AFR/93

LES PREMIERS JUGEMENTS EN MATIERE DE CRIME DE GENOCIDE SERONT RENDUS LES 2 ET 4 SEPTEMBRE

31 août 1998


Communiqué de Presse
AFR/93
L/2894


LES PREMIERS JUGEMENTS EN MATIERE DE CRIME DE GENOCIDE SERONT RENDUS LES 2 ET 4 SEPTEMBRE

19980831 New York, 31 août -- Ce sera une première dans l'histoire du droit criminel international : le 2 septembre, un tribunal des Nations Unies rendra ce qui sera le tout premier jugement d'une juridiction internationale concernant le crime de génocide. Deux jours plus tard, le tribunal en question, le Tribunal criminel international pour le Rwanda, qui siège à Arusha (Tanzanie), prononcera dans une autre affaire la première peine pour génocide.

Ces deux décisions appelées à faire date traduiront aussi pour la première fois dans la réalité quotidienne les nobles idéaux de la Convention sur le génocide. Grâce au Tribunal, la Convention quitte le domaine des codes pour devenir une manifestation tangible, 50 ans après son adoption dans le sillage de l'holocauste, de la détermination réaffirmée de la communauté internationale de s'attaquer au génocide comme jamais auparavant. Le Tribunal pour le Rwanda a été créé par le Conseil de sécurité en novembre 1994 au terme de ce qui fut une des périodes les plus dramatiques d'exterminations massives dans l'histoire de l'humanité. En l'espace d'un printemps cette année-là, au moins 500 000 personnes, surtout des Tutsis et des Hutus modérés, avaient été sauvagement massacrées.

"Le succès qu'enregistre cette juridiction sur le plan de la répression du génocide a une portée historique et illustre la capacité de l'Organisation de créer des institutions qui répondent aux aspirations les plus élevées de l'humanité", a déclaré le Secrétaire général, M. Kofi Annan, au moment où il s'apprêtait à partir pour le Sommet des pays non alignés, qui doit se tenir en Afrique du Sud le 30 août. Il a ajouté : "Je suis très heureux que l'ONU joue un rôle clef en forgeant les liens de la coopération internationale indispensable pour lutter contre le fléau épouvantable du génocide".

Il y a aujourd'hui au banc des accusés Jean-Paul Akayesu, qui était le bourgmestre de la commune de Taba et au sujet duquel le Tribunal rendra son jugement le 2 septembre, et surtout Jean Kambanda, Premier Ministre rwandais au moment du génocide, qui a plaidé coupable et dont la peine sera prononcée le 4 septembre.

Au total, ce sont 26 accusés rwandais et cinq suspects qui sont détenus au quartier pénitentiaire du Tribunal. Ces 31 personnes appartenaient toutes à ce que le Greffier du Tribunal, Agwu Okali, appelle "les échelons suprêmes" de l'élite qui gouvernait le Rwanda à l'époque du génocide. Elles ont été arrêtées par les autorités nationales de pays d'Afrique et d'Europe et déférées au Tribunal d'Arusha. En outre, un autre accusé, Elizaphan Ntakirutimana, un pasteur protestant, est détenu au Texas (Etats-Unis). Un juge fédéral a ordonné, le 5 août, son extradition vers Arusha (Tanzanie) mais l'accusé a un mois pour faire appel de cette décision.

Cette avancée historique du Tribunal a été rendue possible par le fait que la communauté internationale tout entière a uni ses efforts pour poursuivre les génocidaires. Le Tribunal a été créé par le Conseil de sécurité des Nations Unies, et son impartialité est garantie par la désignation de quelques-uns des juges et des procureurs les plus éminents des cinq continents.

C'est grâce à cette impartialité garantie à l'échelle internationale et à la portée mondiale de son mandat que le Tribunal a pu obtenir la coopération des nombreux Etats Membres qui ont procédé de leur propre chef à l'arrestation, puis à la remise au Tribunal, d'un si grand nombre d'accusés de rang élevé.

L'action du Tribunal pour le Rwanda et du tribunal qui lui fait pendant pour l'ex-Yougoslavie illustre la reconnaissance croissante de la dimension internationale de la justice criminelle, comme témoigne aussi de cette reconnaissance le fait que les participants à la Conférence de Rome tenue au mois de juillet, se sont prononcés à une majorité écrasante pour la création d'une cour pénale internationale permanente. Les partisans de la nouvelle juridiction ne manqueront pas de prendre acte avec un intérêt tout particulier du niveau extraordinaire de la coopération internationale que le Tribunal a pu obtenir pour appréhender ceux qu'il recherche, 11 pays ayant apporté leur concours à ce jour.

C'est également au prix d'efforts tout aussi éclairés que le Tribunal est parvenu à retrouver les témoins traumatisés du génocide dans de nombreux pays, communautés et camps de réfugiés et à obtenir qu'ils acceptent de venir déposer à Arusha, malgré les risques auxquels les expose leur témoignage.

Le prochain grand défi que le Tribunal devra relever consistera à trouver des pays qui acceptent d'incarcérer les accusés qui auront été condamnés. La Norvège et le Danemark ont déjà donné leur accord définitif pour incarcérer sur leur sol certains des condamnés, et un certain nombre de pays africains et d'autres pays sont actuellement en pourparlers avec le Tribunal à ce sujet. Le Tribunal souhaite que le plus grand nombre possible de condamnés soient incarcérés en Afrique.

