ECOSOC/418

LES DELEGATIONS ESTIMENT QUE POUR LES PERSONNES VIVANT DANS LA PAUVRETE, LE DROIT AU DEVELOPPEMENT EST AUSSI IMPORTANT QUE LES DROITS CIVILS ET POLITIQUES

21 juillet 1998


Communiqué de Presse
ECOSOC/418


LES DELEGATIONS ESTIMENT QUE POUR LES PERSONNES VIVANT DANS LA PAUVRETE, LE DROIT AU DEVELOPPEMENT EST AUSSI IMPORTANT QUE LES DROITS CIVILS ET POLITIQUES

19980721 Le droit au développement, ainsi que les droits sociaux, économiques et culturels ont été, cet après-midi, au centre du débat général du Conseil économique et social consacré au suivi et à l'application coordonnés de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne sur les droits de l'homme. De nombreuses délégations ont fait valoir que pour les personnes qui vivent dans la pauvreté, ces droits, consacrés par la Déclaration de Vienne, sont aussi importants que les droits civils et politiques, et elles ont estimé que le système des Nations Unies ne leur accorde pas encore toute l'attention voulue. Il a même été fait remarquer que les inégalités croissantes entre le Nord et le Sud constituent un déni du droit au développement. Estimant que le défi le plus important que la communauté internationale doit relever est la violation des droits de l'homme dans le cadre des conflits armés, plusieurs représentants ont proposé qu'un mécanisme préventif d'alerte sur les droits de l'homme soit mis en place. L'accent a en outre une fois encore été mis sur la nécessité d'allouer les ressources suffisantes au Haut Commissariat aux droits de l'homme ainsi qu'à toutes les entités du système concernées par les activités relatives aux droits de l'homme. Les fonds devraient ainsi provenir davantage du budget ordinaire, pour garantir leur prévisibilité et être calculés en fonction du degré de priorité de ces activités et de l'augmentation de leur volume au sein du système des Nations Unies.

Les représentants des pays suivants ont ainsi fait une déclaration : Chine, Lesotho, Viet Nam, Pakistan, République démocratique du Congo, Afrique du Sud, Suisse, Pologne, Colombie et République islamique d'Iran. Les représentants de la Banque Mondiale et du Programme des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) ont également participé au débat général. En outre, le Conseil a entendu les déclarations des organisations non gouvernementales suivantes : Mouvement international ATD Quart Monde et Ligue internationale des droits de l'homme.

En fin de séance, le représentant de la République arabe syrienne a exercé son droit de réponse.

Le Conseil achèvera son débat général sur le suivi et l'application coordonnés du Programme de Vienne au cours de la séance de demain matin qui se tiendra à partir de 10 heures.

Coordination des politiques et activités des institutions spécialisées et autres organismes des Nations Unies : Suivi et application coordonnés de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne

Débat général

M. SHEN GUOFANG (Chine) a estimé indispensable de bien comprendre la Déclaration de Vienne pour pouvoir en analyser sa mise en oeuvre à mi- parcours. Tout en reconnaissant le caractère universel des droits de l'homme, elle exige ainsi par exemple qu'une importance suffisante soit accordée aux spécificités nationales, qu'elles soient historiques, religieuses ou culturelles. De l'avis de la Chine,le droit au développement est un droit inaliénable qui fait partie des libertés fondamentales. La coopération internationale et le dialogue doivent être renforcés dans ce sens. Il ne faut pas ignorer toutefois que les priorités des pays diffèrent en matière de promotion et de protection des droits de l'homme, et c'est pourquoi ils doivent rechercher un terrain consensuel sans que l'un d'entre eux n'adopte une attitude arrogante sur la question.

Il faut accorder une importance suffisante à la recherche sur les droits économiques, sociaux et culturels, car pour les populations des pays en développement ces droits sont tout aussi importants que les droits politiques et civils. Or, cet aspect ne se voit pas accorder une attention suffisante au sein des Nations Unies, a regretté le représentant. La communauté internationale devrait notamment revoir l'ordre du jour de la Commission des droits de l'homme dans cette perspective. De manière générale, les activités des Nations Unies en matière des droits de l'homme doivent être renforcées. Il est très important de conjuguer l'expérience acquise et d'accroître la coordination des activités. Toutefois cet aspect ne doit pas se substituer ou diminuer d'autres domaines d'activités, a mis en garde le représentant.

Mme LIPUO MOTEETEE (Lesotho) a déclaré que sa délégation se félicite de l'initiative prise par l'ECOSOC en vue de prendre comme thème de discussion cette année le suivi et la mise en place coordonnés de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne. Depuis l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme, plusieurs instruments internationaux d'application ont été adoptés et depuis la Conférence mondiale de 1993, le nombre des Etats parties aux principaux instruments internationaux a augmenté. La Conférence de Vienne a réaffirmé que la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales était une des priorités des Nations Unies. Elle a souligné le besoin de la coordination et de la coopération entre les composantes des Nations Unies en vue de renforcer, rationaliser et concentrer les différentes activités. La plus importante réalisation de cette Conférence mondiale a été la création du poste de Haut Commissaire aux droits de l'homme, pour la promotion et la protection de tous les droits. Le Lesotho apprécie le travail remarquable fait par le Bureau du Haut Commissaire , et veut particulièrement exprimer ses félicitations à Mme Mary Robinson.

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Enfin, la délégation du Lesotho partage l'opinion que plus d'attention doit être portée aux droits qui sont actuellement les plus transgressés, et que les droits économiques, sociaux et culturels doivent être mieux déterminés. Il faut augmenter les ressources en faveur des actions pour promouvoir leur réalisation.

