En cours au Siège de l'ONU

CS/975

DANS SA REUNION DE HAUT NIVEAU SUR L'AFRIQUE, LE CONSEIL SOULIGNE QUE LA PAIX PASSE PAR LA DEMOCRATIE, LE DEVELOPPEMENT DURABLE ET LES DROITS DE L'HOMME

24 septembre 1998


Communiqué de Presse
CS/975


DANS SA REUNION DE HAUT NIVEAU SUR L'AFRIQUE, LE CONSEIL SOULIGNE QUE LA PAIX PASSE PAR LA DEMOCRATIE, LE DEVELOPPEMENT DURABLE ET LES DROITS DE L'HOMME

19980924 Le Président du Burkina Faso et Président de l'OUA insiste sur la nécessité d'une coopération entre l'Organisation panafricaine et l'ONU

Le Conseil de sécurité a tenu ce matin une réunion au niveau ministériel sur la situation en Afrique. Le Président du Burkina Faso et Président en exercice de l'OUA, M. Blaise Compaoré, s'est loué de cette initiative et souligné que la nécessité d'une coopération entre l'OUA et l'ONU s'avère plus que jamais impérieuse.

Dans une déclaration lue au nom des membres du Conseil par le Ministre des affaires étrangères de la Suède, Mme Lena Hjelm-Wallen, qui présidait la réunion, le Conseil souligne que les fondements d'une société pacifique sont le respect des droits fondamentaux de l'homme, et de la dignité et de la valeur de la personne humaine. Il considère qu'il existe des liens étroits entre la promotion du développement économique et social et la prévention des conflits. Il souligne que la recherche de la paix en Afrique nécessite une approche globale, concertée et résolue, portant sur l'élimination de la pauvreté, la promotion de la démocratie, le développement durable et le respect des droits de l'homme, ainsi que de la prévention et le règlement des conflits, y compris le maintien de la paix, et l'aide humanitaire.

Le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan a, pour sa part, fait part d'une réunion informelle tenue hier entre les Ministres des affaires étrangères du Comité sur l'assistance au développement qui a souligné les cinq domaines prioritaires en matière économique que sont l'accroissement de l'aide publique au développement; la conversion des dettes bilatérales des pays les plus pauvres d'Afrique; la libéralisation de l'accès à l'initiative "HIPC"; la simplification des conditions d'exportation des produits africains; et l'augmentation des investissements en Afrique.

A son tour, M. Salim A. Salim a déclaré que l'OUA croit en des solutions africaines aux problèmes de l'Afrique dans un cadre d'initiatives régionales. De telles approches présentent de plus en plus de réelles perspectives en matière de résolution et de limitation des conflits, a estimé M. Salim, ajoutant qu'elles méritent d'être renforcées davantage et appuyées par l'ensemble du continent africain et de la communauté internationale.

(à suivre - 1a)

- 1a - CS/975 24 septembre 1998

A cet égard, M. Salim a évoqué sa récente rencontre avec le Secrétaire général en marge du Sommet des non alignés à Durban (Afrique du Sud), où ensemble ils se sont efforcés de promouvoir les conditions d'un règlement pacifique du conflit en République démocratique du Congo. Il a appelé le Conseil de sécurité à soutenir pleinement ces efforts, lui demandant de se tenir prêt, si nécessaire, à mettre en place un mécanisme de maintien de la paix pour consolider la paix et la compréhension dans la région.

De son côté, le Ministre des affaires étrangères de la France a réitéré la nécessité de convoquer une conférence internationale sur la paix dans la région des Grands Lacs. Le Ministre des affaires étrangères du Portugal a proposé quant à lui, de tenir un Sommet Europe-Afrique lors de la présidence portugaise de l'Union européenne en l'an 2000. Le Secrétaire d'Etat aux affaires des Etats-Unis proposé un moratoire, dans les six prochains mois, sur les ventes d'armes. Elle a également proposé que les Nations Unies développent un centre d'informations techniques permettant les échanges rapides d'informations sur les possibles violations des embargos contre la vente d'armes.

Ont également participé au débat, les Ministres des affaires étrangères des pays suivants : Royaume-Uni, Bahrain, Brésil, Chine, Costa Rica, Gabon, Gambie, Japon, Kenya, Fédération de Russie, Slovénie et Suède.

La déclaration du Conseil se lit comme suit :

"Le Conseil de sécurité s'est réuni le 24 septembre 1998 au niveau des ministres des affaires étrangères, conformément à sa résolution 1170 (1998) du 28 mai 1998, pour évaluer les progrès accomplis en faveur de la paix et de la sécurité en Afrique depuis sa dernière réunion ministérielle tenue le 25 septembre 1997. Il rappelle la déclaration de son président (S/PRST/1997/46) en date du 25 septembre 1997 et remercie de nouveau le Secrétaire général de son rapport du 13 avril 1998 (A/52/871-S/1998/318).

Le Conseil réaffirme qu'il est déterminé à aider l'Afrique dans le domaine de la prévention des conflits et du maintien de la paix et de la sécurité internationales, conformément à la responsabilité qui lui incombe en vertu de la Charte des Nations Unies. Il réaffirme également les principes de l'indépendance politique, de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de tous les États.

Le Conseil souligne que les fondements d'une société pacifique sont le respect des droits fondamentaux de l'homme, et de la dignité et de la valeur de la personne humaine. Il considère qu'il existe des liens étroits entre la promotion du développement économique et social et la prévention des conflits. Il souligne que la recherche de la paix en Afrique nécessite une approche globale, concertée et résolue, portant sur l'élimination de la pauvreté, la promotion de la démocratie, le développement durable et le respect des droits de l'homme, ainsi que de la prévention et le règlement des conflits, y compris le maintien de la paix, et l'aide humanitaire.

(à suivre - 1b)

- 1b - CS/975 24 septembre 1998

Il souligne qu'une manifestation réelle de volonté politique est nécessaire, en Afrique et ailleurs dans le monde, pour obtenir des résultats durables à ces fins, et insiste sur le fait que les États Membres, le système des Nations Unies, y compris l'Assemblée générale et le Conseil économique et social, les institutions financières internationales et les autres organisations compétentes, doivent s'employer d'urgence à poursuivre l'étude des mesures qui permettraient de donner suite aux recommandations détaillées que le Secrétaire général a présentées dans son rapport.

Le Conseil prend note des progrès accomplis en Afrique au cours de l'année écoulée et salue les progrès réalisés par les pays africains pour ce qui est de promouvoir la démocratisation, les réformes économiques, la protection des droits de l'homme et le développement durable. Il se félicite des efforts déployés par les États africains et les organisations régionales et sous-régionales, et en particulier par l'Organisation de l'unité africaine, pour régler les conflits par des moyens pacifiques. Il salue les progrès accomplis en Sierra Leone et en République centrafricaine, ainsi que dans le cadre du processus de paix au Burundi. Il engage tous les États et organes intéressés à fournir l'appui financier et technique nécessaire pour renforcer les arrangements régionaux et sous-régionaux africains mis en place pour prévenir les conflits, maintenir la paix et la sécurité et régler les différends. Il préconise l'établissement d'un partenariat renforcé entre l'Organisation des Nations Unies et les organisations régionales et sous-régionales africaines pour faciliter la réalisation de ces objectifs.

Le Conseil reste préoccupé par le nombre et l'intensité des conflits en Afrique, ainsi que par les liens qui existent entre eux, et, en particulier, par l'apparition de nouveaux conflits au cours de l'année écoulée. Le conflit frontalier entre l'Éthiopie et l'Érythrée, la résurgence du conflit dans la République démocratique du Congo, l'impasse dans laquelle se trouve le processus de paix en Angola, la poursuite de la violence en Sierra Leone et les situations d'urgence complexes en Somalie et au Soudan, entre autres, constituent des sujets de grave préoccupation. Ces situations, qui, pour certaines, menacent la stabilité de vastes régions du continent, appellent une action concertée de la part des États africains, de la communauté internationale et des organismes des Nations Unies pour prévenir une nouvelle tragédie.

