LA COMMISSION EXAMINE LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO, AU MYANMAR, AU NIGERIA, ET EN HAITI
Communiqué de Presse
AG/SHC/384
LA COMMISSION EXAMINE LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO, AU MYANMAR, AU NIGERIA, ET EN HAITI
19981104 Elle se penche également sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitrairesLa Commission des questions sociales, humanitaires et culturelles (Troisième Commission) a poursuivi cet après-midi l'examen des rapports des Rapporteurs et Représentants spéciaux de la Commission des droits de l'homme. Les délégations ont eu un dialogue avec M. Roberto Garreton, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République démocratique du Congo, qui avait présenté son rapport dans la matinée. Ensuite, M. Rajsoomer Lallah, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Myanmar; M. Soli Jehangir Sorabjee, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Nigéria; M. Adama Dieng, Expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Haïti; et Mme Asma Jahangir, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires, ont présenté leurs rapports respectifs. Ces présentations ont été, à chaque fois, suivies d'un dialogue avec les délégations.
La Commission poursuivra ses travaux jeudi à partir de 10 heures. Elle entendra notamment la présentation des rapports de M. Francis Deng, Rapporteur spécial sur les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays; de M. Michel Mousalli, Représentant spécial du Secrétaire général sur la situation des droits de l'homme au Rwanda et de M. Nigel Rodley, Rapporteur spécial sur la torture.
RAPPORT DU RAPPORTEUR SPECIAL SUR LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
Ce rapport avait été présenté ce matin (communiqué AG/SHC/383).
Dialogue avec les délégations
Le représentant de l'Autriche, au nom de l'Union européenne, a demandé des précisions sur les procédures d'autorisation pour une visite du Rapporteur spécial dans le pays. Il a voulu savoir si la création d'un Ministère aux droits de l'homme a déjà eu un effet positif quelconque, et quels contacts le Rapporteur spécial entretient avec les personnes travaillant au sein de ce Ministère. Il a en outre demandé quels problèmes se posaient quant au projet constitutionnel.
Le représentant des Etats-Unis a demandé quelles mesures ont été prises par l'ONU, compte tenu du rapport négatif sur la situation en République du Congo concernant les droits de l'homme, et compte tenu de l'échec de la part de ce pays à répondre aux demandes du Conseil de Sécurité à cet égard. Le représentant a prié le dépositaire de la liste des violations spécifiques aux droits de l'homme dans ce pays de la conserver, afin d'"éventuellement y donner suite". Le représentant a demandé comment le Rapporteur spécial envisageait de donner suite au rapport de l'Equipe désignée par le Secrétaire général pour enquêter sur les allégations d'atrocités commises dans l'est de la République démocratique du Congo. Il souhaiterait savoir comment faire face aux obstacles posés par les autorités en opposition au travail des équipes d'enquêtes.
M. MWAMBA KAPANGA (République Démocratique du Congo) a déclaré que le rapport comporte des allégations gratuites. Il a fait remarquer que le Rapporteur spécial, dont le rôle est de promouvoir les droits de l'homme dans le pays couvert par son mandat, n'a entretenu que des rapports conflictuels avec les autorités de la République du Congo. Le Gouvernement avait demandé à l'ONU, mais sans succès, son remplacement. Le Rapporteur spécial a reproché au Gouvernement de ne pas avoir donné suite à ses multiples sollicitations, mais semble avoir ignoré les communications faites par celui-ci au Secrétaire général ou au Conseil de Sécurité. La République Démocratique du Congo aimerait voir des chiffres précis concernant les allégations concernant des détenus politiques. Le représentant a mentionné la liberté dont jouissent les anciens dignitaires du régime déchu, dont aucun n'a perdu le droit à la vie. Le représentant a noté que, dans le rapport précité, il a été faussement allégué que, sur l'incitation du Gouvernement à la haine contre les Tutsis, la population civile est intervenue dans le conflit. Le Gouvernement a offert asile aux ressortissants rwandais à Kinshasa, et fait appel à d'autres pays pour les recevoir. Le représentant a reproché au Rapporteur spécial d'avoir rédigé son rapport en 12 jours, sans prendre l'avis du Gouvernement congolais et sans chercher à vérifier des faits aux sources d'informations disponibles.
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Il a suggéré que les futurs rapports sur le pays soient exécutés par un "Rapporteur spécial plus objectif".
Le représentant du Rwanda a demandé comment le Rapporteur spécial a pu condamner un pays où il ne s'est même pas rendu, sur la seule base de rencontres à Genève et à Londres. Il a soutenu la description par le Rapporteur spécial de la situation en République Démocratique du Congo comme un conflit interne. Il a estimé que celui-ci a confondu le Rwanda et la République démocratique du Congo dans son paragraphe 13 et a rappelé que son pays a présenté un rapport à temps.
Le représentant du Zimbabwe a déclaré que son pays, mentionné dans le rapport A/53/365, n'est intervenu en République Démocratique du Congo conformément aux dispositions de l'article 51 de la Charte des Nations Unies relatives au droit à la légitime défense, et en réponse à l'appel de ce pays de l'aider à rejeter une invasion du Rwanda et de l'Ouganda qui menaçaient son intégrité territoriale. L'intervention du Zimbabwe, a-t-il souligné, ne peut être comparée avec une intervention militaire à l'appui d'une rébellion armée. Selon le représentant, les interventions du Rwanda et de l'Ouganda sont un précédent dangereux pouvant avoir des conséquences mortelles. L'intervention des forces alliées de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) a été approuvée par les organes régionaux compétents. Enfin, le Zimbabwe a signé les Conventions de Genève et leurs protocoles. Ses troupes ont respecté les règles d'engagement reconnues par le droit humanitaire international, et n'ont combattu que des forces d'invasion en uniforme, et non des civils. Le Général qui conduit les forces armées a suivi une formation prodiguée par l'ONU sur les droits de l'homme. Les prisonniers de guerre ont été humainement traités, et le Comité international de la Croix-Rouge a un accès illimité à eux, comme le dit le rapport. Selon le représentant, le rapport déclare, sans preuve, que les forces armées du pays auraient bombardé, de façon aveugle, les populations civiles, alors qu'elles n'ont combattu que lors de l'attaque visant à capturer Kinshasa. Le rapport mentionne des atrocités commises à l'est de la République démocratique du Congo, alors que ces forces n'ont agi que du côté occidental. Le représentant a demandé ce que peut faire la Commission des droits de l'homme pour traduire en justice les responsables des massacres dans la partie orientale de ce pays.
