LES ORGANISATIONS REGIONALES PEUVENT FAIRE DE LA PREVENTION DES CONFLITS UN OUTIL EFFICACE DE MAINTIEN DE LA PAIX
Communiqué de Presse
GA/SM/51
LES ORGANISATIONS REGIONALES PEUVENT FAIRE DE LA PREVENTION DES CONFLITS UN OUTIL EFFICACE DE MAINTIEN DE LA PAIX
19980923 On trouvera ci-après le texte de la déclaration que le Président de l'Assemblée générale, M. Hennadiy Oudovenko (Ukraine), a faite le 28 juillet à l'ouverture de la troisième réunion entre l'Organisation des Nations Unies et les organisations régionales :C'est un très grand plaisir pour moi que de pouvoir participer à la troisième réunion entre l'Organisation des Nations Unies et les organisations régionales, qu'à mon sens nous avons plus que jamais le droit de qualifier de "processus permanent et non d'événement ponctuel" pour reprendre la formule du Secrétaire général concernant la réforme de l'ONU.
Au moment d'aborder une nouvelle grande étape de ce processus, il me semble particulièrement opportun de rendre hommage une fois encore aux fondateurs de notre Organisation pour leur intuition. En insérant un court chapitre de trois articles dans la Charte des Nations Unies, ils ont posé les principes fondamentaux régissant les activités des accords ou organismes régionaux et ont défini un cadre juridique de coopération avec l'ONU dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Ils ont posé les bases d'un mécanisme efficace de coopération internationale.
Il s'agit de savoir, bien entendu, dans quels cas et dans quelle mesure ce mécanisme est utilisé comme prévu à l'origine. Du fait d'un jeu complexe de facteurs géopolitiques et idéologiques, pendant une longue période de l'histoire de l'ONU, le Chapitre VIII de la Charte est resté en grande partie lettre morte. Les profonds bouleversements survenus dans le monde, provoqués en partie par la fin de la guerre froide et l'effondrement de l'Union soviétique ont donné une importance nouvelle au rôle des organisations régionales.
Le regain d'intérêt pour cette question et la sensibilisation aux avantages que présente l'interaction avec les organisations régionales ont trouvé leur écho dans les travaux de l'Assemblée générale. Pendant près de 20 ans, la question de la coopération entre l'ONU et les diverses organisations régionales a tenu une bonne place dans l'ordre du jour des sessions de l'Assemblée. Ces dernières années, en particulier, l'Assemblée
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générale s'est prononcée à plusieurs reprises en faveur d'un resserrement de la coopération. Fait majeur, l'Assemblée générale a approuvé, en décembre 1994, la Déclaration sur le renforcement de la coopération entre l'Organisation des Nations Unies et les accords ou organismes régionaux dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Cette Déclaration, qui a été établie par le Comité spécial de la Charte des Nations Unies, constitue un grand pas vers l'institution d'un cadre juridique et politique pour les relations de travail entre ces deux grands acteurs de la scène internationale.
Ces questions ont été précisées à la session en cours. Ayant examiné plusieurs rapports de fond établis par le Secrétaire général, l'Assemblée a constaté que d'importants progrès avaient été accomplis dans le sens d'une plus forte coopération, comme en témoignent les expériences fructueuses accumulées dans différentes régions du monde.
Il est intéressant de noter à cet égard que les résolutions adoptées mettent davantage l'accent sur la prévention des conflits. Ainsi, dans sa résolution 50/20, l'Assemblée générale a notamment félicité l'Organisation de l'unité africaine (OUA) des efforts qu'elle déployait pour améliorer son Mécanisme pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits en Afrique et a prié les organismes des Nations Unies d'aider l'OUA à prévenir les conflits en Afrique, en indiquant les domaines particuliers où cette assistance revêtait une importance cruciale. Par ailleurs, dans sa résolution 52/22, l'Assemblée a reconnu la contribution croissante que l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe apportait à l'instauration et au maintien de la paix et de la sécurité internationales dans sa région, grâce à son action en matière d'alerte rapide et de diplomatie préventive. Dans ce contexte, l'Assemblée a mis particulièrement l'accent sur l'action du Haut Commissaire pour les minorités nationales et sur les efforts déployés par l'OSCE dans les domaines de la gestion des crises, de la maîtrise des armements et du désarmement, et sur les plans économique et humain.
À la lumière de tout ce qui précède, le thème choisi pour la réunion d'aujourd'hui semble particulièrement pertinent et opportun. À cet égard, j'aimerais féliciter le Secrétaire général pour le document d'information détaillé et propre à stimuler la réflexion qu'il nous a présenté dans son ordre du jour annoté qui offre une synthèse nuancée des problèmes et qui, plus important encore, va au fond de la question. Nul n'ignore en effet que pour trouver la bonne réponse, il faut commencer par poser la bonne question.
Il est impératif par exemple que nous nous demandions pour quelle raison, malgré tous les avantages qu'elle présente, on a aussi peu recours à la prévention. Il semble manifeste que l'on réglera beaucoup plus efficacement les conflits en optant pour l'action préventive plutôt que de laisser les différends dégénérer et de devoir assumer les conséquences d'une explosion générale. Pourtant, comme le Secrétaire général a raison de le
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souligner dans son document, l'accent n'est pas assez mis sur la prévention et un peu trop sur le traitement a posteriori. Si l'on veut trouver une solution à une situation donnée, il faut commencer par énumérer les divers facteurs qui empêchent un plus large recours à la prévention des conflits. Or, de toute évidence, pour que la communauté internationale penche durablement en faveur de la prévention, il faut que tous les acteurs engagent une réflexion approfondie sur le sujet.
