CD/168

FACE AU NOMBRE DES CONFLITS REGIONAUX, IL FAUT METTRE LES ARMES CLASSIQUES A L'ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SESSION EXTRAORDINAIRE CONSACREE AU DESARMEMENT

13 avril 1999


Communiqué de Presse
CD/168


FACE AU NOMBRE DES CONFLITS REGIONAUX, IL FAUT METTRE LES ARMES CLASSIQUES A L'ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SESSION EXTRAORDINAIRE CONSACREE AU DESARMEMENT

19990413 La Commission du désarmement achève le débat général de sa session de fond de 1999

Dans le cadre du débat général de la Commission du désarmement, plusieurs représentants, soulignant les impacts déstabilisateurs du trafic illicite des armes légères et de l'accumulation excessive d'armes classiques, allant parfois bien au-delà des niveaux requis pour les besoins de défense légitimes des Etats, ont demandé un renforcement du rôle et du fonctionnement du Registre d'armes classiques des Nations, et ont souhaité que la Commission examine et adopte des directives efficaces pour le contrôle de la fabrication, de la vente et de l'acquisition des armes légères.

A ce sujet, les représentants de la Fédération de Russie, du Venezuela et du Myanmar ont cependant noté que les directives à adopter devaient respecter le droit des Etats à s'armer pour assurer leur autodéfense, ceci dans le respect de la Charte des Nations Unies. Ce ne sont pas les stocks d'armes détenus par les Etats qui posent problème, mais plutôt leur trafic illicite et, pour lutter contre ce fléau, il faudrait une coopération au niveau des services de tous les Etats, qu'ils soient fabricants ou acheteurs, et il faudrait mettre en place et respecter des mesures de transparence. Le représentant de la Fédération de Russie a demandé que la Commission évite de donner la priorité aux seules questions concernant le nucléaire lors de la discussion du programme de la quatrième session extraordinaire de l'Assemblée générale consacrée au désarmement. Au moment où les conflits régionaux se multiplient, les armes classiques et les directives qui leur sont liées devraient occuper une part importante de l'ordre du jour. C'est pourquoi, toutes les délégations appuient l'idée de la convocation d'une Conférence internationale sur la question des armes légères et de petit calibre.

Les représentants des pays suivants ont participé cet après-midi au débat général : Fédération de Russie, Chine, Philippines, Venezuela, République populaire démocratique de Corée, Myanmar, Colombie, Inde, Pakistan, République de Corée, Brésil et République arabe syrienne.

La prochaine réunion plénière de la Commission sera annoncée au Journal.

Suite du débat général

M. PULAT ABDULLAYEV (Fédération de Russie) a déclaré que la Commission se réunit à une période charnière difficile où les Nations Unies doivent à la fois faire le bilan de ce qui a été accompli et définir ce qui reste à faire. En tant que membre permanent, la Fédération de Russie est convaincue que l'ONU doit conserver le rôle clef qui lui revient et que c'est dans cette enceinte que la communauté internationale doit chercher les moyens de répondre aux problèmes auxquels elle est confrontée, notamment celui de la résurgence de la logique du droit à la force sur celle de la force du droit. A cet égard, la Fédération de Russie est particulièrement préoccupée des actions de l'OTAN qui tente d'imposer par la force ses vues sur la Yougoslavie souveraine. Quels que soient les prétextes invoqués, on ne peut pas imposer ainsi la souffrance à des populations innocentes, a estimé M. Abdullayev, avant d'annoncer que c'est pour cette raison que la Douma a décidé de reporter la ratification du Traité sur la limitation et la réduction des armements stratégiques offensifs (START II). Pourtant la Fédération de Russie souhaite poursuivre un processus de désarmement équilibré et actif, a-t-il affirmé ensuite. Il a insisté sur le rôle de l'ONU, qui doit déterminer, par exemple, lors de la quatrième session extraordinaire de l'Assemblée générale consacrée au désarmement, les objectifs prioritaires et les tâches qui lui incombent en matière de désarmement.

