En cours au Siège de l'ONU

AG/DSI/201

LA PREMIERE COMMISSION EST SAISIE DE SEPT PROJETS DE RESOLUTION

27 octobre 1998


Communiqué de Presse
AG/DSI/201


LA PREMIERE COMMISSION EST SAISIE DE SEPT PROJETS DE RESOLUTION

19981027 La Commission du désarmement et de la sécurité internationale (Première Commission) a été saisie cet après-midi de sept projets de résolution dont l'un souligne la nécessité d'un nouvel ordre du jour en vue d'arriver à un monde exempt d'armes nucléaires. Aux termes de ce projet intitulé "Vers un monde exempt d'armes nucléaires : nécessité d'un nouvel ordre du jour", les Etats dotés d'armes nucléaires s'engageraient à éliminer promptement et en totalité leurs armements nucléaires et à poursuivre en bonne foi sans plus tarder des négociations qui aboutiraient à leur élimination. Le projet demanderait en outre aux Etats d'adhérer inconditionnellement et sans plus tarder au TNP. La Commission a entendu, sur ce projet, les délégations du Royaume-Uni et de la France, qui ont posé des questions et élevé des objections quand au bien-fondé d'un nouvel agenda du désarmement nucléaire généralisé, qui remettrait en question le consensus qui a existé jusqu'à présent dans ce domaine et risquerait de réduire à néant tous les efforts entrepris, à la fois dans le cadre de la Conférence du désarmement, et dans celui de la préparation de la quatrième Session extraordinaire de l'Assemblée générale sur le désarmement.

La Commission a entendu en outre les délégations de l'Afrique du Sud, du Chili, de l'Egypte, du Brésil et du Mexique dont les points de vue diffèrent avec ceux de la France et du Royaume-Uni, dans la mesure où les délégations estiment que le moment est opportun et bien choisi pour relancer la nécessité d'un agenda plus réaliste sur le désarmement nucléaire. Elle a entendu les délégations de la Pologne, de la Nouvelle-Zélande, de la Mongolie, du Nigéria, du Pakistan et de l'Inde qui ont fait des commentaires sur les six autres projets de résolution qui ont été présentés cet après-midi et qui portent sur le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, le statut de pays exempt d'armes nucléaires de la Mongolie, l'Interdiction de déverser des déchets radioactifs, les Bourses d'études, formation et services consultatifs des Nations Unies en matière de désarmement, le Centre régional des Nations Unies pour la paix et le désarmement en Afrique, et l'Application de La Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction.

La Première Commission reprendra ses travaux demain à 10 heures.

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PRESENTATION DE PROJETS DE RESOLUTION

Aux termes du projet de résolution intitulé "Vers un monde exempt d'armes nucléaires : nécessité d'un nouvel ordre du jour" (A/C.1/53/L.48), l'Assemblée générale demanderait aux Etats dotés de l'arme nucléaire de s'engager sans équivoque à éliminer promptement et en totalité leurs armements nucléaires et de poursuivre de bonne foi et mener à terme sans tarder des négociations aboutissant à l'élimination de ces armes. Elle demanderait aux trois Etats dotés d'une capacité nucléaire militaire et n'ayant pas encore adhéré au traité sur la non-prolifération nucléaire des armes nucléaires de renoncer clairement et d'urgence à mettre au point et à déployer de telles armes et de s'abstenir de toute action susceptible de nuire à la paix et à la sécurité régionales et internationales ainsi qu'aux efforts déployés par la communauté internationale en vue du désarmement nucléaire et de la prévention de la prolifération nucléaire.

