En cours au Siège de l'ONU

AG/SHC/383

LA COMMISSION EXAMINE LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN IRAQ ET EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

4 novembre 1998


Communiqué de Presse
AG/SHC/383


LA COMMISSION EXAMINE LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN IRAQ ET EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

19981104 Elle se penche sur la question de l'élimination de toutes les formes d'intolérance religieuse

La Commission des questions humanitaires, sociales et culturelles (Troisième Commission) a entamé ce matin l'examen des questions relatives aux droits de l'homme, y compris les divers moyens de mieux assurer l'exercice effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales; des situations relatives aux droits de l'homme et des rapports des Rapporteurs et Représentants spéciaux; et le rapport du Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme.

Mme Mary Robinson, Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a rappelé que les activités de l'ONU dans le domaine des droits de l'homme devaient appuyer les efforts entrepris au niveau national pour garantir le respect des droits de tous. A cet égard, elle a, en particulier, mis l'accent sur l'importance du renforcement des capacités et institutions nationales des droits de l'homme et fait part des activités de son Bureau sur le terrain. Après un dialogue entre le Haut Commissaire et les délégations, M. Max van der Stoel, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en Iraq et M. Abdelfattah Amor, Rapporteur spécial sur l'élimination de toutes les formes d'intolérance religieuse, ont présenté leur rapport respectif et répondu aux questions et commentaires des délégations. La Commission a également entendu M. Roberto Garreton, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République démocratique du Congo, qui répondra cet après-midi aux questions des délégations.

Les Rapporteurs et Représentants spéciaux de la Commission des droits de l'homme sont chargés d'enquêter sur des problèmes dans certains pays ou territoires et sur certains sujets.

La Troisième Commission poursuivra l'examen de ces questions cet après-midi à partir de 15 heures. Elle entendra la présentation des rapports des Rapporteurs et Représentants spéciaux sur la situation des droits de l'homme en République fédérale de Yougoslavie; au Myanmar; au Nigéria; et en Haïti; ainsi que sur les exécutions extrajudicaires, sommaires ou arbitraires; et sur les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays. Elle sera saisie également de plusieurs projets de résolution.

RAPPORT DU HAUT COMMISSAIRE DES NATIONS UNIES AUX DROITS DE L'HOMME

Documentation

Rapport (A/53/36)

Il s'agit du premier rapport complet fourni par Mme Mary Robinson, en sa qualité de Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme. Le rapport, qui ne se veut pas exhaustif, porte essentiellement sur les faits survenus récemment dans certains domaines, notamment les activités du Haut Commissaire, le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, les droits de l'homme dans le système des Nations Unies, l'amélioration du dispositif de promotion des droits de l'homme, et les problèmes spécifiques de droits de l'homme (droit au développement; lutte contre la traite des femmes et des enfants; conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée; coopération technique, institutions nationales et éducation).

Cette année, constate le Haut Commissaire, la communauté internationale est devenue beaucoup plus exigeante et elle attend désormais une véritable protection et une vraie promotion des droits de l'homme, en particulier les droits économiques, sociaux et culturels. Ces attentes visent très directement l'Organisation, et vont au coeur même de la légitimité qui est la sienne aux yeux de la communauté internationale. La satisfaction de ces exigences légitimes représentera un énorme travail. Enfin, on constate un écart croissant entre les besoins des programmes de défense des droits de l'homme et les contributions des Etats Membres au budget de l'Organisation.

Le programme de réformes de l'ONU, établi par le Secrétaire général, et la transsectorialisation de la question des droits de l'homme signifient que le Haut Commissariat a été beaucoup plus sollicité et qu'il a dû fournir des informations et des avis précis et circonstanciés pour un nombre croissant de projets. Les types d'interventions se sont également multipliés. Le nombre de missions du Conseil économique et social a augmenté de plus de 35% en cinq ans; les ratifications de traités ont enregistré un bond de 30%; les droits économiques et sociaux, l'élimination de la pauvreté, la dette publique et les autres questions qui touchent directement à la vie quotidienne sont fort heureusement devenus des thèmes d'actualité, souligne le Haut Commissaire, estimant que cette évolution va nécessiter une expansion des capacités de base du Haut Commissariat en direction de nouveaux domaines spécialisés.

Ces initiatives nécessiteront des ressources supplémentaires. L'action qui sera légitimement attendue du programme exigera une mobilisation beaucoup plus substantielle des ressources du budget ordinaire de l'ONU. Les Etats Membres ne peuvent plus se permettre de dire aux habitants de la planète que leurs droits fondamentaux valent moins de 2% des ressources de l'Organisation des Nations Unies, affirme Mme Robinson.

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Déclaration liminaire du Haut Commissaire

Mme MARY ROBINSON, Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a rappelé que l'anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme serait célébré le 10 décembre prochain. L'Assemblée générale, à cette occasion, reconnaîtra l'importante contribution des individus et des groupes ayant dédié leur action aux droits de l'homme par l'adoption d'une déclaration sur les droits et responsabilités des individus, groupes et organisations de la société civile quant à la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le Haut Commissaire a accepté que la Déclaration universelle fasse l'objet de commentaires sous l'angle islamique, dans le cadre d'un séminaire qui se tiendra la semaine prochaine à Genève. Ce séminaire a été préparé par le Haut Commissariat, en coopération avec l'Organisation de la conférence islamique. Mme Robinson a estimé que cette initiative, dans le cadre du 50ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, en enrichira la compréhension, élargira le champ de son application et permettra d'éclairer le sens des termes "devoirs dûs à la communauté" de l'article 29.

Mme Robinson a noté qu'en cette fin de siècle, des défis cruciaux se font jour pour la survie humaine, comme l'épidémie du sida qui raccourcit dramatiquement l'espérance de vie en Afrique et qui touche les plus pauvres. Notre connaissance des génomes humains nous permet de vaincre les maladies graves, mais elle est aussi un vecteur menaçant la reproduction de l'espèce. Les solutions, a fait remarquer le Haut Commissaire, viendront non seulement des experts et des hommes politiques, mais aussi de la société démocratique tout entière.

Le rôle du Haut Commissaire, a indiqué Mme Robinson, est celui d'un catalyseur. Les droits de l'homme ne sont pas du domaine exclusif d'un Bureau au sein de l'ONU, mais une question transectorielle, et notre responsabilité à tous. Mme Robinson a ajouté que le rôle de Haut Commissaire entraîne à prendre des initiatives qui ne sont pas toujours du goût de tous. Ce n'est pas, a-t-elle dit "une profession sûre", mais il faut prendre des risques bien compris, tirer des leçons du passé et, surtout, continuer à agir.