C'est dans le domaine nucléaire que l'on constate les progrès les plus importants en matière de désarmement, a poursuivi le représentant. Jugeant que la rupture des accords sur les armements stratégiques aurait un effet fort déstabilisateur, il a souhaité que d'autres puissances s'associent à ces efforts pour réduire les armes nucléaires. Il a cependant reconnu que la réalisation complète des accords bilatéraux et multilatéraux pour la limitation des armes nucléaires demandera beaucoup de temps et qu'il est besoin aujourd'hui d'une contribution concrète. Toutefois, il s'est déclaré inquiet devant la volonté de certains Etats de limiter l'ordre du jour de la quatrième session extraordinaire aux seules questions nucléaires, au moment même où les conflits ou menaces de conflits régionaux se multiplient. C'est pourquoi, la Fédération de Russie appuie la proposition de convocation d'une conférence internationale sur la question des armes légères et de petit calibre. Elle estime cependant qu'il serait prématuré de chercher à établir des normes internationales concernant les besoins légitimes de ce type d'armes qu'ont les Etats pour assurer leur défense et leur sécurité. De l'avis de la Fédération de Russie, ce qui pose problème c'est le commerce illicite de ces armes. Pour lutter contre ce phénomène, il faudra la collaboration des services de tous les Etats et des mesures pour garantir la transparence des transferts. Dans ce cadre, il a fait remarquer que l'embargo déclaré par le Conseil de sécurité frappant les livraisons d'armes à la République fédérale de Yougoslavie n'ont pas empêché les livraisons au groupe de l'Armée de libération du Kosovo (UCK).

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La Fédération de Russie est favorable à la création de zones exemptes d'armes nucléaires qui contribuent au régime de non-prolifération. Elle estime cependant que les Etats concernés entrant dans ces accords devraient recevoir des garanties ayant force juridique et qu'il importe d'examiner de très près la question de la création de ces zones. En effet, l'expérience montre qu'en déviant des normes et des principes reconnus sur cette question, la violation des principes du droit international a des conséquences concrètes et réelles, a mis en garde M. Abdullayev, qui a ajouté néanmoins que son pays soutenait les initiatives visant à instaurer un espace dénucléarisé en Europe et en Asie centrale.

M. LI CHANGHE (Chine) a constaté que malgré les progrès remarquables enregistrés, depuis les années 1990, dans les domaines du contrôle des armes et du désarmement, la mentalité de la guerre froide n'a pas tout à fait disparue. Le mépris de la souveraineté nationale, l'hégémonisme et la politique du pouvoir se manifestent encore de temps en temps et la tendance à l'alliance militaire est, elle, en augmentation. La mentalité et les pratiques qui consistent à écraser le faible en produisant des armements sophistiqués sous le manteau des Traités internationaux de contrôle des armes et des régimes de désarmement sont encore populaires dans certains Etats. Pour M. Li, il est souhaitable d'établir un nouveau concept de sécurité ainsi qu'un nouvel ordre international juste et équitable. M. Li a estimé que c'est la seule manière de garantir la paix et la sécurité internationales et de promouvoir le processus du désarmement. Il a insisté sur les cinq piliers politiques de la paix dans le monde qui, selon lui, sont : le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale, le principe de non-agression, le principe de la non-ingérence dans les affaires internes des Etats, le principe du bénéfice mutuel et la coexistence pacifique.

M. Li a également évoqué la quatrième session extraordinaire de l'Assemblée générale sur le désarmement pour souhaiter qu'elle s'arrête sur la question du développement, du déploiement et de la prolifération des systèmes antimissiles et des tentatives de certains Etats d'amender voire de retirer des traités de contrôle des armes les dispositions mêmes qui ont contribué au maintien d'un équilibre stratégique international. Une telle évolution, a estimé M. Li, a conduit à la transformation de l'espace extra-atmosphérique en un champ de bataille. M. Li a poursuivi sur la question des zones exemptes d'armes nucléaires en faisant part de la détermination de son pays à travailler étroitement avec les pays d'Asie du Sud-Est pour rechercher un règlement rapide des questions en suspens dans le respect de la souveraineté territoriale et des droits maritimes des Etats concernés afin que toutes les parties pertinentes, y compris la Chine, signent rapidement le Protocole se rapportant au Traité de Bangkok. M. Li a tenu à souligner que de l'avis de son pays, une zone exempte d'armes nucléaires ne doit en aucun cas couvrir les plateaux continentaux et les zones économiques exclusives ni les régions faisant l'objet d'un conflit territorial, maritime ou autre entre des Etats parties au traité établissant la zone et les Etats voisins de la zone.

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M. Li a ajouté que les accords de sécurité existants ne devraient en aucun cas porter préjudice au statut et au caractère de la zone. Les Etats parties ne devraient déroger aux obligations découlant du traité sans aucun prétexte même en invoquant leur appartenance à une alliance militaire.

