FEM/1039

LE KIRGHIZISTAN ENCOURAGE LA PARTICIPATION DES FEMMES AU REDRESSEMENT ECONOMIQUE DU PAYS GRACE AU MICROCREDIT

27 janvier 1999


Communiqué de Presse
FEM/1039


LE KIRGHIZISTAN ENCOURAGE LA PARTICIPATION DES FEMMES AU REDRESSEMENT ECONOMIQUE DU PAYS GRACE AU MICROCREDIT

19990127 Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a entendu ce matin la Présidente de la Commission gouvernementale pour la famille, les femmes et la jeunesse du Kirghizistan, Mme Sagyn Ismailova, qui a répondu aux questions posées par les expertes à la suite de la présentation du rapport initial de l'Etat partie le 22 janvier dernier.

La quatrième Conférence mondiale sur les femmes de 1995 à Beijing a constitué un point de référence pour la définition d'une nouvelle politique en faveur des femmes au Kirghizistan, a souligné la représentante. Cette approche consacre notamment l'interaction de nombreux Ministères, départements administratifs et organisations non gouvernementales ainsi qu'un effort de diffusion des 22 textes internationaux ratifiés par la République Kirghize. En réponse aux nombreuses interrogations sur la précarité économique des femmes, Mme Ismailova a évoqué le projet de création d'une caisse de crédit féminin et les aides accrues au microcrédit que l'Etat octroit désormais aux femmes défavorisées. La capacité d'entreprenariat des femmes est à l'avant-garde du redressement économique du pays, a-t-elle indiqué. Elle a expliqué toutefois que le Kirghizistan devait faire face à une aggravation de la pauvreté, qui frappe la moitié de la population, et que ce faisant l'obstacle principal aux activités en faveur des femmes était le manque de moyens financiers.

Dans leurs observations, les expertes ont relevé avec satisfaction les efforts de sensibilisation aux textes internationaux que déploie le Gouvernement kirghize en direction du public et du corps judiciaire. Il s'agit néanmoins d'ancrer ces textes dans la mentalité politique du pays qui est encore fortement marquée par les stéréotypes.

Cet après-midi, à partir de 15 heures, les 23 expertes du Comité entendront les réponses du Liechtenstein, dont le rapport initial leur avait été présenté lundi dernier.

EXAMEN DU RAPPORT INITIAL DU KIRGHIZISTAN

Réponse de l'Etat partie aux questions des expertes

Mme SAGYN ISMAILOVA, Présidente de la Commission gouvernementale pour la famille, les femmes et la jeunesse, a souligné que la Conférence de Beijing en 1995 est devenue un point de référence au Kirghizistan pour la définition d'une politique en faveur des femmes. En 1996, le pays a célébré l'Année de la femme. Dans le cadre de la nouvelle politique, le Gouvernement kirghize a créé la Commission gouvernementale pour la famille, la femme et la jeunesse et mis en place un groupe de travail interinstitutions chargé d'exécuter le programme national "Ayalzat". Une aide inestimable pour l'élimination des préjugés est apportée par les différentes institutions non gouvernementales.

Dans la législation de la République, il n'existe pas de définition précise de la discrimination ce qui signifie que cette notion est prise dans un sens large et implique toutes les formes de discrimination. Le travail le plus important de promotion des droits de la femme est assumé par la Commission gouvernementale, les Ministères de la justice, des affaires étrangères, de la santé, de la science et de la culture, de même que par la télévision et diverses entités administratives et les ONG. Ces activités ne font pas double emploi. Les textes des instruments internationaux ratifiés sont publiés par le Conseil suprême de la République et sont traduits dans les différentes langues du pays. Des cours sont dispensés à l'intention des juges qui doivent connaître le contenu des accords internationaux ratifiés par le Kirghizistan. Nous avons tenu un séminaire sur la réforme du système judiciaire et juridique en avril 1997.

En février 1997 des centres régionaux chargés des questions féminines ont été créés dans six régions. Ces centres d'initiative féminine pourront dans un avenir proche compter à leur actif la création d'une caisse de crédits féminins. Ce projet est actuellement étudié par la Commission gouvernementale. Les six centres régionaux féminins en 1997 ont déjà reçu des aides de l'Etat afin qu'ils puissent offrir des microcrédits aux femmes défavorisées. En juillet 1998, a eu lieu le premier sommet national pour le développement du microcrédit. Par ailleurs, les premières recherches en matière de violence à l'égard des femmes ont été réalisées en 1994-1995. L'ethnologie de la violence à l'égard des femmes et l'approche systémique ont été à la base de l'élaboration d'un programme de protection des femmes et des jeunes filles et de la création des centres de refuge. Une série de mesures législatives ont été adoptées en vue de l'élimination de ces violences et pour lutter contre les facteurs qui les favorisent tels que la pornographie ou la prostitution. On envisage de créer un réseau téléphonique appelé "confiance". 30 % des cas de violence ont lieu dans le cadre du foyer. Le nouveau Code pénal prévoit des sanctions en cas de coups et blessures. Néanmoins, seuls 10 % des cas de violence domestique sont connus. Entre 1995 et 1998, six centres de crise ont été créés ce qui porte à dix le nombre total de centres dans le pays.

