En cours au Siège de l'ONU

AG/SHC/374

PLUSIEURS DELEGATIONS DENONCENT LA MONTEE DE L'"ISLAMOPHOBIE" ET DEMANDENT QUE CE PHENOMENE BENEFICIE D'UNE PLUS GRANDE ATTENTION

27 octobre 1998


Communiqué de Presse
AG/SHC/374


PLUSIEURS DELEGATIONS DENONCENT LA MONTEE DE L'"ISLAMOPHOBIE" ET DEMANDENT QUE CE PHENOMENE BENEFICIE D'UNE PLUS GRANDE ATTENTION

19981027 Un appel est lancé en faveur de l'adhésion à la Convention sur la protection des droits des travailleurs migrants pour qu'elle entre en vigueur

Plusieurs délégations ont dénoncé ce matin, dans le cadre du débat sur l'élimination du racisme et de la discrimination raciale, et sur le droit des peuples à l'autodétermination, la montée de l'"islamophobie". Il a été demandé que ce phénomène soit examiné par le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, ainsi que par le Rapporteur spécial sur l'intolérance religieuse. La représentante de la Jamahiriya arabe libyenne a rejeté pour sa part les tentatives de relier l'Islam aux actes terroristes. Si des actes terroristes sont commis par des musulmans, on rend l'Islam tout entier responsable, alors que s'ils sont commis par des non-musulmans, on considère qu'il s'agit d'actes individuels, a-t-elle dit.

Plusieurs délégations ont souhaité qu'une plus grande attention soit portée à la question des travailleurs migrants, estimant que l'adoption de législations et de mesures à leur encontre par certains gouvernements, surtout dans les pays industrialisés, est une forme de racisme. Partant, elle ont appelé les Etats qui ne l'ont pas encore fait à adhérer à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, adoptée par l'Assemblée générale en 1990, pour qu'elle puisse entrer en vigueur. Pour la représentante du Maroc, il est également nécessaire de sauvegarder l'identité culturelle et spirituelle des travailleurs migrants.

Les représentants des pays suivants ont fait une déclaration au cours du débat : Liechtenstein; Israël; Maroc; Jamahiriya arabe libyenne; Jordanie; Guyana (au nom des Etats membres de la Communauté des Caraïbes, CARICOM); et République islamique d'Iran.

La Commission conclura son débat général sur ces questions cet après- midi à 15 heures.

ELIMINATION DU RACISME ET DE LA DISCRIMINATION RACIALE

DROIT DES PEUPLES A L'AUTODETERMINATION

Suite du débat général

Mme CLAUDIA FRITSCHE (Liechtenstein) a estimé que le droit à l'autodétermination se fonde sur les trois éléments suivants : il s'agit d'un processus qui requiert une mise en oeuvre continue, par des élections périodiques authentiques ou d'autres moyens appropriés exprimant la volonté du peuple concerné; ce droit n'est pas nécessairement équivalent à la réalisation de l'indépendance ou la création d'un Etat; c'est la condition préalable à la réalisation de tous les droits de l'homme. La représentante a estimé que la prévention est un concept crucial pour le succès des Nations Unies, à l'avenir et dans le cadre duquel s'inscrit le droit à l'autodétermination. La prévention des conflits internes doit donc être placée plus haut sur l'ordre du jour de l'Organisation. Le Liechtenstein estime qu'une approche plus prospective et plus flexible du droit à l'autodétermination constitue un élément clef de des efforts dans cette voie. La représentante a préconisé le dialogue entre les communautés et avec les gouvernements, fondé sur la reconnaissance du droit à l'autodétermination des communautés, en tenant compte du fait que divers degrés d'autonomie, exercés dans le respect de l'intégrité territoriale, peuvent permettre à ces communautés d'exercer ce droit. Le Programme de recherche du Liechtenstein sur l'autodétermination mené à la "Woodrow Wilson School of Princeton University" a organisé cette année une Conférence internationale sur la démocratisation et la décentralisation en Inde.

Mme ORLY GILL (Israël) a déclaré que les Israéliens, en tant que victimes d'un génocide, s'inquiètent de la résurgence des partis nazis et néonazis et des récentes manifestations d'antisémitisme. Israël a lancé un plan de sensibilisation contre le racisme. A l'initiative du Ministère de l'éducation, l'année académique a été centrée sur le thème de la tolérance. Des séminaires, destinés à tous les secteurs de la société, ont été organisés. Israël est un microcosme de la mosaïque mondiale, où toutes les ethnies sont représentées. Le rôle du Gouvernement est de défendre l'identité culturelle de tous les immigrés. La lutte contre le racisme passe par des réformes législatives.

La Knesset a, dans les années 80, adopté deux lois prohibant l'incitation publique au racisme, un délit passible d'un an de prison. En vertu des révisions apportées au Code pénal, les crimes et délits tels que l'agression ou l'extorsion par un fonctionnaire, sont punis plus sévèrement s'ils sont teintés de racisme. La Loi de 1990 sur la télévision et la radio interdit la diffusion de matériaux et de programmes incitant au racisme sur base de religion, race, nationalité, ethnicité ou mode de vie. La Knesset, qui interdit aux partis politiques d'inciter les citoyens au racisme ou

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de remettre en question le caractère démocratique de l'Etat, a récemment banni un parti du processus électoral. La Cour suprême impose plus de contraintes encore sur les campagnes politiques racistes, et ces contraintes sont appuyées par la Loi de 1992 promulguée par la Knesset. La Knesset a amendé une disposition visant à éliminer toute proposition de législation à teneur raciste.