Mme Robinson a mentionné sa visite à Bogota, il y a trois semaines. Cette visite lui a servi à renforcer le dialogue avec le Gouvernement et la société civile et lui a, en outre, permis de signer un accord avec une ONG régionale travaillant aux droits de l'homme. Le Haut Commissaire s'est rendue en Chine en septembre, et a signé un Mémorandum d'intention avec le Gouvernement chinois.

L'élimination de la pauvreté et de la discrimination sociale sont les objectifs majeurs de ce siècle en matière des droits de l'homme. Il faut donner aux citoyens des pays en développement l'accès à la santé, à l'emploi,

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à la libre expression et à la participation politique. Mais, ainsi que l'a souligné Amartya Sen, lauréat du Prix Nobel, se concentrer sur des mesures économiques et ignorer les principes démocratiques n'aboutit qu'à choisir des règles déséquilibrées. Le développement et l'éradication de la pauvreté nécessitent une action résolue au niveau national et une action concertée des personnes concernées. Le développement durable requiert des structures nationales solides, et une stratégie utile, en la matière, consiste à créer des institutions nationales indépendantes consacrant leur action aux droits de l'homme, en vertu des "Principes de Paris" adoptés par l'Assemblée générale en 1993.

Le Bureau du Haut Commissaire aux droits de l'homme a accordé la priorité aux demandes d'aide émises par 50 Etats Membres désireux de renforcer leurs institutions nationales des droits de l'homme. Les programmes consacrés aux droits de l'homme présentent des avantages clairs et durables, du point de vue moral et financier, de par leur impact sur le développement et sur la prévention et la résolution des conflits. Mais pour progresser, il faut investir. Le Bureau, sans une allocution supplémentaire de ressources pour l'année 1999, ne pourra prendre de nouvelles initiatives, entreprendre les réformes envisagées, ou continuer de s'acquitter d'un nombre toujours croissant de mandats. Il y va de la crédibilité de l'ONU dans son ensemble.

Le programme des droits de l'homme doit s'axer sur le plaidoyer, l'évaluation et l'assistance. Le plaidoyer consiste à souligner l'importance des droits de l'homme et à offrir une orientation de qualité pour que les droits de l'homme aient une signification commune au sein des diverses instances de l'ONU. L'évaluation s'accompagne d'un dialogue renforcé avec les gouvernements, et d'une réponse de l'ONU aux appels d'individus et de groupes en matière de violation de leurs droits. L'assistance, dans un grand nombre de cas, mène à un réel désir de changement, et l'ONU doit être prête à agir sur le terrain et par le biais de l'assistance technique.

L'ONU est un catalyseur en matière de droits de l'homme. "Nous avons les outils pour réaliser la vision des fondateurs, réaffirmée dans la Déclaration universelle des Droits de l'homme, et pour faire des droits de l'homme une réalité pour tous, grâce à des alliances contractées dans le monde entier" a noté le Haut Commissaire. Mais elle a ajouté que le travail réel doit être accompli par les peuples et les gouvernements travaillant en collaboration, tandis que l'ONU précise leurs objectifs et évalue leurs progrès.

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Dialogue avec le Haut Commissaire

Le représentant de l'Autriche, prenant la parole au nom de l'Union européenne, a demandé des précisions sur les mesures que comptait prendre le Bureau du Haut Commissaire en ce qui concerne sa présence sur le terrain et, notamment, dans quel domaine le Haut Commissaire estime que les besoins en ressources sont les plus grands. Il a également demandé des précisions sur ce que comptait faire le Bureau du Haut Commissaire pour faire participer les ONG à la Conférence mondiale contre le racisme et à ses préparatifs. Enfin, rappelant la responsabilité première des Etats, il a demandé ce que le Haut Commissariat allait faire pour que soient appliqués sur le terrain la Déclaration et le Programme d'action de Vienne.

Le représentant de Cuba a estimé que le thème de la pauvreté et du développement devait constituer un élément important de l'analyse des droits de l'homme. Il a demandé au Haut Commissaire comment elle envisage son rôle de catalyseur, ainsi que celui des mécanismes des Nations Unies en matière de droits de l'homme. Il a demandé comment l'ONU et ses mécanismes des droits de l'homme pouvaient éviter que les conséquences de la crise économique et financière se répercutent sur les pays en développement et surtout sur les groupes de population les plus vulnérables. Le représentant a aussi interrogé le Haut Commissaire sur les mesures supplémentaires qui ont été adoptées ou qui sont prévues en ce qui concerne l'objectif de mieux adapter les mécanismes aux défis à venir dans ce domaine.

Le représentant du Japon a demandé au Haut Commissaire quelles sont, à ses yeux, les fonctions des organes des droits de l'homme. Le Japon estime nécessaire d'augmenter les ressources du budget ordinaire de l'ONU pour les droits de l'homme. Toutefois, a souligné le représentant, il convient d'envisager une utilisation efficace de ces ressources. A cet égard, il a souligné l'importance des activités de coordination, en particulier sur le terrain, et a demandé comment le Haut Commissaire voyait la question de la coordination pour ce qui est des activités dans le domaine des droits de l'homme.

Le représentant du Royaume-Uni a demandé ce qu'en pratique il convient de faire dans les cadres des liens entre droits de l'homme et développement. Il a aussi demandé quelles mesures l'ONU devrait prendre pour mieux utiliser les compétences des ONG.

Le représentant des Etats-Unis a appuyé une démarche fondée sur les droits de l'homme en ce qui concerne le développement. Les Etats-Unis sont en faveur d'une augmentation de la part des droits de l'homme et du Bureau du Haut Commissaire dans les ressources du budget ordinaire. Le représentant a toutefois demandé des précisions sur la distinction qui est faite entre les activités financées par le budget ordinaire et celles qui devraient être financées par des contributions volontaires. Il a demandé des précisions

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sur l'inclusion de préoccupations relatives aux droits de l'homme dans les questions relatives à la paix et la sécurité, et sur la manière de faire avancer de telles questions au Département du maintien de la paix. Le représentant a également demandé des précisions sur les mesures qui avaient déjà été prises en vue de l'augmentation des ressources du Bureau du Haut Commissaire, autres que par les contributions volontaires.

Le représentant de l'Inde a demandé si la protection des droits de l'homme pouvait être réellement réalisée dans un contexte de pauvreté et ce que pouvait faire la communauté internationale pour faire face à ces problèmes.

Le représentant de la Chine a demandé comment le Bureau du Haut Commissaire compte appliquer les conclusions agréées adoptées en juillet dernier par le Conseil économique et social.

Le représentant de la Norvège a demandé des précisions sur le rôle de catalyseur du Haut Commissaire et, en particulier, les perspectives d'action dans le contexte des relations entre le monde des affaires et les droits de l'homme.

Le représentant de l'Allemagne a demandé des précisions en ce qui concerne le rôle de l'équipe chargée de la parité entre les sexes au sein du Bureau du Haut Commissaire.

