AG/789

L'IMPACT SOCIAL ET ECONOMIQUE DE LA MONDIALISATION : LES REACTIONS INTERNATIONALES

18 septembre 1998


Communiqué de Presse
AG/789


L'IMPACT SOCIAL ET ECONOMIQUE DE LA MONDIALISATION : LES REACTIONS INTERNATIONALES

19980918 Présidant la Table ronde, M. Ali Alatas, Ministre des affaires étrangères de l'Indonésie, a estimé qu'aucun pays n'est à l'abri de la mondialisation. Il est donc essentiel de prendre des mesures au niveau international pour faire face aux conséquences négatives de cette mondialisation. Dans le domaine du commerce, si les négociations du cycle de l'Uruguay répondent à certains aspects, il faudrait réfléchir sur les mesures à prendre pour protéger les plus faibles contre l'impact négatif de la mondialisation. Comment peut-on répondre de manière efficace à la crise actuelle qui, malheureusement, ne se limite plus aux frontières de l'Asie? Notant que de plus en plus, on prend conscience de l'impact social de la mondialisation, il s'est interrogé sur les moyens visant à traduire dans les faits le nouveau dialogue fondé sur les intérêts mutuels.

M. Carlos Dotres Martinez, Ministre de la santé publique de Cuba, a déclaré que, dans les pays pauvres, la mondialisation a entraîné une dégradation des termes de l'échange et une diminution du Produit intérieur brut (PIB). La réduction de la participation de l'Etat à la vie nationale et les privations entraînent un surcroît de chômage. Pour certains, le libéralisme du régime financier et les investissements étrangers directs constituent les seuls facteurs susceptibles de créer des emplois pour les pauvres. Or, la réalité est bien différente, a déclaré le Ministre, en soulignant la marginalisation croissante des plus pauvres. Selon lui, la pauvreté ne peut être éliminée de façon durable par des transferts, mais en assurant la croissance aux pauvres et c'est le manque de volonté politique qui empêche la réalisation de cet objectif. Améliorer la situation est possible en luttant pour la coopération et pour une mondialisation humaine et juste.

Pour le Ministre des affaires étrangères de l'Inde, M. Montek Singh Ahiuwalia, si l'on pouvait s'attaquer aux problèmes de la fragilité financière, il serait possible de gérer les crises dans les pays en développement. Le rapport sur le commerce et le développement suggère qu'il faudrait recourir à de nouveaux mécanismes pour faire face aux crises financières futures. Compte tenu du fait qu'il y a une convertibilité des comptes dans la plupart des pays, on peut s'interroger sur l'efficacité des moyens visant à mieux répondre aux crises éventuelles. Il a estimé qu'il faudrait parler de reformulation de l'architecture financière.

Poursuivant en ce sens, M. Brian Atwood, Directeur de l'Agence américaine internationale pour le développement, a jugé essentiel de trouver les moyens d'encourager l'économie mondiale à long terme. Les Etats-Unis réfléchissent à divers moyens et travaillent notamment sur les taux d'intérêts. Il faut toutefois agir avec précaution pour ne pas provoquer une flambée de l'inflation. Parmi les autres mesures à prendre, M. Atwood a jugé nécessaire de consolider la capacité du FMI et des autres institutions financières de répondre à la fuite des capitaux. Il a souligné le fait que le secteur privé ne dispose pas toujours des informations nécessaires pour prendre des décisions avisées et a invité les pays qui veulent participer au FMI à fournir des informations fiables sur la situation de leur économie. Pour M. Atwood, il importe aussi d'identifier les obstacles aux investissements et au commerce, de renforcer l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et de normaliser les échanges. Des mesures doivent être prises pour créer un environnement plus propice à la stimulation de l'économie mondiale. Ceci doit toutefois se faire dans un cadre de collaboration afin d'assurer aux populations qui souffrent un secours humanitaire, ainsi qu'un filet de protection sociale dans la phase transitoire avant la relance de l'économie.

De l'avis de M. Gustave Speth, Administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), la mondialisation est irréversible. Les opportunités de la mondialisation sont nombreuses, mais il existe également de grands pièges. Il appartient donc aux gouvernements et à la société civile d'insuffler de nouvelles valeurs et d'établir les règles de la mondialisation. Si la mondialisation est menée sans ces valeurs sociales, morales ou écologiques, il y aura des réactions. Les Nations Unies constituent un système idéal pour relever ce défi. L'ONU est devenue le centre idéal pour faire face à cette nouvelle situation. Comment peut-elle humaniser la mondialisation et la rendre durable? Pour quelle raison l'ONU n'a cependant pas adopté les recommandations du Conseil économique et social en matière de revitalisation? Si l'ONU ne peut se montrer à la hauteur de ce rôle, d'autres pourront le faire, en dépit toutefois du respect de principes démocratiques. Cette année, le PNUD a lancé un programme conjoint avec la CNUCED pour permettre aux pays en développement de saisir les opportunités offertes par la mondialisation et de leur épargner la marginalisation. Le PNUD a créé également un mécanisme pour trouver des réponses urgentes aux problèmes qu'ils rencontrent.

