LE 50EME ANNIVERSAIRE DE LA CONVENTION POUR LA PREVENTION ET LA REPRESSION DU CRIME DE GENOCIDE CELEBRE PAR L'ASSEMBLEE GENERALE
Communiqué de Presse
AG/862
LE 50EME ANNIVERSAIRE DE LA CONVENTION POUR LA PREVENTION ET LA REPRESSION DU CRIME DE GENOCIDE CELEBRE PAR L'ASSEMBLEE GENERALE
19981202 Elle adopte une résolution qui engage à l'application intégrale des dispositions de la ConventionL'Assemblée générale a adopté sans vote cet après-midi une résolution, présentée par le représentant de l'Arménie au nom des coauteurs, relative au Cinquantième anniversaire de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Aux termes de ce texte, l'Assemblée invite les Etats qui n'ont pas encore ratifié la Convention ou qui n'y ont pas adhéré à le faire et les engage à accroître et intensifier leurs activités en vue de l'application intégrale des dispositions de la Convention.
Dans l'ensemble, les participants ont rendu hommage aux victimes des actes de génocide qui continuent à frapper le monde, du Cambodge aux Balkans et dans la région des Grands Lacs en Afrique. Ils se sont félicités du travail accompli par les Tribunaux spéciaux pour le Rwanda et l'ex- Yougoslavie, mais surtout, de l'adoption, en juillet dernier à Rome, du Statut de la Cour pénale internationale qui permettra d'assurer l'application effective de l'Article 6 de la Convention relatif à la répression des auteurs de tels actes.
L'accent a été mis sur la nécessaire coopération internationale pour prévenir et réprimer les crimes de génocide et les crimes contre l'humanité.
Les représentants des pays suivants ont pris la parole : Autriche, au nom de l'Union européenne, Chypre, Monaco, Etats-Unis, Lichtenstein, Ukraine, Pologne, Turquie, Israël, Fédération de Russie, Norvège, Cuba et Rwanda. Le représentant de la Turquie et de l'Arménie ont exercé leur droit de réponse.
L'Assemblée générale reprendra ses travaux demain, jeudi 3 décembre à partir de 15 heures. Elle entamera son débat sur l'application de la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux et examinera les rapports de la Quatrième Commission. Les consultations officieuses à participation non limitée sur la Réforme de l'organisation: mesures et propositions, se tiendront demain matin à partir de 10 heures 30.
CINQUANTIEME ANNIVERSAIRE DE LA CONVENTION POUR LA PREVENTION ET LA REPRESSION DE CRIME DE GENOCIDE
Projet de résolution (A/53/L.47)
Aux termes de ce texte relatif au Cinquantième anniversaire de la Convention pour la prévention et la répression du génocide, l'Assemblée générale invite les Etats qui n'ont pas encore ratifié la Convention ou qui n'y ont pas adhéré à envisager de le faire. Elle engage tous les Etats à accroître et intensifier leurs activités en vue de l'application intégrale des dispositions de la Convention et invite les gouvernements et la communauté internationale à continuer d'examiner et évaluer les progrès accomplis dans l'application de la Convention depuis son adoption et à identifier les obstacles qui existent et les moyens de les surmonter, tant par des mesures prises à l'échelon national que par une coopération internationale accrue. Elle invite également les gouvernements, le Secrétariat de l'ONU, les organes pertinents et les organismes des Nations Unies, compte tenu de leurs mandats respectifs, ainsi que les autres organisations internationales et non gouvernementales, à diffuser largement le texte de la Convention ainsi que celui d'autres instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, en vue d'en assurer l'universalité et l'application intégrale.
Déclarations
M. ERNST SUCHARIPA (Autriche), s'exprimant au nom de l'Union européenne, s'est félicité de cette occasion de commémorer l'adoption de la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide et de rendre hommage aux victimes de tels actes. Et pourtant, force est de remarquer que cinquante ans après l'adoption de ce document, la communauté internationale n'a pas réussi à prévenir ni à empêcher de tels actes et le monde reste témoin de crimes violents et d'actes de génocide du Cambodge aux Balkans, et dans la région des Grands Lacs en Afrique. La création de tribunaux ad hoc, en réponse aux crimes commis sur le territoire de l'ex-Yougoslavie et au Rwanda, a fait passer le message que la responsabilité personnelle des auteurs de ces crimes est engagée. Il s'est félicité du travail de ces tribunaux et de la nomination d'un Comité d'experts pour traduire en justice les responsables des violations des droits de l'homme commises au Cambodge de 1975 à 1979.
