L'ONU CELEBRE LA JOURNEE MONDIALE DE LA LIBERTE DE LA PRESSE AUTOUR DU THEME "ERES TURBULENTES : PERSPECTIVES DES GENERATIONS SUR LA LIBERTE DE LA PRESSE"
Communiqué de Presse
PI/1127
L'ONU CELEBRE LA JOURNEE MONDIALE DE LA LIBERTE DE LA PRESSE AUTOUR DU THEME "ERES TURBULENTES : PERSPECTIVES DES GENERATIONS SUR LA LIBERTE DE LA PRESSE"
19990503 La liberté de la presse est la pierre angulaire des droits de l'homme. Elle rend les gouvernements responsables de leurs actes et sert de sonnette d'alarme contre l'impunité et l'illusion, a déclaré le Secrétaire général des Nations Unies dans un message enregistré, à l'occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse. L'argument selon lequel la liberté de la presse est une imposition de l'étranger et non l'expression de l'aspiration de chacun à la liberté, n'est jamais avancé par les peuples eux-mêmes mais par les gouvernements, a poursuivi le Secrétaire général en ajoutant que la liberté d'expression est le véhicule essentiel de l'échange des idées entre nations qui permet une compréhension véritable et une coopération durable.La célébration de la Journée mondiale de la liberté de la presse a été organisée, ce matin, par le Département de l'information des Nations Unies, représentée par le Secrétaire général adjoint aux communications et à l'information, M. Kensaku Hogen, en coopération avec l'ONG "Freedom Forum" et l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO). A cette occasion, une Table ronde a été organisée autour du thème "Eres turbulentes : perspectives des générations sur la liberté de la presse". Cette Table ronde a permis un échange d'idées sur la manière dont sera vécue la liberté de la presse dans le siècle prochain. On a indiqué que la liberté de la presse ne sera acceptée dans tous les pays que le jour où les nations seront parvenues à une acception universelle du concept des droits de l'homme. L'avenir de la presse a également été évoqué dans le contexte de la mondialisation des idées provoquée par Internet. A ce propos, certains participants ont fait observer que cette mondialisation n'a pas répondu aux attentes quant à la diversité des opinions. Les participants se sont aussi penchés sur la question de la couverture des conflits et nombreux sont ceux qui ont souligné l'importance du rôle de "dénonciation" du journaliste en invoquant notamment la situation au Kosovo. Le métier de journaliste a été décrit comme celui de "faire honte aux décideurs".
Les personnalités suivantes ont participé à la Table ronde : Mme Daljit Dhaliwal de l'Independent Television News (ITN); Mme Eugenie Aw du Partenariat Afrique/Canada; M. Cameron Duodu de The Johannesburg Mail and Guardian; M. Anthony Lewis de The New York Times; Mme Susan Meiselas de Magnum Photos; Mme Tomoyo Nonaka de NHK; et M. Sam Younger de BBC World Service.
JOURNEE MONDIALE DE LA LIBERTE DE LA PRESSE
Dans son message sur vidéo, M. KOFI ANNAN, Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, a déclaré que la liberté de la presse est la pierre angulaire des droits de l'homme. Elle rend les gouvernements responsables de leurs actes et sert de sonnette d'alarme contre l'impunité et l'illusion. Elle permet de faire progresser la connaissance et la compréhension entre les pays.
La liberté de la presse aide les peuples, partout, à apprécier ce qui rassemble et non pas seulement ce qui divise. Pourtant, certains continuent de s'interroger sur la valeur de la liberté de la presse pour leurs sociétés. Et certains pensent qu'elle menace la stabilité et met en danger le progrès. Il y a même ceux qui considèrent la liberté de la presse comme étant une imposition de l'étranger et non pas comme l'expression indigène de l'aspiration de chacun à la liberté. Toutefois, cet argument n'est jamais avancé par les peuples, mais par les gouvernements, jamais par les impuissants mais par les gouvernants, jamais par ceux qui sont muets mais par ceux qui acceptent que l'on entende seulement leur propre voix. Opposons cet argument au seul test qui importe : le choix de chaque individu d'en savoir plus ou moins, d'être entendu ou d'être réduit au silence, de se lever ou de s'agenouiller.
La liberté d'expression est un droit à conquérir et n'est pas un bienfait à espérer. Mais c'est encore plus que cela : c'est le véhicule essentiel de l'échange des idées entre les nations et les cultures. Sans cet échange et cette interaction, il ne saurait y avoir de compréhension véritable et de coopération durable.
