CD/166

LE RETOUR EN FORCE DES ARMES NUCLEAIRES SUR LA SCENE INTERNATIONALE ET LA CIRCULATION ANARCHIQUE DES ARMES LEGERES PREOCCUPENT LES DELEGATIONS

12 avril 1999


Communiqué de Presse
CD/166


LE RETOUR EN FORCE DES ARMES NUCLEAIRES SUR LA SCENE INTERNATIONALE ET LA CIRCULATION ANARCHIQUE DES ARMES LEGERES PREOCCUPENT LES DELEGATIONS

19990412 Au cours de cette deuxième séance de la session de fond de 1999 de la Commission du désarmement, les délégations ont souligné la difficulté et la complexité de la tâche qui leur revient d'accomplir durant les trois prochaines semaines. Elles ont appelé à la souplesse et à la volonté politique de tous, en cette période où les conflits multiplient et s'exacerbent.

Pour le représentant de l'Indonésie, les espoirs d'un avenir exempt d'armes nucléaires, nés après la fin de la guerre froide, se dissipent face au retour en force des armements nucléaires sur la scène internationale. En fait, l'élimination de ces armements semble totalement reportée car au lieu de réduire de façon constante leurs arsenaux, les puissances nucléaires renforcent leurs stocks et consolident leurs infrastructures de production. On note même une tendance à l'élaboration de théories justifiant le maintien de la possession de ces armes. Selon le représentant, on ne peut que constater que les Etats nucléaires ont failli au respect de l'article VI du Traité de non-prolifération nucléaire, qui demande de "poursuivre des négociations dans la bonne foi en vue du désarmement nucléaire sous tous ses aspects".

L'autre point au centre des débats a été celui de la circulation illicite et de l'usage des armes légères et de petit calibre. S'inquiétant des impacts négatifs de ces armements sur les pays touchés, plusieurs délégations ont demandé que la communauté internationale prenne des mesures efficaces en vue d'assurer le contrôle des transferts d'armes légères et de petit calibre. Le fonctionnement du Registre d'armes classiques des Nations Unies, qui est destiné à assurer plus de transparence en matière de production, de vente et d'acquisition d'armes classiques, devrait être renforcé et tous les Etats Membres devraient fournir à cet instrument les données nécessaires, ont dit les délégués en rappelant que 50% des Etats Membres de l'Organisation, dont des Etats fabricants ou gros importateurs, ne fournissaient encore aucune donnée fiable au Registre.

Les représentants des pays suivant ont pris la parole : Indonésie, République islamique d'Iran, Bangladesh, Cuba et Kirghizistan.

La Commission poursuivra son débat général demain, mardi 13 avril, à partir de 10 heures.

Débat général

M. MAKARIM WIBISONO (Indonésie) a déclaré que les espoirs nés après la fin de la guerre froide en un avenir exempt d'armes nucléaires, malgré les récents progrès accomplis dans l'élimination des arsenaux nucléaires dans le cadre des Traités SALT I et SALT II, se dissipent face au retour en force des armements nucléaires sur la scène internationale. En fait, l'élimination de ces armements semble totalement remise en question. Au lieu de réduire de façon constante leurs arsenaux, les puissances nucléaires sont au contraire en train de renforcer leurs stocks et de consolider leurs infrastructures de production. Les concepts de fabrication sont en train d'être non seulement maintenus, mais aussi modernisés et peaufinés en vue de fabriquer des armements de plus en plus sophistiqués. Et la tendance est à l'élaboration et la rationalisation de théories justifiant le maintien de la possession d'armes nucléaires plutôt que leur abolition. En conséquence, on ne peut que constater que les Etats nucléaires ont failli au respect de l'article VI du Traité de non-prolifération nucléaire, qui demande de "poursuivre des négociations dans la bonne foi en vue du désarmement nucléaire sous tous ses aspects". Ces Etats ont aussi ignoré l'avis consultatif de la Cour internationale de Justice, qui a conclu qu'il existe une obligation d'arriver à une conclusion sur les négociations visant au désarmement nucléaire total sous tous ses aspects.