Terminant sur la question du contrôle des armes conventionnelles, M. Li a mis l'accent sur la diversité des conditions nationales et la complexité des causes des conflits pour dire que les mesures prises en ce sens doivent demeurer conformes aux conditions locales et être prises au moment opportun. Il a jugé essentiel que ces mesures prennent en compte les impératifs légitimes des Etats en matière de légitime défense et les accords conclus librement par les parties aux conflits.

M. FELIPE MABILANGAN (Philippines) a déclaré que plus on tergiverse à mettre fin à l'existence des armes de destruction massive, plus on court le risque de devoir un jour faire face au cauchemar qu'elles peuvent déclencher. Et même si ce cauchemar reste encore du seul domaine de l'imagination, la simple existence de ces arsenaux créé une atmosphère de méfiance et d'insécurité que l'on ressent chaque jour. En même temps que l'on fait face aux dangers des armes nucléaires, la prolifération et les mouvements d'armes classiques sont une source de souci majeur. Il y a déjà une décennie que l'on est sorti de la période bipolaire de la guerre froide, et la fin de cette période sombre de l'histoire avait fait naître l'espoir d'un avenir plus sûr et plus brillant.

Au cours des années qui viennent de s'écouler, nous avons discuté de la proposition de tenir une quatrième session extraordinaire de l'Assemblée générale consacrée au désarmement. Cette Commission devrait tout faire pour arriver à une entente sur le programme et la date de réunion de cette session extraordinaire. Bien que le monde ait changé, certaines personnes et nations demeurent enfermées dans une pensée basée sur la détention d'armes nucléaires et les politiques de dissuasion qui en découlent, et qui ont prévalu durant la guerre froide, ce qui mène au maintien des arsenaux existants et à la prolifération en vue d'en constituer de nouveaux.

Les Philippines soutiennent le concept de zone exempte d'armes nucléaires couvrant le territoire d'un seul Etat. Cependant, bien que nous accueillions favorablement une acceptation et un soutien international de ce concept, nous pensons aussi qu'une reconnaissance internationale n'est pas la condition sine qua non de la légitimité de la création d'une telle zone.

Des mesures doivent être prises pour mieux contrôler les armes classiques. Les conflits qui déchirent aujourd'hui le monde sont le fait de la facile disponibilité, en quantité illimitée, de ces armes, dont l'usage anarchique rend la résolution des conflits très difficile.

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En dépit de l'adoption de la Convention d'Ottawa, les mines antipersonnel continuent de représenter une menace à la vie, et mettent en danger les efforts de reconstruction de nombreuses nations. L'accumulation d'armes classiques pour sa part, est cause de méfiance et de tensions entre pays voisins. Les Philippines soutiennent les efforts de tous ceux qui cherchent à résoudre par une approche globale et intégrée tous les aspects des conflits et des situations d'après-conflits. Cette approche allie des initiatives politiques et des ressources matérielles, de manière pratique et orientée vers l'obtention de résultats sur le terrain.

M. WILMER MENDEZ (Venezuela) a déclaré que si le début des années 80 avait été riche de promesses en matière de désarmement, la fin du siècle ne nous proposait plus qu'un horizon incertain dans ce domaine. Le sentiment d'euphorie s'est vite dissipé face aux nouvelles menaces et aux nouveaux défis qui sont apparus. Cependant le multilatéralisme que représentent les Nations Unies continue d'être la démarche appropriée, a estimé le représentant. Voilà pourquoi, la Commission du désarmement acquiert une plus grande pertinence encore pour ce qui est de l'adoption de directives et de recommandations sur les thèmes centraux du désarmement. Le représentant a particulièrement attiré l'attention des délégations sur le document de travail relatif à la création de zones exemptes d'armes nucléaires proposé par le représentant de l'Equateur. Il a ajouté que son pays appuyait toutes les initiatives visant à la création de ces zones.