M. ROBERT GILES, ONG "Freedom Forum", a déclaré que la "liberté de la presse" est bien loin de la réalité. La liste de journalistes emprisonnés ou assassinés rappelle cruellement au monde que les reportages d'information dépendent aujourd'hui du courage des journalistes et des photographes qui travaillent sous la menace et l'intimidation. Aux Etats-Unis, les libertés de la presse, d'expression et d'association sont des libertés bien établies. Le pays s'est donc engagé à aider ceux qui, dans d'autres pays, luttent contre la répression ou s'efforcent de renforcer des démocraties fragiles. Les Etats-Unis sont déterminés à les assister dans cette tâche.
M. STEPHEN ROSENFELD, Washington Post, a estimé que du point de vue journalistique, la situation actuelle est bien différente de celle de la guerre froide. Aujourd'hui, l'histoire contemporaine est celle de la mondialisation qui place tout naturellement les Nations Unies au centre des événements. L'histoire de la mondialisation, a poursuivi M. Rosenfeld, a également permis le développement formidable d'un autre type de guerre,
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à savoir la guerre des mots ou la propagande comme l'illustre la guerre au Kosovo. M. Rosenfeld a donc évoqué la difficulté du travail journalistique qui consiste à assurer l'équilibre dans la couverture des conflits, en dépit de l'agressivité et de l'animosité d'une des parties au conflit à l'égard des médias.
Table ronde sur le thème des "Eres turbulentes"
Mme EUGENIE AW, Partenariat Afrique/Canada, a déclaré qu'il faut faire preuve d'audace pour être journaliste. Il faut avoir l'audace de réaliser un concert à plusieurs voix. Les journalistes en Afrique pratiquaient l'autocensure. Puis, certains ont commencé à inventer des mots pour exprimer des idées dissonantes. Ces mots inventés sont devenus en quelque sorte des actions. Le monde des Nations Unies a ensuite encouragé les journalistes à exprimer leur vision, à développer une solidarité avec leurs collègues sur le continent africain, à organiser la défense de leur profession. Les femmes ont pu commencer à dire le harcèlement dont elles étaient victimes, la discrimination, elles pouvaient parler de la violence. Des associations se sont développées qui ont permis aux femmes d'investir les domaines politique et économique. En 1992, il y avait seulement 10 radios communautaires, en 1997 à Johannesburg il en existe plus de 200. Toutefois, les défis restent entiers pour la nouvelle génération. Il faut produire une information africaine faite par les africains. La liberté de la presse doit toujours rimer avec responsabilité et le respect de règles déontologiques.
M. ANTHONY LEWIS, The New York Times, a centré son exposé sur la situation de la presse dans un régime dictatorial, en citant des exemples en Serbie, en Croatie, en Zambie ou encore à Singapour. Les hommes de pouvoir, a souligné M. Lewis, ne supportent pas la critique et ils trouvent naturel que les lois ne les empêchent pas de faire taire les critiques. Pourtant, sans critiques, l'erreur ne peut que persister, a poursuivi M. Lewis en convenant toutefois que la presse n'est pas parfaite. Il a illustré son propos en évoquant la couverture par la presse américaine de la procédure de destitution du Président Clinton qui a fait que "les américains ont vécu cinq mois de traumatisme pour une chose absurde". M. Lewis a, en revanche, rendu hommage au courage des journalistes qui continuent de dénoncer les situations insupportables comme cela a été le cas en Bosnie-Herzégovine. Sans ces journalistes, a-t-il souligné, le monde n'aurait jamais mesurer la gravité de la situation. Dans ce contexte, la presse devient un outil essentiel à la correction des erreurs de ce monde et le génocide rwandais a bien montré ce qui se passe quand la presse n'assure pas une couverture adéquate des événements. Le rôle de la presse est peut-être de faire honte aux politiciens et il faut continuer à assumer ce rôle, a conclu M. Lewis.
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Mme SUSAN MEISELAS, Magnum Photos, a déclaré que les photographes doivent lutter pour être les témoins des événements. Cela est d'autant plus important que les photos résistent à l'épreuve du temps et ont une fonction documentaire. Elle a évoqué les situations au sud-est de la Turquie et au Timor oriental où les journalistes et photographes ont été victimes d'intimidation et ont été menacés dans l'exercice de leur profession. Elle a insisté sur la nécessité de se battre constamment pour que les photographes ne soient pas empêchés de voir et donc de permettre de voir.