Le représentant de l'Ouganda a déclaré que, contrairement aux allégations du rapport, son pays n'a pas "soutenu ouvertement les rebelles".
M. ROBERTO GARRETON, Rapporteur spécial, a indiqué que le contact qui s'était rétabli entre lui et le Gouvernement de la République démocratique du Congo allait permettre de rédiger un rapport précis. Quant à la Constitution, jusqu'à présent, et comme ce fut le cas sous le régime Mobutu, elle est imposée par un secteur de la population au lieu d'être un instrument reposant sur un accord concerté. Il faut, a suggéré le Rapporteur spécial, changer ce style. L'intention en avait été affirmée avec l'organisation d'une
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Conférence nationale souveraine. Mais l'initiative avait déplu à M. Mobutu et a été oubliée. Des dispositions du projet constitutionnel déplaisent à certains, comme la déclaration de la fête nationale le 17 mai, ou le choix de l'anglais comme langue officielle. Une réforme du système carcéral a été annoncée, mais M. Garreton a affirmé ne pas connaître la teneur de ce projet, et les rapports reçus sur le système actuel sont désastreux. Il s'est félicité de la création d'un Ministère des droits de l'homme en République démocratique du Congo, mais a regretté qu'aucune action positive n'a été enregistrée à son actif.
Le représentant des Etats-Unis a suggéré que le Conseil de Sécurité prenne les mesures adéquates pour étendre les compétences du tribunal international spécial pour le Rwanda.
Le Rapporteur spécial a soutenu cette proposition.
Rapport intérimaire du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur la situation des droits de l'homme au Myanmar (A/53/364)
Le rapport intérimaire sur la situation des droits de l'homme au Myanmar, établi par M. Rajsoomer Lallah, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme, est transmis à l'Assemblée générale par une note du Secrétaire général. Le rapport indique que le Gouvernement de Myanmar a ignoré les résolutions de l'Assemblée et de la Commission des droits de l'homme, a fait montre d'un manque total de coopération avec le Rapporteur spécial et, à ce jour, deux ans après la nomination de celui-ci, n'a pas trouvé une date appropriée pour son voyage dans le pays.
La situation au Myanmar n'a pas évolué favorablement depuis que le Rapporteur a soumis son rapport à la Commission des droits de l'homme à sa 54ème session, et les conclusions de ce rapport restent valides. Malgré l'espoir du Rapporteur spécial de voir un dialogue s'instaurer entre le Gouvernement et la Ligue nationale pour la démocratie (NLD), y compris les dirigeants des minorités, aucun dialogue n'a eu lieu. La hiérarchie du pouvoir militaire reste autocratique et ne rend de compte qu'à elle-même; elle est fondée sur le déni et la répression des droits les plus fondamentaux.
Le Rapporteur spécial reste profondément préoccupé par le harcèlement constant des dirigeants politiques et la détention de nombreux prisonniers politiques. Sans compter que la Secrétaire générale de la NLD, Daw Aung San Suu Kyi est virtuellement bloquée dans sa résidence et fait l'objet de constantes diffamations, et l'incapacité où se trouve son parti d'organiser des réunions et des activités politiques normales. Le Rapporteur spécial est également très préoccupé par les graves violations des droits de l'homme qui continuent à être commises par les forces armées dans les zones occupées par des minorités ethniques, y compris les exécutions extrajudiciaires et
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arbitraires, les viols, la torture, les traitements inhumains, le recours au travail forcé et les atteintes à la liberté de mouvement. Le grand nombre et le caractère systématique de ces violations au cours de ces dernières années semblent indiquer qu'il s'agit d'une ligne de conduite décidée au niveau le plus élevé qui entraîne une responsabilité politique et juridique.
Le Rapporteur spécial se voit contraint de répéter les recommandations qui figurent dans son rapport à la Commission des droits de l'homme (E/CN.4/1998/70). En outre, il recommande qu'une enquête indépendante soit faite sur les circonstances de la mort de M. Nichols en juin 1996 et de celle de U Thein en février 1998 pendant leur détention à la prison Insein, afin que des poursuites puissent être engagées contre les individus qui pourraient avoir été responsables de leur mort ou des mauvais traitements qu'ils ont subis. Des mesures urgentes devraient être prises par toutes les autorités gouvernementales afin de mettre un terme, une fois pour toutes, au travail forcé et au portage et de respecter pleinement les obligations assumées par le Myanmar en vertu de la Convention N. 29 de l'OIT. Le Gouvernement du Myanmar devrait aussi rapidement que possible appliquer les recommandations qui ont été récemment formulées par la Commission d'enquête de l'OIT.
La Commission est saisie d'une lettre adressée au Secrétaire général par le Représentant permanent du Myanmar, faisant tenir le texte d'un mémorandum relatif à la résolution de l'Assemblée générale, du 12 décembre 1997, sur la situation des droits de l'homme dans son pays (A/C.3/53/8). Il est notamment indiqué dans ce mémorandum que le Gouvernement a rencontré à 13 reprises des représentants du Secrétaire général et a reçu trois fois au Myanmar son Représentant spécial, M. Alvaro de Soto et qu'il autorisera M. Lallah à se rendre au Myanmar lorsqu'il le jugera opportun.