Répondant aux commentaires et questions des délégations, Mme MARY ROBINSON, Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a rappelé la tenue d'une réunion en août dernier consacrée à l'amélioration des activités sur le terrain et qui a réunit 22 chefs des opérations mobiles sur le terrain. Le travail sur le terrain est essentiel. Il s'agit d'une interaction directe avec ceux qui rencontrent des problèmes et ont besoin d'un soutien, a souligné le Haut Commissaire, indiquant qu'un suivi pratique de la réunion d'août est en cours.

Le Bureau du Haut Commissaire étudie actuellement une esquisse de plan d'action concernant la nécessité de tenir de larges consultations en guise de préparation à la Conférence mondiale contre le racisme. Toutefois, on ne pourra avoir accès aux crédits qui ont été alloués à cette fin avant l'an 2000, a-t-elle déploré, soulignant les besoins financiers actuels en vue des préparatifs de la Conférence. En ce qui concerne le financement du Bureau du Haut Commissaire, Mme Robinson a rappelé que les activités en matière de droits de l'homme sont essentielles pour l'existence même de l'ONU. Les moyens financiers actuels ne permettent pas ni aux organes ni aux Rapporteurs spéciaux d'accomplir pleinement leur tâche malgré les efforts qui ont été faits, en raison notamment d'une augmentation, par ailleurs très saine, de la demande de coopération technique. Actuellement, il y a 200 activités dans plus de 40 pays en matière de coopération technique qui sont menées

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à la demande des Etats Membres. Divers mémorandums d'entente ont été signés au cours des derniers mois avec plusieurs pays et les demandes en ce sens s'accumulent. Des contrats de coopération technique ont été signés avec d'autres pays. Or, ces activités représentent une lourde charge et il faut veiller à ce que chaque programme s'acquitte de ses activités de manière efficace. S'agissant de l'application de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne au niveau national, elle a souligné le renforcement des contacts avec les gouvernements qui ont pris des engagements à Vienne.

Répondant au représentant de Cuba, Mme Robinson a précisé que les activités de plaidoyer, d'évaluation et d'assistance constituaient les trois domaines dans lesquels son Bureau s'efforçait de jouer un rôle de catalyseur. Pour ce qui est de l'adaptation de mécanismes des droits de l'homme, Mme Robinson a souligné l'importance d'identifier les défis restants. Elle a indiqué partager l'avis du représentant du Japon en ce qui concerne l'utilisation efficace des ressources et a cité, notamment, l'exemple du Kosovo où le Haut Commissariat coordonne les activités sur le terrain. Elle a indiqué, par ailleurs, qu'une étude avait été lancée et qu'une petite équipe spéciale avait été créée au sein de son Bureau pour examiner le travail des organes de traités et d'intégrer leurs activités aux travaux du Bureau en vue de transmettre des recommandations pour l'amélioration de leur efficacité. Répondant au représentant du Royaume-Uni, elle a indiqué qu'en ce qui concerne la démarche fondée sur les droits de l'homme en matière de développement, il importe d'identifier de nouveaux repères et d'établir de nouveaux critères communs entre droits de l'homme et développement. Mme Robinson a fait état de discussions importantes avec les institutions de Bretton Woods en vue de déterminer des stratégies en matière de droits de l'homme susceptibles de contribuer au développement. Soulignant le rôle des droits de l'homme dans la prévention des conflits, elle a jugé extrêmement important d'aborder globalement la question du règlement des conflits et du rétablissement de la paix. Au représentant de l'Inde, elle a répondu que son Bureau s'attaquait à la question très importante du lien entre droits de l'homme et pauvreté.

Le Haut Commissaire s'est félicitée des conclusions importantes de la réunion du Conseil économique et social qui a permis de renforcer le rôle de l'ECOSOC et a déclaré que son Bureau se penchait sur cette question. Mme Robinson a souligné à l'attention du représentant de la Norvège, la nécessité de créer des alliances pour diverses questions, mettant en particulier l'accent sur le rôle important des sociétés et entreprises transnationales dans le respect des droits de l'homme sur les lieux du travail. Dans ce cadre, des consultations ont été menées pour faire comprendre que les droits de l'homme sont aussi l'affaire du monde des affaires. S'agissant de la question de la parité entre les sexes au sein du Bureau, elle a affirmé que cette démarche avait été encouragée à tous les niveaux. On veillera à ce qu'il y ait des ressources humaines et autres pour poursuivre dans cette voie, a-t-elle précisé.

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RAPPORT DES RAPPORTEURS ET REPRESENTANTS SPECIAUX

Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en Iraq (A/53/433)

Le rapport de M. Max van der Stoel, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur la situation des droits de l'homme en Iraq, est transmis à l'Assemblée générale par une note du Secrétaire général.

Dans sa résolution la plus récente, rappelle le Rapporteur spécial, la Commission des droits de l'homme note que la situation des droits de l'homme ne s'est pas améliorée dans ce pays et elle condamne fermement les violations massives et extrêmement graves des droits de l'homme et du droit international humanitaire commises par le Gouvernement iraquien, qui se traduisent par un état de répression et d'oppression fondé sur une discrimination et une terreur généralisées; la suppression des libertés de pensée, d'expression, de religion, d'information, d'association, de réunion et de circulation résultant de la peur des arrestations, incarcérations et autres sanctions, y compris la peine de mort; les exécutions sommaires et arbitraires, y compris les assassinats politiques, les disparitions forcées ou involontaires, les arrestations et détentions arbitraires couramment pratiquées et le non-respect constant et systématique des garanties judiciaires et de la légalité; la pratique généralisée et systématique de la torture sous ses formes les plus cruelles, ainsi que la promulgation et l'application de décrets prescrivant des peines cruelles et inhumaines, à savoir la mutilation pour sanctionner des infractions et le détournement des services médicaux aux fins de ces mutilations.

Faute de coopération de la part du Gouvernement iraquien, le Rapporteur spécial a continué à s'appuyer sur des informations provenant d'autres sources, gouvernementales, intergouvernementales et non gouvernementales. Il en a aussi reçu, avec documents à l'appui, de particuliers liés d'une manière ou d'une autre à la situation en Iraq. Il a également reçu plusieurs rapports bien documentés sur la situation dans ce pays, concernant en particulier les questions au sujet desquelles l'Assemblée générale et la Commission des droits de l'homme se sont déclarées très préoccupées. Enfin, et c'est tout aussi important, il a eu des contacts directs avec des Iraquiens qui ont fui leur pays et qui continuent à lui faire parvenir des informations. Le rapport repose sur les informations que le Rapporteur spécial avait reçues au 31 août 1998. Il doit être lu conjointement avec son dernier rapport à la Commission des droits de l'homme (E/CN.4/1998/67).