Mme TOMOYO NONAKA, NHK, a indiqué qu'aujourd'hui la société japonaise traverse des turbulences politiques, culturelles et économiques. Les grands progrès technologiques, qui ont catalysé une plus grande libéralisation du monde, n'ont pas pu pleinement combler le fossé entre les générations au Japon. Cela s'explique par deux facteurs principaux, a estimé Mme Nonaka. Elle a d'abord évoqué la complexité de la langue japonaise qui rend difficile une "communication simple entre les générations". Elle a ensuite cité une des valeurs fondamentales de la société japonaise qui subordonne l'intérêt des individus à l'intérêt du groupe. De manière plus générale, Mme Nonaka a appelé les journalistes à contribuer à l'élargissement de la liberté d'expression dans un monde où Internet permet à chacun d'exprimer son opinion sans pour autant appartenir à un grand média.
M. SAM YOUNGER, anciennement journaliste de BBC World Service, a déclaré que la responsabilité du journaliste est de publier les informations et de poursuivre la recherche des faits sans être influencé par quelque intérêt extérieur que ce soit. Il a insisté sur les pressions énormes qui pèsent sur les journalistes, ces pressions étant aussi de nature commerciale. Il a affirmé que la liberté de la presse doit s'accompagner de responsabilité et, à cet égard, il a émis quelques inquiétudes, notamment en ce qui concerne la situation en Grande Bretagne. Il a déclaré que les journalistes ont parfois mauvaise réputation en raison de certaines dérives. Evoquant les résultats négatifs des sondages d'opinion à propos de la profession de journaliste, il a demandé qu'une réflexion s'engage sur le sujet.
Il convient de rappeler qu'une fois le Gouvernement de Grande Bretagne a exercé son droit de dicter aux médias ce qu'ils devraient faire en interdisant l'utilisation de certaines voix impliquées dans l'IRA. De telles injonctions font courir le risque qu'on prenne l'habitude d'imposer des restrictions, de surcroît avec l'approbation du public, et cela est très grave. M. Younger a ensuite évoqué la question de la protection de la vie privée. Tout en insistant sur le fait que cette protection était nécessaire, il a souligné le danger de promulguer des lois restrictives de la liberté sur ce sujet. Il a enfin affirmé que le métier de journaliste consiste à risquer sa vie pour la vérité.
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M. CAMERON DUODU, The Johannesbourg Mail and Guardian, a lancé un appel aux "hommes de la presse" pour que, dans leur travail, ils aillent toujours au-delà des paroles des politiciens et recherchent la vérité. La presse, a-t-il dit, doit-elle garder le silence devant l'amenuisement du rôle des Nations Unies au profit d'intérêts nationaux ? La liberté de la presse, a estimé M. Duodu, n'est pas une notion abstraite que l'on peut écarter en invoquant une idéologie. Beaucoup trop de personnes sont mortes en son nom, a-t-il souligné.
Questions-Réponses
L'Inde a soulevé la question de la propriété en matière de presse. A cette question, le représentant de BBC World Service a répondu qu'au Royaume-Uni il n'existe par de lois antimonopole en ce qui concerne la presse. Il a ajouté que dans un environnement commercial agressif, les journaux n'ont souvent d'autres choix que de répondre du mieux possible aux attentes du public. Abondant dans ce sens, le représentant du Washington Post a tout de même souligné que la loi du monopole est le premier responsable du manque de variétés dans les opinions.
Une autre question a été posée sur le rôle des Nations Unies dans l'accès aux actualités internationales. La représentante de Partenariat Afrique Canada a estimé que si les Nations Unies ont joué un rôle certain dans la formation des journalistes, en particulier des journalistes africains, elles n'ont pas eu de rôle déterminant en ce qui concerne l'accès aux actualités internationales. Elle a invité l'Organisation à réfléchir aux moyens d'élargir en priorité l'accès des Africains à leur propre information. Le représentant de Johannesbourg Mail and Guardian a abondé dans ce sens en exhortant les Nations Unies à améliorer l'accès des pays pauvres à Internet. Pour sa part, le représentant de BBC World Service a évoqué l'intérêt de plus en plus limité du public pour les actualités internationales. Il a tout de même constaté un intérêt croissant pour les activités des Nations Unies qu'il a expliqué par une conscience accrue de l'interdépendance des nations. Le représentant de The New York Times a lui souligné que les Américains se complaisent dans une certaine ignorance en ce qui concerne les Nations Unies. C'est ce qui explique, a-t-il dit, que le Congrès américain peut se permettre d'accumuler une telle dette envers l'ONU. La représentante de Magnum Photo a estimé que le peu d'intérêt du public pour les questions des Nations Unies est surtout dû à leur caractère peu "visuel".