M. Sucharipa a indiqué que l'adoption, en juillet dernier à Rome, du Statut de la Cour pénale internationale vient conclure le processus difficile commencé il y a cinquante ans et a engagé tous les Etats à y adhérer. Il a estimé que la cour jouera un rôle important de dissuasion et donnera une nouvelle dimension aux relations et au droit internationaux en renforçant la responsabilité individuelle.
M. SOTIRIOS ZACKHEOS (Chypre) a souligné l'importance d'une application universelle de la Convention sur le génocide, y compris aux individus et aux dirigeants constitutionnellement responsables, aux représentants de l'Etat ou du privé et que de tels crimes soient punis, qu'ils aient été commis en tant
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de paix ou de guerre. Le représentant a évoqué l'Holocauste ainsi que le massacre des Arméniens sous l'Empire Ottoman. Il a déploré que la même politique, malheureusement, continue d'être appliquée contre le peuple chypriote dpuis l'invasion militaire turque de 1974. La politique de nettoyage ethnique de la Turquie contre la population chypriote est attestée par la colonisation massive et la destruction systématique de l'héritage culturel et religieux dans les territoires occupés par l'armée turque et par les conditions inhumaines imposées aux rares Grecs Chypriotes et aux Maronites qui vivent encore dans la partie occupée de l'île. Il ne fait aucun doute que le but de la Turquie est de "turquifier" complètement la zone occupée et d'oblitérer tout signe de la longue présence historique grecque.
Le représentant a insisté sur le fait que les auteurs des crimes doivent être traduits en justice et punis. Il est plus nécessaire que jamais que tous les Etats coopèrent de façon à punir ceux qui se rendent coupables de ces crimes. Le représentant a exprimé le souhait que l'établissement de la Cour pénale internationale qui a juridiction sur le génocide permettra de dissuader ceux qui commettent de tels crimes. Le Gouvernement chypriote a invité tous les Etats qui n'ont pas encore ratifié ou adhéré à la Convention de le faire dès que possible.
M. JACQUES L. BOISSON (Principauté de Monaco) souhaite associer à la commémoration du 50ème anniversaire de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, la Convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité de 1968 car un principe commun rapproche ces deux instruments, à savoir que les actes de génocide comme les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité sont considérés, pour ce qui est de l'extradition, comme n'étant pas des crimes politiques. Les Etats parties s'engagent, en conséquence, dans les deux cas, à accorder l'extradition et à adopter toutes les mesures internes, d'ordre législatif ou autre, qui seraient nécessaires pour la permettre. Parmi les autres points communs, M. Boisson a mentionné la reconnaissance par ces deux Conventions de l'imprescriptibilité des crimes qui y sont visés. Il regrette que ces deux Conventions n'aient pas été en mesure d'empêcher, y compris dans un passé récent, que ces crimes abominables continuent d'être perpétrés. M. Boisson a noté que, parmi les explications évoquées à propos des obstacles à la mise en oeuvre de ces textes, on compte les difficultés rencontrées par l'action judiciaire et la coopération internationale nécessaire dans ce domaine. A cet égard, l'établissement de la Cour pénale internationale représente une avancée indiscutable. M. Boisson considère que des initiatives d'ordre pratique mériteraient d'être encouragées pour éviter le développement de situations susceptibles d'engendrer des crimes de ce type.
MME BETTY KING (Etats-Unis) a observé que malgré tout ce que le monde a appris et tout le travail accompli depuis la deuxième guerre mondiale, l'horreur du génocide demeure, engendrant la haine raciale, éthnique et religieuse et les massacres généralisés dans la région des Grands Lacs, en ex- Yougoslavie et ailleurs dans le monde. La communauté internationale doit mettre en place des mécanismes judiciaires efficaces qui garantissent les
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droits de l'homme et la primauté du droit, a-t-elle déclaré. Il y a seulement quatre ans, le Rwanda a connu l'un des pires génocides de l'histoire moderne qui a révélé la nécessité d'aller plus loin dans l'engagement de la communauté internationale en faveur de la prévention et de l'éradication de ce fléau. Pour leur part, les Etats-Unis oeuvrent, à travers l'"initiative pour la justice dans les Grands Lacs", au renforcement de la primauté du droit et à la fin de la culture de l'impunité.