Dans ses conclusions et recommandations, M. van der Stoel regrette de ne pouvoir, une fois de plus, annoncer d'amélioration notable de la situation des droits de l'homme en Iraq. La raison principale, souligne-t-il, est qu'il n'y a eu aucun changement dans l'ordre politico-juridique qui est la cause de violations systématiques des droits de l'homme de toutes sortes dans tous

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les domaines. L'exemple le plus évident est la décision unilatérale (et parfaitement illégale) d'Uday Hussein (fils du Président iraquien) de réimposer les amputations, qui a fait suite au refus du Gouvernement iraquien d'abroger ces peines atroces.

Le Rapporteur spécial conclut aussi que les actes d'agression persistants commis contre les Musulmans chiites, en particulier l'assassinat récent de chefs religieux, constitue une oppression systématique visant à semer la terreur. Là comme ailleurs, l'intention évidente du Gouvernement iraquien est de punir tous ceux qui ont participé de quelque manière que ce soit au soulèvement de 1991.

En ce qui concerne le droit à une alimentation suffisante et à des soins de santé, le Rapporteur spécial regrette que la situation reste précaire alors qu'il existe des ressources considérables depuis que le programme "pétrole contre nourriture" a été élargi. A cet égard, c'est le Gouvernement iraquien qui est responsable au premier chef des privations que la population iraquienne continue d'endurer. Le Rapporteur spécial souligne, en conclusion, que toutes ses recommandations antérieures restent valables. Il semble en effet qu'aucune des recommandations qu'il a faites jusqu'ici n'ait été suivie d'effet, à l'exception de sa recommandation concernant l'exécution du programme "pétrole contre nourriture" - et encore, le Gouvernement iraquien se refuse à l'appliquer pleinement.

La Commission est également saisie d'une lettre adressée au Secrétaire général par le Chargé d'affaires par intérim de la Mission permanente de l'Iraq auprès de l'ONU et transmettant une lettre du Ministre des affaires étrangères iraquien datée du 11 août 1998 (A/53/225) qui contient des observations du Gouvernement iraquien sur "les informations erronées et les allégations mensongères et infondées" figurant dans le rapport du Rapporteur spécial chargé de la situation des droits de l'homme en Iraq, ainsi que des observations concernant l'application du Mémorandum d'accord signé entre l'Iraq et le Secrétariat de l'ONU relatif au Programme "pétrole contre nourriture et médicaments"; et d'une lettre adressée au Secrétaire général par le Représentant permanent de l'Iraq auprès de l'ONU, transmettant une étude sur les répercussions des sanctions imposées à l'Iraq (A/53/425) dans les secteurs de l'économie, de la santé, de l'environnement, de l'agriculture et de la culture.

Déclaration liminaire du Rapporteur spécial

M. MAX VAN DER STOEL, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur la situation des droits de l'homme en Iraq, a affirmé que le Gouvernement iraquien est l'un des régimes les plus répressifs au monde depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, responsable de violations massives, systématiques et constantes des droits fondamentaux de sa population. Il ne respecte pas les droits fondamentaux à la vie et à l'intégrité physique,

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comme en témoigne l'assassinat en avril et juin derniers à Najaf de deux personnalités religieuses internationalement respectées : le Grand Ayatolla Sharykh Mirza Ali al-Gharawi et l'Ayatollah Shaykh Murtada al-Burujerdi, ainsi que les agressions constantes contre des personnalités religieuses shiites et contre toute personne perçue comme constituant une menace à l'encontre du Gouvernement. Comme précédemment, le Gouvernement iraquien a nié son implication dans ces deux meurtres, et, à ma connaissance, n'a mené aucune enquête sérieuse, a affirmé M. van der Stoel. Tout autant préoccupants sont les rapports faisant état d'exécutions de masse qui auraient continué cette année dans la prison d'Abu Ghraib. A l'appui de ces allégations, le Rapporteur spécial a indiqué avoir reçu des listes de noms de plus de 170 détenus exécutés entre la mi-décembre 1997 et juillet 1998. Les victimes proviennent des Governorats du sud et du centre-nord de l'Iraq. Ces personnes avaient été condamnées à mort pour participation à de vagues crimes d'"incidents de foule".

En ce qui concerne le maintien de traitements cruels, inhumains et dégradants tels les amputations, les autorités iraquiennes affirment qu'il s'agit de mesures exceptionnelles nécessaires pour dissuader la criminalité dans une situation qui reste précaire et que ces punitions n'ont pas été imposées depuis un certain temps. Or, selon les informations reçues, ces traitements ont apparemment à nouveau été imposés, sans respect des procédures judiciaires et par des personnes qui n'ont pas de compétences judiciaires. Cette démarche inhumaine est typique de l'attitude d'ensemble du Gouvernement iraquien face à son peuple et à ses engagements internationaux. Le Rapporteur spécial a indiqué qu'outre les cas de torture, il continue de recevoir des listes de personnes détenues de façon arbitraire dans des conditions extrêmement dures, sans accusations spécifiques, ainsi que des listes de personnes disparues et de familles, forcées en raison de leur origine ethnique, à quitter leur foyer. Ainsi, plus de 150 000 personnes d'origine kurde ont été chassées de la région pétrolifère de Kirkouk et la politique d'arabisation de la région se poursuit. L'éviction de familles de Kirkouk est un phénomène quotidien en ce moment, l'objectif du Gouvernement étant de s'assurer le contrôle de la richesse de cette région. La situation des personnes déplacées, dont la plupart sont des femmes et des enfants, constitue l'un des problèmes humanitaires les plus urgents dans le pays, en particulier dans les trois governorats du nord où la plupart de ces réfugiés ont fui. A cela s'ajoute le problème des plus de 200 000 personnes déplacées dans le reste du pays, provenant essentiellement des régions sud du pays.

En raison de l'intransigeance constante du Gouvernement à l'égard des Nations Unies, la situation humanitaire dans le pays est extrêmement grave, a poursuivi le Rapporteur spécial. Le Gouvernement a décidé de donner la priorité à sa politique d'intransigeance plutôt qu'au respect des droits à l'alimentation et à la santé. Le résultat direct est des souffrances considérables pour la population iraquienne dont le Gouvernement de l'Iraq

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assume la responsabilité première, puisqu'il refuse depuis 5 ans de coopérer avec l'ONU pour tirer profit des résolutions qui depuis longtemps lui auraient permis de bénéficier de ressources accrues pour les personnes les plus affectées. Quand le Gouvernement iraquien a finalement décidé de coopérer avec l'ONU, il a néanmoins réduit l'accès et la flexibilité des opérations de l'ONU, interrompant les ventes de pétroles à plusieurs reprises, tout cela au détriment de la population iraquienne. Le Rapporteur spécial a affirmé que les ressources disponibles avaient été utilisées pour la reconstruction des forces armées et la construction de nombreux palais. Il a déploré le fait que la communauté internationale semble s'être accoutumée à la situation horrible des droits de l'homme en Iraq et aux souffrances subies par le peuple iraquien. Il a encore noté que le Gouvernement de l'Iraq n'avait pris aucune mesure pour résoudre la question des disparitions de citoyens koweïtiens. M. van der Stoel a souligné le danger d'accepter cette situation comme normale, ce qui saperait la crédibilité des Nations Unies, et a appelé à relever ce défi, surtout pour le peuple iraquien qui partage nos espoirs et compte sur les Nations Unies, a-t-il conclu.

