CS/964

LE CONSEIL APPUIE L'INITIATIVE ANGLO-AMERICAINE POUR QUE LES DEUX ACCUSES LIBYENS DE L'ATTENTAT DE LOCKERBIE SOIENT JUGES PAR UN TRIBUNAL ECOSSAIS AUX PAYS-BAS

27 août 1998


Communiqué de Presse
CS/964


LE CONSEIL APPUIE L'INITIATIVE ANGLO-AMERICAINE POUR QUE LES DEUX ACCUSES LIBYENS DE L'ATTENTAT DE LOCKERBIE SOIENT JUGES PAR UN TRIBUNAL ECOSSAIS AUX PAYS-BAS

19980827 Le Conseil de sécurité, réuni ce soir sous la présidence de M. Danilo Turk (Slovénie), s'est félicité de l'initiative présentée par les Etats-Unis et le Royaume-Uni, le 24 août 1998, tendant à ce que les deux personnes accusées de l'attentat perpétré en 1988 contre le vol de la Pan Am au-dessus de Lockerbie (Ecosse), soient traduites devant un tribunal écossais siégeant aux Pays-Bas.

A cet effet le Conseil de sécurité a adopté ce soir à l'unanimité la résolution 1192 (1998) dans laquelle il se félicite également de la volonté de coopérer à la mise en oeuvre de l'initiative exprimée par le gouvernement néerlandais.

Le Conseil décide qu'il incombera au Gouvernement libyen de procéder au transfèrement des deux accusés et de faire en sorte que tous éléments de preuve ou témoins se trouvant en Libye soient rapidement mis à la disposition du tribunal. Il réitère que les mesures prévues par les résolutions 748 (1992) et 883 (1993) - qui consistent notamment en un embargo aérien et militaire contre la Libye et le gel de certains de ses avoirs financiers à la suite de son refus de coopérer pour l'établissement des responsabilités dans l'acte terroriste contre le vol Pan Am 103 et celui contre le vol UTA 772 en 1989. Le Royaume-Uni et les Etats-Unis avaient notamment demandé que les deux ressortissants libyens accusés d'avoir participé à l'attentat de Lockerbie soient livrés à la justice britannique ou américaine - demeurent en vigueur. Le Conseil décide que leur application sera suspendue dès que les deux accusés seront arrivés aux Pays-Bas ou qu'ils auront comparu devant un tribunal approprié aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni et que le Gouvernement libyen aura donné satisfaction aux autorités judiciaires françaises en ce qui concerne l'attentat perpétré contre le vol UTA 772 en 1989. Le Conseil déclare son intention d'envisager l'adoption de mesures supplémentaires si les deux accusés n'ont pas été transférés aux Pays-Bas ou n'ont pas comparu rapidement.

Les représentants des pays suivants ont expliqué leur vote : Etats-Unis, Portugal, France, Brésil, Fédération de Russie, Japon, Suède, Gambie, Bahreïn, Costa Rica, Gabon, Chine, Slovénie et Royaume-Uni. Le représentant de la Jamahiriya arabe libyenne a fait une déclaration.

L'initiative des Etats-Unis et du Royaume-Uni figure dans une lettre datée du 24 août 1998 adressée au Secrétaire général des Nations Unies. Lors du débat tenu par le Conseil de sécurité sur les modalités de comparution des deux accusés, le 20 mars 1998, la Libye avait rappelé la proposition de la Ligue des Etats arabes, de l'Organisation de l'unité africaine et de l'Organisation de la Conférence islamique tendant à ce que le procès se tienne soit dans un pays tiers neutre, soit à la Cour internationale de justice avec des juges écossais conformément au droit écossais, soit dans un tribunal pénal établi au siège de la Cour internationale de justice.

En 1992, le Gouvernement libyen avait saisi la Cour internationale de justice pour lui demander un avis sur l'interprétation et l'application de la Convention de Montréal sur la suppression des actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile remettant ainsi en question la conformité au droit international de la requête du Royaume-Uni et des Etats-Unis de juger chez eux les deux suspects. Le 27 février 1998, la Cour, confirmant l'existence d'un différend juridique entre les parties, a affirmé sa compétence pour connaître de ce différend et admis la recevabilité des demandes libyennes. Lors du débat du Conseil de sécurité, les Etats-Unis et le Royaume-Uni avaient souligné le caractère strictement procédural de l'avis de la Cour.