Mme AICHA EL KABBAJ (Maroc) a estimé que l'action des Etats pour lutter contre le racisme est déterminante dans la mesure où leurs démarches devraient se traduire par des mesures législatives de répression et par la sensibilisation de l'opinion publique à travers l'éducation et l'information, a-t-elle dit.

La représentante a exprimé l'espoir qu'une attention particulière sera accordée aux travailleurs migrants qui constituent un groupe particulièrement vulnérable et continuent de subir, dans certains pays d'accueil, différentes formes de discrimination, de marginalisation et d'intolérance. Elle a déploré le fait que la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, adoptée par l'Assemblée générale en 1990, ne soit pas encore entrée en vigueur en raison du nombre limité de ratifications et a appelé les Etats qui ne l'ont pas encore fait à adhérer à cette Convention. La mise en application de cet instrument garantira les droits des travailleurs migrants qui contribuent à l'essor économique des pays où ils se trouvent sans pour autant jouir de garanties qui reconnaissent leurs droits et leur dignité. Il est nécessaire, par ailleurs, de sauvegarder l'identité culturelle et spirituelle des travailleurs migrants et les préserver de toute manifestation hostile à leur égard, y compris les campagnes de dénigrement dont ils sont victimes et qui les présentent comme responsables de certains fléaux qui affectent les pays d'accueil, notamment le chômage, le trafic de drogues et l'insécurité, a-t-elle dit.

Mme ASHOUR (Jamahiriya arabe libyenne) a dénoncé les tentatives de relier l'Islam aux actes terroristes, alors que lorsque ces actes sont commis par des non-musulmans, on considère qu'il s'agit d'actes individuels. Si de tels actes sont commis par des musulmans, on en rend l'Islam tout entier responsable. Et les Etats qui portent de telles accusations accueillent sur leur territoire des représentants du terrorisme. Pour la Jamahiriya arabe libyenne, il s'agit là véritablement de racisme et il importe de prendre toutes les mesures possibles pour endiguer ces tendances.

La représentante a rappelé que le peuple palestinien vit depuis 1948 sous occupation étrangère ou dans des camps de réfugiés en attendant la mise en oeuvre des résolutions des Nations Unies qui ont toutes confirmé leur droit à l'autodétermination. La représentante s'est inquiétée des activités mercenaires notamment sur le continent africain. Ces activités sont financées

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et organisées par des entreprises et des organisations qui utilisent de faibles prétextes politiques pour mener des attaques terroristes qui ont pour but de fragiliser les Etats dans lesquels ces actes sont commis, a-t-elle déclaré.

M. SAMER ANTON NABER (Jordanie) a indiqué que la Jordanie dialogue avec les pays voisins, car la coexistence pacifique pour le bénéfice de tous passe avant tout par le dialogue. Les différences culturelles, politiques et religieuses doivent être préservées dans cette période de standardisation culturelle résultant de la mondialisation. Toutes les civilisations, religions et ethnies doivent coopérer par le biais du dialogue afin de remplir le vide créé par ceux qui parlent de confrontation des civilisations et par les stéréotypes injustes.

La Jordanie, inquiète de ce que le peuple palestinien ne puisse exercer son droit à l'autodétermination, se réjouit des faits positifs récents qui ont marqué le processus de paix au Moyen-Orient.

Mme PAULETTE CORNETTE (Guyana), prenant la parole au nom des Etats membres de la Communauté des Caraïbes, CARICOM), a estimé que l'adoption de législations et de mesures contre les travailleurs migrants par certains gouvernements, surtout dans les pays industrialisés, constituaient également des formes de racisme. La lutte contre le racisme dépend dans une large mesure de l'engagement des gouvernements qui doivent donner la priorité à la mise en oeuvre effective de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Le processus de préparation de la Conférence mondiale contre le racisme doit également bénéficier d'une attention prioritaire. L'organisation de réunions régionales permettrait d'identifier les problèmes particuliers à chaque région. La CARICOM espère qu'une assistance financière et technique adéquate sera accordée pour l'organisation de ces réunions. La représentante a également préconisé d'assurer la viabilité financière de la Commission des droits de l'homme, en tant qu'organe préparatoire de la Conférence.

La représentante a déploré le fait que le manque d'intérêt, de soutien et de ressources financières aient empêché la mise en oeuvre de la plupart des activités prévues dans le cadre du Programme d'action de la Troisième Décennie de la lutte contre le racisme et la discrimination raciale. Partant, elle a appelé tous les gouvernements, les organisations intergouvernementales et non gouvernementales et le secteur privé à contribuer généreusement au Fonds d'affectation spéciale pour la Troisième Décennie, tout en estimant qu'il importe d'explorer en parallèle d'autres sources de financement pour le Programme d'action, y compris un financement sur le budget régulier. La CARICOM est convaincue qu'une éducation efficace et des programmes de formation dans les familles, les écoles, les universités et d'autres institutions contribueraient largement à l'élimination des préjugés racistes

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et des stéréotypes en promouvant la compréhension mutuelle et la tolérance. A cet égard, les médias, et en particulier la radio et la télévision, ainsi que l'Internet, ont un rôle important à jouer, a souligné la représentante.

M. ESMAEIL AFSHARI (République islamique d'Iran) a déclaré que le monde islamique, et particulièrement l'Iran, s'inquiète de la discrimination et de la violence croissantes exercées contre les musulmans. Le phénomène d'"islamophobie" s'amplifie et devrait être examiné par le Rapporteur spécial sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée, et par le Rapporteur spécial sur l'intolérance religieuse.

Des centaines de sites Internet diffusent une propagande raciste. L'abus des nouvelles technologies pour inciter à la haine raciale doit être réprimé. Cette question doit être débattue lors des conférences internationales, et notamment lors de la Conférence mondiale sur le racisme.

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