Dialogue avec les délégations

Le représentant de l'Iraq a estimé que l'essentiel du rapport est une répétition de fabrications et d'allégations mensongères visant à discréditer le régime au pouvoir en Iraq. Les sources d'information du Rapporteur spécial émanent de parties hostiles à l'Iraq qui ne sont donc pas fiables. S'agissant des allégations concernant les exécutions extrajudiciaires, les détentions arbitraires, et les traitements cruels, inhumains et dégradants, le représentant a estimé que le Rapporteur spécial se livrait à des généralisations. Ainsi, le Rapporteur spécial a beaucoup exagéré la question de l'exécution de criminels. Il s'agit de personnes qui ont commis des meurtres de sang froid et qui ont été châtiées conformément à la loi avec toutes les garanties requises. L'Iraq réaffirme que dans les conditions extrêmement difficiles dues à l'embargo injuste imposé au pays, le Gouvernement est intraitable sur deux questions, à savoir la survie du peuple et sa sécurité, et punit donc toute personne qui y porte atteinte. S'agissant des soi-disant assassinats politiques des deux Ayatollah, le représentant a affirmé que son Gouvernement avait découvert les responsables de ces meurtres qui ont confessé et ont été montrés à la télévision iraquienne. Le représentant a nié l'arrestation du journaliste Dawoud Al-Farhan, affirmant que celui-ci pouvait être contacté sans problème. Il a affirmé d'autre part que les peines et traitements cruels avaient été imposés pendant une certaine période dans le passé mais n'avaient plus cours du tout. De nombreuses ONG, ainsi que le Centre des droits de l'homme en ont été informés à l'époque, a-t-il précisé. M. van der Stoel aurait dû vérifier ses informations s'il ne veut pas participer à la diffusion de tels mensonges.

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Le représentant a affirmé que le Gouvernement iraquien, depuis l'imposition de l'embargo, a tout fait et utilisé toutes ses ressources pour épargner ces souffrances au peuple iraquien. Les allégations de discrimination dans la distribution des aliments ne sont pas appuyées par les faits. Chacun sait que le Gouvernement iraquien a appliqué un système avec cartes de rationnement pour tous. Ce régime de distribution des produits alimentaires est appliqué dans le contexte du programme pétrole contre nourriture dont l'application est suivie par de nombreux observateurs des Nations Unies qui jusqu'à présent n'ont pas noté de discrimination.

Le représentant de l'Iraq a estimé que le Rapporteur spécial s'est écarté des directives de l'ONU en matière d'impartialité et d'objectivité. On constate des abus délibérés et un non-respect de tels principes de la part de M. van der Stoel pour calomnier le Gouvernement iraquien. Le Rapporteur spécial a d'ailleurs demandé un changement radical du régime politique, ce qui constitue une violation flagrante du droit du peuple iraquien à l'autodétermination et à choisir ses représentants. L'Iraq rejette ce tissu de mensonges et ces allégations fondées sur de fausses affirmations de personnes hostiles à l'Iraq.

La représentante du Koweït a indiqué que le peuple koweïtien continue de souffrir en raison des tergiversations du Gouvernement iraquien en ce qui concerne la libération des détenus koweïtiens et autres. Le Gouvernement iraquien refuse de présenter des informations au Comité tripartite sur les centaines de détenus koweïtiens et autres tombés sous l'occupation illégitime du Koweït par l'Iraq. Aucun progrès n'a été réalisé dans ce domaine depuis la fin de la guerre. Appuyant le rapport du Rapporteur spécial en ce qui concerne la situation politique en Iraq, elle a estimé, à l'instar de M. van der Stoel, que le Gouvernement iraquien est le seul responsable de la situation difficile que connaît la population iraquienne.

Le représentant de l'Autriche, prenant la parole au nom de l'Union européenne, a déploré le fait que la situation reste fort sombre en Iraq, ainsi que le manque de coopération du Gouvernement iraquien. S'agissant des nombreuses détentions pour crimes politiques à Ta'mim, il a demandé si les chiffres cités par le Rapporteur spécial représentaient le nombre total de détenus politiques et si le Rapporteur avait reçu des informations de la part du Gouvernement iraquien concernant l'assassinat des deux Ayatollah. Le représentant a aussi demandé des précisions sur les procédures de distribution des vivres qui ont été mises en place, sur l'augmentation des quotas de médicaments à Bagdad et sur l'imposition de peines d'amputations.

Le représentant des Etats-Unis a déclaré qu'on ne peut tolérer la poursuite de la situation en Iraq. Il a lui aussi demandé des précisions sur l'assassinat des deux Ayatollah et sur les allégations d'exécutions de masse. Le Gouvernement n'a toujours pas fait de l'alimentation et des médicaments une priorité. Y a-t-il des changements à cet égard, a-t-il demandé. Le représentant a appelé l'Iraq à autoriser la visite du Rapporteur spécial en Iraq.

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M. MAX VAN DER STOEL, Rapporteur spécial, a réaffirmé que le Gouvernement iraquien refuse de coopérer de quelque manière que ce soit avec lui et de répondre à ses demandes d'informations. S'agissant du nombre de détenus politiques, le Rapporteur a indiqué qu'il était très difficile d'en évaluer le nombre mais a réaffirmé que toute personne sur qui pèse des doutes en ce qui concerne son attitude face au régime, court des risques et dans de nombreux cas doit payer cette opposition de sa vie. S'agissant de la distribution de nourriture et de l'obligation de prouver sa résidence depuis plus de 6 mois pour y avoir droit, le Rapporteur spécial a estimé qu'il s'agissait pour le Gouvernement iraquien d'un moyen de contrôler rigoureusement les déplacements de population. En ce qui concerne la fourniture de médicaments à Bagdad, le Rapporteur spécial a indiqué ne pas avoir d'explications. Il y a eu d'autres cas où des régions ont été désavantagées par le régime, a-t-il précisé.