Mme King a en outre exprimé sa vive préoccupation en ce qui concerne la situation au Kosovo où des massacres massifs et brutaux sont perpétrés et où des déplacements forcés de civils et des destructions massives d'habitations civiles se produisent. Cela démontre à quel point les mécanismes chargés de mobiliser la vigilance de la communauté internationale et permettant de la prévenir et de réprimer ces crimes odieux sont nécessaires. Mais au-delà de la vigilance, il faut une coopération internationale totale dans l'exercice de la justice, a souligné Mme King. Les Etats-Unis appellent toutes les nations, en particulier la République fédérale de Yougoslavie, à coopérer avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie pour que les inculpés en Bosnie-Herzegovine soient jugés et pour que le Tribunal puisse enquêter sur les crimes supposés avoir été perpétrés au Kosovo. Mme King a également indiqué que les Etats-Unis accordent un rang de priorité élevé au jugement des responsables du massacre des 2 millions de Cambodgiens sous le règne des Khmers rouges.
M. CHRISTIAN WENAWESER (Lichtenstein) a souligné deux éléments qui lui semblent faire de la Convention un outil juridique particulièrement utile, notamment le fait qu'elle vise à traduire en justice les auteurs des crimes de génocide et qu'elle insiste sur la coopération internationale nécessaire pour atteindre ses objectifs. Il a toutefois noté que chaque région du monde a été témoin d'au moins un génocide au cours des cinquante dernières années dans un climat d'impunité totale. Il s'est félicité du travail des Tribunaux spéciaux pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda par lesquels le Conseil de sécurité a établi une juridiction temporaire efficace contre le crime de génocide conformément à l'Article 2 de la Convention.
M. Wenaweser s'est déclaré encouragé par le consensus qui a régné à l'occasion de l'adoption du Statut de la Cour pénale internationale qui constitue le développement le plus significatif par rapport à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Il a indiqué qu'il aurait souhaité que le projet de résolution présente un libellé plus spécifique mais a toutefois exprimé le souhait de voir ce projet adopté unanimement et a remercié le représentant de l'Arménie d'avoir attiré l'attention de l'Assemblée sur ce sujet.
M. VOLODYMYR YEL'CHENKO (Ukraine) a rappelé que le mois dernier, l'Ukraine a commémoré le 65ème anniversaire de la famine provoquée par l'homme entre 1932 et 1933, où les Ukrainiens ont été victimes d'un génocide délibéré conduit par le régime soviétique d'alors. Cette horrible tragédie ne devrait pas être oubliée, a-t-il rappelé. Le représentant a préconisé un regard
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nouveau sur le fond de la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide. Nous devons déterminer pourquoi des crimes de génocide se passent encore dans la période d'après-guerre, en Bosnie-Herzégovine ou au Rwanda par exemple, et discuter des moyens d'assurer la mise en oeuvre pratique de cette Convention.
Le représentant a proposé que la définition du terme "génocide" englobe tous les groupes ciblés par des politiques de destruction. Les guerres chimique, biologique ou radiologique pourront aussi être considérées comme génocide par nature. Il est très important de comprendre le phénomène terrible du génocide de façon à prévenir ses effets dans l'avenir. Par conséquent, comprendre et prévenir la pauvreté, les maladies et la guerre permettront également de prévenir le génocide. Le représentant ukrainien a exprimé l'espoir que le projet de résolution sera adopté par l'Assemblée.