( suivre)

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Texte du projet de résolution S/1998/809

Le Conseil de sécurité,

Réaffirmant ses résolutions 731 (1992) du 21 janvier 1992, 748 (1992) du 31 mars 1992 et 833 (1993) du 11 novembre 1993,

Prenant note du rapport des experts indépendants désignés par le Secrétaire général (S/1997/991),

Considérant la teneur de la lettre datée du 24 août 1998, adressée au Secrétaire général par les Représentants permanents par intérim des États-Unis d'Amérique et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord auprès de l'Organisation des Nations Unies (S/1998/795),

Prenant note également, à la lumière des résolutions susmentionnées, des communications de l'Organisation de l'unité africaine, de la Ligue des États arabes, du Mouvement des pays non alignés et de la Conférence islamique (S/1994/373, S/1997/834, S/1997/35, S/1997/273, S/1997/406, S/1997/497 et S/1997/529) mentionnées dans la lettre du 24 août 1998,

Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,

1. Exige une fois encore que le Gouvernement libyen se conforme sans retard aux résolutions 731 (1992), 748 (1992) et 883 (1993);

2. Se félicite de l'initiative tendant à ce que le procès des deux personnes accusées de l'attentat perpétré contre le vol 103 de la Pan Am ("les deux accusés") ait lieu devant un tribunal écossais siégeant aux Pays-Bas, comme le prévoient la lettre datée du 24 août 1998, émanant des Représentants permanents par intérim des États-Unis d'Amérique et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord ("l'initiative") et les pièces qui y sont jointes, de même que de la volonté du Gouvernement néerlandais de coopérer à la mise en oeuvre de cette initiative,

3. Demande au Gouvernement des Pays-Bas et au Gouvernement du Royaume-Uni de prendre les mesures nécessaires pour assurer la mise en oeuvre de l'initiative, y compris par la conclusion d'arrangements en vue de permettre au tribunal visé au paragraphe 2 d'exercer sa compétence conformément à l'accord prévu entre les deux gouvernements, dont le texte est joint à la lettre précitée, en date du 24 août 1998;

4. Décide que tous les États devront coopérer à cette fin, et qu'en particulier le Gouvernement libyen devra assurer la présentation des deux accusés aux Pays-Bas aux fins du procès devant le tribunal visé au paragraphe 2, et qu'il devra assurer que tous éléments de preuve ou témoins se trouvant en Libye soient rapidement mis à la disposition du tribunal, sur sa demande, aux fins du procès;

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5. Prie le Secrétaire général, après consultation du Gouvernement néerlandais, d'assister le Gouvernement libyen en ce qui concerne les dispositions matérielles requises pour le transfèrement sûr des deux accusés directement de la Libye aux Pays-Bas;

6. Invite le Secrétaire général à désigner des observateurs internationaux pour assister au procès;

7. Décide en outre que, dès l'arrivée des deux accusés aux Pays-Bas, le Gouvernement néerlandais les placera en détention en attendant leur transfert aux fins du procès devant le tribunal visé au paragraphe 2;

8. Réitère que les mesures prévues dans ses résolutions 748 (1992) et 883 (1993) demeurent en vigueur et continuent de lier tous les États Membres et, dans ce contexte, réaffirme les dispositions du paragraphe 16 de la résolution 883 (1993), et décide que les mesures précitées seront suspendues dès que le Secrétaire général aura rendu compte au Conseil que les deux accusés sont arrivés aux Pays-Bas aux fins du procès devant le tribunal visé au paragraphe 2 ou qu'ils ont comparu devant un tribunal compétent aux États- Unis ou au Royaume-Uni, et que le Gouvernement libyen a donné satisfaction aux autorités judiciaires françaises en ce qui concerne l'attentat perpétré contre le vol UTA 772;

9. Déclare son intention d'envisager l'adoption de mesures supplémentaires si les deux accusés ne sont pas arrivés ou n'ont pas comparu aux fins du procès, conformément au paragraphe 8;

10. Décide de demeurer saisi de la question.

Lettre en date du 24 août 1998, adressée au Secrétaire général par les représentants permanents du Royaume-Uni et des Etats-Unis auprès des Nations Unies (S/1998/795)