S'agissant des amputations, il a suggéré que si la pratique n'est plus suivie, le décret qui prévoit ces peines cruelles soit annulé également. Il semble que le régime a ses propres raisons pour maintenir ce décret, a-t-il toutefois ajouté. Le Rapporteur spécial a exprimé l'espoir que le Gouvernement, même s'il refuse sa visite dans le pays, acceptera à l'avenir de fournir des réponses à ses questions.

Rapport sur l'application de la Déclaration sur l'élimination de toutes les formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction (A/53/279)

Le rapport intérimaire sur l'élimination de toutes les formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction, établi par le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme, M. Abdelfattah Amor, est transmis à l'Assemblée générale par une note du Secrétaire général.

Le rapporteur spécial constate la persistance de manifestations d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion et la conviction - y compris sous une forme violente - se produisant dans le monde. Le Rapporteur discerne, cependant, un déclin des politiques étatiques antireligieuses et de contrôle du religieux au nom d'une idéologie politique, tout en étant conscient, d'une part, de la persistance de tels phénomènes dans plusieurs pays et, d'autre part, dans d'autres pays, des problèmes hérités de ces politiques, dont la question de la restitution des biens religieux confisqués sous l'ancien régime. Il constate également une montée des politiques étatiques à l'encontre des minorités dans le domaine de la religion et de la conviction, tout spécialement contre les communautés, à savoir les sectes ou nouveaux mouvements religieux; un nombre croissant de politiques et pratiques d'intolérance et de discrimination de la part d'entités non étatiques; une montée des politiques et pratiques à l'encontre des femmes, en raison de leur statut découlant d'interprétations et de traditions que les hommes attribuent à la religion.

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Le Rapporteur spécial considère que l'extrémisme religieux sous toutes ses formes constitue une atteinte inadmissible tant à la liberté qu'à la religion. Il réitère ses recommandations concernant, d'une part, la réalisation d'une étude sur l'extrémisme religieux et, d'autre part, la définition et l'adoption par la communauté internationale d'un minimum de règles et de principes de conduite et de comportement à l'égard de l'extrémisme religieux.

La question des sectes ou nouveaux mouvements religieux mérite d'être clarifiée au plus tôt afin d'éviter la situation actuelle de confusion, de conclusions hâtives et d'amalgames au détriment des religions et convictions respectueuses de l'état de droit, des victimes et finalement des droits de l'homme. Le Rapporteur spécial réitère ses recommandations relatives, d'une part, à des études sur ce phénomène et, d'autre part, à la tenue d'assises internationales intergouvernementales afin d'étudier et de déterminer une approche commune dans le cadre des droits de l'homme.

La question de l'intolérance et de la discrimination fondées sur la religion et la conviction affectant la femme, en raison de sa condition de femme, doit également faire l'objet d'un examen prioritaire. Le Rapporteur spécial réitère la recommandation tendant à l'organisation d'un séminaire portant sur la condition des femmes au regard de la religion, qui associerait tous les acteurs intéressés par cette question et s'inscrirait pleinement dans la politique et approche du système des Nations Unies en matière de sexospécificités avec laquelle elle pourrait être coordonnée. A titre transitoire, le Rapporteur spécial continuera l'examen de cette question dans le cadre de son mandat.

Le Rapporteur spécial considère que ses rapports devraient couvrir de manière systématique tous les Etats et toutes les religions et convictions en prenant soin d'intégrer pour chaque Etat une synthèse analytique des données économiques, sociales, culturelles, civiles et politiques, ceci pour une meilleure compréhension et appréhension des cas et situations d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion et la conviction. Il souligne également la nécessité de renforcer, de manière sensible, les ressources financières et humaines allouées au mandat afin de mettre en place une véritable structure et logistique de soutien.

Dans une annexe, le Rapporteur spécial fait une série d'observations et de recommandations adressées aux autorités indiennes après la visite qu'il a effectuée en Inde du 2 au 14 décembre 1996.

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Déclaration liminaire du Rapporteur spécial

M. ABDELFATTAH AMOR, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur l'application de la Déclaration sur l'élimination de toutes les formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction, a déclaré avoir adressé, depuis la 54ème session de la Commission des droits de l'homme, 64 communications - dont quatre appels urgents - à 46 Etats. Aux réponses des Etats mentionnées dans le rapport se sont ajoutées, après finalisation du rapport, celles de l'Arabie saoudite, du Bélarus, du Bangladesh, de l'Egypte, de la Grèce, de la République islamique d'Iran, de la République démocratique populaire du lao, du Maroc, de la Roumanie, de la Slovaquie et de la Turquie. Le Rapporteur spécial a suggéré que soient renforcées les sources d'information des pays en développement, afin que toute victime puisse avoir accès aux procédures spéciales et ne soit pas laissée pour compte dans l'accès à l'information, notamment dans le cadre des technologies modernes de communication.

Parmi les communications adressées aux Etats figurent les appels urgents adressés à l'Iran et au Soudan. Les appels urgents adressés à l'Iran concernent des bahaïs dont deux ont été condamnés à mort en raison, les informations portent à le confirmer, de leurs convictions religieuses. Il est important, a souligné M. Amor, que l'Iran, héritier d'une tradition de tolérance, réexamine son attitude à l'égard de la foi bahaïe, et ce dans le sens de la liberté de religion, conformément à ses engagements internationaux et aux enseignements selon lesquels il n'y a pas de contrainte en religion. Il appartient à l'Etat iranien de veiller à ce que chaque citoyen, chaque minorité, en tant que titulaire de droits et d'obligations, ait droit à la considération et à la protection.

Un appel urgent a aussi été envoyé au Soudan au sujet de l'arrestation et de la disparition d'un étudiant converti de l'islam au christianisme. Or la liberté de religion, comme l'a indiqué le Comité des droits de l'homme, comporte aussi la liberté de changer de religion.

Le Rapporteur spécial a mentionné, parmi les atteintes à la liberté de religion et de conviction enregistrées cette année, celles tenant aux droits à la vie, à l'intégrité physique, à la santé, à la liberté de manifester sa religion, au statut des biens religieux, au prosélytisme et, plus généralement, au libre exercice des cultes.

M. Amor a dit qu'il s'est rendu cette année aux Etats-Unis et qu'un rapport à ce sujet sera bientôt disponible. Mercredi dernier, il a terminé une visite - difficile, mais instructive - au Viet Nam au sujet de laquelle un rapport sera présenté à la Commission des droits de l'homme en 1999. Ses demandes de visite en Turquie, en Israël et en Russie sont demeurées sans suite.

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Le Rapporteur spécial a estimé qu'un changement s'impose quant à la dénomination de son mandat afin que, de mandat sur l'intolérance religieuse, il devienne mandat sur la liberté de religion et de conviction. Ce changement permettrait, entre autre, de positiver le mandat et d'éviter d'indisposer ses interlocuteurs.

