu'elles représentent, afin de ne pas créer une discrimination supplémentaire. En matière de discriminations indirectes, Mme Schöpp-Schilling s'est dite inquiète de la persistance de la seule référence aux hommes dans la notion de "chef de famille".

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