Par cette lettre, les Gouvernements du Royaume-Uni et des Etats-Unis constatent avec une vive préoccupation que près de 10 ans après l'attentat terroriste contre le vol 103 de la Pan Am au-dessus de Lockerbie, les deux accusés n'ont toujours pas été jugés. Ils rappellent qu'en vertu de plusieurs résolutions, le Conseil de sécurité avait demandé à la Jamahiriya arabe libyenne de les déférer devant une juridiction britannique ou américaine compétente. Les deux gouvernements estiment indispensable, pour promouvoir la paix et la sécurité internationales, que justice soit faite sous les yeux de la communauté internationale par le tribunal écossais ou américain approprié. Ils soulignent qu'en dépit de toutes les assurances qui ont été données quant à l'impartialité d'un procès organisé dans l'une ou l'autre de ces juridictions, du rapport des experts juridiques indépendants que le Secrétaire général a chargés d'étudier le système judiciaire écossais et de l'offre faite

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par le Gouvernement du Royaume-Uni de permettre à des observateurs étrangers d'assister au procès - s'il était organisé en Ecosse - la Jamahiriya arabe libyenne n'a pas remis les deux accusés entre les mains de la justice.

Afin de régler cette situation, les deux gouvernements ont décidé, à titre exceptionnel, d'accepter que les deux accusés soient traduits devant un tribunal écossais qui siègerait aux Pays-Bas. Ce tribunal appliquerait à tous égards la procédure et le droit écossais, sauf en ce qui concerne le remplacement du jury par un groupe de trois juges de la High Court écossaise. Le procès se déroulerait conformément aux règles d'administration de la preuve et de procédure et ménagerait toutes les garanties d'une procédure régulière prévues par le droit écossais. Des dispositions seraient prises pour permettre à des observateurs internationaux d'y assister. Les deux accusés pourront se rendre en toute sécurité de la Jamahiriya arabe libyenne aux Pays- Bas aux fins du procès. Les deux gouvernements s'engagent à respecter leur transfert vers le tribunal écossais siégeant aux Pays-Bas. S'ils sont reconnus coupables, les deux accusés purgeront leur peine au Royaume-Uni. En revanche, s'ils sont acquittés ou au cas où une procédure quelconque mettrait fin aux poursuites engagées contre eux, et que cette procédure écarte toute possibilité de nouveau procès en droit écossais, les deux accusés pourront rentrer en toute sécurité en Jamahiriya arabe libyenne. Aucun des deux accusés - ni aucune des autres personnes citées à comparaître, y compris les témoins - ne pourra être arrêté pour d'autres infractions commises pendant qu'il ou elle se trouve aux Pays-Bas aux fins du procès.

Les deux accusés auront droit à la protection accordée par le droit écossais et pourront choisir des avocats écossais pour les représenter à toutes les étapes de la procédure. S'ils le désirent, ils pourront, pendant leur détention, recevoir la visite d'observateurs internationaux. L'audience sera publique et des mesures seront prises pour faciliter l'accès des médias. Le Royaume-Uni et les Etats-Unis sont prêts à appuyer une nouvelle résolution du Conseil de sécurité aux fins de l'initiative - qui pourrait également suspendre les sanctions à compter du moment où les deux accusés comparaîtront aux Pays-Bas devant le tribunal écossais aux fins du procès - dans laquelle le Conseil exigerait de tous les Etats qu'ils coopèrent à cette fin. Après l'adoption de cette résolution, le Gouvernement du Royaume-Uni prendra les mesures législatives nécessaires pour permettre à un tribunal écossais de siéger aux Pays-Bas. Le Royaume-Uni et les Etats-Unis ne sont disposés à tenter cette démarche exceptionnelle que sur la base des conditions exposées dans la présente lettre et dans ses annexes et sous réserve que la Jamahiriya arabe libyenne coopère pleinement en assurant que les deux accusés comparaîtront à la date convenue devant un tribunal écossais siégeant aux Pays-Bas pour les juger, en garantissant la production de moyens de preuve, y compris la comparution de témoins devant le tribunal, et en se conformant aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.