Le Rapporteur spécial a insisté pour qu'une attention plus soutenue soit accordée à la condition de la femme au regard de la religion. Il est inadmissible, a-t-il dit, que l'obscurantisme des Taliban en Afghanistan réduise la femme à une condition "contraire à la sagesse de Dieu et que condamne l'intelligence des hommes".

M. Amor a déclaré qu'il fallait examiner, de manière sereine et sans parti-pris, la question des sectes, pour éviter que la liberté de religion ne leur serve d'alibi et afin que cette liberté ne serve que la finalité ayant justifié sa consécration et sa protection juridiques. Enfin, M. Amor a mis les Etats en garde contre la tolérance envers l'extrémisme religieux.

Dialogue avec les délégations

Le représentant de l'Autriche a demandé dans quelle mesure les normes à respecter à l'égard de l'extrémisme religieux différeront des normes internationales, déjà adoptées, sur l'intolérance religieuse. Le représentant a aussi demandé à M. Amor, à propos de l'enseignement de la tolérance religieuse aux niveaux scolaires primaire et secondaire, s'il envisageait de distribuer ou de recommander certains livres à ce sujet. Enfin, le représentant a demandé comment, et à quelles fins, allait être utilisé le projet de compendium des différentes législations nationales.

Le représentant des Etats-Unis a déclaré attendre avec impatience de voir le rapport de M. Amor sur sa visite en territoire américain. Il a demandé, à propos du paragraphe 54 du rapport concernant les exécutions et condamnations à mort des bahaïs en République islamique d'Iran, si les interventions du Rapporteur spécial permettent d'espérer, d'une quelconque façon, que ces bahaïs ne seront pas exécutés pour leurs croyances religieuses.

Le représentant de la Turquie a fait savoir qu'en tant que représentant d'un Etat laïque, il considère les travaux du Rapporteur spécial comme importants, et aussi que celui-ci serait prochainement informé par le Haut Commissaire aux droits de l'homme que les autorités turques ont convenu de l'inviter à faire une visite dans leur pays en 1999.

Répondant à ces questions, M. ABDELFATTAH AMOR a annoncé qu'une étude sur l'extrémisme religieux était en cours. L'extrémisme religieux, a-t-il dit, revêt des spécificités allant jusqu'à la compromission du droit de l'homme à la paix. Le Rapporteur spécial a commandé cette étude après avoir constaté

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des différences de définition de l'expression "extrémisme religieux", et des attitudes divergentes des états à l'égard du phénomène. Les règles existantes ne couvrent que certains aspects de l'extrémisme religieux, et il est urgent de déterminer des règles de conduite en la matière.

M. Amor a déclaré que la tendance générale actuelle est de gérer les problèmes liés à l'intolérance religieuse, plutôt que de s'atteler à leur prévention. Or la prévention doit être appuyée, dans tous ses vecteurs économiques et éducationnels. Selon le Rapporteur spécial, la plupart des systèmes d'éducation, notamment scolaires, véhiculent une forme d'indifférence, voire d'hostilité à autrui, en matière religieuse. Une enquête est menée en ce domaine par la Commission des droits de l'homme, mais les moyens financiers disponibles, malgré le soutien de la Norvège, sont insuffisants pour en exploiter les résultats.

Le Rapporteur spécial a demandé aux Etats de lui fournir le texte de leurs législations nationales en matière de tolérance religieuse. Ceci permettra de constituer un outil d'éducation et d'information sur la situation dans les différents pays à cet égard.

Enfin, M. Amor a confirmé que la condamnation à mort des deux bahaïs en République islamique d'Iran était fondée sur des considérations religieuses. Le Gouvernement iranien, avec qui il entretient un dialogue, lui a indiqué que les deux personnes condamnées s'étaient pourvues en appel et pouvaient avoir recours à des procédures de grâce et d'amnistie. Le Rapporteur spécial a exprimé son espoir que le Gouvernement iranien n'aille pas jusqu'à l'exécution.

Situations des droits de l'homme dans la République démocratique du Congo (A/53/365)

Ce rapport, présenté par le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme, M. Roberto Garreton, est transmis par une note du Secrétaire général.

Le Rapporteur spécial rappelle que depuis qu'elles ont pris les rênes du Gouvernement le 17 mai 1997, les autorités actuelles de la République démocratique du Congo se sont refusées à toute coopération avec lui, ainsi qu'avec la mission commune créée pour enquêter sur les atteintes au droit à la vie commises dans l'est du Zaïre depuis le 1er septembre 1996, et même avec l'équipe d'enquête désignée par le Secrétaire général de l'ONU.

Le Rapporteur spécial explique qu'il a rédigé son rapport en toute conscience et en fonction de ce qu'il savait de la situation, n'ignorant pas que des intérêts très forts s'opposaient à la divulgation des faits qui y sont exposés. Il a tenu deux séries de consultations à Genève et une autre à Bruxelles et à Paris. Il a rencontré un grand nombre de victimes directes,

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de proches de victimes, d'exilés, de dirigeants d'organisations non gouvernementales, de partis politiques, de prêtres, de pasteurs, de chefs religieux, de journalistes et d'avocats.

Il conclut que le Gouvernement n'a pas mis un terme aux haines intestines et n'est pas parvenu non plus à instaurer une cohésion nationale. Les conflits ethniques n'ont pas disparu et c'est toujours la logique des vainqueurs qui prime. Les vaincus ne sont pas seulement les secteurs liés à l'ancien régime. Pour le Gouvernement, ce sont aussi ceux qui ont lutté démocratiquement contre la dictature de Mobutu, les ONG, les journalistes, les défenseurs des droits de l'homme, les dirigeants politiques, qui sont tous humiliés, intimidés, emprisonnés et poursuivis.

Le processus démocratique ne s'est pas trouvé paralysé par la guerre ; il l'était déjà auparavant. L'omnipotence du Président est demeurée intacte. On constate une persistance de violations particulièrement graves du droit à la vie, à l'intégrité physique et psychique, à la liberté individuelle, au droit d'association, à un procès équitable, et à la liberté d'expression et d'opinion, notamment.

Le Gouvernement a affronté la rébellion du mois d'août dans un esprit de nettoyage ethnique. Il n'est pas correct d'affirmer que tous les Tutsis congolais sont en faveur de la guerre. Certains, même parmi ceux qui se sont réfugiés au Rwanda en 1966, souhaitent regagner leur pays. Il faudrait que ceux-là également puissent se réinstaller.

Le fait que le Gouvernement ait traité avec énergie quelques cas de corruption parmi ses rangs constitue un élément positif. Un autre fait qu'il convient de mettre en relief est la création, le 1er juin 1966, d'un Ministère des droits de l'homme. Bien qu'on ne l'ait pas encore vu à l'oeuvre à ce jour, celui-ci pourrait constituer un élément important dans la défense et la promotion des droits fondamentaux.