L'une des nouvelles questions auxquelles la communauté internationale doit faire face de manière prioritaire est le commerce illicite des armes légères ou de petit calibre, a poursuivi ensuite M. Mendez. La prolifération et l'aggravation des conflits montrent qu'il est nécessaire de prendre des mesures pour combattre ce trafic. Les initiatives régionales dans ce domaine sont encourageantes, s'est félicité le représentant, avant de citer en exemple la Convention interaméricaine contre la production, et le trafic illicite des armes à feu, des munitions et des explosifs, le moratoire de la Communauté des pays d'Afrique de l'Ouest concernant l'importation, l'exportation et la fabrication des armes de petit calibre ou encore les mesures prises dans ce domaine par l'Union européenne. Le Venezuela estime toutefois qu'en ce qui concerne l'établissement de directives de contrôle et de limitation des armes classiques, il ne faut pas sous-estimer les besoins de défense légitime des pays, qui sont d'ailleurs reconnus dans la Charte des Nations Unies.

La convocation de la quatrième session extraordinaire de l'Assemblée générale consacrée au désarmement rassemble l'appui de tous les pays, a insisté le représentant, soulignant qu'il existe seulement quelques divergences de vues sur les objectifs et l'ordre du jour. De l'avis du Venezuela, cette session doit contribuer à réaffirmer l'engagement de la communauté internationale en faveur du désarmement et le rôle des Nations Unies dans l'établissement de normes internationales de désarmement et le contrôle efficace de leur respect. Le représentant a annoncé en conclusion que son pays allait déposer dans les prochains jours ses instruments de ratification de la Convention d'Ottawa.

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M. KIM SAM JONG (République populaire démocratique de Corée) a affirmé que l'élimination complète des armes nucléaires reste un problème majeur actuellement dans le monde, et la situation dans la péninsule coréenne en est un exemple. Les forces américaines demeurent en Corée du Sud, permettant à ce pays de bénéficier d'une protection nucléaire. L'alliance militaire est élargie, les forces armées sont renforcées, a fait remarquer le représentant. La récente tentative d'introduire un nouveau système de défense antimissile est une étape de plus dans ce processus. Pour le représentant, cette situation constitue une réelle menace pour la République populaire démocratique de Corée, et ralentit les efforts de désarmement dans la région. Cette menace, qui est à l'origine des tensions actuelles de la péninsule coréenne, doit disparaître si l'on veut garantir la paix dans la région. Si l'on souhaite vraiment résoudre les problèmes de désarmement aux niveaux mondial et régional, le principe de l'impartialité doit prévaloir afin de rétablir la confiance. Pour le représentant de la République démocratique populaire de Corée, il faut venir à bout de la menace représentée par les quelques pays détenteurs de l'arme nucléaire, et faire cesser la politique de deux poids deux mesures qui permet à certains pays de mettre au point des armes toujours plus sophistiquées tout en interdisant aux autres de faire la même chose. Pour le représentant, il est particulièrement hypocrite de parler de désarmement et de paix lorsque l'on continue, dans le même temps, de conclure des alliances militaires et de développer l'armement. Ainsi, le représentant a-t-il estimé que des zones exemptes d'armes nucléaires doivent non seulement être créées dans des endroits où cette arme est absente mais aussi dans des régions qui détiennent actuellement des armes nucléaires, qui devront donc être retirées ou détruites. Dans le cas où la péninsule coréenne viendrait à faire partie de ces zones dénucléarisées, il faut, a estimé le représentant, que les Etats-Unis décident de restreindre la protection nucléaire dont il font bénéficier la Corée du Sud et de faire cesser la menace nucléaire qui pèse sur le Nord.

M. U WIN MRA (Myanmar) a estimé que la création de zones exemptes d'armes nucléaires sur la base d'accords librement consentis entre les Etats de la région concernée constitue une mesure efficace de prévention du phénomène de prolifération nucléaire et contribue au désarmement. Le Myanmar soutient la décision de la Mongolie de créer sur son territoire une zone exempte d'armes nucléaires constituée d'un seul Etat. Bien que la formule standard pour la création d'une telle zone ne peut pas être appliquée dans ce cas, l'engagement de la Mongolie contribuera grandement à accroître la stabilité de la région d'Asie centrale. Les tentatives du Bélarus lors de l'Assemblée générale visant à obtenir un statut de zone exempte de l'arme nucléaire pour la région d'Europe centrale et de l'Est était louable. Nous estimons cependant, a ajouté le représentant, que des consultations associant tous les Etats de la région auraient permis de rallier un plus grand soutien au projet de résolution sur cette question.