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Déclaration

M. ABUZED OMAR DORDA (Jamahiriya arabe libyenne) a fait observer que pour une simple suspicion à l'égard de deux personnes, le Conseil de sécurité a adopté une résolution contraignante, en vertu du Chapitre VII de la Charte, imposant des sanctions à l'encontre de son pays. Il a rappelé que les organisations régionales et internationales n'ont cessé de présenter en vain des propositions au cours des sept dernières années. Lorsque la Cour internationale de justice a rendu public un arrêt contre les Etats-Unis et le Royaume-Uni, affirmant sa compétence pour connaître du différend en se basant sur la Convention de Montréal et que l'Organisation de l'unité africaine a avancé des propositions claires, les autres parties ont enfin accepté un procès dans un pays tiers, a-t-il ajouté. Hier, un projet de résolution a été présenté au Conseil de sécurité alors que la Libye n'a reçu qu'il y a trois jours la lettre des autres parties. Ce fait ne les empêche pourtant pas de demander à la Libye de faire part de son opinion avant même que le texte ne soit traduit en langue arabe. Aujourd'hui, les autres parties semblent accepter ce que la Libye a toujours accepté depuis dix ans. La Libye a toutefois certains craintes.

L'acceptation d'un procès dans un pays neutre signifie que les autorités judiciaires assument le procès, que des détails complexes soient pris en considération, que les droits des suspects soient préservés à tout moment, que les enquêtes et les procès soient organisés et que le contexte judiciaire soit établi. Il faut aussi parvenir à un accord entre toutes les autorités judiciaires des pays concernés. Le texte ne mentionne pas non plus les procédures d'extradition et les procédures judiciaires qu'il faudra mettre en place. Pour la Libye, la Ligue des Etats arabes doit jouer un rôle important.

La Libye a toujours souhaité éviter tout obstacle susceptible de compliquer la situation. Il faut pourtant faire remarquer que la complexité des documents présentés ne fait qu'ajouter aux doutes. La Libye se félicite néanmoins de l'initiative des Etats-Unis et du Royaume-Uni qui sont conformes aux propositions de la Ligue des Etats arabes, de l'OUA et du Mouvement des pays non alignés. La Libye accepte que les deux suspects soient traduits en justice devant un tribunal aux Pays-Bas en vertu de la loi écossaise. C'est une position irréversible et il faut espérer que les autres parties fassent preuve de sérieux. Le projet de résolution présenté aujourd'hui suscite des préoccupations puisqu'il fait croire que la Libye n'a jamais mis en oeuvre les dispositions des résolutions du Conseil de sécurité. Le texte ne mentionne nullement les efforts de la Libye tendant à lutter contre le terrorisme comme l'atteste sa coopération avec la France. La résolution ne mentionne pas non plus les mesures que la Libye a prises en accord avec les Pays-Bas pour le transfèrement des deux accusés. La Libye ne souhaite que régler le différend et ouvrir une voie nouvelle de relations avec les pays concernés.

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Explications de vote

M. PETER BURLEIGH (Etats-Unis) a réaffirmé que les mesures entérinées dans la présente résolution garantiront un procès équitable aux deux suspects libyens. La procédure sera compatible avec les exigences des résolutions pertinentes des Nations Unies, ainsi qu'avec le droit des Etats-Unis, le droit anglais et le droit néerlandais. Les dispositions de la présente résolution et celles relatives aux modalités du procès ont été élaborées avec minutie par des experts juridiques et sont fondées sur les décisions de la communauté internationale telles qu'elles figurent dans les résolutions 731, 748 et 883 du Conseil de sécurité. Les Etats-Unis expriment leur gratitude au gouvernement néerlandais pour sa coopération en vue de mettre en oeuvre les mesures énoncées par la présente résolution. Ce que nous attendons maintenant est une acceptation franche et simple de la part du Gouvernement libyen. Les Etats-Unis souhaitent que le gouvernement libyen agisse promptement. La Libye doit garantir que les suspects seront déférés sans retard aux Pays-Bas. La communauté internationale a entendu le gouvernement libyen réaffirmer à plusieurs reprises son engagement à coopérer en vue de remettre les suspects à une juridiction composée de juges écossais et appliquant les procédures et le droit écossais, siégeant dans un pays neutre. Maintenant la Libye est tenue de respecter ces engagements.

