En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/6766

DEDIANT LE PRIX DE LA PAIX DE SEOUL AU SACRIFICE DU PERSONNEL DE MAINTIEN DE LA PAIX, LE SECRETAIRE GENERAL DECLARE QUE L'ONU PEUT CONTRIBUER A DEGAGER LA VOIE DE LA PAIX

16 novembre 1998


Communiqué de Presse
SG/SM/6766


DEDIANT LE PRIX DE LA PAIX DE SEOUL AU SACRIFICE DU PERSONNEL DE MAINTIEN DE LA PAIX, LE SECRETAIRE GENERAL DECLARE QUE L'ONU PEUT CONTRIBUER A DEGAGER LA VOIE DE LA PAIX

19981116 On trouvera ci-après le texte de l'allocution que le Secrétaire général, M. Kofi Annan, a prononcée à la cérémonie au cours de laquelle le Prix de la paix de Séoul lui a été décerné, le 23 octobre à Séoul (République de Corée) :

Laissez-moi tout d'abord exprimer ma profonde gratitude pour l'honneur qui m'est fait de recevoir, au nom de l'Organisation des Nations Unies, le Prix de la paix de Séoul. Je suis très honoré de suivre les traces des distingués lauréats qui m'ont précédé, le Président du Comité olympique international, Juan Antonio Samaranch, l'ex-Secrétaire d'État américain, George Shultz, et le docteur Philippe Biberson, de Médecins sans frontières.

J'aimerais dédier cette récompense à la mémoire des quelque 1 500 hommes et femmes qui, au long des 50 premières années d'opérations de maintien de la paix des Nations Unies, ont sacrifié leur vie pour la paix. Alors même que la République de Corée commémore le cinquantième anniversaire de sa fondation, l'ONU se souvient, 50 ans plus tard, du jour où, pour la première fois, elle a envoyé au front, sous une nouvelle bannière, des soldats chargés d'une nouvelle mission : une mission de paix.

Il s'agissait alors d'une entreprise sans précédent dans l'histoire de l'humanité, une tentative de faire triompher les sentiments les plus nobles de l'homme et d'opposer la tolérance à la violence, la modération à la force, le dialogue à la destruction, la paix à la guerre. Depuis lors, jour après jour, année après année, le personnel de maintien de la paix a fait face à l'horreur et aux réalités de la guerre, sans jamais perdre confiance, sans jamais renoncer et sans jamais perdre espoir.

Depuis 1948, 49 opérations de maintien de la paix des Nations Unies se sont succédé, dont 36 après 1988, date à laquelle le prix Nobel de la paix a été décerné aux opérations de paix des Nations Unies. Plus de 750 000 soldats et membres de la police civile, ainsi que des milliers de civils, originaires de 118 pays différents, ont pris part aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies, et 14 000 y participent en ce moment même.

- 2 - SG/SM/6766 16 novembre 1998

La République de Corée a soutenu sans faillir la mission de paix des Nations Unies en faisant appel au courage des jeunes hommes et femmes qui font cette nation pour défendre la paix dans le monde, de l'Angola au Jammu-et-Cachemire, en passant par le Sahara occidental et la Géorgie. Le Gouvernement coréen a montré son attachement aux initiatives de paix des Nations Unies en versant l'an dernier une contribution de 250 000 dollars au Fonds d'affectation spéciale pour l'action préventive. Ses actions honorent tant le peuple coréen que les Nations Unies.

L'objectif de l'Organisation des Nations Unies, née au lendemain de deux guerres mondiales, est avant tout d'instaurer la paix, et, selon l'expression consacrée par la Charte, de "préserver les générations futures du fléau de la guerre". Il est certain que les opérations de maintien de la paix correspondent tout à fait à l'esprit de cet engagement. Or, la Charte ne contient absolument aucune disposition précise à leur sujet. Dès le début, les activités de "maintien de la paix" ont été marquées par l'improvisation. C'est là, à mon avis, l'un de leurs grands avantages et l'on y trouve la preuve que l'Organisation, loin d'être statique et sclérosée, est au contraire dynamique et novatrice.

En effet, les opérations de maintien de la paix sont une des nombreuses activités par lesquelles l'Organisation a montré sa capacité de s'adapter aux circonstances, de contourner les obstacles et de se rendre utile, sans se soucier des difficultés qui l'attendaient, ni du temps qu'il lui faudrait pour mener à bien sa tâche.