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Le représentant a fait part du soutien de son pays à une convocation rapide d'une nouvelle session extraordinaire de l'Assemblée générale sur le désarmement. Les questions de désarmement nucléaire devraient y être prioritaires. Abordant la question de l'élaboration de directives sur la maîtrise et la limitation des armes classiques, le représentant a estimé qu'à la lumière de la complexité du sujet, il faudrait accorder une attention particulière à certains aspects spécifiques du problème tels que la fabrication, le trafic et l'utilisation illégales des armes de petit calibre. Il faut néanmoins faire preuve de prudence en ce qui concerne le transfert légal des armes car il est légitime pour un Etat de fabriquer, de transférer et d'utiliser ce type d'armes pour sa propre sécurité. Néanmoins, le commerce illégal d'armes, en particulier avec des groupes rebelles opérant sur le territoire d'un Etat souverain devrait être combattu par tous les moyens.

M. ALFONSO VALDIVIESO (Colombie) a indiqué qu'en tant qu'Etat partie au Traité de Tlatelolco, la Colombie attache une grande importance à la promotion de zones exemptes d'armes nucléaires qui constituent une contribution concrète à la sécurité internationale, aux mesures de confiance et à la non- prolifération des armes nucléaires. De l'avis de la Colombie, ces zones doivent être créées sur la base du libre consentement des Etats de la région et les Etats nucléaires ont l'obligation de respecter cette décision. En ce qui concerne la convocation de la quatrième session extraordinaire de l'Assemblée générale sur le désarmement, le représentant a estimé que le document du Président du Groupe de travail de l'an dernier doit constituer la base de travail pour cette année. Parmi les questions sur lesquelles la Commission doit parvenir à un accord, le représentant a cité l'évaluation de la mise en oeuvre du programme d'action adopté lors de la première Session extraordinaire sur le désarmement, la convocation rapide de la quatrième session extraordinaire, ainsi que l'établissement d'un programme d'action pour le travail futur dans le domaine du désarmement.

Le représentant a indiqué que les directives sur la limitation des armes classiques et le désarmement pourraient trouver une application pratique en Colombie qui se trouve actuellement dans un processus de paix après plus de trois décennies de conflit armé. Le Gouvernement a lancé un processus de négociation d'un accord de paix avec les deux groupes principaux de la guérilla en vue de trouver une solution politique négociée au conflit. Dans ce cadre, et afin de faciliter les négociations, le Gouvernement a évacué une zone de 40 000 km carrés et des mesures juridiques ont été prises pour permettre la participation des rebelles. L'un des aspects les plus inquiétants de cette situation est le déplacement des personnes qui ont fui la violence du conflit. Un autre problème spécifique est le trafic des armes de petit calibre qui, au-delà du conflit, pénètrent la société civile, accroissant ainsi l'état de violence et le nombre de victimes non liées au conflit. Les mines antipersonnel constituent également un problème croissant en Colombie. Le Président colombien, M. Andres Pastrana, a demandé le soutien et la collaboration de la communauté internationale, spécialement pour

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la création d'un fonds d'investissements visant à fournir les ressources nécessaires pour le développement de structures sociales et la création d'emplois dans des zones de conflit. Cette initiative privilégie les investissements sociaux dans les régions les plus affectées par la violence. La responsabilité de la mise en oeuvre de ces programmes d'investissements, qui seront financés par le Gouvernement, le secteur privé et la communauté internationale, sera partagée par les groupes rebelles. Si les efforts du Gouvernement colombien aboutissent, le pays peut devenir un bénéficiaire direct des directives actuellement à l'étude. Lors de la discussion sur l'élaboration de ces principes, il sera nécessaire de maintenir l'équilibre entre l'idéalisme que requiert la consolidation de la paix et le pragmatisme qu'impose la complexité de ces processus, a estimé le représentant.

M. DILIP LAHIRI (Inde) a estimé qu'il était logique qu'au seuil d'un nouveau millénaire, la communauté internationale procède à l'examen et à l'évaluation des progrès intervenus dans le domaine du désarmement et que cet examen ait lieu dans le cadre de la quatrième session extraordinaire de l'Assemblée générale consacrée au désarmement. L'Inde est d'avis que cette session devrait avant toute chose concentrer son attention sur la question prioritaire du désarmement nucléaire, afin notamment d'élaborer un plan d'action pour l'avenir qui soit positif et tire les enseignements des expériences passées. Cette approche est possible si l'on réaffirme en premier lieu la pertinence des priorités établies lors de la première Session extraordinaire sur le désarmement et si toutes les parties adoptent une attitude flexible et orientée vers le consensus. Le représentant a rappelé ensuite que son pays était depuis de nombreuses années à l'avant-poste de la lutte contre les armes nucléaires et qu'aujourd'hui il était, par exemple, la seule puissance nucléaire à plaider en faveur d'une Convention pour l'élimination complète des armes nucléaires. L'Inde ne comprend pas pourquoi la communauté internationale hésite encore à prendre une telle initiative pour éliminer la dernière arme de destruction massive qui subsiste. Pour réduire le risque immédiat d'un conflit nucléaire, l'Inde souligne également l'importance d'abandonner les doctrines du passé et cherche, par une initiative intitulée "Réduire le danger nucléaire", à retirer toute légitimité à l'utilisation ou au recours à la menace d'utiliser l'arme nucléaire.