Pour M. Georg Lennkh, Directeur de la coopération au développement de l'Autriche, la mondialisation a besoin d'une plus grande gouvernance internationale et de règles du jeu équitables. Le moment est mûr pour créer un forum mondial qui soit habilité à prendre des décisions en matière économique. Mais ce forum doit être vaste et démocratique, a-t-il insisté.

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Il doit inclure la société civile et travailler dans un contexte plus large que l'économie. M. Lennkh a reconnu la difficulté à mettre en pratique un tel forum et s'est demandé s'il ne suffit pas seulement de combiner les programmes des grandes conférences mondiales en un programme incorporant les institutions de Bretton Woods.

Pour M. Mark Malloch Brown, Vice-Président à la Banque mondiale pour les relations extérieures et les Nations Unies, la mondialisation a rendu de nombreux obstacles obsolètes. La baisse du coût des transports et des communications a rapproché les populations, ouvrant ainsi la voie à l'injection de nouvelles idées, au transfert de la technologie et au savoir- faire. Elle a renforcé le rôle des organisations non gouvernementales, de la société civile et des sociétés multinationales. Les organisations internationales sont maintenant appelées plus que jamais à développer une action collective dans notre monde de plus en plus interdépendant. L'intégration mondiale a également renforcé l'influence des forces du marché. Le commerce des marchandises et des services représente maintenant environ un quart du PNB mondial. Les flux de capitaux privés vers les pays en développement se sont multipliés par six au cours de la période allant de 1990 à 1996. Alors qu'il est vrai de dire que tous les pays ne bénéficient pas de ces tendances favorables, de nombreux pays en développement ont observé que le niveau de vie de leurs populations a augmenté. L'Asie de l'Est a certainement bénéficié de la mondialisation. Cette région a connu la croissance économique la plus rapide de l'histoire, en maintenant une croissance annuelle du PNB de plus de 5% pendant 30 ans. La pauvreté s'est envolée et la population jouit d'une vie plus prospère. Les récents troubles financiers dans la région menacent maintenant de réduire nombreux de ces gains.

La Banque mondiale a axé son attention et ses ressources sur les dimensions humaines de la crise, notamment la protection des pauvres. Elle envisage de tripler ses prêts à l'Asie de l'Est au cours de l'exercice en cours. Outre les projets visant, en particulier, les aspects sociaux de la crise, la Banque mondiale consent des prêts pour financer des programmes destinés à créer des emplois et à offrir des opportunités en matière de formation, ainsi qu'à subventionner les services de base. La crise actuelle a mis l'accent sur les vides juridiques et sur l'absence de politiques régissant les secteurs privé et financier. En ce qui concerne les sociétés commerciales, trop souvent, il n'existe pas de transparence dans le milieu des affaires. De même, la comptabilité n'était pas stricte et les actionnaires minoritaires n'étaient pas suffisamment protégés. Dans le secteur financier, la législation régissant le système bancaire était inappropriée. En outre, les pauvres étaient plus vulnérables aux revers économiques en raison de l'absence de sécurité sociale et de l'insuffisance des institutions publiques.

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En conséquence, des millions de personnes souffrent le plus de l'impact de la crise. M. Brown a souligné que la communauté internationale doit décider des moyens de réglementer les flux de capitaux internationaux volatiles, de contenir les incidences morales et d'améliorer la bonne gestion et la transparence. Il est essentiel de prendre des mesures visant à protéger les personnes les plus vulnérables de l'impact le plus négatif des revers économiques futurs.

M. Constantino Jaraula, Membre de la Chambre des représentants des Philippines, a estimé que l'on ferait fi des engagements souscrits à Copenhague, au Caire et à Beijing, si on ne prouvait pas de façon convaincante notre solidarité avec les pays en développement et ceux qui sont actuellement frappés par les crises financières. Les Philippines, bien que moins touchées que d'autres pays, font face à une situation inquiétante. Le Gouvernement s'efforce de préserver les conditions de vie et les moyens de subsistance de la population, en prenant des mesures pour endiguer les effets de la crise. Mais il ne peut résister seul à la contagion de la crise régionale. Ainsi, certaines dotations budgétaires pourtant nécessaires ont dû être diminuées. Les pays touchés ont donc besoin de l'aide d'urgence de la communauté internationale afin d'éviter une nouvelle dégradation de leur situation sociale. Partant, il a appelé les pays à faire preuve de solidarité et à veiller à inverser la tendance à la baisse de l'APD. Il a jugé essentiel de mettre en place des mécanismes de surveillance et de gestion des mouvements de capitaux à court terme et a suggéré de réorienter l'argent dépensé pour la production d'armes de destruction massive vers l'aide au développement.