Déclaration liminaire du Rapporteur spécial
M. RAJSOOMER LALLAH, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur la situation des droits de l'homme au Myanmar, a déclaré que l'adoption dans ce pays, en 1993, de la Convention nationale, composée de députés, a abouti à l'exclusion du parti politique qui avait gagné les élections, la Ligue nationale pour la Démocratie (NLD) et à l'attribution du pouvoir politique à l'armée. Des violations sérieuses aux droits de l'homme continuent de se perpétrer au Myanmar. L'opposition politique cherche à intensifier ses activités légitimes, et les actes de répression et de harcèlement, ces derniers mois, contre le NLD, y compris 800 arrestations de ses membres, sont constants. Les opposants sont emprisonnés et subissent des conditions de détention ne correspondant pas aux normes du droit international. Beaucoup meurent en prison. Des personnes d'origine non birmanes sont déplacées de force dans des camps frontaliers militaires, où leurs droits à l'intégrité physique, à la propriété et à la vie privée
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sont violés. La pratique du travail forcé continue, comme l'a fait observer la Commission d'enquête sur les conditions de travail au Myanmar. Les explications fournies par le Gouvernement à ce sujet sont mensongères.
Dialogue avec les délégations
M. UPE THEIN TIN (Myanmar) a déclaré que la nomination même de M. Lallah était inacceptable pour son Gouvernement du Myanmar, car elle est perçue comme une ingérence insupportable. Le représentant a qualifié le rapport de M. Lallah de "tendancieux et mal intentionné", et ayant absorbé la désinformation donnée par une poignée d'insurgés. A en croire le Rapporteur spécial, règnent au Myanmar une violence et un bain de sang généralisés, des exécutions arbitraires quotidiennes, et des persécutions ethniques. En réalité, a indiqué le représentant, les droits du peuple sont adéquatement défendus par le Tatmadaw. Le Gouvernement nie imposer la pratique du travail forcé. Des mesures de prévention ont été prises à cet égard et des directives adressées au personnel de l'Etat. Le Gouvernement a indiqué qu'il avait procédé à un amendement législatif pour s'aligner sur les recommandations pertinentes de l'OIT en matière de travail forcé. En ce qui concerne le paragraphe 61 mentionnant la mort, par suite de mauvais traitements de Messieurs Nichols et U Thein, le représentant a affirmé que ces décès étaient dus à une cause naturelle.
Le représentant de l'Autriche, au nom de l'Union européenne, a demandé, concernant la présence du Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) dans la zone frontalière entre la Thaïlande et le Myanmar, si cet organisme pourrait jouer un rôle positif, compte tenu des effets négatifs que la présence de réfugiés a sur les pays voisins.
Le Représentant des Etats-Unis a déclaré que la tâche du Rapporteur spécial est difficile, en raison de l'absence de coopération de la part des autorités du Myanmar, qui ne le laissent pas aller sur place. Il a demandé ce que la communauté internationale pouvait faire pour pallier à la situation difficile au Myanmar, notamment au vu du fait qu'un représentant de la Ligue nationale pour la démocratie est mort en prison.
Répondant aux questions des délégations, M. RAJSOOMER LALLAH, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme au Myanmar, a réaffirmé son appui aux conclusions de la Commission d'enquête de l'OIT. Au représentant de l'Autriche, il a répondu que tous les efforts devaient être déployés pour que le Myanmar comprenne que les droits de l'homme ne représentent pas seulement une obligation interne mais relèvent aussi des obligations internationales auxquelles le pays a souscrit, ainsi qu'un devoir moral. M. Lallah a encouragé le dialogue avec le Gouvernement au pouvoir au Myanmar. Il est important que le peuple et le Gouvernement comprennent que la communauté internationale s'intéresse à l'épanouissement des droits de l'homme dans ce pays. S'agissant des réfugiés, il a souligné le rôle important
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du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) qui requiert l'appui de la communauté internationale. Les réfugiés imposent un fardeau supplémentaire aux pays voisins que la communauté internationale se doit de reconnaître. A cette fin, elle doit appuyer sans réserve les mesures visant à alléger ce poids. Pour ce qui est du décès récent d'un membre élu du Parlement, il a indiqué n'avoir pu procéder à sa propre enquête jusqu'à présent et a précisé qu'il le ferait prochainement.
Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Nigéria (A/53/366)
Ce rapport intérimaire de M. Soli Jehangir Sorabjee, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur la situation des droits de l'homme au Nigéria, est transmis par une note du Secrétaire général. Le Rapporteur spécial regrette vivement de ne pas être à même de présenter à l'Assemblée générale des conclusions fondées sur une mission au Nigéria. Il avait espéré y effectuer une mission d'enquête mais n'a pas réussi à obtenir l'autorisation des autorités nigérianes. Le présent rapport se fonde donc sur l'analyse des renseignements émanant de sources diverses reçues par le Rapporteur spécial.
Dans ses conclusions, le Rapporteur spécial souligne que le changement qui s'est produit à la tête du pays en juin 1998 et la façon dont la situation a évolué depuis offrent une possibilité de rompre avec le passé et d'inaugurer une ère nouvelle, celle d'un régime civil démocratique. L'occasion est offerte aux autorités nigérianes d'engager un processus de transition en procédant à une vaste consultation et en respectant pleinement les droits fondamentaux et les libertés fondamentales, comme le général Abubakar s'y est engagé dans sa déclaration du 20 juillet 1998.