Les Etats-Unis, le Conseil de sécurité et la communauté internationale attendent ce résultat. Plus important encore, les familles des 270 victimes de l'explosion du vol 103 de la PAN AM attendent également. Le non respect de cet engagement par la Libye constituerait un manquement considérable qui conduirait le Conseil de sécurité à prendre des mesures appropriées. Les Etats-Unis souhaitent que l'on n'en arrive pas à ce stade et appellent tous les pays et toutes les organisations à prier instamment en termes très fermes la Libye de remettre les deux suspects sans retard. M. Burleigh a réaffirmé l'appui de son pays à la France dans l'enquête en cours sur l'explosion du vol de l'UTA.

M. ANTOTNIO MONTEIRO (Portugal) a déclaré qu'au mois de mars lors du débat du Conseil de sécurité, son pays a accueilli avec satisfaction les propositions de l'OUA et de la Ligue des Etats arabes tendant à trouver une solution de compromis à la question relative à l'attentat de Lockerbie. Ces propositions, ayant pour objectif d'éviter un retard supplémentaire et à mettre fin aux souffrances du peuple libyen, étaient considérées par le Portugal comme un effort politique constructif. Pour le Portugal, toute solution de compromis doit être conforme aux aspects juridiques et politiques des résolutions du Conseil de sécurité. La justice doit être rendue. Le Portugal est convaincu que le moment est venu pour les Nations Unies et le Conseil de sécurité d'opter pour des moyens plus efficaces de résoudre la question. Le Portugal reconnaît les efforts des Etats-Unis et le Royaume de trouver des solutions alternatives permettant au Conseil de sécurité de répondre pleinement aux préoccupations de la communauté internationale.

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M. PHILIPPE THIEBAUD (France) a déclaré que son gouvernement prend acte avec satisfaction de la décision britannique et américaine d'accepter l'une des propositions faites par plusieurs organisations régionales, et formellement acceptée par le Gouvernement libyen, de juger les deux suspects de l'attentat de Lockerbie aux Pays-Bas par un tribunal écossais et selon la loi écossaise. Elle attend du Gouvernement libyen qu'il donne suite aux engagements qu'il a pris dans le passé et à la réaction positive dont il a fait part officiellement hier.

Les autorités françaises ont régulièrement informé, et dernièrement le 6 novembre 1997, le Conseil de sécurité et le Secrétaire général des développements survenus dans l'enquête relative à l'attentat contre le vol UTA 772. Elle continuera à leur transmettre les informations nouvelles qu'il conviendra de porter à leur connaissance. Le représentant a rappelé que le projet de résolution modifie les conditions de suspension des sanctions en ce qui concerne la tenue du procès de l'attentat contre le vol PAN AM 103. Les autres dispositions de la résolution 883, relatives à la coopération avec les autorités judiciaires françaises et à la levée définitive des sanctions applicables à la Libye, ne sont pas affectées par le texte dont le Conseil est aujourd'hui saisi.

M. CELSO AMORIM (Brésil) a rendu hommage aux gouvernements des Etats- Unis et du Royaume Uni pour la flexibilité dont ils ont fait preuve en acceptant une solution de compromis soutenue par un grand nombre de pays membres. Il convient également de rendre hommage au Gouvernement du Pays-bas pour l'aide qu'il a fournie en vue de permettre à une cour étrangère d'exercer sa juridiction sur son territoire. Nous formons l'espoir que le gouvernement libyen fera preuve du même esprit de coopération lors des prochaines étapes. Nous prenons note du fait que la Libye a déjà annoncé qu'elle acceptait les développement intervenus dans les positions des gouvernements britannique et américain. Le représentant a indiqué que les efforts diplomatiques, y compris la concertation et le dialogue, ont constitué des outils indispensables pour l'obtention d'une solution qui soit acceptable par tous. Le respect par la Libye des dispositions prévues dans la résolution présentée aujourd'hui permettra la suspension des sanctions en vue de leur levée. Il y a cinq ans, nous avions fait part de notre conviction que la levée des sanctions étaient subordonnée à des actions concrètes, limitées et spécifiques déterminées par le Conseil de sécurité. C'est avec la même conviction que nous voterons aujourd'hui en faveur du projet de résolution.