L'Assemblée demanderait aux trois Etats dotés d'une capacité nucléaire militaire et n'ayant pas adhéré au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et de renoncer clairement et d'urgence à mettre au point et déployer de telles armes et de s'abstenir de toute action susceptible de nuire à la paix et à la sécurité régionales et internationales ainsi qu'aux efforts déployés par la communauté internationale en vue du désarmement nucléaire et de la prévention de la prolifération des armes nucléaires. Elle demanderait aux Etats qui ne l'ont pas encore fiat d'adhérer inconditionnellement et sans retard au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et de prendre toutes les mesures nécessaires découlant de cette adhésion. Elle demanderait aux Etats qui ne l'ont pas encore fait de conclure avec l'Agence internationale de l'énergie atomique des accords de garanties intégrales et des protocoles additionnels sur la base du protocole type approuvé par le Conseil des gouverneurs de l'Agence le 15 mai 1997. Elle demanderait que soit conclu un instrument international contraignant visant à garantir efficacement les Etats non dotés d'armes nucléaires qui sont parties au Traités sur la non- prolifération des armes nucléaires contre l'emploi ou la menace de ces armes.

Aux termes du projet de résolution au Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (A/C.1/53/L.11), l'Assemblée générale prendrait acte que la première réunion des Etats signataires a adopté la résolution CTBT/MSS/RES/1 du 19 novembre 1996 par laquelle elle a créé la Commission préparatoire de l'Organisation du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires. Elle prendrait note que dans sa décision 52/414 du 9 décembre 1997, elle a décidé d'inscrire à l'ordre du jour provisoire de sa cinquante-troisième session la question intitulée "Traité d'interdiction complète des essais nucléaires".

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Elle engagerait tous les Etats qui ne l'ont pas encore fait à signer et à y devenir parties à une date aussi rapprochée que possible, pour le faire entrer rapidement en vigueur et en faire au plus tôt un instrument véritablement universel. Elle demanderait instamment aux Etats de maintenir leurs moratoires sur les essais d'armes nucléaires et de s'abstenir de tous les actes qui feraient échec à l'objectif du Traité en attendant qu'il entre en vigueur.

Aux termes du projet de résolution relatif à la Sécurité internationale et au statut de pays exempt d'armes nucléaires de la Mongolie (A/C.1/53/L.10), l'Assemblée générale se féliciterait que la Mongolie ait déclaré son territoire zone exempte d'armes nucléaires, et elle inviterait les Etats intéressés à apporter leur concours à la Mongolie pour la prise des mesures qui s'imposent en vue de consolider et de renforcer l'indépendance, la souveraineté et l'intégrité territoriale de la Mongolie, l'inviolabilité de ses frontières, sa sécurité sur le plan économique, son équilibre écologique et son statut de pays exempt d'armes nucléaires, ainsi que l'indépendance de sa politique étrangère.

Aux termes du projet de résolution relatif au Désarmement général et complet : interdiction de déverser des déchets radioactifs (A/C.1/53/L.9), l'Assemblée générale prendrait note que les participants au Sommet sur la sûreté et la sécurité nucléaires, tenu à Moscou les 19 et 20 avril 1996, se sont engagés à interdire le déversement de déchets radioactifs en mer. Elle prendrait acte de la partie du rapport de la Conférence du désarmement consacrée à une future convention interdisant les armes radiologiques et engagerait tous les Etats à prendre les mesures voulues pour empêcher tout déversement de déchets nucléaires ou radioactifs qui porterait atteinte à la souveraineté nationale. Elle prierait la Conférence du désarmement d'examiner, à l'occasion des négociations sur une convention interdisant les armes radiologiques, la question des déchets radioactifs comme entrant dans le cadre de cette convention et de redoubler d'efforts en vue de conclure sans tarder une telle convention et de l'informer du déroulement des négociations sur la question dans le rapport qu'elle lui présentera à sa cinquante- quatrième session.

Aux termes du projet de résolution relatif aux Bourses d'études, formation et services consultatifs des Nations Unies en matière de désarmement (A/C.1/53/L.29), l'Assemblée générale réaffirmerait les décisions figurant dans l'annexe IV du Document de clôture de sa douzième session extraordinaire et le rapport du Secrétaire général qu'elle a approuvé par sa résolution 33:71 E du 14 novembre 1978. Elle prierait le Secrétaire général de continuer, dans les limites des ressources existantes, à assurer l'exécution, à Genève, des programmes annuels et de lui en rendre compte à sa cinquante-cinquième session.