M. EUGENIUSZ WYZNER (Pologne) a déclaré que l'adoption en 1948 d'une Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, avait fait naître l'espoir que le monde ne connaîtrait plus jamais les atrocités commises pendant la seconde guerre mondiale et que les Nations Unies seraient, à l'avenir, capables de prévenir de tels crimes. Le représentant a regretté que le monde continue d'être témoin du crime de génocide qui est pourtant explicitement condamné par les textes de droit international. Toutefois, la communauté internationale, sachant tirer les leçons des expériences amères et tragiques du passé, est aujourd'hui mieux armée pour châtier de tels crimes. Le représentant a indiqué que le Conseil de sécurité, en tant que responsable du maintien de la paix et de la sécurité internationales, avait un rôle particulier à jouer dans ce domaine. Sa capacité de réaction rapide face aux situations de crise est essentielle pour éviter les souffrances de milliers d'êtres humains, a-t-il ajouté. La création de tribunaux au Rwanda et en ex- Yougoslavie constitue la preuve que le monde est décidé à ne plus tolérer de tels comportements et qu'il entend mettre fin à la culture de l'impunité, a affirmé le représentant. En effet, les travaux effectués par ces tribunaux illustrent la prise de conscience parmi les Etats qu'il est de leur devoir d'agir de façon concertée pour mettre fin aux crimes de génocide. Pour le représentant, l'adoption du Statut de la Cour pénale internationale constitue le complément indispensable à la convention de 1948 et a exprimé l'espoir qu'elle devienne opérationnelle en l'an 2000. Il a déclaré qu'un tel instrument, qui devrait bénéficier du soutien de tous, permettrait de créer une nouvelle culture dans les relations internationales où le crime de génocide n'aura plus sa place.
M. AHMET ARDA (Turquie) a déploré le fait que la communauté internationale n'ait pas réussi à réaliser la coopération requise pour libérer l'humanité du fléau génocidaire. Au cours de la seule décennie qui vient de s'écouler, le monde a été le témoin, par deux fois, des atrocités génocides, en Bosnie-Herzégovine et en Afrique, a rappelé M. Arda. Dans ces deux cas, la communauté internationale a hésité et n'a pas été capable d'agir à temps pour prévenir ces crimes. En outre, si la communauté internationale avait manifesté sa détermination à coopérer comme l'y invite le préambule de la
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Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, il n'aurait pas été nécessaire de créer deux tribunaux spéciaux, a ajouté M. Arda. A cet égard, il s'est félicité de l'adoption du Statut de la Cour pénal internationale qui, cinquante après l'adoption de la Convention, permettra de juger les crimes de génocide. Il a exprimé l'espoir qu'il ne sera plus nécessaire de recourir à la création de tribunaux pénaux internationaux spéciaux et que la communauté internationale pourra renforcer sa coopération et prendre les mesures nécessaires, à temps, afin de libérer l'humanité de ce fléau odieux.
M. MOVSES ABELIAN (Arménie), présentant au nom des coauteurs le projet de résolution A/53/L.47 relatif au Cinquantième anniversaire de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, a indiqué qu'au cours des cinquante années qui ont suivi son adoption, le besoin de moyens efficaces en vue de l'application de la Convention s'est fait sentir. Il a précisé que, lors de l'adoption de la Convention, l'Assemblée générale avait reconnu que la coopération internationale était nécessaire pour faciliter la prévention et la répression du crime de génocide. Au nom de sa délégation, il a attiré l'attention sur la nécessité de porter un regard neuf sur la Convention et de déterminer les raisons pour lesquelles, à la veille du troisième millénaire, le monde est toujours témoin de génocides et cherche encore les moyens de les prévenir et de les éradiquer.
M. Abelian a relevé ce qui distingue le génocide du vingtième siècle des anciens massacres, notamment le nombre de victimes, la variété des formes de génocide, la technologie qui facilite la destruction totale et les camps de concentration. Il a rappelé que le premier génocide du siècle est celui des Arméniens de l'Empire ottoman en 1915, suivi par l'holocauste juif et l'extermination des Slaves et des Gitans vingt ans plus tard, au cours de la deuxième guerre mondiale. Depuis de tels crimes ont continué à se produire au Cambodge, en Bosnie-Herzégovine et au Rwanda, ce qui montre clairement que la communauté internationale n'a pas tiré les leçons de l'histoire. Il a également attiré l'attention sur les conséquences du génocide sur les générations futures qui ont particulièrement besoin que justice soit rendue si l'on veut éviter que la peur, la rage et la haine ne continuent à fleurir. Il a indiqué que cette reconnaissance est également libératrice pour les descendants des auteurs des crimes de génocide. Par conséquent, a-t-il déclaré, il est indispensable de mettre en place un cadre juridique susceptible d'assurer la prévention du génocide. Il s'est félicité de la création de la Cour pénale internationale qui constitue une étape décisive dans la protection des droits de l'homme et a affirmé que si l'on ne peut faire revivre les morts, on honore leur mémoire en s'attelant à créer un monde de paix, de liberté et de respect mutuel.