Poursuivant la série de questions, le représentant de la République-Unie de Tanzanie a estimé qu'il existe une certaine contradiction entre la liberté de la presse et la situation sur le terrain. Il a jugé qu'en ce qui concerne l'Afrique, les représentants des médias occidentaux n'invoquent la liberté de la presse que lorsqu'il s'agit de couvrir des conflits. L'Afrique compte
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53 pays dont 12 seulement sont en situation de guerre, a souligné le représentant pour dire que la majorité de ces pays s'acheminent résolument vers le développement économique et social. Après cette remarque, la représentante de Partenariat Afrique/Canada a cité une journaliste canadienne qui confiait que "l'Afrique n'est intéressante que lorsque le sang y coule". Elle a poursuivi en faisant observer que les premiers responsables d'une autre information sur l'Afrique sont les Africains eux-mêmes. Pour elle, les journalistes doivent se battre pour produire l'information à partir de la manière dont ils voient leur propre pays. Pour sa part, le représentant de Johannesbourg Mail and Guardian a estimé que si le rôle de la presse est de faire honte aux politiciens, le rôle des politiciens doit être aussi de faire honte aux journalistes en exerçant leur droit de réponse. L'Afrique, a-t-il dit, doit progresser dans les relations entre pouvoir et médias.
Un journaliste nigérien a lui souligné que la liberté de la presse ne sera réalisée dans le monde entier que le jour où l'on sera parvenu à une acceptation universelle du concept des droits de l'homme. Il a ajouté que la notion même de liberté de la presse est elle-même ambiguë car qui est en droit d'en jouir, les propriétaires des médias ou les journalistes ?
La représentante de Magnum Photos a déclaré que dans le journalisme il importe de rester indépendant des intérêts commerciaux qui sont dominants. C'est une épreuve, mais tout commence par là. Répondant au représentant de l'UNESCO, la représentante de NHK évoquant l'Internet, a déclaré que via ce médium, elle pouvait exprimer au monde sa propre opinion : dans mon pays, nous parlons de plate-forme. Moi même, a-t-elle ajouté, j'ai ma propre page et j'ai environ 20.000 entrées par mois donc nous pouvons échanger des idées. Le représentant de la BBC, sur la question de l'accroissement des inégalités entre les pays développés et les pays en développement a déclaré que la réponse pour l'Afrique est entre ses propres mains. Je pense que sur ce continent le développement de l'information a été réel et il ne faut pas le sous estimer. D'autre part, c'est la nature du système politique qui détermine avant tout la liberté de la presse. S'agissant de la BBC, le fait qu'elle soit considérée généralement comme un modèle n'est pas dû à sa constitution propre, mais s'explique par la nature des attentes de la société civile et des politiciens. Le degré de liberté de la presse repose aussi sur la demande des peuples. Un représentant du Département de l'information, prenant pour exemple un article relatif à l'action de l'ONU en Iraq, où il était mentionné que le Washington Post avait décidé de ne pas publier des informations à la demande du Gouvernement des Etats-Unis ou de la CIA, a demandé avec quelles séquences les médias prennent ce genre de décisions ? Le représentant du Washington Post a répondu qu'en ce qui concerne l'excuse de sécurité les journalistes sont parfois d'accord avec le Gouvernement, parfois non. Il a insisté sur le fait que chaque fois les journalistes font de leur mieux pour peser le pour et le contre. La presse ne doit jamais jouer avec
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le Gouvernement car cela entraîne la suspicion. Le représentant du New York Times a déclaré qu'on n'imprime pas n'importe quelle information, on ne la publie que parce qu'on la juge bonne. Les journalistes ne doivent pas trop se rapprocher du Gouvernement, ils doivent signaler les choses telles qu'ils les voient et doivent rester à l'abri des influences. La représentante du Comité de protection des journalistes a demandé si des observations pouvaient être faites par les participants pour faire honte à ceux qui étouffent la liberté de la presse. Le représentant de la BBC a déclaré que la position du journaliste est un privilège, mais pas un droit. Il a déclaré que des organisations comme le Comité de protection des journalistes peuvent et doivent faire du lobbying pour que les gouvernements qui entravent la liberté de la presse aient honte.
En conclusion des débats, le modérateur a remercié le Département de l'information et l'ensemble des orateurs.
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