Outre le désarmement nucléaire, la quatrième session extraordinaire de l'Assemblée générale devrait aussi examiner les questions urgentes de la mise en oeuvre des conventions sur les armes biologiques et chimiques, de la transparence dans le domaine des transferts d'armes classiques, des mesures contre le trafic illicite des armes, de la régulation des armes aux effets indiscriminés et de l'établissement de mécanismes universels et non discriminatoires de prévention de la prolifération.

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Le représentant a ensuite évoqué la situation dans les Balkans, en estimant que les répercussions des actions de l'OTAN sur la communauté internationale seront très importantes, car elles mettent en danger les fondations juridiques des relations internationales depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. A cet égard, M. Lahiri a évoqué la proposition faite hier au Comité de la Charte des Nations Unies visant à demander à la Cour internationale de Justice d'émettre un avis relatif aux conséquences sur le maintien de la paix et de la sécurité internationales, de l'usage de la force par un Etat ou un groupe d'Etats contre un pays souverain sans l'autorisation du Conseil de sécurité. La Commission doit pour sa part examiner les conséquences d'un tel recours à la force sur les activités de désarmement.

L'Inde a toujours pensé que la question du recours aux armes nucléaires dépassait les dimensions régionales, a expliqué ensuite le représentant, avant de préciser toutefois que son pays respecte le choix souverain d'Etats non nucléaires de se protéger en établissant des zones exemptes d'armes nucléaires. Ainsi a-t-il rappelé que son pays respecte pleinement le statut de ZEAN de l'Asie du Sud-Est et qu'il était même prêt à convertir ce respect en obligation juridique. S'agissant toutefois des délibérations du Groupe de travail sur ce thème, l'Inde estime qu'un examen plus approfondi est encore nécessaire avant de pouvoir élaborer des directives générales. Ainsi il serait fort utile de procéder à une analyse comparative des différentes zones exemptes des armes nucléaires. En ce qui concerne les directives sur la maîtrise des armes classiques, l'Inde estime que la Commission doit concentrer ses efforts sur les questions relatives au désarmement et éviter tout double- emploi avec d'autres organes de l'ONU. Il faudrait ainsi orienter spécialement les directives vers la consolidation de la paix après les conflits. En vue notamment de permettre une application mondiale de ces directives, il faudrait par ailleurs éviter les concepts trop restrictifs. Le représentant a également estimé qu'il était nécessaire d'établir des directives sur la transparence et l'obligation redditionnelle concernant la production et le transfert illicite des armes de petit calibre.

M. KHALID AZIZ BABAR (Pakistan) a déclaré que le Pakistan avait proposé la création d'une zone exempte d'armes nucléaires en Asie du Sud pour prévenir une courses aux armements nucléaires dans la région. Mais les essais menés par l'Inde l'an dernier ont mis fin à cet espoir et ont rompu l'équilibre des forces et de la balance stratégique dans le sous-continent, exposant dangereusement la sécurité du Pakistan à un péril sans précédent. L'initiative hostile prise par l'Inde et le déséquilibre flagrant existant dans le domaine des armes et des forces conventionnelles entre les deux pays en faveur de l'Inde, ne laissaient pas d'autre option au Pakistan que de restaurer la balance stratégique dans l'intérêt de la paix en Asie du Sud. Notre dissuasion nucléaire fait désormais partie de notre stratégie nationale de défense, et représente la meilleure assurance de sauvegarde de notre souveraineté, de notre indépendance et de notre intégrité territoriale.

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C'est là notre seule ambition. Bien que notre région soit désormais nucléarisée, nous restons attachés à la prévention de la prolifération nucléaire, et avons décidé d'observer un moratoire sur les essais et sur le transfert des matériaux, des équipements et des technologies sensibles.