Le Conseil demande instamment aux États africains et à toutes les parties concernées de faire preuve de la volonté politique de régler leurs différends par des moyens pacifiques, et non militaires, conformément à la Charte des Nations Unies, et de respecter le droit international humanitaire et la souveraineté, l'indépendance politique et l'intégrité territoriale des États de la région. Il engage également ces États à continuer d'améliorer la mise en oeuvre de principes de bonne gouvernance et d'appliquer les diverses réformes nécessaires pour promouvoir la croissance économique. Il invite la communauté internationale à contribuer aux efforts déployés par les États et les organisations régionales et sous-régionales en Afrique pour atteindre ces objectifs.

(à suivre - 1c)

- 1c - CS/975 24 septembre 1998

En ce qui le concerne, le Conseil prend de nouveau l'engagement de contribuer au règlement des différends en Afrique. Dans ce contexte, il rappelle la décision qu'il a prise au cours de l'année écoulée d'autoriser deux nouvelles opérations de maintien de la paix des Nations Unies, en République centrafricaine et en Sierra Leone, pour contribuer aux efforts déployés en faveur de la paix et de la réconciliation nationale. Par ailleurs, il se déclare résolu à améliorer encore sa capacité de prévenir les conflits et à rendre plus efficaces et effectives les réponses apportées aux conflits, et souligne qu'il appuie les mesures prises au sein du système des Nations Unies pour renforcer les activités de consolidation de la paix après les conflits.

Sur la base des recommandations de son groupe de travail ad hoc créé en application de la résolution 1170 (1998), le Conseil a déjà commencé de prendre des mesures concrètes s'inscrivant dans le cadre d'une action plus générale tendant à donner suite aux recommandations formulées par le Secrétaire général. Il a pris des mesures pour renforcer l'appui apporté aux initiatives régionales et sous-régionales ainsi que pour resserrer les liens de coordination entre l'Organisation des Nations Unies et les organisations régionales et sous-régionales dans les domaines de la prévention des conflits et du maintien de la paix. Il a également pris des mesures pour renforcer l'efficacité des embargos sur les livraisons d'armes imposés par le Conseil. Il s'est également penché sur la nécessité d'appuyer le renforcement des capacités des États africains en matière de maintien de la paix.

Le Conseil engage le Groupe de travail ad hoc à poursuivre ses travaux, conformément à son mandat, et à élaborer, à son intention, de nouvelles recommandations concrètes, en particulier en ce qui concerne la nécessité d'endiguer les flux illicites d'armes à destination et à l'intérieur de l'Afrique ainsi que les mesures à prendre pour aider les gouvernements des pays d'accueil en Afrique à maintenir la sécurité et la neutralité des camps de réfugiés et pour renforcer la capacité du Conseil de contrôler les activités qu'il a autorisées, mais qui sont exécutées par des États Membres ou des coalitions d'États Membres.

Le Conseil, reconnaissant que la tâche qui consiste à instaurer la paix et la sécurité en Afrique est un processus continu, continuera à évaluer, tous les deux ans, au niveau des ministres des affaires étrangères, conformément à sa résolution 1170 (1998), les progrès accomplis en ce qui concerne la promotion de la paix et de la sécurité en Afrique."

Pour l'examen de cette question, le Conseil a été saisi du rapport du Secrétaire général sur les causes des conflits et la promotion d'une paix et d'un développement durables en Afrique (S/1998/318) présenté dans notre communiqué de presse CS/971 du 16 septembre 1998.

La situation en Afrique

Rapport du Secrétaire général sur les causes des conflits armés et la promotion de la paix et d'un développement durables en Afrique (S/1998/318)

M. BLAISE COMPAORE, Président du Burkina Faso et Président en exercice de l'Organisation de l'Unité africaine (OUA), a déclaré que si les problèmes de l'Afrique sont immenses, il est cependant persuadé que c'est dans l'union et avec la coopération des Nations Unies et de la communauté internationale que la bataille pour la paix sera gagnée. Rappelant la réunion du Conseil de sécurité, il y a un an, il a souligné que la situation du continent africain n'a pas connu une évolution positive. Certaines crises, nées il y a de nombreuses années constituent encore pour la communauté internationale un véritable défi qu'il faut relever à tout prix. C'est le cas de l'Angola et de la Somalie, par exemple. A ces crises sans fin sont venues s'ajouter de nouveaux conflits, aussi complexes que dangereux. Soulignant que l'Ethiopie et l'Erythrée sont au bord d'un embrasement généralisé, le Président Compaoré a indiqué qu'il travaille en ce moment à l'organisation, à Ouagadougou, d'une rencontre qui permettrait de faire aux deux parties des propositions concrètes. Il a ajouté que la solution à ce conflit nécessitera l'appui sans réserve et l'assistance de la communauté internationale, et plus particulièrement de l'ONU, aux efforts de l'OUA. De même l'OUA aura besoin, à ses côtés, des Nations Unies dans la gestion et le règlement de la grave et impressionnante crise qui vient d'éclater en République démocratique du Congo, particulièrement au regard du nombre de pays dont les forces armées y sont engagées. A cet égard, il a exhorté le Conseil de sécurité à se tenir prêt le moment venu et à répondre favorablement aux sollicitations. En ce qui concerne l'Angola, le Président Compaoré a déclaré que la Mission d'observation des Nations Unies en Angola fait oeuvre utile en dépit d'un vent de découragement dû à l'échec des tentatives de conciliation. Il en a appelé aux deux parties, le Gouvernement angolais et l'UNITA, pour qu'elles renouent le dialogue sans lequel la paix resterait illusoire. Il a également demandé aux Nations Unies de persévérer dans sa mission de persuasion et de médiation et de s'impliquer même davantage dans ce processus de recherche d'une solution durable. Il a ajouté qu'il en était de même pour les conflits des Grands Lacs et de la Guinée-Bissau.

Le Président Compaoré a également abordé la question du différend entre la Jamahiriya arabe libyenne, le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Maintenant que la question est du ressort du droit et qu'à cette fin le Conseil de sécurité a confié au Secrétaire général un mandat précis, il a jugé indispensable qu'un minimum de garanties soit accordé aux deux ressortissants libyens suspectés, pour un procès juste et équitable, prenant en compte le respect spécifique de la personne humaine. Pour ce qui est du bombardement de l'usine pharmaceutique au Soudan, avec le Mouvement des non alignés et les Etats de la ligue arabe, l'OUA souscrit à l'envoi d'une commission internationale d'enquête, comme le demande le Soudan, pour faire la lumière en toute transparence.

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Pour éviter à l'avenir ce genre de représailles intolérables, opérées sans discernement au nom de la lutte anti-terroriste, il a estimé urgent que la communauté internationale se penche sur le terrorisme en général. A l'aube du 21ème siècle, il est inconcevable qu'aucune convention internationale répressive n'existe en la matière, a-t-il déploré, suggérant la convocation en l'an 2000 d'une conférence internationale de haut niveau sur le terrorisme, sous l'égide de l'ONU.

Conscient que le développement économique est une autre dimension de la paix, le Président Compaoré a fait part de son intention de réunir une conférence au sommet qui se pencherait sur les questions économiques et de développement de l'Afrique. "Toute cette ambition que nous avons pour l'Afrique serait vaine si nous n'arrivons pas à lui donner une bonne image, c'est-à-dire une crédibilité sur le plan international", a-t-il mis en garde. La nécessité d'une coopération entre l'OUA et l'ONU s'avère plus que jamais impérieuse. La paix et la sécurité internationales sont une exigence non seulement pour notre époque mais aussi pour les générations futures.