Soulignant la nécessité de trouver des solutions pour réglementer les flux de capitaux internationaux, Mme Catherine Hagen, Directrice générale adjointe de l'Organisation internationale du travail (OIT), a indiqué que l'OIT propose que les institutions financières fassent de la micro-économie avec des méthodes traditionnelles. Il faut penser localement en agissant internationalement. La plupart des gens qui travaillent, travaillent dans leur milieu. Le processus de mondialisation est également national et local. Il faudrait mettre à la disposition des pays en développement une technologie adaptée à leurs besoins. Il faut s'assurer qu'il existe un lien entre les aspects sociaux et le développement économique. La Déclaration de l'OIT énonce une série de principes sociaux d'application universelle. Le débat ne doit pas être limité aux ministres des finances et aux banques centrales. Il est indispensable d'oeuvrer étroitement avec la société civile et d'étendre le dialogue en faisant participer des organismes autres que les institutions financières. Mme Hegen a invité les Nations Unies à organiser un tel dialogue.

M. Jeno Staehelin, (Suisse) a estimé que, pour les pays en développement, la clé du succès réside dans la création d'un environnement propice à l'investissement étranger direct, ce qui requiert, entre autres, une bonne gouvernance et des régimes fiscaux transparents. La mondialisation entraîne des mutations rapides dans les structures économiques et sociales et donnent des vainqueurs et des vaincus, tant dans les pays du Nord que du Sud.

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Si les inquiétudes des individus ne sont pas prises au sérieux, cela risque de nuire à la mondialisation et d'en réduire les effets positifs. C'est pourquoi, il faut un cadre social durable au niveau international qui offre une réponse internationale aux effets négatifs de la mondialisation en tenant compte les aspects sociaux. L'ONU peut jouer un rôle dans la gestion de la mondialisation à condition d'adapter ses structures à ce nouvel ordre économique, a-t-il déclaré, en prônant la création d'une conscience sociale universelle.

M. Dan Abodakpi, Vice-Ministre du commerce et de l'industrie du Ghana, a souligné que les Nations Unies ont un rôle crucial à jouer pour répondre aux répercussions économiques et sociales de la mondialisation et de l'interdépendance. Il faudrait briser les barrières protectionnistes qui ont empêché les pays en développement d'accéder à l'économie de marché. Alors que des efforts considérables sont déployés pour mettre en oeuvre des politiques macro-économiques, les pays en développement ont besoin de l'assistance de la communauté internationale. A cet égard, le Vice-Ministre a insisté sur l'augmentation de l'aide publique au développement. Il est important que l'on regarde l'Afrique sous un regard nouveau.

M. Nitin Desai, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, a déclaré qu'au coeur des préoccupations est la question de savoir si l'on dispose des mécanismes nécessaires pour contrôler la croissance explosive du marché des capitaux. Il faut trouver une solution à ce problème et une façon de le gérer, alors que le lien entre l'économie réelle, et l'économie virtuelle est brisé. En effet, de nombreuses transactions n'ont pas derrière elles de transaction réelle reflétant des investissements, mais ont cependant un effet sur l'économie mondiale. Lorsque l'on parle des marchés mondiaux, il s'agit d'un petit nombre de places financières et d'institutions dont aucune ne se trouve dans les pays en développement. Le paradigme politique qui a guidé les orientations politiques dans le monde au cours des dernières années est fondé sur la mondialisation. Or, on a constaté au cours des dernières années les inadéquations de ce paradigme d'un point de vue économique. Il importe de disposer d'un paradigme politique qui tienne compte d'un environnement changeant et des préoccupations exprimées lors des conférences mondiales. La réponse internationale doit comprendre un soutien au développement à long terme et un soutien aux pays qui connaissent des crises, un mécanisme qui permette l'échange de vues et d'informations, et une base permettant la négociation et l'élaboration de normes susceptibles de régir les transactions internationales. L'ONU travaillera, pour sa part, pour assurer que ce qui est fait dans les diverses instances s'inscrive dans une conception commune du monde que nous vivons.

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En conclusion, le Président a estimé qu'il est particulièrement encourageant de constater comment la communauté internationale a été sensible à la crise financière en Asie de l'Est. Bien que cette crise soit partiellement due à la défaillance de politiques nationales, elle n'en est pas moins internationale. La communauté internationale est pleinement consciente des répercussions sociales et économiques de la mondialisation et elle s'engage déjà à prendre des mesures concrètes en vue d'y répondre efficacement.

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