Cette évolution est également indispensable si l'on veut utiliser efficacement la palette d'outils de prévention déjà disponible. Il ne peut y avoir prévention par exemple sans mécanisme opérant d'alerte rapide, lequel, à son tour, n'est pas concevable sans données fiables et à jour. Il n'est pas surprenant à cet égard que, dans la résolution qu'elle a adoptée à la présente session sur le programme de réforme de l'ONU, l'Assemblée générale a invité les États Membres à améliorer la communication d'informations au Secrétaire général.
Parmi les autres méthodes efficaces permettant d'éviter les conflits, la diplomatie, le déploiement et le désarmement à caractère préventif ont reçu l'écho qu'ils méritaient dans les milieux diplomatiques ainsi que dans les médias. Cela ne devrait pas pour autant éclipser l'importance d'un autre outil fondamental, mais moins populaire auprès des médias, celui de la consolidation de la paix. Il faut d'urgence étudier de manière plus incisive et plus approfondie les causes sous-jacentes des conflits qui résultent souvent de la misère économique et sociale, de l'absence de mécanisme durable de transfert et de partage du pouvoir, du faible respect de la primauté du droit, etc. De même, dans les cas de suspicion ou de griefs interethniques exacerbés, il est absolument indispensable de renforcer la confiance afin d'empêcher que les passions ne débouchent sur des affrontements proprement dits. Une fois encore, c'est un domaine où la coopération entre l'Organisation des Nations Unies et les entités régionales peut amener de bons résultats.
À cet égard, je voudrais aborder un aspect de la coopération régionale qui semble ouvrir de vastes perspectives. Je veux parler de la création d'entités sous-régionales dans le cadre du processus permanent de réorganisation des structures sécuritaires internationales. En ma qualité de Ministre ukrainien des affaires étrangères, j'ai pu, à l'époque, suivre de près la situation en Europe, où l'apparition de structures sous-régionales le long des anciennes lignes de séparation, de l'Arctique à la mer Noire, a donné un aperçu saisissant des nouveaux dispositifs permettant de renforcer la sécurité. Ces "enfants de l'après-guerre froide", comme par exemple l'Initiative de l'Europe centrale ou l'Organisation de coopération économique dans le bassin de la mer Noire, n'ont peut-être pas la puissance économique et militaire de leurs "aînés", mais, par divers moyens subtils et complexes, elles permettent de reléguer à l'histoire la période de la guerre froide et la division Est-Ouest du continent, et de construire un environnement sécuritaire dans l'Europe nouvelle.
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L'Organisation de coopération économique dans le bassin de la mer Noire en est un bon exemple. C'est le groupe sous-régional le plus diversifié de la zone de la mer de Barents et de la mer Noire. Elle comprend 11 pays extrêmement hétérogènes tant du point de vue de leurs dimensions et de leur population que de leur potentiel économique et militaire et de leurs intérêts géostratégiques. Étant donné les différends, les tensions, parfois même les conflits armés qui ont caractérisé et caractérisent encore cette région, du point de vue politique, le bilan des cinq premières années d'existence de l'organisation est plutôt favorable. L'Organisation de coopération économique dans le bassin de la mer Noire fournit des voies nouvelles au dialogue multilatéral et bilatéral et ramène autour de la même table de négociation des pays limitrophes qui se sont souvent observés avec méfiance et suspicion. En tant que groupe multifonctionnel couvrant des domaines très variés, il contribue à la stabilité sous-régionale en permettant d'améliorer les conditions économiques de chaque pays, de développer les infrastructures et les communications sous-régionales, de promouvoir les relations humaines et professionnelles, d'encourager la coopération entre les autorités locales et d'appuyer les approches multisectorielles des problèmes sous-régionaux.
Manifestement, un certain nombre d'évolutions et d'initiatives positives dans ce domaine bénéficieraient d'une coopération plus étroite avec l'ONU, ses institutions spécialisées et ses programmes. Plusieurs projets de coopération ont déjà été formulés par la Commission économique pour l'Europe, l'Organisation des Nations Unies pour le développement industriel, la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement et le Programme des Nations Unies pour le développement, entre autres. L'Organisation de coopération économique de la mer Noire est de plus en plus perçue comme un modèle prometteur de coopération sous-régionale qui, avec d'autres structures sous-régionales, pourrait devenir un pilier du nouvel ordre sécuritaire européen au XXIe siècle. La mise en place d'une coopération efficace entre l'ONU et ses entités sous-régionales pourrait ultérieurement s'intégrer dans le cadre des activités internationales de prévention des conflits.
Il ne fait aucun doute que la sécurité globale de la planète ne peut que bénéficier d'une coopération accrue entre l'organisation mondiale et les divers accords régionaux. Le terme "synergie" est peut-être un peu surfait à l'heure actuelle, mais je pense qu'il s'applique parfaitement à ce type de relations. Lorsqu'elles opèrent dans le cadre de leurs compétences et dans le respect absolu des dispositions de la Charte des Nations Unies, les organisations régionales peuvent contribuer à faire de la prévention des conflits un outil efficace et pratique de maintien de la paix pour le nouveau millénaire.
Je suis convaincu que la troisième réunion entre l'ONU et les organisations régionales apportera une importante contribution à l'accomplissement de cet objectif et je vous souhaite beaucoup de succès dans vos travaux.
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