M. KOFI ANNAN, Secrétaire général des Nations Unies, a estimé que cette réunion du Conseil de sécurité est le fruit de sa détermination de faire la différence en ce qui concerne la paix et la prospérité en Afrique. C'est aussi l'expression de la volonté politique que le Secrétaire général a appelé de ses voeux dans son rapport sur la situation en Afrique, présenté au Conseil de sécurité, au mois d'avril dernier. Cette volonté politique constitue bien une condition préalable au succès de toute action en Afrique. Au cours des derniers mois et plus récemment, lors du Sommet du Mouvement des pays non alignés, les dirigeants africains ont pris l'engagement de contribuer à la mise en oeuvre des recommandations contenues dans le rapport. Il est tout aussi important que les hommes et les femmes d'Afrique aient entendu, chaque jour la voix de leur Organisation qui se faisait l'écho de leur réalité quotidienne. N'oublions jamais, a souligné le Secrétaire générale, que c'est pour eux - les peuples d'Afrique - que nos idéaux doivent prévaloir et faire la différence.

Il a indiqué que le Secrétariat des Nations Unies travaille aujourd'hui aux activités de suivi du rapport sous la direction de la Vice-Secrétaire générale. Au mois de juillet, le Secrétariat a convoqué deux conférences internationales, en Guinée et en Sierra Leone, pour attirer l'attention de la communauté internationale sur les efforts de ces deux pays pour rétablir ou renforcer la paix et la stabilité, et pour les aider à y parvenir. Le Secrétariat a également fourni au Conseil de sécurité des propositions spécifiques pour la création d'un mécanisme international propre à aider les gouvernements hôtes à maintenir la sécurité et la neutralité des camps de réfugiés. Le Secrétariat a également entamé les discussions sur la nécessité de réduire la circulation des armes illicites vers et en Afrique.

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Le Secrétaire général a outre indiqué qu'il a convoqué hier une réunion informelle des Ministres des pays membres du Comité d'aide au développement pour souligner cinq domaines prioritaires en ce qui concerne les défis économiques en Afrique. Il s'agit d'accroître le volume et améliorer la qualité de l'aide publique au développement; d'envisager de convertir en dons toutes les dettes bilatérales existantes des pays les plus pauvres d'Afrique; de libéraliser l'accès à l'initiative "HIPC"; de faciliter les conditions d'exportation des pays africains; et enfin d'encourager les investissements en Afrique, continent largement marginalisé dans le processus de mondialisation. Les Etats présents se sont, pour leur part, engagés à créer un environnement favorable aux investissements et à la croissance économique. Il faut en effet une certaine réciprocité.

Le Secrétaire général a poursuivi en mettant l'accent sur les progrès enregistrés en Afrique en matière de règlement des conflits et de démocratisation. Il a, à cet égard, exprimé l'espoir que le Nigéria continuera sur la voie de la bonne gouvernance et de la règle de droit. Tout en constatant ces progrès, le Secrétaire général a toutefois déploré la situation entre l'Ethiopie et l'Erythrée, celle de la République démocratique du Congo, de la Guinée-Bissau, de l'Angola et de la Sierra Leone tandis que les crises humanitaires en Somalie et au Soudan continuent de s'aggraver. Les Nations Unies, en coopération avec l'OUA, sont activement impliquées dans la recherche d'une solution à ces crises. Il faut pourtant reconnaître qu'en définitive l'ONU ne peut qu'en appeler à la sagesse et la responsabilité des dirigeants pour qu'ils placent les intérêts de leurs peuples avant les leurs. Les Nations Unies ne sont pas en position d'imposer la paix que les peuples souhaitent et qu'ils méritent tant. Que faudra-t-il donc pour que les dirigeants africains rejettent les solutions militaires aux défis politiques? Quand réaliseront-ils qu'aucun conflit ne sera réglé en l'absence de compromis, de tolérance et de solutions pacifiques aux différends? Quand donc viendra le moment où nous pourrons tous dire que nous avons fait de notre mieux pour l'Afrique?

M. SALIM A. SALIM, Secrétaire général de l'Organisation de l'unité africaine (OUA), a déclaré que depuis la dernière réunion à niveau ministériel du Conseil de sécurité sur l'Afrique, voilà presqu'un an jour pour jour, le continent africain a continué d'être confronté à de graves problèmes socio- économiques et politiques. Au plan politique, et malgré quelques signes encourageants comme en Sierra Leone ou au Burundi par exemple, le continent n'a pas été épargné par les conflits et leurs conséquences en termes de vies humaines, de destruction des infrastructures et de souffrances des populations. Au même moment, l'Afrique toute entière a continué de traverser une situation économique difficile, aggravée encore par les problèmes et les tensions résultants des programmes d'ajustement structurel mis en place par la plupart des pays. Toutefois, il faut souligner que les gouvernants du continent africain ont fait montre d'une grande détermination dans la recherche de solutions permettant d'améliorer la situation.

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Pour sa part, l'OUA s'est efforcée d'assumer ses responsabilités au niveau continental dans un esprit de coopération, de solidarité et de complémentarité avec les organisations régionales africaines. L'OUA croit en des solutions africaines aux problèmes de l'Afrique dans un cadre d'initiatives régionales. De telles approches présentent de plus en plus de réelles perspectives en matière de résolution et de limitation des conflits, a estimé M. Salim, ajoutant qu'elles méritent d'être renforcées davantage et appuyées par l'ensemble du continent africain et de la communauté internationale. L'OUA et l'ONU ont également oeuvré de concert pour peser en faveur de solutions pacifiques aux conflits.

Dans ce contexte, l'OUA attache la plus grande importance au renforcement des relations et de la coopération entre l'OUA et l'ONU. A cet égard, M. Salim a évoqué sa récente rencontre avec le Secrétaire général en marge du Sommet des non-alignés à Durban (Afrique du Sud), où ensemble ils se sont efforcés de promouvoir les conditions d'un règlement pacifique du conflit en République démocratique du Congo. Il a appelé le Conseil de sécurité à soutenir pleinement ces efforts, lui demandant de se tenir prêt, si nécessaire, à mettre en place un mécanisme de maintien de la paix pour consolider la paix et la compréhension dans la région. La crise regrettable entre l'Ethiopie et l'Erythrée suscite également la plus grande préoccupation. L'OUA a déployé des efforts en vue de promouvoir une solution rapide et pacifique à ce conflit car tout doit être fait pour empêcher les affrontements militaires entre les deux parties. La poursuite du processus de paix en Angola est en proie à de nombreuses difficultés, en raison notamment des violations répétées du Protocole de Lusaka par l'UNITA. Le Conseil de sécurité devrait exercer des pressions pour que M. Savimbi se conforme pleinement à ses engagements, a suggéré M. Salim. Il s'est félicité de la proposition des Etats-Unis et du Royaume-Uni en ce qui concerne leur différend avec la Jamahiriya arabe libyenne et il a demandé que le même esprit de coopération continue de régner à l'heure du procès.

Le fléau du terrorisme est désormais à n'en pas douter une grave menace pour la sécurité internationale. L'Afrique n'a pas été épargnée et les deux attentats à la bombe de Nairobi et Dar es-Salaam viennent nous rappeler que personne n'est à l'abri de cette menace. La communauté internationale devrait se doter du cadre juridique et des moyens pour faire face véritablement et efficacement à ce fléau.

Il ne faut pas méconnaître non plus l'ampleur des problèmes socio- économiques auxquels l'Afrique est confrontée et il est approprié aujourd'hui de comprendre les raisons qui continuent de faire obstacle à la pleine réalisation de ses aspirations. Pour une large part, la réalisation du développement durable en Afrique dépendra de la disparition du goulet d'étranglement que constitue le poids de la dette extérieure. Au niveau international, on ne peut se passer d'une solidarité minimum en ce village planétaire qui ne saurait tolérer l'existence d'une part d'un monde prospère et de l'autre la persistance d'une Afrique pauvre, a conclu M. Salim.