M. DORE GOLD (Israël) a déclaré que, en tant que représentant d'une Nation qui a émergé des cendres de l'holocauste, le plus terrible génocide de l'histoire humaine, le peuple d'Israël a un rôle particulier dans la répression et la prévention de ces atrocités. Il considère que la communauté internationale ne doit fixer aucune limite à la punition du crime de génocide.
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Israël constate avec grande inquiétude qu'alors que nous célébrons le 50ème anniversaire de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, la menace du génocide persiste et le monde est toujours le théâtre de massacres de populations civiles du fait d'actions étatiques.
Afin de prévenir légalement le crime de génocide, il estime qu'il faut se pencher sur la question d'un cadre juridique et de définitions permettant de cerner ce phénomène. En effet, la rédaction du Statut de la Cour pénale internationale marque un pas important en ce sens lorsqu'il établit un Tribunal permanent chargé de juger le crime de génocide et autres crimes de guerre. Il a remarqué que ce statut reprend la définition du génocide comprise dans la Convention pour la prévention et la repression de crime de génocide. La délégation israélienne est d'avis qu'il serait sage de renforcer cette Convention en vue de l'appliquer également à des groupes qui ont résisté jusque là à toute classification, mais qui pourraient devenir les cibles du crime de génocide, comme certains groupes caractérisés par la sexospécifité ou des circonstances politiques. Il considère que cela devrait se faire en ayant recours aux instruments juridiques existants, à savoir les mécanismes prévus par les Traités internationaux.
M. ALEXANDRE V. ZMEEVSKI (Fédération de Russie) a rappelé que le génocide nazi a été l'un des plus terribles. Mais l'humanité a heureusement su juger les coupables à Nuremberg. Le représentant s'est félicité de ce que pour la première fois la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide a qualifié le génocide en tant que crime. Malheureusement, les objectifs fixés n'ont pas été pleinement atteints. Pour lutter contre la prolifération de ces politiques haineuses, il faut des actions claires et sans compromis de la part de la communauté internationale, a-t-il indiqué.
Le représentant s'est par ailleurs félicité de l'adoption du Statut de la Cour pénale internationale à Rome en juillet dernier. La création de cette institution juridique internationale doit s'accompagner d'efforts concrets au niveau international, a-t-il estimé. Le représentant a indiqué que même cinquante ans après la Convention il faut rester vigilant. Le terme "génocide" doit disparaître de notre vocabulaire. Il a terminé en remerciant l'Arménie pour son initiative qui a permis d'attirer l'attention de la communauté internationale.
M. OLE PETER KOLBY (Norvège) a rappelé que Winston Churchill appelait le génocide "le crime sans nom" et on a souvent répété que le crime de génocide met en danger la notion même de communauté internationale. Le représentant a salué le premier jugement au titre du crime de génocide par le Tribunal pénal international, 50 ans après l'adoption de la Convention sur la prévention et la répression du crime le génocide.
L'obligation de prévenir et de réprimer le crime de génocide n'est pas limitée aux Etats parties à la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide car l'Article 4 de la Convention confirme qu'aucune immunité souveraine ne peut être invoquée pour échapper à la responsabilité
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individuelle. Ce principe est confirmé par les statuts des tribunaux pénaux internationaux et de la Cour pénale internationale. Le représentant a d'autre part rappelé la responsabilité des Etats conformément à la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide et la compétence de la Cour internationale de justice, selon l'article 9 qui s'efforce de rendre les conflits compatibles avec le respect de l'interprétation, de l'application et de la mise en oeuvre de la Convention. L'expérience acquise grâce aux tribunaux spéciaux constitue un pas en avant dans la mise en place de la Cour pénale internationale, en accord avec les Statuts adoptés en juillet cette année à Rome. L'existence d'une institution permanente et mondiale de ce type permettra de dissuader plus encore la perpétration des crimes les plus terribles, notamment le génocide.
M. RAFAEL DAUSA CESPEDES (Cuba) a fait remarquer qu'un demi-siècle après son adoption, il convient de voir si les objectifs de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide ont été atteints. Le représentant a observé que si, durant toutes ces années, ce texte a été un instrument efficace pour mobiliser la coopération internationale, il faut reconnaître aussi que cette dernière n'a pas été capable de faire disparaître le génocide, pour des raisons politiques ou bien à cause de l'absence d'instruments juridiques suffisamment puissants.