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Ce qu'il faut savoir sur les jugements et le Tribunal

1. Le Tribunal pénal international pour le Rwanda a été créé en novembre 1994 par le Conseil de sécurité agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Il a son siège à Arusha (Tanzanie).

2. Le Tribunal est la première instance internationale spécifiquement chargée de réprimer le crime de génocide. Il est compétent pour connaître des violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda ou commises par des citoyens rwandais sur le territoire d'Etats voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994.

3. Jean-Paul Akayesu est la première personne à avoir jamais été jugée (prononcé du jugement le 2 septembre) pour crime de génocide par un tribunal international. L'acte d'accusation dressé contre lui comportait 15 chefs d'accusation relevant de ce crime, dont extermination, assassinat, torture et viol. Il était bourgmestre de Taba.

4. Jean Kambanda est la première personne à s'être jamais reconnue coupable de génocide devant un tribunal international (1er mai 1998). Sa condamnation, qui interviendra le 4 septembre, sera la première jamais prononcée pour génocide. M. Kambanda était Premier Ministre du gouvernement qui était au pouvoir pendant le génocide, et il était accusé d'avoir présidé les réunions du Conseil des ministres rwandais au cours desquelles les massacres contre les Tutsis ont été planifiés.

5. Les procès de Nuremberg et de Tokyo, organisés par les alliés, étaient les premiers tenus dans le but de réprimer des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité. La peine de mort faisait partie de la panoplie des peines possibles.

6. La peine la plus grave que le Tribunal peut imposer est la prison à vie; en revanche, les personnes jugées et reconnues coupables par des tribunaux rwandais peuvent être condamnées à mort.

7. Le Tribunal a rendu publics des actes d'accusation dirigés contre 35 personnes, dont 26 sont détenues à Arusha et une, un pasteur dénommé Elizaphan Ntakirutimana, au Texas. Le fils de ce dernier, Gérard Ntakirutimana, qui est médecin, est détenu à Arusha. Les huit autres personnes faisant l'objet d'un acte d'accusation confirmé n'ont pas encore été arrêtées. Cinq suspects sont également détenus à Arusha.

8. Pauline Nyiramasuhuko est la première femme à avoir jamais été mise en accusation pour génocide; elle était ministre. Deux autres anciens ministres ont également été mis en accusation : André Ntagerura et Theoneste Bagosora.

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9. Outre les procès de Jean Kambanda et de Jean-Paul Akayesu, deux autres procès, mettant en cause trois accusés, sont actuellement en cours.

10. Sur les 31 personnes en détention à Arusha, 10 ont été arrêtées au Kenya, 6 au Cameroun et 3 en Zambie; d'autres personnes ont été remises par la Belgique, le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, le Mali, la Suisse et le Togo. Toutes les personnes arrêtées au Rwanda sont jugées par des tribunaux rwandais.

11. Le Président du Tribunal est le juge Laïty Kama (Sénégal) et le Vice- Président le juge Yakov Ostrovsky (Fédération de Russie). Les quatre autres juges viennent d'Afrique du Sud, du Bangladesh, de la République-Unie de Tanzanie et de la Suède. Ils ont été élus par l'Assemblée générale des Nations Unies en mai 1995 pour un mandat de quatre ans.

12. La Chambre d'appel est présidée par la juge Gabrielle Kirk McDonald (Etats-Unis d'Amérique) qui siège également au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie; le Vice-Président est le juge Mohammed Shahabuddeen (Guyana). Les trois autres membres de la Chambre d'appel viennent de Chine, de Colombie et de Malaisie.

13. Le Bureau du Procureur est dirigé par la juge Louise Arbour (Canada) qui se trouve également à la tête du Bureau du Procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Le Procureur adjoint est Me Bernard Muna (Cameroun) qui ne travaille que pour le Tribunal pénal international pour le Rwanda. Pour le procès de Jean-Paul Akayesu, il était secondé par Me Pierre-Richard Prosper (Etats-Unis d'Amérique). Le Bureau du Procureur était précédemment dirigé par le juge Richard Goldstone (Afrique du Sud). Le Bureau du Procureur se trouve à Kigali (Rwanda).

14. Le Greffier du Tribunal est M. Agwu Ukiwe Okali (Nigéria) et Mme Imelda Merle Perry (Sainte-Lucie) est Greffière adjointe par intérim.

Les suspects arrêtés au Rwanda sont déférés devant les tribunaux rwandais, où ils sont passibles de la peine de mort. Le Tribunal, lui, peut prononcer une peine d'emprisonnement à perpétuité.

Pour de plus amples informations, veuillez contacter : le porte-parole du Secrétaire général, M. Fred Eckhard, au (212) 963-7160; M. Salim Lone, Département de l'information publique des Nations Unies, New York, au (212) 963-6856, télécopie (212) 963-1334, e-mail : lone@un.org; M. Kevin S. Kennedy au (212) 963-6821, télécopie (212) 963-1186, e-mail : kennedy3@un.org; ou contactez M. Kingsley Moghalu, Tribunal international pour le Rwanda, Arusha (République-Unie de Tanzanie), au 255-57-4207-11, télécopie : 57-400, e-mail : moghalu@un.org. Il est parfois plus simple de joindre M. Moghalu en contactant son intermédiaire au Siège des Nations Unies à New York au (212) 963-2850, télécopie : (212) 963-7364.

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