Le Rapporteur spécial estime qu'il faut satisfaire à certains critères pour que le passage à un régime civil porte vraiment ses fruits et que le Gouvernement nigérian prouve à la communauté internationale qu'il est vraiment résolu à respecter les droits de l'homme et la primauté du droit. Ainsi, le Gouvernement devrait s'employer à garantir que le processus électoral est conforme, à tous les stades, aux normes internationales relatives au suffrage universel et égal, assurant l'expression libre de la volonté des électeurs. La crédibilité, l'intégrité et l'autonomie de la Commission électorale nationale indépendante doivent donc être garanties. Le Rapporteur spécial se félicite que des observateurs internationaux aient été invités à surveiller les élections à tous les stades et invite la communauté internationale à répondre favorablement à cette invitation ainsi qu'à toute autre demande d'assistance technique ou de service d'experts.
Pour que les élections soient libres et régulières, le Gouvernement devra respecter pleinement le droit à la liberté d'opinion, d'expression et d'association, le droit à la liberté de la presse et le droit de réunion pacifique. A cette fin, les décrets actuellement en vigueur qui limitent
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ces libertés devraient être abrogés pour que des critiques et des opinions divergentes puissent être exprimées. Toutes les restrictions imposées aux syndicats et aux associations professionnelles qui portent atteinte à leur autonomie devraient aussi être supprimées. Tous les prisonniers politiques, dirigeants syndicaux, défenseurs des droits de l'homme et journalistes actuellement détenus sans inculpation ou sans avoir été jugés devraient immédiatement être libérés.
Les personnes qui ont été condamnées à la suite des prétendues tentatives de coup d'Etat de 1990, 1995 et 1997 et qui sont encore incarcérées devraient soit être rejugées par des tribunaux indépendants qui appliquent les normes internationales garantissant une procédure régulière, soit libérées sans conditions. Toutes les personnes qui purgent des peines après avoir été jugées par des tribunaux militaires et selon des procédures non conformes aux normes internationales garantissant un jugement équitable devraient être libérées. A défaut, elles devraient être libérées sous caution et rejugées par un tribunal indépendant.
Tous les décrets qui ont suspendu les dispositions relatives aux droits de l'homme dans la Constitution actuellement en vigueur (Constitution de 1979) devraient être abrogés. Il faudrait que l'élaboration de la Constitution ne soit pas laissée au seul Conseil provisoire de gouvernement, qui est une entité militaire, mais que les représentants d'une large fraction de la société civile y soient aussi associés. La légitimité démocratique en serait renforcée. Tous les décrets qui enlèvent à la compétence des tribunaux les affaires relatives à la vie et à la liberté de la personne devraient être abrogés, de même que le décret No 2 de 1984 relatif à la sûreté de l'Etat (détention des personnes).
Ce sont les tribunaux ordinaires qui devraient apprécier les droits et obligations des personnes, en particulier le bien fondé des accusations pénales. Toutes les procédures judiciaires devraient être publiques et se dérouler devant des tribunaux indépendants agissant dans le respect des formes régulières conformément aux normes internationales. C'est à la Cour d'appel du Nigéria et non au Président du Conseil provisoire de gouvernement qu'il devrait appartenir de confirmer ou d'infirmer les verdicts de culpabilité et les peines. La possibilité de saisir la Cour suprême du Nigéria devrait être prévue.
Le Nigéria devrait décider de surseoir aux exécutions en attendant d'abolir complètement la peine de mort. A défaut, la peine de mort ne devrait être prononcée qu'en stricte conformité avec les dispositions de l'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et en aucun cas ne devrait être imposée à des personnes âgées de moins de 18 ans. Les conditions de détention devraient être améliorées de toute urgence et des observateurs internationaux devraient être autorisés à se rendre dans les centres de détention.
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Les lois allant à l'encontre de l'égalité des droits pour les femmes devraient être abrogées et des mesures devraient être prises d'urgence pour lutter contre la mutilation génitale des femmes et le mariage forcé. Des mesures devraient également être prises d'urgence pour que soient respectées les dispositions de la Convention sur les droits de l'enfant, ainsi que pour renforcer les garanties en faveur des enfants détenus, en particulier en ce qui concerne leur réadaptation et leur réintégration.
Le Nigéria devrait ratifier la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. La Commission des droits de l'homme devrait être dotée de ressources suffisantes et son indépendance respectée par le Gouvernement. Il faudrait la renforcer en étendant ses pouvoirs et sa compétence à toutes les affaires de violation des droits de l'homme. Enfin, le Gouvernement devrait coopérer avec l'actuel Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme en l'autorisant à se rendre au Nigéria dans l'exercice de son mandat avant l'élaboration du rapport qu'il doit soumettre à la Commission des droits de l'homme à sa prochaine session.
Déclaration liminaire du Rapporteur spécial
M. SOLI JEHANGIR SORABJEE, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur la situation des droits de l'homme au Nigéria, a déploré à nouveau de ne pas avoir pu effectuer une visite au Nigéria avant l'établissement de son rapport. Quatre communications ont été adressées le 20 mai, le 22 juin, le 1er juillet et le 8 août, mais aucune n'a reçu de réponse avant la date de soumission de ce rapport intérimaire. Le Rapporteur spécial a toutefois indiqué que les autorités nigérianes l'avaient invité, le 16 septembre dernier, à visiter le Nigéria dans le cadre de son mandat et qu'il se rendrait dans ce pays la troisième semaine de novembre. Il a déclaré avoir reçu l'assurance qu'il n'y aurait aucune restriction quant à ses déplacements et aux contacts avec les personnes qu'il souhaite rencontrer. Le rapport de cette mission sera soumis à la Commission des droits de l'homme.