Concernant certains des point inscrits à notre programme de travail, nous pensons que les zones exemptes d'armes nucléaires (ZEAN) sont un élément important de l'agenda du désarmement. Elles promeuvent un environnement stratégique plus stable, et soutiennent la communauté internationale dans sa volonté de libérer le monde de ces armements. Mais malgré les effets positifs de la création de ces zones, nous constatons que les Etats nucléaires n'ont toujours pas ratifié le protocole se rapportant au Traité de Bangkok, ce qui remet en question le droit des Etats de créer des ZEAN sur la base d'arrangements librement consentis par les parties concernées. Concernant la quatrième session extraordinaire de l'Assemblée générale consacrée au désarmement, que nous discuterons pour la quatrième année consécutive cette année, nous espérons que nous arriverons à un consensus sur ses objectifs et son programme. Nous pensons que cette session extraordinaire est d'importance cruciale pour faire face à la montée actuelle de la course aux armements. Et nous estimons, d'autre part, que cette session devrait être l'occasion pour les pays non-alignés d'abandonner leurs particularismes individuels et de travailler ensemble dans l'intérêt général de la communauté internationale, en préparant le terrain à la tenue de travaux préparatoires et en examinant les questions à soumettre à la session.

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M. MEHDI DANESH-YAZDI (République islamique d'Iran) a souligné la difficulté de la tâche qui était cette année devant la Commission et il a estimé que sans une véritable compréhension, une grande souplesse et sans un esprit de compromis la présente session ne pourra pas réussir dans cette ambition. La convocation d'une session sur le désarmement à l'aube du nouveau millénaire donnerait à la communauté internationale la possibilité de mettre au point un nouvel ordre du jour du désarmement et d'établir un système mondial de sécurité intégré. C'est pourquoi il faut que l'ordre du jour de la quatrième session extraordinaire de l'Assemblée générale sur le désarmement soit équilibré, sans pour autant laisser de côté les principes de la Première session de ce genre. L'Iran, en effet, ne pense pas que les armes nucléaires ont leur place dans un système de sécurité futur. Les armes nucléaires sapent les droits fondamentaux des êtres humains et elles doivent être interdites et totalement éliminées. La session extraordinaire doit envisager entre autres les moyens de renforcer la position centrale des Nations Unies dans le désarmement et de réaffirmer le rôle du multilatéralisme.

La création de zones exemptes d'armes nucléaires constitue une mesure importante pour renforcer la paix et la sécurité internationales, a poursuivi M. Danesh-Yazdi. Il faudrait que plus d'Etats et de régions soient couverts par ce type d'accords. La gravité de la situation au Moyen-Orient où il n'a pas été possible encore d'établir une telle zone ne doit en aucun cas être sous-estimée et il est de la responsabilité de la communauté internationale d'exercer toutes les pressions possibles sur Israël pour que cet Etat abandonne immédiatement ses programmes nucléaires et adhère sans condition au Traité de non-prolifération. Les effets désastreux d'une approche sélective en matière de non-prolifération nucléaire ayant déjà été démontrés, la responsabilité des Etats non situés dans la région du Moyen-Orient, et notamment ceux dotés de l'arme nucléaire, dans l'instauration d'une telle zone dénucléarisée, doit être clairement définie par les principes formulés par la Commission.

L'accumulation excessive et déstabilisante des armes classiques ainsi que le commerce illicite des armes de petit calibre exacerbent les conflits et empêchent leur résolution pacifique, a également déclaré le représentant. La Commission dans le cadre de son mandat doit donc jouer un rôle constructif pour établir des directives sur les mesures préventives, des activités d'assistance au désarmement et des programmes de sensibilisation sur les situations après les conflits. Ces principes devraient prendre en considération tous les facteurs pertinents qui influent sur la sécurité des régions considérées, tel notamment le développement social et économique. Il faudrait également tenir compte du rôle des Etats et des entreprises fournisseurs d'armes dans la prolongation des conflits et affirmer que toute mesure pratique de désarmement appliquée à un Etat souverain ne peut se faire sans le consentement de l'Etat en question.