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Aux termes du projet de résolution relatif au Centre région des Nations unies pour la paix et le désarmement en Afrique (A/C.1/53/L.8), l'Assemblée générale réaffirmerait qu'il importe de relancer le Centre régional et de lui fournir les ressources nécessaires au renforcement de ses activités et de ses programmes, et elle accueillerait avec satisfaction les mesures prises à cet effet par le Secrétaire général, y compris la nomination d'un directeur. Aux termes de cette résolution, l'Assemblée lancerait un appel urgent aux Etats Membres, principalement aux Etats africains, ainsi qu'aux organisations gouvernementales internationales et aux fondations, pour qu'ils versent des contributions volontaires en vue de relancer le Centre régional, renforcer ses programmes d'activités et faciliter leur exécution.

Aux termes du projet de résolution relatif à l'Application de la Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction (A/C.1/53/L.38), l'Assemblée générale soulignerait combien l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques est importante pour vérifier le respect de toutes les dispositions de la Convention t favoriser la réalisation, dans les meilleurs délais et d'une manière rationnelle, de tous ses objectifs. L'Assemblée engagerait tous les Etats parties à la Convention à s'acquitter intégralement et dans les meilleurs délais des obligations qu'elle leur impose et à prêter leur appui à l'Organisation dans les activités qu'elle mène pour en assurer l'application, et elle soulignerait qu'il est important pour la Convention que tous les Etats qui possèdent des armes chimiques et des installations de fabrication ou de mise au point de telles armes, y compris les pays qui ont déclaré posséder des armes chimiques, figurent au nombre des Etats parties à la Convention, et se féliciterait des progrès réalisés dans ce sens.

Déclarations

M. DARACH MACFHIONNBHAIRR (Irlande) : le projet de résolution (A/C.1/53/L.48) a pour objectif de relancer la façon dont nous examinons l'ordre du jour du désarmement nucléaire. C'est la prérogative et le devoir des Etats Membres de l'ONU. Le projet propose un ordre du jour qui ne cherche pas à supplanter les autres résolutions, au contraire, ce projet dégage un ordre du jour qui porte sur la nécessité d'utiliser les mécanismes existants et les démarches existantes pour poursuivre le processus de désarmement nucléaire. Si cette résolution était appliquée, les effets seraient décisifs, les armes nucléaires seraient reléguées au rang des anachronismes. La menace de la prolifération nucléaire est une préoccupation dans un monde où on compte des Etats dotés de l'arme nucléaire et d'autres qui ne l'ont pas. Le projet prévoit un plan d'action dont les détails peuvent être changés, réexaminés et rediscutés. Mais il est clair que les Etats nucléaires doivent s'engager dans

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un processus conduisant à l'élimination des armes nucléaires. Un certain nombre de critiques ont été adressées à l'encontre du projet par certaines délégations. Les auteurs ont engagé toutes les délégations qui le souhaitaient à y participer et beaucoup l'ont fait. Certains ont fait valoir que le texte présente des concepts nouveaux dangereux tels que le terme "Etats à capacité nucléaire" au lieu de les citer nommément. Les auteurs n'ont pas essayé de créer une nouvelle catégorie, ces Etats sont au nombre de trois, ce sont ceux dotés d'une capacité nucléaire et qui n'ont pas accédé au TNP, l'Inde, le Pakistan et Israël. Il s'agit d'une proposition d'un nouvel ordre du jour et non d'une réaction aux mesures prises par d'autres Etats. L'urgence d'une action immédiate pour l'élimination des armes nucléaires a été renforcée par les récents essais. On a fait valoir que le projet sape le TNP, en fait notre projet vise à relancer la poursuite du désarmement nucléaire, conformément aux principes énoncés par le TNP. Ce projet de résolution est un engagement sans équivoque au TNP et à sa mise en oeuvre, et en renforcerait les dispositions.