M. SERGEI LAVROV (Fédération de Russie) a noté que depuis l'imposition des sanctions, la Libye a réalisé des progrès en matière de lutte contre le terrorisme. La Fédération de Russie a constamment oeuvré en vue de parvenir à une solution juste et équitable du cas de Lockerbie. La délégation de la Fédération de Russie émet l'espoir que les mesures entérinées par la présente résolution permettront de garantir un procès équitable pour les deux suspects de l'explosion du vol 103 de la PAN AM au-dessus de Lockerbie. Elle votera en faveur du projet de résolution.

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M. MASAKI KONISHI (Japon) a rendu un vibrant hommage au Royaume-Uni et aux Etats-Unis pour leur détermination de régler la question de la remise par la Libye des suspects de l'explosion du vol 103 de la PAN AM au-dessus de Lockerbie. Le Japon se félicite de la coopération du Gouvernement des Pays- Bas dans la mise en oeuvre complexe et difficile de l'initiative conjointe des Etats-Unis et du Royaume-Uni. Le Gouvernement japonais se félicite par ailleurs de l'acceptation par la Libye exprimée dans sa lettre en date du 26 août concernant cette initiative et émet l'espoir que le Gouvernement libyen répondra promptement et de manière positive à l'initiative en remettant les suspects à la justice. Ce faisant, la Libye ouvrira la voie au règlement d'une situation tragique et à la levée des sanctions dont les conséquences pèsent lourdement sur son peuple.

M. HANS DAHLGREN (Suède) a déclaré que le refus de la Libye de livrer les deux suspects de l'attentat de Lockerbie pour qu'il soient jugés a conduit le Conseil de sécurité à imposer des sanctions contre elle. A la lumière du peu de progrès réalisés dans cette affaire, a poursuivi le représentant, mon gouvernement accueille avec satisfaction l'initiative du Royaume-Uni et des Etats-Unis, en étroite collaboration avec les Pays-Bas, qui permettront la tenue d'un procès devant une Cour écossaise aux Pays-Bas. Cette initiative correspond entièrement aux propositions faites précédemment par la Ligue des Etats arabes et l'Organisation de l'unité africaine et qui ont été acceptées par la Libye. Aujourd'hui, la Suède demande instamment à la Libye de coopérer pleinement pour que cette résolution puisse être mise en oeuvre sans autre retard. La décision que nous prenons aujourd'hui signifie que les sanctions imposées à la Libye seront levées immédiatement après que le Secrétaire général ait indiqué l'arrivée des deux suspects de Lockerbie aux Pays-bas pour qu'ils soient jugés et après que le Gouvernement libyen ait satisfait les autorités judiciaires françaises dans le cas de l'attentat contre le vol UTA. Nous espérons que la Libye saisira rapidement cette opportunité pour que justice soit finalement rendue.

M. MAUDO TOURAY (Gambie) a fait remarquer que la Libye a enduré le fardeau des sanctions pendant sept ans et que ces sanctions ont imposé des souffrances indescriptibles au peuple libyen, en particulier les femmes et les enfants et ont pratiquement paralysé l'infrastructure de son aviation. A plusieurs reprises au sein du Conseil de sécurité, la délégation de la Gambie a plaidé en faveur d'un règlement rapide pour sortir de l'impasse créée par les sanctions. La Gambie a toujours souligné qu'une solution acceptable pour toutes les parties serait mutuellement bénéfique. En vue de trouver un règlement à ce problème, l'Organisation de l'unité africaine (OUA), la Ligue des Etats arabes et le Mouvement des pays non-alignés ont pris une initiative qui dissiperait les craintes des autorités libyennes en garantissant un procès juste et équitable pour les personnes accusées de l'attentat contre le vol 103 de la Pan Am. Cette initiative proposait un jugement rendu par des juges écossais en vertu du droit écossais dans un Etat tiers, à savoir les Pays-Bas. Les autorités libyennes ont indiqué, à plusieurs reprises - et en particulier le 26 août 1998 - qu'ils acceptaient cette proposition. La présente

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résolution est historique. Elle est historique parce qu'elle offre la possibilité pour la Libye de reprendre une vie normale exempte de sanctions et lui ouvre la voie pour reprendre sa place au sein de la communauté internationale. Elle est également historique parce qu'elle permet pour la première fois en droit international à un tribunal national de siéger en dehors de sa compétence territoriale. L'initiative conjointe du Royaume-Uni et des Etats-Unis doit être accueillie comme une mesure héroïque visant à régler une situation qui a duré dix ans. Il est temps maintenant de rendre justice.