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M. ANRAWUL KARIM CHOWDHURY (Bangladesh) a déclaré que concernant les armes classiques, l'attention est resté concentrée sur les mesures de transparence. Les rapports du Registre de l'ONU sur ces armes demeurent cependant limités, environ 50% des Etats Membres de l'Organisation, y compris certains importants importateurs d'armes, ne fournissant pas encore de données au Registre. Nous sommes satisfaits de la tâche accomplie par le Groupe d'experts indépendants qui travaillent sur cette question, et notre pays a pris la décision de fournir au niveau gouvernemental les informations nécessaires au Registre. La vente libre des armes de petit calibre est une cause de souci permanent. L'abondance des armes légères et leur disponibilité sont responsables de 90% des morts et des handicaps qui surviennent dans les zones en conflit, et il est encore plus choquant que 80% des personnes tuées ou blessées soient des femmes et des enfants. Au moment où les grands Etats du monde réduisent leurs armements classiques, les individus et les groupes eux, s'arment, et le transfert des armes légères est une menace majeure à la vie des populations de plusieurs pays du monde, tout en représentant aussi une menace à la sécurité et à la stabilité des nations.

Concernant le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, 158 pays, dont le Bangladesh et les 5 puissances nucléaires reconnues, ont voté en sa faveur lors de la 51ème Assemblée générale. Nous sommes heureux que l'Inde et le Pakistan aient décidé, par la voix de leurs Premiers Ministres, de s'y joindre lors de la tenue de la 53ème Assemblée générale. C'est là un pas important pour l'établissement de la paix et de la sécurité dans la région d'Asie du Sud et pour la mise en place de conditions favorables à une coopération économique fructueuse entre les Etats de la région. En tant qu'Etat faisant partie des pays les moins avancés, le Bangladesh est cependant soucieux des coûts et des obligations financières liés à la mise en exécution des clauses du Traité d'interdiction des essais nucléaires (CTBT), qui comprennent des dépenses liées au fonctionnement du Comité préparatoire de ce Traité, celles de l'Organisation assurant le fonctionnement du Traité, et celles liées à son régime de vérification, y compris son Secrétariat technique et son système international de surveillance. Nous avons fait part de nos soucis à la Conférence du désarmement à Genève et espérons qu'elles seront prises en considération.

M. RAFAEL DAUSA CESPEDES (Cuba) a déclaré que c'est précisément un forum universel de dialogue et de négociation comme la Commission du désarmement qui permet de parvenir à des accords acceptables pour tous. Il a ajouté que la prétention d'imposer des solutions par la force était incompatible non seulement avec tout raisonnement civilisé mais aussi avec les principes fondamentaux du droit international. Malheureusement à l'heure même où la Commission se réunit, les forces de l'OTAN poursuivent toujours leur agression militaire contre la République fédérale de Yougoslavie, en violation des principes de la Charte et du droit international. A cet égard, il a estimé que les pouvoirs du Conseil de sécurité, qui n'avait ni donné son assentiment à ces attaques et n'avait pas même été consulté, ont été ouvertement ignorés.

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M. Cespedes a fait observer que ce sont les mêmes pays qui ont lancé les attaques qui mènent l'opposition aux négociations multilatérales immédiates en faveur du désarmement nucléaire et qui s'emploient à maintenir leurs politiques obsolètes de dissuasion nucléaire. Cuba juge préoccupant que, du fait de l'absence de volonté politique réelle, la Conférence sur le désarmement, tenue à Genève, n'ait pas même permis d'établir un comité spécial pour les négociations sur le désarmement nucléaire, question à laquelle la communauté internationale a pourtant conféré à plusieurs reprises la priorité absolue.