( suivre)

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Mme ISMAILOVA a ensuite indiqué que le Code pénal qualifie le lesbianisme d'acte violent à caractère sexuel. En cas de tels actes ou de menace de ces actes, la peine d'emprisonnement va de 3 à 8 ans. Elle a déclaré qu'il est difficile d'expliquer les raisons de cette assimilation à un acte violent. Etat laïc, le Kirghizistan doit encore adapter ses textes de lois à ce phénomène relativement nouveau dans le pays, a-t-elle reconnu, avant d'ajouter que, sous l'époque soviétique, le lesbianisme était un acte criminel.

Le Parti démocratique féminin s'est fixé pour objectif l'augmentation de la participation des femmes dans la vie sociale et politique du pays. La dirigeante de ce parti est membre du Parlement. En 1997, à son initiative, des rencontres de femmes parlementaires de la Communauté des Etats indépendants (CEI) ont eu lieu sur le thème "Participation des femmes dans la sphère politique". Des programmes de formation spécifiques visant à améliorer la participation politique des femmes ont aussi été mis en place grâce à des fonds étrangers. Toutefois, une majorité de femmes pensent que la politique n'est pas réellement de leur ressort. Les femmes n'ont pas encore vraiment formé d'idéaux et de programmes politiques propres. Les femmes représentent 50% de la population syndicale et 25% des dirigeants syndicaux du pays sont des femmes.

Afin d'améliorer la situation des femmes pendant la période de transition vers l'économie de marché, le Gouvernement a adopté un Plan national d'action. Les femmes elles-mêmes se sont montrées très actives, sur le plan notamment du marché non officiel du travail. Elles ont ainsi développé un système souple d'emplois et amélioré les revenus de la famille. Leur place dans le secteur informel, qui est en croissance rapide, est de plus en plus grande. Il s'agit de femmes souvent éduquées qui ont su profiter des changements du marché. Le nombre des ONG s'intéressant aux affaires féminines augmente ce qui permet de renforcer encore la situation des femmes dans la société.

Des mesures visant à développer le système de protection sociale ont été adoptées, notamment pour toutes les catégories les plus vulnérables. Le seul obstacle dans la mise en oeuvre du programme "Ayalzat" est en fait l'absence des moyens financiers indispensables, a reconnu Mme Ismailova.

Pour modifier les comportements socio-culturels, des livres sont publiés, des séminaires et des cours de sociologie féminine sont organisés et des émissions de radio sont diffusées. L'augmentation de la violence contre les femmes est en fait liée au phénomène d'appauvrissement du pays et de montée de l'alcoolisme qui ont suivi l'indépendance. Le phénomène de violence collective qui a été mentionné est, quant à lui, relativement nouveau et peu répandu au Kirghizistan et la représentante a précisé que des informations complémentaires seront transmises ultérieurement aux membres du Comité. La lutte entre les sexes est devenue une lutte contre la femme et non en sa faveur et c'est pourquoi le programme "Ayalzat" soutient tout particulièrement l'accès des jeunes filles à l'éducation.

( suivre)

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Le projet de loi sur les médias prévoit un article spécifique sur la réalisation de l'égalité des sexes, qui interdit d'utiliser des documents montrant les femmes sont un jour avilissant ou en tant qu'objet destiné à la satisfaction sexuelle. Une enquête sur la santé génésique des adolescentes en tant que "futures mères" est actuellement en cours.

Les personnes qui estiment être victimes d'une discrimination sur le lieu du travail peuvent saisir les tribunaux. Les syndicats ont également le droit de participer au règlement des conflits et ils peuvent apporter une aide juridique, notamment aux femmes, pour organiser leur défense et faire respecter leurs droits. Les conditions de travail difficiles qui ont une influence négative sur la santé des travailleurs, et notamment des femmes, sont une source de préoccupation et ont fait l'objet d'une session extraordinaire du Parlement. Cependant les analyses des experts internationaux qui ont été faites suite à cette prise de conscience sont divergentes et semblent en contradiction avec l'opinion publique.

Dans le domaine de la santé, le Gouvernement kirghize a adopté une loi et des directives prophylactiques sur le VIH/sida. Le Code pénal prévoit une responsabilité pénale pour les personnes qui transmettent le VIH/sida ou une maladie vénérienne. Des peines sont également prévues par le Code pénal en cas d'avortement clandestin. Un programme national de lutte et de vaccination contre la tuberculose est actuellement en cours. Les malades de la tuberculose subissent des examens pour déterminer s'ils ne sont pas porteurs du VIH/sida.

Mme Ismailova a ensuite expliqué que 90% des bénéficiaires du microcrédit sont des femmes. Le problème est que les moyens sont limités, alors que les besoins ont été chiffrés à 81 millions de dollars. Les programmes d'aide à l'emploi sont centrés sur la formation et le recyclage ainsi que sur l'adaptation psychologique aux nouvelles conditions économiques du pays. Un projet commun avec la Banque mondiale permet de financer des projets d'emplois indépendants à l'intention des femmes. Toutefois, la femme continue de passer la majeure partie de son temps à s'occuper de son foyer et de ses enfants. Il en résulte qu'elle a une charge de travail quotidienne beaucoup plus élevée que les hommes. Il est très difficile de modifier cet état de fait, en raison notamment de moyens financiers insuffisants, a reconnu la représentante. Des mesures visant à réduire la pauvreté, qui frappe 50% de la population du pays, ont été prises et un fonds national créé.