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M. ROBIN COOK, Secrétaire d'Etat aux affaires étrangères et des affaires du Commonwealth du Royaume-Uni, a fait part de l'engagement de son pays, mu par l'obligation morale de lutter contre la pauvreté dans le monde, à contribuer à la prospérité de l'Afrique. Le Royaume-Uni s'engage donc à prendre des mesures qui consistent à encourager le commerce africain, à réduire la dette africaine afin que les économies de l'Afrique ne soient pas handicapées par le poids de la dette, à promouvoir le développement de l'Afrique par le biais d'une politique d'assistance ayant une incidence directe sur les groupes les plus vulnérables et plus particulièrement la population rurale. Le budget britannique d'aide au développement se verra d'ailleurs augmenté considérablement dans les trois prochaines années pour atteindre le chiffre de 1,6 milliard de dollars dont 40% seront consacrés à l'Afrique. Le Royaume-Uni s'engage aussi à encourager une bonne gestion économique en Afrique.

Le Royaume-Uni a en outre l'intention de fixer comme priorité la réalisation de la paix et la prévention des conflits en Afrique. En un an seulement, un pays sur quatre en Afrique a connu des conflits et la moitié des victimes des guerres se trouvent en Afrique. Il n'est plus question d'imposer des solutions de l'extérieur et les pays riches peuvent faire beaucoup plus pour aider. Le Royaume-Uni entend appuyer les efforts de l'OUA dans les domaines du maintien de la paix. Il a notamment contribué à la création de centres de formation militaires au Ghana et au Zimbabwe. Il contribue également aux efforts de consolidation de la paix comme en Sierra Leone où il participe au financement de la démobilisation et de la démilitarisation.

Pour le Royaume-Uni, il est temps d'adopter une attitude responsable en matière d'exportations d'armes. Il s'engage donc à appuyer toutes les initiatives visant à contrôler le commerce des petites armes et à éliminer le commerce d'armes à feu. Ami de la démocratie en Afrique, le Royaume-Uni entend appuyer le processus démocratique en Afrique en finançant l'éducation des électeurs et en fournissant des observateurs électoraux. Il se félicite d'ailleurs de la transition du Nigéria vers la démocratie et salue l'action du Président Abubakar qui a su redéfinir le paysage politique et économique du Nigéria.

Répondant aux remarques du Secrétaire général de l'OUA sur l'affaire de Lockerbie, le Ministre des affaires étrangères a insisté sur la justesse de la proposition de son pays. Il a estimé qu'il est temps d'aller de l'avant, de mettre fin aux sanctions et de répondre aux attentes des familles des victimes. La balle est dans le camp de la Libye.

Mme MADELEINE ALBRIGHT, Secrétaire d'Etat aux affaires étrangères des Etats-Unis, a rappelé que la majorité des pays africains enregistre désormais une croissance économique à la suite des difficiles mais nécessaires programmes d'ajustement structurel qu'ils ont mis en place. Les organisations africaines, telles l'OUA et l'ECOMOG continuent de proposer des approches novatrices pour prévenir ou mettre un terme aux conflits.

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Malheureusement, la vérité est que ce sont de nouveau la tragédie et le conflit qui dominent les nouvelles les plus récentes en provenance d'Afrique, avec les attentats à la bombe de Nairobi, Dar es-Salaam et du Cap. De plus, ce ne sont pas les seuls événements inquiétants car des pays qui avaient commencé à se redresser ont été replongés dans les conflits, et certains qui avaient progressé vers la démocratie sont retombés sous le joug de la tyrannie. Ainsi l'affrontement dangereux dans la corne de l'Afrique menace de devenir une guerre inter-Etats. Au Congo, les violences interethniques font de nouveau se dresser le spectre du génocide et en Angola, les parties ont quitté le chemin de la paix. Tous ces conflits entraînent des pertes immenses sur le plan des vies humaines, mais aussi et de la confiance et du développement, a déploré Mme Albright. Les dirigeants des pays en crise doivent faire un choix, soit continuer dans la voie du passé, fait de haine, de violence et d'instabilité, ou décider de se tourner vers l'avenir et guider leur nation vers un futur placé sous le signe de la coopération. Eux seuls détiennent la réponse, mais la communauté internationale a cependant un rôle important à jouer et faciliter les processus de résolution pacifique des conflits.

Les Etats-Unis se félicitent des propositions importantes faites par le Secrétaire général dans son rapport et ils se réjouissent à l'idée de présider aux travaux du Groupe de travail sur le maintien de la sécurité et de la neutralité dans les camps de réfugiés. Le Groupe de travail mené par le Japon a, quant à lui, fait une proposition intéressante et rapidement applicable sur les transferts d'armes, de munitions et d'explosifs dans les zones les plus tendues d'Afrique. Nous avons tous une responsabilité envers le trafic d'armes et le devoir de faire quelque chose, a affirmé Mme Albright. Il faut en premier lieu s'engager à révéler pleinement et en temps opportun tous les transferts d'arme effectués dans nos régions respectives. Il faudrait également dans les six prochains mois oeuvrer en faveur d'un moratoire, sur la base du volontariat, sur les ventes d'armes pouvant nourrir les conflits. En second lieu, les régimes de contrôle des armements et de sanction n'ayant que la force de leur application, la communauté internationale tout entière profiterait d'un renforcement du système des sanctions. Les Nations Unies pourraient, quant à elles, développer un centre d'informations techniques permettant les échanges rapides d'informations sur les possibles violations. Mais les sanctions resteront vaines si au niveau national, il n'existe pas de cadre juridique contraignant et de peines imposées aux coupables. La menace liée au transfert des armes, et particulièrement des armes de petit calibre, n'est nullement limitée au continent africain, a précisé également Mme Albright. C'est pourquoi, il convient de prendre deux mesures urgentes. Tout d'abord, il faudrait mettre en oeuvre des pratiques responsables et applicables à l'échelle mondiale en matière de transfert des armes. Il faudrait ensuite mener des pourparlers pour que d'ici à l'an 2000, les négociations sur la convention contre le trafic illicite des armes aboutissent. L'an 2000 pourrait également être la date butoir pour limiter les exportations des missiles d'épaule. Enfin, il est nécessaire de créer un centre international de collecte des informations sur les transferts d'armes.

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Abordant ensuite, la question du différend avec la Jamahiriya arabe libyenne, Mme Albright a rappelé que les Etats-Unis ont pleinement accepté les conditions inscrites à la proposition et qu'il n'y a rien d'autre à négocier. C'est à la Libye d'accepter cette proposition, a-t-elle ajouté.

M. MOHAMED BIN MUBARAK AL-KHALIFA, Ministre des affaires étrangères du Bahrain, a estimé que la détérioration continue des zones de tension en Afrique ne fera qu'aggraver les problèmes qui peuvent affecter ensuite les conditions économiques et sociales non seulement des parties au conflit mais aussi des autres régions. En conséquence, il revient à la communauté internationale d'accélérer la mise en oeuvre des résolutions du Conseil de sécurité et de réaffirmer les principes de respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale. Tout en attachant une grande importance au rôle du Conseil de sécurité dans la prévention des conflits et l'apaisement des tensions, le Bahrain appuie également les efforts du Secrétaire général tendant à renforcer la coopération entre l'Organisation des Nations Unies et l'Organisation de l'unité africaine.

Le rôle des Nations Unies en Afrique est d'abord tributaire de la disposition de la communauté internationale et des parties aux conflits à explorer les moyens de promouvoir la sécurité et la stabilité. Il est donc essentiel de renforcer la présence des Etats africains dans les missions de maintien de la paix en Afrique, qu'elles soient de l'ONU ou d'organisations régionales ou groupes d'Etats. Tous les efforts doivent être faits pour assurer la protection des réfugiés et des personnes déplacées tant il est vrai que leur déplacement d'un pays à l'autre peut représenter une menace pour la stabilité des autres pays. Il faut également accroître l'efficacité des sanctions pour diminuer la capacité des parties au conflit à poursuivre les combats.