Le représentant a estimé ensuite que la tâche revenant cette année à la Commission était particulièrement difficile, compte tenu de la nécessité de conclure les trois thèmes à l'ordre du jour. En ce qui concerne l'instauration de zones exemptes d'armes nucléaires, Cuba estime que le document présenté par le Président de la Commission constitue une excellente base de travail. Chaque zone dénucléarisée est le résultat de circonstances régionales données et doit prendre en compte la diversité des situations de chaque région. Ainsi la position de Cuba face au Traité de Tlatelolco doit-elle être envisagée à la lumière de la situation exceptionnelle créée par la politique d'embargo et le climat agressif des Etats-Unis. Après la signature en 1995, la ratification de ce Traité par Cuba dépend désormais de l'établissement d'un climat de paix dans la région, ce qui suppose la levée de l'embargo et la fin de la politique agressive américaine, a insisté le représentant. Pour ce qui est de la quatrième session extraordinaire de l'Assemblée générale consacrée au désarmement, le représentant a estimé que la situation était malheureusement très claire étant donné l'absence de volonté politique réelle de la part de la plus grande puissance militaire. La tenue d'une telle session semble ainsi de plus en plus improbable, et cette année est en fait cruciale pour le règlement de cette question, a mis en garde M. Cespedes avant d'ajouter que la nécessité du consensus ne pouvait plus être utilisée pour retarder indéfiniment un accord.

Selon Cuba la question des directives sur la maîtrise et la limitation des armes classiques et du désarmement est sans doute le problème le plus complexe auquel est confronté cette année la Commission. Les directives qui seront établies devront en effet éviter toute double interprétation, éventuellement dangereuse. Les directives devront être adoptées en vue d'être appliquées pour la consolidation de la paix dans les situations d'après conflit. Cuba estime en outre que ces directives devront être fondées par une série de principes, parmi lesquels le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale des Etats, l'assentiment de l'Etat concerné, et la non-ingérence dans les affaires intérieures. L'application de mesures pratiques de désarmement n'est pas une fin en soi mais un élément d'une approche globale intégrée qui se doit d'examiner les causes fondamentales des conflits, en relation notamment avec les problèmes de développement économique, politique et social, a également déclaré le représentant.

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Mme ZAMIRA ESHMAMBETOVA (Kirghizistan) a dit que sa délégation soutient pleinement l'établissement de zones exemptes d'armes nucléaires (ZEAN) sur la base d'arrangements librement consentis par les Etats concernés. En fait, si l'on veut parvenir à un monde débarrassé des armes nucléaires il faut multiplier ces zones qui aujourd'hui couvrent déjà plus de 50% des terres de la planète. Depuis 1994, le Kirghizistan a été en faveur et a poussé l'idée de la création d'une zone exempte d'armes nucléaires en Asie centrale. Nous avons, dans ce cadre, soumis en 1995 un document de travail coparrainé par l'Ouzbékistan, dont le deuxième Comité de la Conférence du désarmement a pris note. Nous proposerons prochainement, avec le soutien de l'Ouzbékistan, des propositions précises allant en direction de la création de cette ZEAN et nous demanderons que les autres Etats concernés les examinent. Les ZEAN peuvent servir des objectifs multiples; elles peuvent refléter les valeurs partagées par les Etats de la région concernée en ce qui concerne le désarmement nucléaire, et le contrôle des armements et de la non-prolifération, et malgré les différences que l'on peut voir d'une zone à l'autre, elles ont beaucoup de ressemblances et de similarités. De ce fait, la mise en place de directives et de principes de bases serait fort utile, à la fois pour les zones existantes et pour celles en création.

Les armes classiques telles que les armes légères, les mines et les armes de petit calibre, sont devenues une menace permanente pour des millions de personnes, causant des victimes parmi les populations civiles. Elles menacent la sécurité, exacerbent la violence et la souffrance humaine, et font obstacle au développement humain, politique et socioéconomique des nations. La recherche de nombreux accords de paix et la reconstruction des pays affectés par les conflits sont menacées par la circulation des armes légères, dont le commerce illicite est souvent lié à d'autres activités criminelles sur le plan international. Le Kirghizistan soutient par conséquent des instruments qui permettraient de parvenir à plus de transparence et de contrôle. Il en est ainsi du Registre d'armes classiques des Nations Unies, et d'initiatives régionales ou internationales comme le Code de conduite sur les ventes d'armes adopté par les pays de l'Union européenne, et la Convention des pays d'Amérique latine et des Caraïbes sur l'interdiction de la fabrication illicite et le trafic des armes à feu, des munitions et autres matériaux. Nous apprécions le travail du Groupe d'experts gouvernementaux sur les armes légères et sommes satisfaits de ses recommandations.

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