Depuis l'adoption de la Convention, de nouvelles formes de génocide sont apparues rendant les définitions contenues dans le texte de 1948 inopérantes face aux caractéristiques contemporaines de ce crime de lèse humanité. Priver unilatéralement un peuple de faire librement du commerce dans le monde, limiter son accès aux ressources nécessaires à sa survie et à son développement est attentatoire à son existence même, car responsable de souffrances indicibles infligées à son peuple dont l'intégrité physique et mentale est menacée. Cela est d'autant plus grave quand on interdit aux femmes, aux enfants et aux personnes âgées l'accès aux produits alimentaires et aux médicaments. Le représentant a considéré que le blocus imposé à Cuba par les Etats-Unis constitue par conséquent une politique de génocide, un crime grave, une forme de recours à la force contre un peuple menacé d'extermination par la faim et les maladies.
Le représentant a rappelé que le processus d'élaboration et d'adoption du Statut de la Cour pénale internationale constitue une réponse de la communauté internationale face aux actes de génocide sous toutes leurs formes et a souhaité que cette instance sanctionne ce délit.
M. GIDEON KAYINAMURA (Rwanda) a déclaré que le Rwanda a été le théâtre d'une des plus graves tragédies de l'histoire moderne. Il a également rappelé que le premier génocide avait eu lieu en 1959, avant l'indépendance du pays et, parce que ce crime était resté impuni, d'autres massacres ont suivi en 1963, 1964, et 1974, la communauté internationale ne s'étant pas encore rendue compte du caractère génocidaire du crime commis. Il souligne que les victimes
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du génocide au Rwanda n'étaient pas armées et n'étaient nullement des activistes. Ils ont, tout simplement, été éliminés du fait de leur appartenance à un groupe ethnique perçu comme étant hostile au pouvoir.
Selon le représentant, le cinquantenaire de la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide est propice à un nouvel examen des causes, des effets et des diverses manières d'assurer que "plus jamais" l'humanité ne connaisse l'horreur du génocide et des massacres. C'est à ce titre qu'une loi organique sur le mécanisme de poursuite des crimes constitutifs de crimes de génocide ou contre l'humanité a été promulgué le 30 août 1996, ce qui est sans précédent dans le monde. Cette loi, a poursuivi le représentant, vise a réconcilier le pays avec son passé tout en construisant les bases du futur afin de prévenir les risques de résurgence d'un génocide au Rwanda.
M. Kayinamura se félicite de la création des tribunaux spéciaux chargés de juger des crimes commis au Rwanda et dans l'ex-République de Yougoslavie et encourage la communauté internationale à signer et ratifier le statut de la Cour pénale internationale.
Droits de réponse
Le représentant de la Turquie, exerçant son droit de réponse, a indiqué que le représentant de l'Arménie avait parlé de certains événements tragiques du passé. Il ne fait pas de doute que des milliers de Turcs et d'Arméniens ont été touchés par ces événements, comme d'autres peuples de cette région. C'est une tragédie mutuelle qui est la conséquence de la longue désintégration de l'Empire ottoman. Mais la République qui a été édifiée depuis n'est pas fondée sur la revanche, l'hostilité ou la haine. Il a indiqué en outre que les archives ottomanes sont ouvertes à tous les chercheurs. Les chercheurs arméniens sont arrivés à une conclusion et d'autres chercheurs sont parvenus à d'autres conclusions. Il s'est déclaré convaincu que les Arméniens sont suffisamment intelligents pour construire leur identité sur autre chose que les tragédies du passé.
Le représentant de l'Arménie a refusé d'ouvrir un débat sur le génocide arménien mais a tenu à apporter quelques précisions en réponse au représentant de la Turquie. Le génocide arménien a été le premier du 2Oème siècle et a coûté la vie à plus d'1,5 million d'Arméniens. Il a rappelé les propos du Ministre anglais des affaires étrangères de l'époque, Lord Curzon, qui a posé la question suivante : il y a avait plus de 3 millions d'Arméniens en Asie mineure, il n'en reste que 130 000 ou sont les autres? En ce qui concerne le passé, il a indiqué que les victimes cherchent à survivre et souhaitent plutôt oublier les atrocités. Toutefois, il ne faut pas fermer la porte entre le passé et le présent si l'on veut en tirer les leçons.
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