M. KRZYSZTOF PATUREJ (Pologne) a présenté le projet de résolution sur l'interdiction des armes chimiques. Ce projet a été discuté le 23 octobre par de nombreuses délégations et présenté au Secrétariat. Cette année, ce projet, basé sur celui de l'an dernier et adopté sans vote, à cependant une spécificité. Son intitulé indique qu'il est entièrement tourné vers l'application de la Convention sur les armes chimiques. Il n'a pas été aisé de le préparer, la Convention étant déjà mise en oeuvre depuis un an et demi. L'expérience, dans le domaine du contrôle et de la destruction des armes chimiques, reste cependant limitée, et nous voulons souligner l'importance de toutes les dispositions du Traité. Les "considérant" du projet restent les mêmes, et nous appelons dans le dispositif, tous les Etats qui ne l'ont pas encore fait à devenir parties à la Convention. Tous les Etats qui ont déclaré posséder des armes chimiques devraient devenir parties à la Convention et toutes les parties devraient appuyer sa mise en exécution. L'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques devrait voir son rôle renforcé aux termes de cette résolution et devrait jouer un rôle plus actif, appuyé par les Etats. La Pologne et le Canada sont les seuls coauteurs de ce projet de résolution, qui est très court, et nous pensons que les 120 Etats Parties à la Convention le soutiennent. Nous aimerions le voir adopter sans vote, l'attitude de toutes les délégations ayant été très positive pendant les consultations.

M. CLIVE PEARSON (Nouvelle-Zélande) : le projet de résolution intitulé: Traité d'interdiction des essais nucléaires, n'a qu'un seul objectif, celui d'encourager toute nouvelle signature et ratification du Traité et de promouvoir son entrée en vigueur et son universalité. Ce projet de résolution mérite le soutien de tous les membres de la Commission et l'adoption de cette résolution devrait être effectuée sans vote.

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M. JARGALSAIKHANY ENKHSAIKHAN (Mongolie) a indiqué que de nombreuses régions, notamment en Europe et en Asie, où de nombreux Etats aimeraient bénéficier du statut de zones exemptes d'armes nucléaires (ZEAN), selon les spécificités de leurs environnement régional, et suivant leurs préoccupations de sécurité, indépendamment du fait qu'un certain nombre de zones exemptes d'armes nucléaires existent déjà. La Mongolie fait partie des pays qui voudraient accéder à ce statut, et présente le projet de résolution contenu dans le document A/C.1/53/L.10. A cause de sa situation géographique, notre pays a été longtemps pris entre les disputes sino-soviétiques d'un côté et, de l'autre, le danger posé par les pressions politico-militaires exercées sur lui par ses deux grands voisins. C'est pour ces raisons que la Mongolie, désireuse de contribuer à la cause du désarmement nucléaire généralisé, surtout après la fin de la guerre froide, a déclaré son territoire exempt d'armes nucléaires. Cette initiative a reçu le soutien de nombreux pays Membres, comme cela se voit dans le Document final du 12ème Sommet des Non- Alignés, et dans les positions adoptées par la Fédération de Russie, la Chine et les autres Etats nucléaires. Mais quand il s'agit d'appliquer réellement le statut que nous demandons, il semble y avoir des réserves sur l'applicabilité du statut de ZEAN, tel que défini par les textes, à notre pays. La raison en serait que nous sommes, pour le moment, le seul Etat à réclamer individuellement un tel statut. Une autre serait que nous affectons, de facto, par notre position géographique, les intérêts de sécurité de nos deux voisins. Nous avons mené des consultations avec eux depuis 1997, et nous pensons que nous pouvons arriver à un accord satisfaisant qui tienne compte des intérêts et des soucis de toutes les parties concernées. Nous pensons que dans le cadre de la finalisation de ces négociations, les Nations Unies sont l'arène idoine, au sein de laquelle des accords pourraient être scellés, accords qui renforceraient la sécurité régionale et internationale, vu l'importance de nos deux voisins sur la scène internationale.