M. LUIZ FELIPE LAMPREIA, Ministre des relations extérieures du Brésil, a estimé que la communauté internationale devait promouvoir la stabilité en renforçant le pouvoir de ceux qui en Afrique restent fidèles au dialogue, luttent pour la réconciliation et persistent à croire qu'il est possible de transformer la tragédie que connaît l'Afrique en une nouvelle réalité. La promotion du développement, ainsi que l'a dit le Secrétaire général dans son rapport, est également au coeur de toute tentative de réduire les conflits en Afrique, a rappelé le Ministre.

Longtemps, la plupart des conflits qui affectaient l'Afrique étaient internes. Aujourd'hui, face aux menaces de confrontations transfrontalières, comme le fait craindre notamment la situation en République démocratique du Congo, le Conseil de sécurité doit être particulièrement vigilant. A cet égard, il convient également de prendre un engagement politique ferme afin d'éviter le réveil sanglant des conflits en sommeil. Les opérations conduites par les Nations Unies en République centrafricaine et en Sierra Leone sont des signes positifs d'un nouvel engagement du Conseil en Afrique.

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Il serait néanmoins souhaitable que les Nations Unies et le Conseil de sécurité intensifient leurs efforts pour renforcer la capacité des Etats africains à développer leurs propres mécanismes de prévention et de résolution des conflits; d'autre part, le Conseil de sécurité devrait se concentrer sur le problème des flux illégaux d'armes et renforcer l'efficacité des embargos imposés, a estimé le Ministre qui a ajouté que pour faire face à la tâche immense d'éliminer les causes profondes des conflits en Afrique, les autres organes des Nations Unies doivent s'impliquer de façon active, notamment dans les domaines économique et social.

Le Ministre a enfin appelé à des efforts diplomatiques d'urgence pour redresser la situation en Angola.

M. TANG JIAXUAN, Ministre des affaires étrangères de la Chine, a estimé que ces dernières années, la situation en Afrique tend globalement vers la détente. Grâce aux efforts énergiques des organisations régionales, comme l'OUA, et des pays africains concernés, certains points chauds et conflits ont reçu une solution ou un apaisement. Cependant, depuis mai, de nouveaux conflits n'ont cessé d'éclater compromettant l'unité, la stabilité, la sécurité et le développement des pays et régions intéressés. Or la paix, la stabilité et le développement en Afrique et dans le monde constituent un tout indivisible. Sans le développement de l'Afrique, la paix mondiale serait impossible. C'est pourquoi, la communauté internationale, plus particulièrement les pays développés, ont le devoir de contribuer à la stabilité sur le continent africain. Il faut surtout aider les pays africains à sortir de la pauvreté et à développer leur économie.

De l'avis de la Chine, les pays africains devront choisir le système politique et la voie de développement adaptés à leurs réalités nationales. Comme la situation varie d'un pays à l'autre, il n'existe pas de modèle de développement unique et tout fait, a déclaré M. Tang, ajoutant qu'il faut respecter le choix autonome des pays africains. Le Conseil de sécurité a, quant à lui, à assumer une responsabilité incontournable vis-à-vis du maintien de la paix et il devrait, à cet égard, mieux se concerter et coopérer avec l'OUA, en considérant avec toute l'attention voulue les positions et revendications légitimes des Etats africains dans leurs revendications légitimes et positions raisonnables. La Chine, membre permanent du Conseil, appuie constamment les pays africains dans leurs revendications légitimes et positions raisonnables. Elle est prête à fournir aux pays victimes des mines, des services de formation et des aides en matière de technologies et d'équipements de déminage. "Trouver une solution aux problèmes africains, voici un défi lancé à la fois à l'Afrique et à l'ensemble de la communauté internationale", a conclu M. Tang.

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M. ROBERTO ROJAS LOPEZ, Ministre des relations extérieures et du culte du Costa Rica, a souligné qu'au cours de l'année dernière, le Conseil de sécurité et la communauté internationale ont développé un ensemble d'idées communes sur la manière d'aborder la situation en Afrique. A cet égard, l'importance des initiatives africaines a été reconnue. De même aujourd'hui, la question de la paix et de la sécurité dépasse les conceptions traditionnelles pour inclure les questions du développement économique et social et des droits de l'homme. En outre, personne ne peut plus nier aujourd'hui que la concertation à double sens est un élément clé de la recherche d'une solution aux crises africaines. Les Africains eux-mêmes ont montré que la concertation est un instrument valable pour trouver des solutions et le Costa Rica a beaucoup appris de cette vision africaine. La communauté internationale ne peut donc prétendre imposer aux pays africains des solutions qui ne seraient pas directement en rapport avec l'expérience nationale et régionale en Afrique. Le Costa Rica juge indispensable de souligner que les pays coopérants et les institutions financières internationales doivent adopter une nouvelle approche vis-à-vis de l'Afrique. En insistant sur la concertation, le Costa Rica indique sa préoccupation devant l'abus du principe de légitime défense pour justifier des attaques armées contre les Etats. L'ensemble d'idées du Conseil de sécurité et de la communauté internationale contient également la question de l'engagement réel qui permet de concrétiser les idées pour répondre aux défis de la paix et du développement.

Le Conseil et le Secrétariat des Nations Unies ont pu apporter un certain nombre de réponses précises. Le Costa Rica a relevé le fait que le concept de missions de la paix s'est vu élargi pour englober des éléments de nature politique et humanitaire. La paix ne peut être maintenue que par un travail d'intégration qui va au-delà d'une simple supervision de cessez-le- feu. Pour mettre fin aux situations de crises, les Africains doivent oeuvrer au respect des droits de l'homme, à la naissance de véritables démocraties, à la création d'institutions juridiques autonomes, à la prééminence du pouvoir civil, à la réduction des dépenses militaires, à la lutte contre la pauvreté et à la création d'un modèle d'éducation garantissant l'égalité entre hommes et femmes. Les questions des droits de l'homme, de la démilitarisation et de la réduction des dépenses militaires revêtent une importance particulière pour le Costa Rica.

M. HUBERT VEDRINE, Ministre des affaires étrangères de la France, a souhaité formuler à propos de l'Afrique quelques observations sur le travail accompli au cours de cette année. Le nombre des conflits sur le continent a augmenté. Les conflits classiques entre Etats n'ont pas disparu : l'origine de l'instabilité est le plus souvent d'ordre interne, puis les crises s'étendent par le biais de mouvements de réfugiés, de trafics d'armes, de solidarités ethniques, de guérillas et d'ingérences étrangères. Par ailleurs, la contagion régionale justifie que les organisations régionales jouent un plus grand rôle dans la prévention et le règlement des conflits.

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A cet égard, le Ministre a tenu à saluer les efforts de la médiation africaine, de la CEDEAO, de la Communauté des pays de langue portugaise et de la SADC. Il a rappelé qu'il revient au Conseil de sécurité de garder la responsabilité principale en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales. Le Conseil a notamment eu raison de créer au printemps dernier la MINURCA pour la République Centrafricaine et la MONUSIL pour le Sierra Leone et de maintenir la MONUA en Angola.

Le Ministre a réaffirmé la nécessité de donner à l'Organisation les moyens financiers, matériels et humains d'intervenir. La France continuera à y apporter une importante contribution, que ce soit en participant directement à des opérations des Nations Unies - comme la MINURCA dans laquelle servent 200 militaires français - ou bien à travers un programme de coopération d'un montant de 40 millions de dollars visant à renforcer les capacités des pays africains en matière de maintien de la paix. La bonne coordination des Nations Unies et des actions de l'OUA et des organisations sous-régionales revêt, dans ce contexte, une grande importance. Comme l'ont montré la MINURCA et la MONUSIL, l'interaction entre les Nations Unies et les initiatives régionales est positive.