Le Rapporteur spécial a indiqué que de nombreux développements avaient eu lieu et qu'un changement positif était en cours dans le domaine politique depuis la nomination du Général Abdulsalam Abubakar à la tête du pays le 9 juin dernier. Plusieurs prisonniers politiques ont été libérés, de même que 20 Ogonis. Toutefois malgré plusieurs mesures positives adoptées par les nouvelles autorités, l'Etat de droit n'existe toujours pas au Nigéria; le droit à la liberté et à la sécurité de la personne n'est pas suffisamment protégé et aucune garantie n'existe contre les abus de pouvoir, notamment en ce qui concerne les détentions arbitraires. En outre, aucun changement positif n'a eu lieu en ce qui concerne la composition des tribunaux et des procédures juridiques, et les conditions dans les prisons sont toujours très dures. Il est toutefois réconfortant de voir que la Commission nationale
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des droits de l'homme a poursuivi ses activités en vue de la promotion et de la protection des droits de l'homme malgré ses ressources limitées, a déclaré le Rapporteur spécial, estimant que ce mécanisme, s'il est renforcé, pourrait contribuer de manière significative à la construction d'une culture des droits de l'homme au Nigéria.
Le Rapporteur spécial s'est réjoui de la décision prise par le Gouvernement nigérian d'autoriser plusieurs visites et missions de haut niveau dans le pays. En ce qui concerne la transition vers un gouvernement civil, il a estimé que les informations disponibles reflètent la sincérité du chef de l'Etat. Toutefois, de l'avis du Rapporteur spécial, certaines mesures importantes doivent encore être prises pour le respect effectif des droits de l'homme et la restauration de la démocratie. Il a cité, en premier lieu, le rétablissement des institutions essentielles à la démocratie, en particulier, une justice indépendante qui a le pouvoir de faire respecter les droits de l'homme de tous les Nigérians, une presse libre et responsable, une opposition qui fonctionne librement et la création d'un environnement favorable à la jouissance des droits humains de tous les citoyens, à la formation de syndicats et d'associations, et au respect des droits des femmes et des enfants.
En conclusion, le Rapporteur spécial a souhaité le maintien de l'élan actuel, l'abrogation des décrets restrictifs mentionnés dans son rapport et la cessation des détentions illimitées sans jugement.
Dialogue avec les délégations
M. GABRIEL SAM AKUNWAFOR (Nigéria) a insisté sur les changements en profondeur qui ont eu lieu au cours des derniers mois dans son pays. Il a réaffirmé que toutes les portes étaient ouvertes au Rapporteur spécial pour qu'il puisse constater lui-même la situation. Il s'est toutefois interrogé sur le chiffre de 12 millions d'enfants au travail cité dans le rapport. S'agissant des pratiques coutumières affectant la santé des femmes, il a reconnu qu'il s'agit effectivement d'un défi fondamental. Le Nigéria a d'ailleurs coparrainé une résolution condamnant les mutilations génitales et, en mai dernier, une politique nationale et un plan d'action ont été adoptés concernant cette question. Le représentant a estimé qu'il faudrait du temps pour éliminer ces pratiques liées à des traditions ancestrales mais a estimé que son pays est sur la bonne voie. Il a invité le Rapporteur spécial à ne pas avoir de préjugés et à garder l'esprit ouvert, et a invité la communauté international à soutenir le Gouvernement du général Abubakar dans ses efforts visant au rétablissement de la démocratie.
Le représentant de l'Autriche, prenant la parole au nom de l'Union européenne, s'est félicité des propos tant du Rapporteur spécial que du représentant du Nigéria. Il a souligné le fait que les élections sont fondamentales pour le respect de la démocratie et des droits de l'homme
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et a fait part de la volonté de l'Union européenne d'apporter son soutien à ce processus. Il a demandé au Rapporteur spécial des précisions sur la préparation de ces élections et sur ce que pouvait faire la communauté internationale dans ce cadre. Il a demandé au Rapporteur spécial des précisions sur les mesures qui pourraient être prises en vue du renforcement de la Commission nationale des droits de l'homme.
M. SOLI JEHANGIR SORABJEE, Rapporteur spécial, a précisé qu'en ce qui concerne les 12 millions d'enfants et les mutilations génitales, il se rendrait au Nigéria dans un esprit ouvert et s'efforcerait de se faire une idée de la situation en connaissance de cause, en s'attachant à rencontrer des représentants de tous les secteurs de la société et non seulement du Gouvernement. Il a suggéré que l'élection et la nomination des membres de la Commission des droits de l'homme se fassent en consultation avec la Cour suprême afin de renforcer l'indépendance de cette Commission.
Rapport du Secrétaire général sur le programme de coopération technique en Haïti (A/53/530)
Ce document fournit des informations sur l'exécution du programme de coopération technique dans le domaine des droits de l'homme et complète le rapport de l'expert indépendant sur l'évolution de la situation des droits de l'homme en Haïti.
Un certain nombre d'organes des Nations Unies participent aux projets de coopération technique destinés à promouvoir les droits de l'homme en Haïti. C'est le cas de la Mission civile internationale en Haïti (MICIVIH), qui s'occupe notamment de formation dans le domaine des droits de l'homme et de vérification du respect de ces droits. Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) participe au renforcement des capacités nationales, notamment dans le domaine de l'administration pénitentiaire et de la justice, et encourage le déploiement d'efforts concertés dans l'ensemble du système des Nations Unies. Le Haut Commissaire a appuyé la Commission nationale vérité et justice et a assuré une formation à la base dans le domaine des droits de l'homme (instruction civique et formation de la société civile).