M. TANKO ABUBAKAR SULEIMAN (Nigéria) a présenté trois projets de résolution au nom du Groupe africain. Le premier a trait à l'interdiction du déversement des déchets nucléaires. Après l'accident de Tchernobyl, la communauté internationale a été sensibilisée à cette question, et nous demandons qu'entrent en vigueur les différents textes internationaux, dont la Convention de l'AIEA sur l'interdiction du dépôt de ces déchets. Notre texte est le même que celui de l'an dernier. Nous présentons aussi le projet A/C1/53/L8, relatif au Centre pour la paix et le désarmement en Afrique, qui est situé à Lomé au Togo. Nous demandons qu'un appui lui soit donné dans la coordination des activités de désarmement en Afrique, ce Centre contribuant pour beaucoup au dialogue dans ce domaine. Nous voudrions qu'on lui désigne un Directeur pour qu'il puisse fonctionner normalement et nous demandons aux Etats Membres d'augmenter leurs contributions volontaires. Le troisième projet est le A/C1/53/L.29, sur les services consultatifs des Nations Unies en matière de désarmement. L'année 1998 marque le 20ème anniversaire des

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opérations des Nations Unies en matière de désarmement. Les bourses accordées à cet effet aux jeunes diplomates ont permis depuis 20 ans de former des cadres avertis en la matière. Les pays en développement pensent que ce programme est utile pour leurs jeunes diplomates. Nous demandons aux Etats Membres de continuer, par conséquent, à verser des contributions permettant de maintenir ces programmes, et nous espérons que tous les projets de résolution que nous venons de vous présenter seront adoptés par consensus.

M. TAUWHARE (Royaume Uni) : je voudrais répondre au délégué de l'Irlande du Nord sur le projet de résolution (A/C.1/53/L.48), nous avons pris note des amendements aux textes antérieurs mais le texte ne répond toujours pas aux préoccupations du Royaume-Uni et nous avons l'intention de voter contre ce projet. J'espère que les auteurs reverront leurs positions. Le texte ne reconnaît pas les engagements répétés des Etats nucléaires et les mesures pratiques qu'ils ont déjà prises. Le Royaume-Uni est complètement attaché au désarmement nucléaire. Notre engagement s'est révélé dans des mesures pratiques récemment. Dans l'ensemble, le Royaume-Uni maintiendra moins de 200 ogives nucléaires par rapport au plafond fixé à 300 précédemment, nos sous- marins nucléaires comprendront 45 ogives au lieu de 96. Nous avons publié des chiffres détaillés sur les matières fissiles. En avril 95, nous avons dit que nous avons cessé de produire ces matières à des fins militaires, l'enrichissement ne se fera chez nous qu'en répondant aux garanties internationales. Le projet de résolution rejette l'ordre du jour concernant les mesures à prendre par les Etats parties au TNP. Nous y sommes attachés, et le laisser de côté sape le régime du TNP. La première étape est la conclusion du CTBT, nous voulons qu'il entre rapidement en vigueur, nous y sommes parties et nous appelons ceux qui ne l'ont pas encore fait, à le faire rapidement. Le projet défend des mesures que nous avons examiné dans le contexte de notre défense stratégique et nous estimons que ses prévisions ne sont pas compatibles. Il ne condamne pas les essais nucléaires de l'Inde et du Pakistan, cette lacune sape le régime de non-prolifération et le texte ne reconnaît pas la menace que représente la menace de prolifération au-dit Traité. Le Royaume-Uni est prêt à soutenir toute pratique en direction du désarmement nucléaire et votera contre ce texte. Nous demandons aux coauteurs de tenir compte de nos observations.