Le Rapporteur spécial fait siennes sans exception toutes les recommandations formulées par l'équipe du Secrétaire général, rapport S/1998/581, s'agissant en particulier de l'élargissement du domaine de compétence du Tribunal international du Rwanda ou de la création d'un autre tribunal pénal international pour juger les faits dont il est rendu compte dans le présent rapport, qui se sont produits entre le 1er janvier 1994 et le 31 décembre 1997, quel qu'en soit l'auteur et indépendamment de sa nationalité. Il faudra en outre adopter de mesures de protection des témoins.

Avant tout, le Gouvernement doit engager un processus de démocratisation avec la participation de tous les secteurs de la vie politique et sociale et en tenant compte avec souplesse de la volonté populaire manifestée dans les accords de la Conférence souveraine.

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Le rapport traite notamment de la mutinerie des Banyamulengues et de la rébellion d'août. Il estime qu'en dépit de l'intervention des forces armées de plusieurs pays, le conflit n'en a pas pour autant perdu son caractère de conflit armé interne, régi par l'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève de 1949. Il précise que les principales victimes des violations de cet article ont été les partisans des forces démocratiques opposées au régime de Kabila, les Maï-Maï, les chefs autochtones et les dirigeants d'organisations sociales, ainsi que les militaires katangais des FAC.

La Commission est également saisie de deux lettres de l'Union européenne : l'une transmettant la déclaration de la présidence de l'Union européenne sur le retrait de l'équipe d'enquête des Nations Unies de la République démocratique du Congo, publiée le 21 avril 1998 (A/53/114); l'autre transmettant la déclaration de la présidence de l'Union européenne sur le rapport établi dans le cadre de l'enquête menée par les Nations Unies sur les violations des droits de l'homme en République démocratique du Congo (ex-Zaïre) publiée le 17 juillet 19987 (A/53/182).

Déclaration liminaire du Rapporteur spécial

M. ROBERTO GARRETON, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur la situation des droits de l'homme en République démocratique du Congo (ex-Zaïre), a fait part des éléments nouveaux survenus depuis la rédaction de son rapport en République démocratique du Congo. Les querelles intestines se sont exacerbées à l'occasion du conflit qui a éclaté le 2 août dans l'est du pays. Les conflits ethniques se poursuivent et les vainqueurs continuent à imposer leur loi en s'en prenant non seulement aux dignitaires de la dictature de Mobutu, mais aussi aux personnalités qui se sont opposées à cette dictature par des moyens démocratiques, aux ONG, aux journalistes, aux défenseurs des droits de l'homme et aux dirigeants politiques, qui sont tous victimes de brimades, d'intimidation et de persécutions. Ces derniers jours, des opposants jouissant d'un grand soutien populaire ont été arrêtés ou empêchés de quitter le pays.

Toutefois, a poursuivi M. Garreton, il y a des signes encourageants, dont la volonté manifestée par le Président Kabila de ne pas suspendre le processus électoral. Une Commission, qui jouit de toute sa confiance et qu'il a lui-même constituée en septembre dernier pour réviser le projet de constitution présenté en mars, a soumis ses conclusions le 21 octobre, dont certaines portent sur le recensement électoral. Il est vrai que ni le projet initial ni le projet révisé de constitution n'ont été établis avec la participation de tous les secteurs sociaux et politiques du pays. Cependant, même dans l'état actuel des choses, ce processus pourrait déboucher à terme sur une démocratisation du pays, a-t-il souligné.

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L'application généralisée de la peine de mort prononcée par la Cour de l'ordre militaire au terme de procès irréguliers continue de préoccuper vivement le Rapporteur spécial. Celui-ci juge également déplorable qu'en réponse à la guerre injustifiée lancée dans l'est du pays avec l'appui manifeste des forces étrangères qui, quelques jours auparavant, faisaient encore partie du Gouvernement de la République démocratique du Congo, on ait fait, dans un premier temps, le choix d'alimenter les haines ethniques, ce qui s'est traduit par de nombreuses pertes en vies humaines, a déclaré M. Garreton. Malgré l'abandon, par la suite, de cette politique par le Gouvernement, on déplore encore des privations de liberté motivées par la seule appartenance ethnique.

C'est dans l'est du pays sous contrôle des forces rebelles que la situation des droits de l'homme est la plus préoccupante, de l'avis du Rapporteur spécial, qui affirme que cette région est en proie à la terreur et à des exactions généralisées. Ainsi, le 24 août, le massacre de Kasika a fait bien plus de morts que les 200 recensés dans un premier temps, y compris un certain nombre de religieux. Le 12 août, 44 soldats congolais ont péri à Kavumu, qui est pourtant éloigné des zones de combat. En raison des chasses à l'homme menées contre quiconque est soupçonné de faire partie des Mai-Mai, des agressions sexuelles contre des femmes et des petites filles congolaises et des exactions de tout type pratiquées dans cette région du pays, la vie quotidienne est insupportable. Il est extrêmement préoccupant, souligne le Rapporteur spécial, que les dirigeants de la rébellion n'aient pas renoncé aux méthodes de combat en usage en 1996-1997, lorsque les rebelles d'alors, qui ne sont autres que les rebelles d'aujourd'hui, s'enorgueillissaient de ne pas faire de prisonniers.

Le Rapporteur a noté que, lors de son allocution devant l'Assemblée générale le 23 septembre dernier, le Ministre congolais des relations extérieures, M. Jean-Charles Okoto Lolakombe, a déclaré que les crimes qui étaient actuellement perpétrés par les forces rwandaises contre les réfugiés hutus donnaient à penser que les crimes dénoncés par le Rapporteur spécial, la mission conjointe et l'équipe du Secrétaire général s'étaient effectivement produits. De l'avis du Rapporteur spécial, il s'agit là d'une admission sincère, qu'il faut rapprocher de la déclaration que le Président Kabila a faite le 2 septembre dernier lors du Sommet du Mouvement des pays non alignés. Un tel constat devrait se traduire par un changement d'attitude du Gouvernement à l'égard de la Commission des droits de l'homme et de son Rapporteur, et déboucher sur un dialogue ouvert et une coopération suivie et fructueuse, a-t-il dit. Le Rapporteur spécial a réitéré sa recommandation visant à étendre la compétence du Tribunal international pour le Rwanda ou à instituer un autre tribunal pénal pour connaître des faits qui se sont produits entre le 1er janvier 1994 et le 31 décembre 1997. M. Garreton espère aussi que tant le Gouvernement rwandais que le Gouvernement de la République démocratique du Congo enquêteront sur les massacres commis et présenteront un rapport préliminaire le plus rapidement possible comme le leur a demandé le Conseil de sécurité.

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