D'autre part, le Ministre a souligné l'utilité d'une conférence internationale sur la paix dans la région des grands lacs pour tenter de résoudre de manière globale les problèmes de sécurité, de réfugiés et de minorités et de jeter les bases d'une coopération régionale. A plus long terme, seule la mise en place d'Etats de droit capables de convaincre leurs citoyens de régler leurs conflits par la voie pacifique et légale permettra de prévenir les conflits. L'aide au développement reste également un complément indispensable aux politiques menées par les pays africains. La France maintiendra son effort: elle y a consacré, en 1997, près de 0,5% de son produit national brut, soit 6,3 milliards de dollars. Elle continue, en outre, de plaider en faveur de l'allégement du fardeau de la dette. Parce que commerce et aide sont inséparables, la France et ses partenaires de l'Union européenne oeuvrent depuis longtemps pour un accès plus large des pays africains au commerce mondial. Afin de protéger les pays africains des tourmentes financières actuelles, des règles et des garde-fous doivent être mis en place. C'est dans cette optique que la France présente des propositions pour la réforme du système financier et monétaire international.

M. CASIMIR OYE MBA, Ministre des affaires étrangères et de la coopération du Gabon, s'est félicité, en sa qualité de Président du groupe de travail ad hoc, des réactions positives suscitées par les recommandations contenues dans le rapport du Secrétaire général sur les causes des conflits en Afrique. Il faut espérer que les résultats des travaux sur ce sujet constitueront une avancée importante vers des actions concrètes, concernant notamment le renforcement des embargos sur les armes; le mouvement illicite des armes de petit calibre; la maîtrise de la question des populations transnationales et le soutien en faveur des pays accueillant un flux massif de réfugiés.

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Il faudrait également prendre des mesures en faveur du renforcement de la capacité africaine dans le domaine du maintien de la paix ainsi qu'en faveur de la coordination entre l'ONU et les organisations régionales africaines pour la prévention des conflits.

Evoquant le projet d'établissement d'un mécanisme d'alerte rapide développé par les Ministres de la défense et de l'intérieur d'Afrique centrale, M. Oye Mba s'est félicité du soutien et de l'attention favorable de la communauté internationale qu'il recueille. Le Gabon met actuellement tout en oeuvre pour réunir les conditions logistiques permettant d'abriter à Libreville le siège de ce futur mécanisme. Pour mener à son terme ce projet, il est encore besoin que la communauté internationale apporte toute son aide et son concours, a ajouté le Ministre. M. Oye Mba a abordé ensuite la Conférence sur les institutions démocratiques et la paix en Afrique centrale, tenue en mai 1998 en Guinée Equatoriale. Les membres de gouvernement, les représentants des partis politiques d'opposition, les officiers des forces de l'ordre ainsi que les experts sur les questions des droits de l'homme qui y étaient rassemblés ont recommandé, entre autres, la création d'un parlement sous-régional en Afrique centrale. Cette instance serait chargée de traiter des questions d'intérêts commun visant à renforcer les mesures de confiance et la paix sous-régionale. Elle servirait de mécanisme de concertation et de promotion des valeurs rattachées aux expériences démocratiques en Afrique centrale. M. Oye Mba a également indiqué qu'au moment même où le Conseil se réunit, un sommet des chefs d'Etat d'Afrique centrale a lieu à Libreville en vue de rechercher une solution pacifique aux dernières crises et aux conflits qui secouent la sous-région. Cette démarche vise à compléter les efforts multiformes déployés conjointement par l'ONU, l'OUA et par les organisations sous-régionales, a-t-il expliqué. Toutes ces actions au niveau politique ne sauraient à elles seules assurer une paix et une sécurité durables en Afrique si elles n'étaient accompagnées de mesures en faveur du développement économique et social. C'est pourquoi, le Gabon soutient la nécessité d'une coordination entre les différents organes des Nations Unies et les institutions financières internationales en vue de réserver une réponse globale à l'important rapport du Secrétaire général. M. Oye Mba a conclu en formant l'espoir que, au-delà des déclarations d'intention, les réflexions issues des débats au sein du groupe de travail ad hoc déboucheront très bientôt sur des actions concrètes.

M. MOMODOU LAMIN SEDAT JOBE, Secrétaire d'Etat aux affaires étrangères de la Gambie, a convenu avec le Secrétaire général des Nations Unies que les Africains ne doivent pas regarder par-dessus leur épaule pour chercher les responsables de leur situation actuelle. Toutefois, il faut souligner que plusieurs facteurs externes contribuent, de manière significative, à cette situation. Il ne suffit pas, pour analyser la complexité des conflits en Afrique, de traiter tout simplement des symptômes. Il faut s'attaquer aux racines elles-mêmes et ce travail exige l'implication du système des Nations Unies dans son ensemble.

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Les Nations Unies ont enregistré un certain nombre de succès en Afrique et les graves échecs du passé ne doivent pas inhiber les actions et empêcher la communauté internationale d'assumer ses responsabilités. L'échec de la Somalie est une expérience amère mais l'inaction au Rwanda est encore plus amère. L'inaction devant les menaces à la paix, à la sécurité et aux vies humaines en Afrique n'a pour résultat que de porter préjudice à la crédibilité et à la légitimité des Nations Unies, et en particulier du Conseil de sécurité. Il n'est plus possible de prendre les coûts ou la peur comme principe directeur de toute action.

Les Nations Unies doivent renforcer leur capacité d'alerte rapide. Le renforcement de la capacité de maintien de la paix en Afrique est une priorité. La Gambie encourage le renforcement de la coopération bilatérale et multilatérale pour renforcer la prévention des conflits et le maintien de la paix de l'Afrique. Les organisations régionales et sous-régionales peuvent jouer un rôle important dans la prévention des conflits et le maintien de la paix. La collaboration entre ces dernières et les Nations Unies est, en conséquence, très important. Il faut néanmoins mettre en garde contre la tendance qui consisterait à reléguer la responsabilité de maintien de la paix du niveau mondial au niveau régional. Le Conseil de sécurité ne peut se permettre de sous-traiter sa responsabilité en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales. En ce qui ce concerne l'imposition des sanctions, la Gambie estime que le Conseil de sécurité doit toujours envisager des exceptions humanitaires.

En conclusion, le Secrétaire d'Etat aux affaires étrangères a réitéré la disposition des Etats africains de travailler de concert avec les Nations Unies. Il s'est donc félicité qu'un accord préliminaire ait eu lieu sur l'affaire Lockerbie en appelant chaque partie à ne pas camper sur des positions trop tranchées. Toutes les parties concernées doivent être en mesure de faire preuve d'une certaine souplesse. De grandes nations comme le Royaume-Uni et les Etats-Unis doivent pouvoir comprendre l'élément humain qui fait l'objet des réticences de la Libye. Tous les pays concernés doivent s'associer avec l'OUA qui serait heureuse de voir ses conclusions comprises. Il serait catastrophique que la situation conduise le Conseil de sécurité à prendre des décisions contraignantes. Le Secrétaire d'Etat a lancé un appel aux Etats-Unis et au Royaume-Uni de revoir les points en suspens et de faire preuve d'une souplesse propre à parvenir à un modus operandi.

M. MASAHIKO KOUMURA, Ministre des affaires étrangères du Japon, a rappelé que les conflits en Afrique représentent 70 % des questions inscrites à l'ordre du jour du Conseil de sécurité. En 1996, 14 pays africains sur 53 étaient touchés par un conflit et on comptait plus de 8 millions de réfugiés. C'est pourquoi, a souligné le Ministre, si nous voulons réaliser la paix et la prospérité dans le monde, nous ne pouvons pas négliger cette situation. En Afrique, la prévention des conflits et le développement sont étroitement liés.

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Le Conseil de sécurité doit donc montrer clairement qu'en examinant la question de la prévention des conflits et du développement économique et social après les conflits, il s'attachera à analyser les causes profondes des conflits et aura une approche globale de la situation englobant les domaines politique, économique et social.

A partir des initiatives des pays africains eux-mêmes, il est essentiel, en tout premier lieu, de chercher une solution aux problèmes économiques et sociaux qui constituent les causes profondes des conflits. Lorsque les conflits éclatent, il faut promouvoir rapidement un processus de paix politique. Il faut aussi préparer une base solide pour la réintégration sociale et le développement économique après les conflits. Il faut que la communauté internationale tout entière coopère à la mise en place d'un cadre qui permette d'assurer l'efficacité des efforts des pays africains. Nous devons avancer des propositions concrètes comprenant le cadre stratégique nécessaire qui permettra à l'ONU de parvenir à cet objectif.