Mme JOELLE BURGOIS (France) a réagi à la déclaration présentée par l'Irlande sur un nouvel ordre du jour pour le désarmement nucléaire. Beaucoup de chercheurs se sont interrogés, ces derniers temps, pour que le mouvement en vue de ce désarmement ne soit pas ralenti. Mais la résolution soumise par l'Irlande vient, ou trop tard ou trop tôt. Le constat de carence qu'elle fait est-il réellement fondé? Le calendrier proposé est-il réaliste? La présentation de ce projet vient-elle à propos? Non! Les Etats nucléaires dont les Etats-Unis et la Fédération de Russie, se sont engagés dans une démarche de réduction substantielle de leurs arsenaux. Sur le plan unilatéral, la France rejoint de près le Royaume-Uni. Des efforts importants de réduction des arsenaux, ont été faits, qui demandent un réexamen

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pluriannuel coûteux. La France a pris des décisions en ce sens. En 1996, la composante terrestre de la force de dissuasion française a été éliminée et notre pays ne dispose pas d'armes tactiques. Nous voudrions rappeler, d'autre part, les décisions concernant la posture de nos forces d'alerte. En 1992 et 1996 cette posture a été nuancée et réduite, et récemment le Président de la République française, a annoncé que les armes françaises ne visaient plus directement aucune cible. Concernant les matières fissiles, la France a démantelé ses structures de production, notamment à Marcoule et Pierrelatte. Et le site de Muroroa est aujourd'hui fermé. L'AIEA a mené des études récentes sur ce site, qui ont conclu qu'aucun danger n'existait pour les humains sur ses lieux. La France est la seule puissance nucléaire à ne plus disposer aujourd'hui d'un site d'essais. Sur le plan multilatéral, la communauté internationale vient d'entrer dans une étape importance, celle dite du "cut off". Ce fait modifie les perspectives, et par conséquent, notre pays élève des doutes sur un nouvel agenda pour le désarmement nucléaire, tel que présenté dans la proposition de résolution de l'Irlande. Il ne peut y avoir d'approche abolitionniste en matière de nucléaire, mais nous croyons en une approche graduelle. Concernant le moment choisi pour la présentation de cet agenda, nous pensons que les mesures prises jusqu'à maintenant ne sont pas obsolètes. Pour les Etats parties au TNP, la Conférence prévue en l'an 2000 sera l'occasion de faire le point. Si le prix à payer pour l'acceptation de la proposition présentée par l'Irlande est celui de la rupture du consensus qui avait jusqu'à maintenant présidé au désarmement nucléaire, alors il est dangereux et trop élevé.

M. PETER GOOSEN (Afrique du Sud) : à propos des réactions du Royaume-Uni et de la France, je pense comme Shakespeare, qui disait : "ils protestent trop". Cette résolution est un appel aux Etats nucléaires pour qu'ils s'engagent sans équivoque au titre de l'article 6 du TNP, et en aucune manière cette résolution ne sape le régime du TNP. 50 ans après les explosions nucléaires de Nagasaki et de Hiroshima, nous lançons un appel aux Etats dotés de l'arme nucléaire à s'engager dans un processus d'élimination totale des essais nucléaires. L'article 6 n'est pas toujours pleinement exécuté, la France et le Royaume-Uni en conviendront. L'Afrique du Sud disposait d'armes nucléaires et les a détruites. Le moment est venu pour les Etats qui en possèdent de s'en défaire aussi. Je ne vois pas comment la résolution sape l'ordre du jour du TNP. Au contraire, elle renforce l'ordre du jour, elle appelle à la relance des négociations en ce qui concerne les matières fissiles. Toute l'idée de la résolution repose sur un nouvel ordre du jour.

M. RAIMUNDO GONZALEZ (Chili) a dit que le projet de résolution sur un nouvel ordre pour le désarmement nucléaire semble entretenir la confusion. La France dit que ce projet sape la 4ème session extraordinaire de l'Assemblée consacrée au désarmement. Mais comment peut-on saper quelque chose qui n'existe pas? Nous partageons la position de l'Afrique du Sud. Nous savons que le TNP consacre un état patent de discrimination, mais nous l'avons quand même signé. Il est anormal que certains Etats maintiennent la possibilité de l'emploi d'armes nucléaires contre des pays qui en sont démunis. A l'heure de