M. JASSIM MOHAMMED BUALLAY (Bahreïn) a réaffirmé la sympathie de son gouvernement à l'égard des familles des victimes. Après de nombreuses impasses et des sanctions imposées à la Libye, une mesure positive a été prise aujourd'hui sur la base de l'initiative conjointe du Royaume-Uni et des Etats- Unis. Le représentant a émis l'espoir que la remise des suspects à la justice constituera une étape positive vers la levée des sanctions et la fermeture définitive du dossier. Il a émis l'espoir que les parties concernées parviendront très rapidement à un accord sur les procédures applicables au procès des deux suspects. Leur remise à la justice devrait permettre la levée des sanctions dont souffre le peuple libyen et le retour de la Libye au sein de la communauté internationale.

M. MELVIN SAENZ BIOLLEY (Costa Rica) a estimé que le Conseil est sur le point d'adopter une résolution tendant à mettre fin aux sanctions contre la Libye et à lui permettre de recouvrer sa place sur la scène internationale. Il ne faut pas oublier que le différend trouve sa source dans un crime qui doit être condamné. Le droit et la justice constituent le meilleur hommage que l'on puisse rendre aux victimes. Le Costa Rica a toujours condamné les pays qui accueillent les terroristes. Il faut prévenir ces actes et les sanctionner au moyen de la coopération internationale et non par des moyens unilatéraux. Conformément à la résolution présentée aujourd'hui, les suspects seront traduits en justice. Par ailleurs, le Costa Rica a toujours déclaré que tout régime de sanctions doit être élaboré de façon à ce que l'objectif soit atteint. Dans ce contexte, elles doivent être temporaires et toucher au minimum la population civile innocente. Les sanctions doivent être assorties d'un encouragement au dialogue afin de résoudre les différends. Le représentant a rendu hommage au Mouvement des pays non alignés dont la proposition est à l'origine de la résolution adoptée aujourd'hui. Le Costa Rica souligne la nécessité de respecter les droits des accusés.

M. SHEN GUOFANG (Chine) a rappelé que son pays a toujours encouragé les parties concernées à régler leur différend par des moyens pacifiques. Il a émis l'espoir que toutes les parties à l'affaire Lockerbie parviendront à trouver un accord sur les procédures applicables au procès des deux suspects de l'attentat contre le vol 103 de la PAN AM. La Chine espère que la coopération de la Libye, notamment la remise des suspects à la justice, permettrait dans un proche avenir de lever les sanctions et de lui permettre de regagner sa place au sein de la communauté internationale.

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M. DENIS DANGUE REWAKA (Gabon) s'est félicité de la décision des gouvernements américain et britannique d'accepter que les deux suspects libyens de l'attentat contre le vol 103 de la PAN AM soient jugés aux Pays-Bas par des juges écossais et conformément au droit écossais. Cette initiative répond à l'une des propositions faites, à maintes reprises, par l'Organisation de l'unité africaine et la Ligue des Etats arabes. Cette décision peut permettre d'entrevoir une issue au différend qui dure depuis dix ans. Elle donne également espoir aux familles des victimes qui ont attendu si longtemps que justice leur soit rendue, ainsi qu'au peuple libyen qui a tant souffert des conséquences négatives des sanctions. Sa délégation se dit convaincue que les parties prendront toutes les mesures nécessaires pour permettre au Conseil de sécurité de lever les sanctions imposées à la Libye.

M. DANILO TURQ (Slovénie) a déclaré que son pays accueille favorablement l'accord auquel sont parvenus le Royaume-Uni et les Etats-Unis visant à ce que les deux prévenus libyens soient traduits devant une Cour écossaise aux Pays- Bas. Nous estimons que cet accord innovant et constructif ouvre la voie à un règlement définitif du cas de Lockerbie. La proposition visant à tenir le procès devant une Cour écossaise aux Pays-Bas et selon le droit écossais correspond à une des options proposées par la Ligue des Etats arabes, l'Organisation de l'unité africaine, le Mouvement des non-alignés et l'Organisation de la conférence islamique. En fait, a ajouté le représentant, la Libye elle-même a entériné ces options régulièrement, y compris récemment. Nous avons donc toutes les raisons de penser que la Libye acceptera cette initiative.