Le Programme du Haut Commissariat vient s'ajouter aux activités des divers organismes et programmes des Nations Unies en Haïti; il s'inscrit dans l'action globale que mène l'Organisation pour appuyer les efforts déployés par le Gouvernement en vue de restaurer l'Etat de droit et d'assurer le relèvement et le développement du pays. Le PNUD et la MICIVIH sont présents dans tous les domaines; le renouvellement du mandat de la MICIVIH a apporté un élément de continuité dans le programme et multiplié les possibilités de coopération à l'intérieur du système des Nations Unies. C'est la raison pour laquelle le Haut Commissaire aux droits de l'homme a estimé que, au nom de l'efficacité, de la complémentarité et de la coordination, il était préférable de confier l'exécution du programme de coopération technique à la MICIVIH.
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Note du Secrétaire général sur la situation des droits de l'homme en Haïti (A/53/355)
Dans cette note, l'expert indépendant indique que la situation des droits de l'homme en Haïti s'est sans aucun doute améliorée, bien que des menaces planent sur la stabilité du pays. Il estime qu'il est temps que les acteurs politiques permettent au Président Préval d'exercer sa prérogative constitutionnelle de désigner un premier ministre, qu'un gouvernement se mette rapidement en place et se mette au travail. Il importe également que la communauté internationale renforce son appui dans tous les secteurs, dont le plus important reste aux yeux de l'expert indépendant celui de la justice, qui est le pilier de l'Etat de droit. C'est pourquoi il exprime son regret devant la décision du Haut Commissariat aux droits de l'homme de transférer son activité de coopération technique à la Mission civile internationale en Haïti (MICIVIH), dont le mandat est différent et la durée limitée dans le temps, ce qui ne lui permettra pas d'étudier la question du suivi du projet. Une présence visible du Haut Commissariat est d'autant plus souhaitable du fait de la faiblesse des ressources humaines dans les différents départements ministériels. L'expert indépendant invite donc le Haut Commissariat aux droits de l'homme à réfléchir sur les conséquences de sa décision. Le Président Préval a donné des instructions fermes pour que le Parlement haïtien soit saisi, aux fins de ratification, d'un nombre considérable de traités de droits de l'homme. Il a également insisté pour que Haïti soumette dans les meilleurs délais son rapport devant le Comité des droits de l'homme. Au lendemain de sa rencontre avec l'expert indépendant, le Président Préval a accédé à sa demande de reconnaissance de la compétence de la Cour interaméricaine des droits de l'homme. L'expert indépendant considère que devant une telle volonté politique, il importe de témoigner de l'attachement de la communauté internationale à renforcer l'expertise haïtienne en matière de droits de l'homme.
Déclaration liminaire de l'expert indépendant ayant établi le rapport
M. ADAMA DIENG, Expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Haïti, a fait savoir que, depuis le mois de juin 1997, le Président Préval se heurte au blocage du Parlement qui, à trois reprises, a refusé d'approuver la nomination du Premier Ministre désigné. Cette absence de Premier Ministre depuis 17 mois n'est pas sans conséquences néfastes sur la situation des droits de l'homme. La sortie de la crise s'impose sans délai. Elle est à la fois une exigence et une nécessité pour la poursuite du processus de démocratisation et le renforcement de la protection des droits de l'homme. La violence à l'égard des femmes demeure une préoccupation majeure qui ne semble pas avoir trouvé une réponse judiciaire adéquate. Des manquements graves sont relevés dans les procédures et pratiques policières relatives aux crimes à caractère sexuel. L'augmentation de la population des enfants de la rue, notamment des fillettes, est alarmante. La maladie
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du système judiciaire demeure une préoccupation majeure. La question de l'impunité des auteurs de violations graves des droits de l'homme ainsi que celle du droit à la réparation, restitution et réhabilitation des victimes, sont à l'heure actuelle au centre d'un vaste débat public en Haïti. L'expert a salué le rôle de la Mission de police civile des Nations Unies en Haïti (MIPONUH), chargée d'aider les autorités nationales en fournissant appui et assistance pour la professionnalisation de la Police nationale haïtienne, et rappelé qu'en l'état actuel des choses, sa présence restait indispensable.
L'expert indépendant a rappelé que le plus grand défi à relever par Haïti est celui de la construction de l'Etat de droit, qui passe par la mise en place d'un système judiciaire moderne, efficace, indépendant, démocratique, équitable et accessible à tous. L'expert a encouragé les travaux de réflexion entrepris par la Commission préparatoire à la réforme de la Justice (CPRDJ). La réforme ne sera réussie qu'à deux conditions : qu'elle soit purement haïtienne, malgré les appuis externes nécessaires, et qu'elle englobe les intérêts de toutes les catégories sociales. Il y urgence, au regard du nombre de détenus qui peuplent les prisons haïtiennes. Présentement, sur une population carcérale d'environ 3 500 détenus, 85% sont en détention préventive, 15% sont condamnés.
L'Expert a vivement recommandé à la communauté internationale de ne ménager aucun effort pour assurer la mise en oeuvre du Plan d'action pour la justice, qui doit être érigé au rang de priorité. L'expert recommande au Ministère de la justice d'envisager un partenariat avec les organisations non gouvernementales dans la recherche de solutions au problème de la réparation, question sur laquelle la communauté internationale devrait aussi se pencher, en évitant d'avoir une lecture purement économiste de la situation. L'expert indépendant se dit aussi préoccupé par les actes de certains policiers impliqués dans des cas de torture, de mauvais traitements, de corruption et de trafic de stupéfiants. Plus de 150 cas de traitement inhumains et dégradants ont été recensés entre janvier et mai 1988.
Dialogue avec les délégations
Le représentant d'Haïti, M. ANTONIO RODRIGUE, a fait savoir que la délégation haïtienne salue ce rapport qui fait état de l'amélioration de la situation des droits de l'homme en Haïti, malgré les énormes difficultés que connaît le pays. Elle partage les observations et ses recommandations sur les décisions à prendre et les changements à apporter en vue d'assurer à la population une meilleure jouissance de ses droits fondamentaux. Le gouvernement entend poursuivre ses efforts, avec l'aide de la communauté internationale, en vue d'instaurer l'état de droit auquel aspire le peuple haïtien et qui constitue l'une des conditions à la réalisation du développement économique durable.