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la mondialisation, il serait ridicule de penser à l'emploi de ces armes, et la Cour internationale de Justice nous donne totalement raison sur cette question. Des négociations doivent être engagées, de bonne foi, pour arriver à un désarmement total. L'état des choses actuel ne peut plus durer. Ceux qui s'arrogent le droit de posséder des bombes nucléaires, s'opposent, et ce n'est pas une surprise au projet de résolution présenté par l'Irlande. Leur agenda de sécurité reste figé dans le temps, dans un esprit tout à fait contraire à l'esprit de la Charte des Nations Unies, dont les Articles 2 et 4 interdisent l'usage ou la menace d'usage de la force dans les relations entre peuples et nations. Le fait de posséder des armes nucléaires peut entraîner et représenter, en soi, une menace d'emploi de la force. Si aucun lien juridique et aucune exhortation ne sont imposés aux Etats, rien ne peut nous faire présumer un monde plus juste et plus en paix. On n'aura plus alors qu'à encourager hypocritement la Conférence du désarmement à "poursuivre ses efforts" en vue de créer un "dialogue et un consensus sur le désarmement nucléaire". Nous pensons donc que le texte présenté est tout à fait sensé, tout à fait d'actualité, et tout à fait le bienvenu. Il renforce les textes existants et lève des doutes. Quand à la 4ème session extraordinaire pour le désarmement, ce n'est qu'une réalité virtuelle que l'on ne nous en parle donc pas dans le contexte actuel...

M. MUNIR AKRAM (Pakistan) : nous avons cru que les projets étaient simplement présentés aujourd'hui, mais les commentaires du Royaume-Uni et de la France sur le projet de résolution (A/C.1/53/L.48) suscitent un débat de fond concernant ce nouvel ordre du jour. Nous avons également entendu des allusions aux essais nucléaires de l'Inde et du Pakistan. Je saisis l'occasion pour présenter des idées préliminaires sur ce projet. Le Pakistan a manifesté son appui aux huit pays qui ont essayé d'obtenir ce qui constitue un consensus pour revitaliser le désarmement nucléaire aux niveaux régional et international. Le Pakistan examinera ce projet, soupèsera son contenu, dont la plus grande priorité est le désarmement nucléaire. Il a été signalé que la Conférence du désarmement sur le TNP avait cerné un ordre du jour bref mais cet ordre du jour est aujourd'hui épuisé et le troisième point, à savoir les mesures à mettre en oeuvre en faveur du désarmement nucléaire, doit être davantage précisé. Nous pensons que ce projet tente de préciser quelles sont les mesures ultérieures que devrait prendre la communauté internationale en vue du désarmement nucléaire. A notre avis, dans ce projet L.48, on ne trouve pas de référence aux doctrines de guerre nucléaires qu'épousent certains Etats dotés de l'arme nucléaire et qui envisagent d'utiliser la menace de leurs armes nucléaires même contre des pays non dotés de l'arme nucléaire. Le projet de résolution ne fait aucune référence aux développements dangereux de nucléarisation de l'espace atmosphérique. On ne fait aucune référence au contrôle des stocks de matières fissiles détenus par certains Etats dotés de l'arme nucléaire. Nous pouvons suggérer quelques modifications, les auteurs de la résolution ont dit qu'ils sont ouverts aux consultations extérieures. Nous soutenons totalement l'idée de base de cet projet.

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M. MAGED ABDELAZIZ (Egypte) a dit que la déclaration des huit Etats et le projet de résolution présenté par l'Irlande, qui viennent après les essais nucléaires en Asie du Sud, sont une manifestation du souci de la communauté internationale de préserver le régime de non-prolifération. Nous ne pouvons pas rester inactifs, face aux derniers événements, cela saperait tous les efforts faits en faveur du désarmement nucléaire. Des efforts ont certes été faits par les Etats nucléaires en vue de réduire leurs arsenaux, mais ils ne sont pas suffisants, et ces Etats doivent faire plus. Ils doivent aussi s'engager plus fermement vis-à-vis du CTBT et du TNP, et de même, ils doivent être redevables devant la communauté internationale, en présentant de solides garanties négatives de sécurité aux Etats non dotés d'armes nucléaires. Le texte présenté par l'Irlande n'attaque personne, il est plutôt destiné à renforcer les textes existants et à donner plus de chances de succès au régime de non-prolifération.