Commentaires des expertes

Mme FERIDE ACAR, experte de la Turquie, a dit sa satisfaction quant aux efforts déployés pour sensibiliser le public et les membres du corps judiciaire au contenu des textes internationaux ratifiés par le pays. Il importe de poursuivre ces efforts pour traduire ces engagements dans la culture politique du pays. Il s'agit là du principal défi que doit relever le Gouvernement. L'amélioration du mécanisme national de promotion des droits de la femme semble indispensable et des ressources suffisantes doivent être allouées à cette tâche.

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Mme SCHOPP-SHILLING, experte de l'Allemagne, s'est dite impressionnée par les efforts déployés par le Gouvernement et les donateurs pour sensibiliser la population aux droits de l'homme, en particulier compte tenu du passé et des traditions du Kirghizistan. Il semble qu'un grand nombre des populations des anciens pays d'Europe de l'Est abordent les droits de l'homme avec leur mentalité passée. Il faut que le Kirghizistan comprenne la signification de la notion de discrimination indirecte car la législation ne suffit pas toujours pour modifier les stéréotypes. Au sujet de la situation économique des femmes, elle a suggéré à long terme de réintégrer les femmes dans le secteur formel même si à ce stade le secteur informel des petites entreprises semble fonctionner. En ce qui concerne la pénalisation de l'homosexualité, elle a demandé que cette situation soit réévaluée au plan juridique.

Mme CHICAKO TAYA, experte du Japon, a déclaré que le problème le plus sérieux du Kirghizistan est celui de la pauvreté qui touche tout particulièrement les femmes. Le Gouvernement doit savoir que le fait d'attirer les investissements étrangers en abaissant les normes écologiques et autres risque à terme d'aggraver la pauvreté, a-t-elle mis en garde. Elle a recommandé au Gouvernement d'assurer également la participation active des femmes rurales lors de l'élaboration de ses programmes.

Mme CHARLOTTE ABAKA, du Ghana, a jugé particulièrement intéressante l'action des pouvoirs publics pour favoriser l'accès au microcrédit des femmes. Dans le cas de pays en transition ou en développement, le seul moyen qu'ont les femmes de s'en sortir est de se lancer dans le secteur informel. Prenant ensuite la parole, l'experte du Bangladesh, Mme SALMA KHAN, a rappelé qu'effectivement le microcrédit est l'expérience la plus efficace pour alléger la pauvreté. Il ne faut pas oublier cependant que dans certains cas, on a tendance à écarter les femmes du secteur traditionnel sans leur donner dans le même temps la formation leur permettant de participer au secteur moderne. Elle a donc demandé au Gouvernement kirghize de veiller à éviter que les femmes soient mises à l'écart du monde du travail, formel ou informel. Elle a ainsi demandé un complément d'information quant à la participation syndicale des femmes, la polygamie et la révision de la législation.

Mme ROSARIO MANALO, experte des Philippines, s'est demandé comment il était possible qu'aucun tribunal n'ait été saisi pour discrimination alors que le rapport reconnaît de manière franche qu'un certain nombre de pratiques discriminatoires persistent. Est-ce en raison d'une mauvaise connaissance de la Convention par l'opinion publique, est-ce parce que les procédures sont trop complexes et coûteuses ? Elle a également recommandé au Kirghizistan, en tant que pays en développement, d'établir des liens avec la CNUCED et de développer sa coopération Sud/Sud.

Reprenant la parole, Mme ACAR, a demandé si effectivement et en dépit de l'opinion publique, il y avait eu des tentatives au Parlement, menées par des femmes elles-mêmes, pour rétablir les bases juridiques de la polygamie.

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Elle a estimé que ce phénomène est très dangereux et qu'il est fort difficile de le comprendre alors que le pays a connu une période de laïcisme à outrance. L'Etat doit être vigilant et surveiller tout indice de résurgence des coutumes rétrogrades.

Réponses de l'Etat partie

Mme SAGYN ISMAILOVA, a souligné l'importance fondamentale du microcrédit dans un pays connaissant une transition économique. Celui-ci est un moyen efficace pour éliminer la pauvreté. De nombreuses activités, y compris celles du PNUD, ont été mises en oeuvre pour l'élimination de la pauvreté. Une brochure traite de la capacité d'entreprenariat des femmes qui est à l'avant-garde du redressement de notre économie. Elle a rappelé par ailleurs que la polygamie est interdite par le Code pénal. Le deuxième mariage n'est conclu qu'après la dissolution du premier mariage. Il faut avouer par ailleurs que les femmes ne disposent pas d'assez de connaissances au sujet du concept de la discrimination. Du fait de l'inertie de l'époque soviétique, elles n'ont pas assez de connaissances sur leurs droits.

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