Nous avons toujours soutenu que l'Inde s'est engagée dans l'acquisition massive d'armements, et les essais d'un nouveau missile à portée intermédiaire Agni II, auxquels elle vient de procéder dans la Baie de Bengale viennent encore aggraver le déséquilibre conventionnel qui existe entre nos deux pays, et deviennent une menace à notre sécurité.

Concernant la quatrième session extraordinaire de l'Assemblée générale consacrée au désarmement, nous pensons qu'elle doit traiter en priorité du désarmement nucléaire. Elle doit passer en revue les nouveaux défis que doit affronter la communauté internationale, et qui sont manifestes dans les programmes de développement de nouveaux types d'armes nucléaires et dans le développement de doctrines d'emploi qui n'excluent pas l'usage des armes nucléaires contre des Etats qui en sont dépourvues. Les armes de théâtre d'opérations, les systèmes antimissiles balistiques et le risque de militarisation de l'espace extra-atmosphérique sont des sujets que nous devons examiner de près. Dans le domaine conventionnel, la session extraordinaire devrait examiner les inégalités croissantes entre pays dans le domaine des armes classiques, et devrait proposer des mesures pour arrêter le développement d'armes de plus en plus meurtrières, et trouver des solutions aux conflits régionaux.

M. CHANG-BEOM CHO (République de Corée) a dit que la création de zones exemptes d'armes nucléaires a contribué au renforcement du régime de non- prolifération nucléaire. Ces zones sont un complément important du Traité de non-prolifération, et permettent d'améliorer les conditions de la paix régionale et mondiale. Nous nous réjouissons que 114 pays aient à ce jour signé des traités établissant des zones exemptes d'arme nucléaires, qui couvrent déjà plus de 50% de la surface de la planète. Mais des défis demeurent, notamment dans des régions comme l'Asie du Sud. Nous aimerions mettre l'accent sur la Déclaration conjointe pour la dénucléarisation de la péninsule de Corée, Déclaration qu'ont signée les deux Corée et que nous aimerions voir mise en exécution dans les plus brefs délais. Nous pensons fermement que la mise en application des termes de cette Déclaration conjointe contribuera au renforcement du régime de non-prolifération au niveau international et à la sécurité et à la paix de la péninsule de Corée.

Concernant la quatrième session extraordinaire de l'Assemblée générale consacrée au désarmement, nous sommes d'avis qu'elle devrait aborder divers aspects du désarmement de manière équilibrée, une égale attention devant être accordée aux armes de destruction massive et aux armes classiques.

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Ce faisant, nous souhaitons que la menace que pose la prolifération des missiles soit traitée en profondeur. La prolifération des missiles est en effet, selon nous, une des menaces les plus sérieuses auxquelles le monde doit faire face le plus rapidement possible. Nous espérons que nous pourrons arriver, au cours des travaux de cette Commission, à un consensus sur le programme de travail et la date de tenue de la quatrième session extraordinaire, comme demandé par l'Assemblée générale.

M. LUIZ TUPY CALDAS DE MOURA (Brésil) a fait remarquer que quatre régions du monde constituent désormais des zones exemptes d'armes nucléaires et que le Traité de Tlatelolco a joué un rôle pionnier en la matière. Pour les pays situés dans la zone de Tlatelolco, il y a maintenant plus de trente ans qu'ils ont lancé l'idée d'interdire les armes nucléaires sur leur territoire. Le Brésil, ainsi que ses voisins d'Amérique latine et des Caraïbes, est parfaitement conscient des avantages de ce régime et, en conséquence, entend légitimement appuyer la création de nouvelles zones exemptes d'armes nucléaires. A cet égard, le Brésil encourage les pays concernés à finaliser le processus de dénucléarisation d'Asie centrale et à appuyer l'initiative de certains pays, tels que la Mongolie, à créer une zone comportant un seul pays exempt d'armes nucléaires.

Le représentant a estimé que le document de travail présenté par l'Equateur offre une très bonne base pour parvenir à un accord commun sur la création de zones exemptes d'armes nucléaires. A cet égard, l'appui apporté par la résolution 53/77 Q, intitulée "Hémisphère sud et zones adjacentes exempts d'armes nucléaires" montre clairement que la mise en oeuvre progressive de la dénucléarisation à l'échelle mondiale préoccupe la communauté internationale tout entière. De l'avis de la délégation brésilienne, les 154 voix en faveur de cette résolution expriment, sans réserve, l'appui de la majorité de la communauté internationale aux initiatives en faveur de la consolidation et de l'expansion des zones exemptes d'armes nucléaires.