M. JOSE FELICIO (Brésil) : ma question est la suivante : pourquoi ce projet de résolution suscite-t-il une telle réaction inattendue de la part des Etats nucléaires ? Leur engagement au processus d'élimination des armes nucléaires doit être poursuivi et doit pouvoir être vérifié. Pourquoi le traitement des pays est-il si différent ? Pour certains Etats, on impose des vérifications et des contrôles alors qu'il faudrait croire sur parole les Etats dotés de l'arme nucléaire quand ils affirment qu'ils suivent la voie du désarmement nucléaire. La décision de mon gouvernement de se joindre aux autres délégations pour travailler sur le projet de résolution L.48 émane du fait que nous devons essayer de tendre vers les souhaits de notre société et notre société souhaite vivre dans un monde exempt d'armes nucléaires. Nous souhaitons que les Etats nucléaires essayent d'en faire autant, de tenter de répondre aux aspirations de leurs sociétés.

M. ANTONIO DE ICAZA (Mexique) a dit que ce projet de résolution L.48 pêche peut-être, essentiellement, par omission. Le projet ne mentionne pas notamment les essais nucléaires de l'Inde et du Pakistan, non plus du danger des essais nucléaires sur la paix et la sécurité internationales. Le projet mentionne, implicitement, Israël dans un de ses paragraphes, et nous pensons que c'est là, la principale raison à l'objection de certaines délégations. Nous sommes contre toutes les doctrines de dissuasion, qui n'ont aucun fondement justifiable. Le représentant a raison de relever l'absence de la militarisation de l'espace extra-atmosphérique et celle des stocks de matières fissiles existants dans le texte proposé. Si cette proposition de résolution pêche par omission, nous sommes prêts à en reprendre le libellé et à faire un texte complet. La France a fait part de préoccupations concernant le constat que nous faisons sur l'absence de vrais progrès en matière de désarmement nucléaire. Nous sommes un peu surpris de cette réaction, car les faits sont là pour nous donner raison, et ils sont vérifiables. Il n'y a jamais eu de compromis et de consensus sur un monde réellement libre d'armes nucléaires.

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Nous avons donc des raisons d'être sceptiques et inquiets. L'ordre du jour proposé par le projet est réaliste, car il est prospectif. Le moment de la présentation du projet, dont nous sommes coauteurs, est quant à lui, juste, et nous défendons le bien-fondé de ce texte. Un consensus ne sera peut-être pas atteint cette année, mais ce texte crée une dynamique à suivre.

M. PETER GOOSEN (Afrique du Sud) : nous avons des difficultés à suivre certains raisonnements et nous sommes reconnaissants au Pakistan et aux autres de l'appui qu'ils nous ont témoigné. Le Pakistan parle d'un consensus complet. Oui, nous cherchons un consensus, mais dans ce débat, les deux positions extrêmes se sont exprimées. Le projet de résolution (A/C.1/53/L.48) n'a pas pour objet d'être partial. C'est l'ordre du jour de la voie médiane qui devrait permettre de trouver un consensus sur la façon de traiter de la question à l'avenir. Notre projet tente de conjuguer toutes les questions relatives au désarmement nucléaire. Nous encourageons les cinq Etats dotés de l'arme nucléaire, mais également les autres, à participer avec les coauteurs aux efforts visés dans le projet. Nous espérons qu'ils n'attendront pas la dernière minute pour nous faire part de leurs observations.

Mme SAVITRI KUNADI (Inde) a dit que le projet L.48 est le résultat de longues consultations, mais que ce projet ne reflète pas toutefois le point de notre pays sur certains aspects essentiels. Nous ferons part de nos positions sur les modalités du désarmement nucléaire plus tard.

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