Pour sa part, le Japon a pris une série d'initiatives au cours des dix dernières années en vue de promouvoir une nouvelle stratégie de développement qui tienne compte du lien entre conflit et développement. Le Japon a cherché à développer une coopération Sud-Sud fondée sur cette stratégie depuis la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l'Afrique en 1993. Dans ce cadre, il travaille dans plusieurs pays africains, dont la Côte d'Ivoire, le Zimbabwe et le Burkina Faso, pour mettre en place une coopération entre ces pays et d'autres pays donateurs, a expliqué le Ministre, ajoutant qu'une seconde Conférence internationale sur le développement de l'Afrique aura lieu le mois prochain à Tokyo. Rendant compte de la Conférence internationale de Tokyo sur la stratégie préventive qui s'est tenue en janvier dernier, le Ministre a expliqué qu'il avait été suggéré d'élaborer un cadre conceptuel pour une stratégie préventive incluant les Nations Unies, les organisations régionales, les Etats Membres, ainsi que la société civile. A partir du constat que le développement économique et social et le bien être des populations constituent des conditions préalables à la prévention des conflits, il a été suggéré de mettre l'accent sur les efforts visant à construire des communautés démocratiques et à éliminer la pauvreté. Parmi les mesures urgentes, la Conférence a recommandé de renforcer la capacité préventive de l'Afrique, en particulier la capacité d'alerte rapide, et le contrôle des armes de petit calibre dans les zones de conflit.

Le Ministre a indiqué que la seconde Conférence de Tokyo sur le développement de l'Afrique devrait adopter un Plan d'action en vue de l'application de la nouvelle stratégie de développement, qui mettrait l'accent sur la prévention des conflits et la reconstruction post-conflit. A cette fin, il est important de prendre des mesures en vue d'assurer la transition entre l'aide d'urgence et l'aide à la réhabilitation et au retour des réfugiés, a-t-il souligné. Pour le Japon, les pays africains doivent, de leur côté, élaborer leurs propres stratégies, sous forme de plans nationaux spécifiques, dans les domaines du développement et des conflits.

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M. BONAYA ADHI GODANA, Ministre des affaires étrangères du Kenya, a estimé que le rapport du Secrétaire général sur les causes des conflits en Afrique, par son pragmatisme et son analyse, a poussé les membres de l'Organisation, individuellement ou collectivement, en qualité d'organisations ou d'Etats, à rechercher une nouvelle voie orientée vers les résultats et destinée à résoudre la mauvaise situation actuelle. L'une des vérités premières du rapport est le lien étroit qui existe entre la paix et le développement. Mais, pour construire avec succès un cadre en faveur de la paix et de la stabilité durables en Afrique, il est indispensable que la communauté internationale appuie le peuple africain et participe au renforcement des fondements sociaux et économiques de la région en fournissant une aide au développement.

M. Godana a formé l'espoir que l'examen actuellement entrepris par le Conseil de sécurité, quant à ses obligations au regard de la Charte, permettra de ne pas répéter certains moments d'indécision connus par le passé, notamment concernant la Somalie, le Rwanda ou encore tout récemment l'ex-Zaïre. Le Kenya demande instamment au Conseil de définir des critères clairs permettant le déploiement d'opérations de maintien de la paix lorsque les crises surgissent, où que ce soit. Le déracinement de centaines de milliers de civils innocents de la région des Grands Lacs est un sujet de préoccupation depuis déjà quelques temps. En fait, l'Afrique compte le plus grand nombre de réfugiés et de personnes déplacées, et le problème des déplacements forcés de populations y est donc bien réel. C'est un grave sujet de préoccupation, car au-delà de l'aspect humain, cette situation, par son ampleur, pose une véritable menace à la paix et à la sécurité internationales. Le Kenya s'inquiète qu'aucune action significative ne soit prise par la communauté internationale pour tenter de résoudre la crise des Grands Lacs, apparue en 1994, et il lance un défi aux membres du Conseil pour qu'ils rassemblent la volonté politique nécessaire pour régler ce problème. Le trafic illicite d'armes est un autre domaine de préoccupation pour le Kenya, puisque l'Afrique a la plus forte circulation d'armes de petit calibre. Il est donc nécessaire à examiner cette question de manière globale, et c'est pourquoi le Kenya se joint à ceux qui appuyent la convocation le plus rapidement possible d'une conférence internationale sur tous les aspects du trafic illicite d'armes.

Il est aujourd'hui évident que la réussite de l'établissement d'un environnement de paix et de stabilité en Afrique passe par la coopération des pays africains avec la communauté internationale. C'est pourquoi, l'aide publique au développement, qui doit être suffisante et efficace, est un complément indispensable aux politiques mises en place par les Etats africains. La dette actuelle de l'Afrique s'élève à environ 350 milliards de dollars et une attitude plus réaliste à son égard s'impose donc. Des améliorations doivent également être apportées quant à l'accès aux marchés des produits africains et la levée des barrières douanières.

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Pour le Kenya, la reprise du conflit en République démocratique du Congo est très préoccupante en raison de son impact potentiel sur la stabilité de la région. Sa résolution exige l'adoption d'une approche globale, a affirmé M. Godana. De même, le différend dans la corne de l'Afrique entre l'Ethiopie et l'Erythrée et le conflit en Angola méritent d'urgence l'attention. Les attentats à la bombe qui ont eu lieu au Kenya, en Tanzanie et en Afrique du Sud viennent durement nous rappeler que le fléau du terrorisme nous concerne tous, l'Afrique y compris, a poursuivi le Ministre. Les actes de terrorisme, quelle qu'en soit l'idéologie ou la justification, ne peuvent être tolérés et le Kenya demande que la communauté internationale entreprennent des efforts concertés visant à la conclusion rapide d'une convention internationale pour la lutte contre le terrorisme. C'est pourquoi, la proposition faite en vue de la convocation d'une conférence mondiale sur le terrorisme doit faire l'objet d'un examen sérieux.

M. JAIME GAMA, Ministre des affaires étrangères du Portugal, a déclaré que son pays est prêt à soutenir pleinement et activement le rôle des Nations Unies dans l'établissement d'une relation nouvelle et plus dynamique avec l'Afrique. La recherche de la paix et du développement en Afrique présuppose l'existence d'une volonté politique de la part de tous les acteurs dans ce processus. Pour sa part, le Portugal est déterminé à jouer son rôle dans toutes les instances internationales et, en particulier, à organiser un sommet Europe-Afrique au cours de la présidence portugaise de l'Union européenne en 2000. La prolifération des armes est l'un des fléaux les plus dévastateurs en Afrique face auquel il faut mobiliser nos efforts. Il faut faire davantage pour mettre fin à la circulation des armes, en particulier les armes de petit calibre, d'un pays en conflit à un autre. A cet égard, il serait utile de réduire les budgets de la défense en Afrique, partout où cela est possible, et réévaluer les objectifs des programmes de coopération militaire bilatérale avec les pays en développement, a déclaré le Ministre. Pour sa part, le Portugal a adopté une loi qui criminalise la violation des embargos sur les armes imposés par le Conseil de sécurité.

Reconnaissant le rôle unique que devraient jouer l'OUA et les organisations africaines sous-régionales dans la prévention et la résolution des conflits sur le continent, le Portugal appuie les recommandations du Secrétaire général en vue de renforcer la coordination entre les efforts de l'ONU et ceux de ces organisations. Toutefois, a souligné le Ministre, on ne peut perdre de vue le fait que la responsabilité finale d'autoriser l'utilisation de la force pour rétablir la paix appartient au Conseil de sécurité. En tant que membre de la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP), le Portugal peut apporter une contribution efficace à la résolution du conflit en Guinée-Bissau, un pays avec lequel il a de nombreux liens de coopération. La médiation, qui y est menée conjointement par la CPLP et la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), est un bon exemple de la manière dont deux organisations internationales peuvent travailler ensemble dans une même direction tout en respectant leurs vocations et spécificités respectives.