Le rôle des opérations de maintien de la paix, qu'il s'agisse d'effectuer des patrouilles dans des zones tampons clairement délimitées ou le long des lignes de cessez-le feu, ou d'organiser des interventions complexes et multidimensionnelles, comme celles qui ont été menées dans les années 90, n'a jamais été simple, et a eu du mal à évoluer. Parfois, les résultats que l'on attendait de ces opérations excédaient les ressources mises à leur disposition, et le mandat qui leur était confié ne tenait pas toujours compte, hélas, de la situation sur le terrain.

Néanmoins, au fil des années, des succès indéniables ont été remportés, notamment en Namibie, au Mozambique, en El Salvador et, très récemment, au Guatemala. Mais l'Organisation a également été amenée à maintenir le calme dans des situations apparemment sans issue, comme à Chypre ou au Moyen-Orient.

En d'autres occasions, en particulier au Rwanda et dans l'ex- Yougoslavie, l'Organisation s'est trouvée réduite au rôle de spectateur impuissant, alors que se commettaient des crimes effroyables. C'est alors que les limitations des opérations de maintien de la paix sont clairement apparues. Force était de reconnaître que des troupes faiblement armées se déplaçant dans des véhicules blancs et coiffées d'un casque bleu ne pouvaient être la solution à tous les conflits. Parfois, la paix doit être conclue ou imposée avant d'être maintenue.

- 3 - SG/SM/6766 16 novembre 1998

Nous sommes les premiers à déplorer ces événements tragiques, les pertes en vies humaines, les ravages causés aux villes et villages, la destruction du ciment de l'humanité, qui en d'autres temps et en d'autres lieux, fait qu'hommes et femmes de différentes origines vivent ensemble en paix. Nos réalisations les plus remarquables ne nous feront jamais oublier ces moments difficiles.

Il ne faut pas pour autant se laisser aller au fatalisme de ceux qui préféreraient rester les bras croisés lorsque, dans un pays lointain, les conflits font rage et que souffrent des êtres humains. Laissons cela aux cyniques et aux lâches.

Nous n'avons pas l'intention de prétendre que les opérations de maintien de la paix ont résolu tous les conflits, pas plus, hélas, qu'elles n'ont permis d'éviter de nouveaux génocides. Nous sommes par contre en droit d'affirmer qu'après un demi-siècle d'existence, les casques bleus ont sauvé des dizaines de milliers de vies.

L'ONU doit poursuivre sa mission de maintien de la paix. Il reste tant à faire, et tellement d'innocents perdent la vie que nous ne pouvons ne fût-ce qu'envisager de baisser les bras. L'objet des opérations de maintien de la paix n'a jamais été, en définitive, de mettre fin à la guerre. Toutefois, elles peuvent contribuer à éviter, ou tout au moins à retarder, le déclenchement d'un conflit.

À plus long terme, elles peuvent aussi contribuer à bâtir et à consolider, pièce par pièce, la paix durable à laquelle tous les peuples aspirent. Cette entreprise passe par la réalisation de tâches fondamentales telles que la remise en état des routes, des écoles et des hôpitaux et la création d'une police civile formée pour faire respecter, et non bafouer les droits de l'homme; elle passe par l'affirmation de la primauté du droit et la création d'institutions démocratiques, permettant notamment la tenue d'élections libres.

C'est à cette condition seulement que l'on verra germer, à la fin du conflit et après la conclusion d'un accord de paix la stabilité future à laquelle aspirent les pays ravagés par la guerre; que les principes de bonne gouvernance et d'institutions démocratiques transparentes et bien adaptées porteront leurs fruits; que l'on pourra envisager la création d'un environnement favorable à l'investissement et à la croissance; et que l'on pourra affirmer avec certitude que la paix a réellement triomphé de la guerre.

Les paroles d'Ésaïe : "De leurs glaives ils forgeront des hoyaux, et de leurs lances des serpes : une nation ne tirera plus l'épée contre une autre, et l'on n'apprendra plus la guerre", ne seront jamais plus qu'un idéal. Si, par leur action, les soldats de la paix peuvent contribuer à faire de cet idéal une réalité moins distante, plus prometteuse et plus apte à protéger les innocents qu'à conforter les coupables, ils auront rempli leur mission.

- 4 - SG/SM/6766 16 novembre 1998

Il appartient, certes, aux peuples et aux parties concernées de prouver leur volonté de parvenir à la paix, mais l'Organisation des Nations Unies peut, en ce qui la concerne, contribuer à dégager la voie. Le Prix de la paix de Séoul est la reconnaissance des efforts que nous avons menés à cette fin pendant un demi-siècle; il nous encourage à penser que nous pouvons continuer sur cette voie pour le siècle à venir.

* *** *

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.