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Le représentant de l'Autriche, au nom de l'Union européenne, a demandé des précisions sur les détenus en détention préventive, qui sont très nombreux et a voulu savoir s'ils sont sous la protection du Bureau de contrôle mentionné dans le rapport. Il a souhaité aussi des précisions sur le massacre de Raboteau, dont les auteurs restent impunis. Il a également souhaité avoir des informations supplémentaires sur les policiers accusés d'infliger des mauvais traitements. Il s'est également inquiété de la situation des femmes et voudrait savoir s'il existe des organisations pour prendre leur défense.
Le représentant des Etats-Unis a rappelé, faisant référence à une critique faite dans le rapport, que les Etats-Unis sont d'accord pour collaborer avec les autorités haïtiennes en ce qui concerne la fourniture de documents saisis qui pourraient être utiles au procès du massacre de Raboteau. Le représentant a rappelé la bonne disposition des Etats-Unis de fournir les noms et documents nécessaires en cas de procédure judiciaire. Le représentant a par ailleurs demandé si la communauté internationale pouvait influer sur la question de la corruption et intervenir contre le laxisme du système judiciaire en la matière.
En réponse à ces questions, l'expert indépendant, M. DIENG, a rappelé son attachement à Haïti. Sur la question des détenus, il a signalé que le Bureau de contrôle a été mis en place il y a seulement quelques mois et qu'il devrait bientôt être étendu aux autres districts d'Haïti. Ce bureau couvre les mineurs délinquants, les femmes détenues aussi bien que les adultes détenus. Au sujet du procès du coup d'Etat, il attend que la procédure soit rapidement bouclée et apprécie à ce sujet le soutien des Etats-Unis d'Amérique. Il insiste pour que le procès respecte les droits en vigueur et espère que les choses vont s'accélérer sur cette question d'ici la fin de l'année. En ce qui concerne les violations perpétrées par les policiers, l'expert a rappelé les graves manquements du système judiciaire et indiqué que les pressions sont telles que le travail de l'Inspection générale de la Police nationale haïtienne (IGPNH) est très difficile, au point d'être remis en cause. Sur le problème des policiers impliqués dans des affaires de trafic de drogue, de corruption, etc, l'expert envisage la possibilité d'un appui externe, par exemple la présence de quelques juristes éminents dans le cadre d'un bureau spécial de service judiciaire qui serait chargé de ces questions. Concernant la situation des femmes, l'expert a fait savoir qu'il y avait de gros progrès mais que les moyens humains et financiers restent insuffisants. En ce qui concerne le procès Raboteau, l'expert a pris acte de la proposition des Etats-Unis d'Amérique mais a tout de même rappelé que les documents saisis devaient être fournis afin que les crimes ne restent pas impunis. Il a aussi rappelé que certains criminels se trouvent sur le sol américain. Il a en outre demandé aux Etats-Unis de renforcer les moyens mis à la disposition de la police pour lutter contre le trafic de drogue, car Haïti est menacé de devenir un pays narcotrafiquant.
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RAPPORT SUR LES EXECUTIONS EXTRAJUDICIAIRES, SOMMAIRES OU ARBITRAIRES
Le nouveau Rapporteur spécial a été nommé le 12 août 1998.
Déclaration liminaire du Rapporteur spécial
Mme ASMA JAHANGIR, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, a indiqué que depuis sa nomination récente, elle avait transmis plus de 450 plaintes individuelles concernant des violations du droit à la vie aux gouvernements concernés. En outre, en 1998, 61 appels urgents visant à prévenir des pertes de vie imminentes ont été lancés aux gouvernements concernés. Cette situation concerne plus de 130 femmes et enfants, ainsi que des défenseurs des droits de l'homme, des travailleurs humanitaires et des membres de la justice. Il y a une tendance troublante sur tous les continents à avoir recours à l'utilisation de la violence et de la privation injustifiée du droit à la vie, face à laquelle la communauté internationale doit clairement prendre des mesures plus fermes, a indiqué le Rapporteur spécial. Dans ce cadre, elle a évoqué le décès récent, en Belgique, de Semira Admau, une jeune demandeuse d'asile nigériane, âgée de 20 ans, qui est morte alors qu'elle était détenue par la police de l'immigration. Souvent, la couleur, l'ethnie, l'opinion politique, le sexe ou l'orientation sexuelle constituent des facteurs qui expliquent cette violence. Même lorsque les auteurs de ces violences sont des acteurs non étatiques, la responsabilité en incombe dans une large partie aux gouvernements concernés qui ont le devoir de protéger la vie de leur population. Les gouvernements doivent prendre des mesures fermes contre ces violences et traduire les responsables en justice. L'impunité demeure, en effet, l'un des facteurs dont se nourrit le mal. Malheureusement, trop de gouvernements, lorsqu'ils ne sont pas directement ou indirectement responsables, sont insensibles à ces pratiques ou se considèrent trop faibles pour réagir avec fermeté. Ce qui a pour conséquence de rendre les efforts de la communauté internationale inefficaces.
De l'avis du Rapporteur spécial, un autre aspect regrettable de la tendance actuelle sont les menaces à l'encontre des défenseurs des droits de l'homme. Ainsi, la mort de Jesus Maria Valle Jaramilo, Président du Comité permanent pour la défense des droits de l'homme d'Antioquia à Medellin, en Colombie, en février dernier, et le meurtre d'Eduardo Umaña Mendoza, avocat et membre du Collectif des avocats Jose Alvear Restrepo en avril à Bogota.