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Le Portugal partage l'avis du Secrétaire général sur l'importance de la consolidation de la paix après les conflits et espère sincèrement que le Conseil de sécurité évitera d'adopter une perspective trop étroite de ses propres compétences à cet égard. Les éléments de consolidation de la paix doivent être clairement définis et intégrés, dès le départ, dans les mandats des opérations de maintien de la paix. Le Portugal soutient en particulier les mesures visant à renforcer la sécurité des camps de réfugiés, l'élargissement du concept des enfants comme "zones de paix", et le financement de missions spéciales dans le domaine des droits de l'homme. Il attache aussi une grande importance à la promotion de la bonne gouvernance et au développement durable de l'Afrique. La communauté internationale doit fournir l'aide appropriée aux efforts des Africains pour résoudre ces problèmes. Pour sa part, le Portugal a procédé à une réforme générale des mécanismes d'aide publique au développement en vue de les adapter aux besoins actuels de l'aide pour le développement. Entre 1996 et 1997, le Portugal a augmenté son aide publique au développement de 27 %, soit la hausse la plus importante parmi les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). La contribution la plus significative à la croissance économique de l'Afrique a été l'augmentation des échanges commerciaux avec plusieurs pays africains, l'ouverture des marchés portugais aux exportations africaines et l'augmentation des investissements en Afrique.

Le Portugal est particulièrement préoccupé par l'impasse actuelle dans laquelle se trouve le processus de paix en Angola. Il persévèrera, seul, et avec la Troïka et en coopération étroite avec l'ONU, à chercher une solution politique au problème, dans le strict respect du Protocole de Lusaka et des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. L'instabilité prolongée en Angola montre clairement qu'en définitive, la paix et la guerre dépendent de la volonté politique des parties dans les situations de conflit. Toutes les propositions et recommandations du Secrétaire général supposent la volonté politique de la communauté internationale et des Etats; la volonté de choisir des chemins plus durs, malgré les difficultés. La volonté de choisir la paix et le développement, plutôt que la guerre et l'intérêt égoïste. Le Portugal espère que nous sommes tous prêts à relever ce défi, a conclu le Ministre.

M. SERGEY LAVROV (Fédération de Russie) a convenu qu'il n'existe pas de réponse rapide et radicale aux problèmes de l'Afrique. Il faudra les efforts communs de tous les amis de l'Afrique et des Africains eux-mêmes pour trouver un moyen de sortir du cercle vicieux du sous-développement, des problèmes sociaux, de l'instabilité politique, des conflits et des échecs des programmes de développement. La Fédération de Russie se réjouit donc du renforcement tangible des activités de l'OUA et des organisations sous-régionales dans la prévention et le règlement des conflits démontrant ainsi leur volonté et leur détermination d'assumer une plus grande responsabilité dans la recherche de solutions aux problèmes actuels.

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La Fédération de Russie estime que l'établissement d'un système panafricain efficace chargé de prévenir et de résoudre les conflits et de mettre en oeuvre des objectifs liés à la reconstruction post-conflit constitue un élément clef de la stratégie visant à consolider la paix. Il est important d'encourager le bon fonctionnement du Mécanisme de prévention et de règlement des conflits de l'OUA.

La Fédération de Russie se réjouit que les mesures adoptées par les Africains se voient appuyées par l'autorité et le potentiel des Nations Unies. Il est également important de recourir aux dispositions de la Charte des Nations Unies encourageant les initiatives des organisations régionales dans ce domaine de la diplomatie préventive et du règlement pacifique des différends. Cela suppose, en conséquence, l'élargissement de la pratique des opérations de maintien de la paix "régionales" appuyées par le Conseil de sécurité. Le Conseil de sécurité devant maintenir sa primauté dans ce domaine, la Fédération de Russie estime qu'il faut que les opérations militaires conduites par des structures régionales ne soient déployées qu'avec l'autorisation du Conseil de sécurité. Cet impératif doit également s'appliquer aux actions dirigées par des forces multinationales sur une base "ad hoc".

M. BORIS FRLEC, Ministre des affaires étrangères de la République de Slovénie, soulignant la variété du continent africain et ses contradictions, a déclaré que du côté positif, les dirigeants africains déploient des efforts considérables pour se libérer de leur état de dépendance quant au maintien de la stabilité régionale et de la prospérité du continent. En République centrafricaine par exemple, des médiateurs et des troupes africaines aident à résoudre les problèmes survenus après une période d'instabilité aiguë. En Sierra Leone, la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) a préparé le chemin de la restauration d'un gouvernement démocratiquement élu, ce qui, il faut l'espérer, marquera la fin de l'insurrection armée. D'un autre côté, celui-là négatif, les questions africaines continuent de dominer l'ordre du jour du Conseil de sécurité, ce qui, conduit à la perception largement partagée, que les progrès effectués jusqu'à maintenant ne sont pas suffisants et que les derniers succès accomplis par l'Afrique sont trop fragiles pour barrer la voie aux conflits.

L'expérience de nombreux pays en transition, y compris le nôtre, a montré que des performances économiques accélérées exigent que soient mieux utilisées les ressources existantes, et qu'il y ait une augmentation des investissements et un renforcement du secteur privé. Les réformes macro-économiques sont aussi essentielles, et en particulier les efforts en vue de restructurer les finances publiques et d'instaurer une autorité monétaire indépendante. Nous partageons les vues du Secrétaire général sur les peuples, qui sont la ressource première et la plus importante du développement économique.

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Plusieurs des réponses aux problèmes de l'Afrique sont de nature économique, et il est aussi évident que les défis immédiats à la paix et à la sécurité en Afrique sont de la compétence du Conseil de sécurité. Ces défis doivent recevoir la plus haute priorité, et la Slovénie soutient les nouvelles idées importantes avancées pour renforcer l'efficacité des embargos sur les armes imposés par le Conseil de sécurité et d'endiguer les flots illicites d'armes vers l'Afrique et à travers l'Afrique.

Mme LENA HJELM-WALLEN, Ministre des affaires étrangères de la Suède, a déclaré qu'on ne devrait pas oublier les développements positifs qu'a connu l'Afrique au cours des dernières décennies, notamment dans les domaines de l'éducation et de la santé. Une majorité de pays ont connu des élections démocratiques et, dans de nombreux autres, la spirale décroissante de l'économie a été arrêtée, et une croissance réelle s'est produite. L'Afrique s'ouvre aux défis de la mondialisation, du débat politique libre, de la recherche de nouveaux modèles, pensés de l'intérieur au lieu d'être importés d'ailleurs. De l'extérieur, nous avons tendance à noter les souffrances plutôt que les possibilités, et nous oublions que des changements fondamentaux se produisent rarement sans convulsions. Notre tâche devrait être de faciliter des transitions en douceur.

Le Conseil de sécurité doit être animé d'une vraie volonté politique, et doit être prêt à agir, en Afrique comme ailleurs, de l'alerte rapide à la prévention, et de la persuasion politique au maintien de la paix. Le Conseil doit appuyer les actions de l'Afrique en faveur de la sécurité régionale, non pas pour minimiser le niveau de son propre engagement, mais dans le but d'assurer un soutien régional durable à des solutions pacifiques. Le Conseil de sécurité et le système des Nations Unies dans son entier, doivent aussi réduire le fossé qui existe entre l'action politique et l'action humanitaire dans un continent où les personnes déplacées et les réfugiés sont nombreux, où les mines et la prolifération des petites armes paralysent les peuples et les pays. Enfin, l'ONU et les organisations africaines devraient donner la pleine priorité à la prévention des conflits, un impératif moral qui, en fin de compte, est une question de volonté de volonté politique. La communauté internationale devrait être prête à répondre rapidement et généreusement aux demandes d'assistance.

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