Les Nations Unies ont un rôle important à jouer. En adoptant cette résolution et en permettant aux pays concernés de prendre les mesures qui s'imposent pour mettre en oeuvre cette initiative, le Conseil de sécurité ouvrira la voie à la tenue d'un procès. La résolution demande également au Secrétaire général de jouer un rôle central. Cette résolution, a souligné le représentant, constitue une importante contribution au travail du Conseil de sécurité. Nous sommes persuadés que l'initiative présentée permettra la tenue d'un procès équitable assorti de toutes les garanties. Elle permettra également de raviver et de raffermir la perspective d'une levée des sanctions imposées contre la Libye. C'est à la Libye maintenant de saisir l'opportunité qui se présente et de contribuer au succès de cette initiative. Nous prenons acte avec satisfaction de la décision du Gouvernement libyen d'accepter ce développement et nous lui demandons instamment de garantir la comparution des deux suspects dans les meilleurs délais.

M. STEPHEN GOMERSALL (Royaume-Uni) a rappelé qu'au cours de ces dernières années, son gouvernement a constamment renouvelé ses assurances concernant les garanties offertes aux accusés en vertu du droit écossais. Au cours de la même période, la Libye a constamment déclaré qu'elle n'accepterait de jugement par une juridiction écossaise que si elle siège dans un Etat tiers. En janvier dernier, dans une lettre adressée au Président du Conseil de sécurité, le Ministre des affaires étrangères libyen, M. Omar Muntasser, a

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- 12 - CS/964 27 aot 1998

déclaré que son pays acceptait la proposition de la Ligue des Etats arabes selon laquelle les deux suspects devraient être jugés par un tribunal dans un pays neutre, notamment à La Haye par des juges écossais conformément au droit écossais. Les experts indépendants désignés par le Secrétaire général ont assuré que les accusés auraient un procès équitable. Le Royaume-Uni aurait souhaité que les deux accusés soient traduits devant une juridiction écossaise en Ecosse. Il n'appartient pas aux auteurs d'actes terroristes de déterminer le lieu du procès. Néanmoins, le Gouvernement du Royaume-Uni a tenu compte des intérêts des familles et de la justice.

En vue de mettre fin à des années d'attente pour les familles des victimes de Lockerbie, nous avons conclu qu'il serait possible de permettre à un tribunal écossais de siéger aux Pays-Bas, a souligné le représentant. La lettre conjointe en date du 24 août 1998 du Royaume-Uni et des Etats-Unis ainsi que ses annexes indiquent de manière transparente les dispositions par lesquelles cette juridiction siégerait hors du territoire écossais. La présente résolution établit la base pour les amendements nécessaires au droit anglais et au droit néerlandais. A cet égard, le Royaume-Uni exprime sa gratitude au Gouvernement des Pays-Bas pour avoir accepté d'accueillir le tribunal sur son siège. Conscient du souhait de la communauté internationale de rendre la justice et de mettre fin à cette situation, le Royaume-Uni a donc fait sienne la proposition de l'OUA et de la Ligue des Etats arabes et a pris les mesures nécessaires en vue de présenter l'initiative conjointe au Conseil de sécurité. L'adoption de la présente résolution permet de régler la question par voie judiciaire de manière acceptable pour les familles et toutes les parties concernées. C'est également le moment de vérité pour la Libye. La délégation du Royaume-Uni se félicite de l'acceptation exprimée par la Libye dans sa lettre en date du 26 août 1998. Les dispositions concernant le procès sont claires et ne dissimulent aucune exigence. L'exigence centrale est la remise des accusés aux Pays-Bas. Si le gouvernement souhaite le faire sans retard, tout en découlera. La présente résolution indique clairement que les sanctions seront suspendues dès que le Secrétaire général sera en mesure de confirmer que les accusés ont été remis aux Pays-Bas et que les demandes des autorités judiciaires françaises ont été satisfaites.

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( suivre)

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