La Commission du désarmement discutera de nouveau de la convocation de la quatrième session extraordinaire de l'Assemblée générale consacrée au désarmement, que le Brésil soutient. Le Brésil se déclare prêt à contribuer à l'édification d'un consensus sur les objectifs et l'ordre du jour de cette session. M. Caldas de Moura a fait sienne l'idée d'y inclure les points relatifs aux armes classiques et aux mesures de confiance. La session extraordinaire pourrait offrir à la communauté internationale l'occasion de faire une évaluation générale des mesures de désarmement et de non- prolifération depuis les années 50. La délégation brésilienne estime que souplesse et bonne volonté sont nécessaires pour créer un climat propice en ce moment où les négociations sont particulièrement intenses, à la veille de la troisième session du Comité préparatoire de la Conférence des Parties chargée de l'examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.

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Par ailleurs, M. Caldas de Moura a indiqué que la Convention interaméricaine pour l'interdiction de la fabrication du transfert et de l'usage illicite des armes à feu, de munitions et de matériaux associés, adopté par l'Organisation des Etats américains (OEA), le 13 novembre 1997, offre une approche régionale à la question qui pourrait servir de modèle. Soulignant la nécessité d'une plus grande transparence concernant les autres armes classiques, M. Caldas de Moura a insisté sur la nécessité de faire du Registre des Nations Unies des armes classiques un instrument véritablement universel. Le Brésil a toujours communiqué des données au Registre. Les membres de l'Organisation des Etats américains (OEA) sont récemment parvenus à un consensus sur un projet de convention interaméricaine sur la transparence des acquisitions d'armes classiques - initialement proposé par le Brésil et les Etats-Unis - qui renforce, au niveau régional, les obligations volontaires prévues par le Registre des armes classiques des Nations Unies.

M. KHALIL ABOU-ADID (République arabe syrienne) a déclaré que la présente session revêt une importance particulière puisque c'est la dernière fois que seront examinés les points inscrits à l'ordre du jour. Le représentant a rappelé l'avis consultatif de la Cour internationale de Justice qui a réaffirmé l'obligation faite aux Etats de rechercher de bonne foi des accords menant au désarmement nucléaire complet et contrôlé, étant donné le caractère illimité des destructions que ces armes peuvent entraîner. Dans ce contexte, la République arabe syrienne n'a épargné aucun effort pour respecter toutes les décisions en faveur du désarmement. Ainsi elle a été l'un des premiers pays à soutenir la proposition de faire du Moyen-Orient une zone exempte d'armes nucléaires (ZEAN), mais aussi de toutes les sortes d'armes de destruction massive. Le représentant s'est à cet égard dit très préoccupé par la persistance du refus d'Israël de signer le Traité de non-prolifération, se faisant ainsi le seul obstacle pratique à la création d'une ZEAN au Moyen-Orient. Comment en ce cas mettre fin à la course aux armements nucléaires au Moyen-orient, s'est interrogé le représentant. De manière générale, la République arabe syrienne estime que l'ONU devrait jouer un plus grand rôle dans l'instauration de ces ZEAN. Le représentant a demandé à tous les pays, et notamment ceux dotés de l'arme nucléaire, de ratifier et respecter le traité de non-prolifération.

La République arabe syrienne appuie fermement la convocation d'une quatrième session extraordinaire de l'Assemblée générale consacrée au désarmement. Elle estime en outre que les priorités établies lors de la Première session demeurent valables. Le Registre des armes classiques des Nations Unies ne répond pas dans sa forme actuelle aux préoccupations de la plupart des Etats. Sur cette question, il faut impérativement assurer un équilibre car de tels arrangements doivent être complets et couvrir tous les types d'armes, y compris les armes de destruction massive. En fait, ce Registre ne devrait pas être limité aux armes classiques mais aussi couvrir les armes nucléaires, a fait observer M. Abou-Adid. La question des directives sur la maîtrise des armes classiques doit être envisagée purement du point de vue du désarmement. Il faut se concentrer sur les situations de consolidation de la paix après les conflits. Dans tous les cas, les éventuelles interventions de la communauté internationale doivent avoir un caractère légitime et se fonder sur le respect du droit international.

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- 13 - CD/168 13 avril 1999

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