Mme Jahangir s'est déclarée soucieuse de voir que dans des pays comme la Jordanie, le Pakistan, le Brésil, ou la Turquie, des pratiques comme les crimes d'honneur continuent d'exister. Les femmes sont encore tuées par des proches alors que les autorités demeurent des spectateurs passifs. D'autres pratiques comme les infanticides féminins, le viol et le meurtre en détention, ou les femmes acculées au suicide de crainte d'être violées par des membres
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des forces de l'ordre, doivent être davantage réprouvées par la communauté internationale. De telles pratiques ont cours en Inde, au Sri Lanka, au Myanmar et en Afghanistan. Tout autant inquiétants sont les rapports faisant état du meurtre de deux femmes, Kahindo et Shimirayi, en République démocratique du Congo, pour sorcellerie.
Bien que la peine de mort ne soit pas encore interdite par le droit international, son application doit toutefois répondre aux normes internationales minimales acceptées. Le Rapporteur spécial a toutefois indiqué que, selon ses informations, certaines législations et procédures juridiques en matière de peine capitale n'assurent pas aux accusés toutes les garanties jugées nécessaires au titre de la jurisprudence internationale. Ce serait le cas notamment en Chine, en Egypte, en Iran, au Nigéria, en Arabie saoudite et aux Etats-Unis. La peine capitale est parfois prononcée pour de vagues crimes religieux ou sexuels ou pour des actes mal définis de trahison, de sédition ou de critique de l'Etat. Certains pays autorisent en outre l'imposition de la peine de mort à des mineurs d'âge. Le Rapporteur spécial a indiqué qu'elle attendait une réponse des autorités de Trinité-et-Tobago à la suite d'un appel qu'elle a lancé le 30 septembre dernier, au nom de Pamela Ramjattan condamnée à mort pour le meurtre de son partenaire abusif à la suite d'extrême provocation et sans méditation.
Le Rapporteur spécial a indiqué avoir demandé aux Gouvernements du Mexique, de Bahreïn, de la Sierra Leone et de la Turquie à visiter leur pays. Une demande a également été faite au Gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie pour enquêter en particulier sur les allégations d'exécutions massives de civils dans la province du Kosovo. Elle a indiqué qu'elle poursuivrait le dialogue initié par son prédécesseur avec le Gouvernement algérien en vue d'une évaluation sur le terrain. Bien que la visite récente de personnalités éminentes désignées par le Secrétaire général constitue un pas en avant, cela ne peut être un substitut à l'engagement d'un mécanisme de la Commission des droits de l'homme, a-t-elle souligné. Elle s'est encore déclarée particulièrement préoccupée par la situation en Afghanistan et a indiqué qu'elle souhaitait visiter ce pays afin d'évaluer la situation sur le terrain.
Dialogue avec les délégations
Le représentant de l'Autriche, prenant la parole au nom de l'Union européenne, s'est félicité de la volonté du Rapporteur spécial de déployer des efforts en ce qui concerne la question de la peine de mort. Rappelant les efforts de l'Union européenne dans ce cadre, il a demandé quelles pourraient être les modalités de coopération avec le Rapporteur spécial dans ce contexte. Le représentant a demandé des précisions sur les contacts qu'entretient Mme Jahangir avec les gouvernements en ce qui concerne le sort des femmes, ainsi que sur ses intentions en matière d'activités sur le terrain.
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Le représentant de la Belgique a fait part de son étonnement quant à la mention de l'incident tragique concernant la mort de Semira Admau dans le cadre d'un rapport sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires. Il s'agit d'un incident, certes grave et déplorable, mais qui s'est produit lors du rapatriement d'une demandeuse d'asile après l'épuisement de tous les recours prévus. Il a indiqué que les autorités belges répondraient à la demande d'informations du Rapporteur spécial dans les délais prévus. Le représentant a encore précisé qu'une action en justice était en cours en vue de faire la clarté sur cet incident déplorable et que les responsables seraient sanctionnés.
Le représentant de la Turquie a estimé qu'il ne fallait pas seulement se concentrer sur une coutume particulière dans une seule région du monde mais tout inclure partout où l'extrémisme religieux impose des pratiques affectant les femmes, comme les mariages forcés dans les pays méridionaux. Dans les pays pauvres, les femmes forcées à se marier se suicident, dans les pays riches, elles ont les moyens d'aller voir un psychiatre, a-t-il dit. Il a souligné le fait que l'on ne dispose pas d'une étude exhaustive sur toutes ces pratiques. Le représentant a réaffirmé l'accord de principe de son pays en vue d'une visite du Rapporteur spécial en Turquie.
Le représentant de la Colombie a déclaré que la mort de deux défenseurs des droits de l'homme dans son pays constituait un incident regrettable. Il a dit qu'il aurait souhaité que le Rapporteur spécial mentionne l'enquête en cours sur ces deux décès. Le représentant a réaffirmé la volonté de son Gouvernement de faire la lumière sur ces affaires, ainsi que l'importance qu'accorde son pays aux droits de l'homme.
Répondant aux commentaires et questions des délégations, Mme ASMA JAHANGIR, Rapporteur spécial, a déclaré qu'elle examinerait le cas de Semira Admau et l'inclurait dans son prochain rapport. En ce qui concerne l'application de la peine de mort, elle a estimé qu'il faudrait examiner quels sont les délits pour lesquels la peine capitale est imposée et s'il n'y a pas des groupes ciblés. A cette fin, elle a préconisé de travailler à différents niveaux. Certains délits qui étaient peut être considérés comme graves au siècle précédent ne le sont plus aujourd'hui et il faudrait le signaler aux pays qui continuent d'appliquer la peine capitale pour ces délits. Elle a également souligné la nécessité d'un travail de plaidoyer pour faire comprendre que l'imposition de la peine capitale n'a pas nécessairement pour résultat une diminution de la criminalité.
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