M. LE LUONG MINH (Viet Nam) a affirmé que le Conseil économique et social ne parviendrait à des conclusions équilibrées et des recommandations appropriées que si les points de vue et les préoccupations légitimes de tous les pays sont pris en considération. Pour le Viet Nam, la cause des droits de l'homme ne pourra pas avancer dans les pays en développement si les populations sont privées de leur droit le plus fondamental qu'est le droit au développement. La réalité montre que lorsqu'un accent excessif est placé sur certains droits au dépend des droits économiques et du droit au développement dans les pays pauvres, c'est l'anarchie et la violence qui règnent. C'est pourquoi, il faut réaffirmer l'universalité, l'indivisibilité et l'interdépendance de tous les droits de l'homme. La communauté internationale, y compris les Etats et les organisations, devrait éviter d'imposer des approches déséquilibrées et un traitement inégal des droits de l'homme.

Le droit au développement doit être au centre des activités de développement des Nations Unies et l'élimination de la pauvreté doit être considérée comme l'un des droits de l'homme les plus fondamentaux. Pour le Viet Nam, l'échec à réaliser et prendre en considération la spécificité des droits de l'homme, la nature complémentaire de la relation entre leur universalité et leur spécificité, les différents systèmes de valeurs des pays, l'indivisibilité des droits de l'individu et des droits des communautés, de la société au sens large, et les droits fondamentaux des pays, la compétence et la responsabilité première de chaque Etat dans leur mise en oeuvre, constituent des obstacles à la coordination des actions.

Le Viet Nam estime qu'il faut en outre accorder une attention particulière aux femmes et aux enfants et appuie donc toutes les mesures et les projets visant à promouvoir la mise en oeuvre de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, le Programme d'action de Beijing et la Convention relative aux droits de l'enfant. Il importe, en outre, d'éviter les chevauchements et les doubles- emplois. Les agences de l'ONU devraient coordonner leurs activités dans le respect de leurs mandats respectifs.

Le représentant a déploré le fait que les principes fondamentaux de l'objectivité et de la non-sélectivité dans le traitement des droits de l'homme ne soient pas respectés tant à l'ONU que dans d'autres instances internationales. La sélectivité et les critiques pratiquées à l'égard de certains pays demeurent une pratique courante, en particulier à la Commission des droits de l'homme. Pourtant, c'est lorsqu'il y a un dialogue et des

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échanges sincères que la cause des droits de l'homme avance. Enfin, le Viet Nam appuie les efforts visant à réformer le Bureau de la Haute Commissaire aux droits de l'homme. Le travail concernant les procédures spéciales doit être amélioré afin d'assurer la transparence et éviter d'imposer des charges administratives inutiles aux gouvernements qui ont à répondre à des communications répétées et sans fondement. Si l'on veut poursuivre la coopération avec les gouvernements, cette question doit être examinée sérieusement, a-t-il insisté.

M. ALFREDO SFEIR-YOUNIS, Banque mondiale, a déclaré qu'il y avait un consensus mondial sur la nécessité de respecter et d'appliquer les normes universelles en matière des droits de l'homme. Cela implique que les décideurs fassent des choix souvent difficiles, compte tenu du fait que les ressources sont limitées. Par conséquent, en matière de droit au développement, il faudra tenir compte de trois facteurs fondamentaux à l'avenir, à savoir le système de valeurs sur lequel reposent ces choix; le système institutionnel ou les mécanismes qui permettent à la société de faire ces choix; et la capacité de transformer les processus de production et de distribution des richesses afin que les droits de l'homme en deviennent une caractéristique permanente dans toutes les sociétés.

M. Sfeir-Younis considère que la nature et l'impact des choix que nous faisons sont déterminés par le système de valeurs sur lequel ils sont fondés. Dans ce contexte, il ne fait pas de doute que les "valeurs économiques et financières" jouent un rôle central dans le processus de prise de décision à tous les niveaux. La plupart des pays, et en particulier les moins développés d'entre eux, sont confrontés à des choix difficiles en matière d'allocation des ressources entre, par exemple, l'éducation et la santé ou les zones rurales et les zones urbaines. A cet effet, il est essentiel d'intégrer des considérations relatives aux droits de l'homme dans les stratégies nationales et sectorielles, et de ne pas se limiter aux considérations financières et économiques et également de tenir compte d'autres systèmes de valeurs fondés sur une dimension politique, sociale, éthique, morale et spirituelle.

M. Sfeir-Younis a déclaré que, à partir du moment où il y a un accord sur les valeurs qui déterminent ces choix, il est important de mettre en place les arrangements institutionnels nécessaires qui permettent de les mettre en oeuvre. Compte tenu du rôle sans cesse plus important du secteur privé et de la société civile, de nouvelles formes d'arrangements institutionnels sont en train d'être développées. C'est à ce stade que les mécanismes participatifs permettront le respect et l'application des droits de l'homme. Selon M. Sfeir-Younis, ces mécanismes participatifs sont le complément le plus efficace et durable au Gouvernement et des mécanismes de marché.

Il est également d'avis que, pour garantir la réalisation du droit au développement à long terme, il est essentiel de se préoccuper des aspects relatifs aux processus de production et de distribution existants.

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En plus des indicateurs permettant d'évaluer la situation en matière de droits de l'homme dans un pays donné, il est crucial pour le Gouvernement de ce pays de mieux appréhender les causes de la situation actuelle et les moyens d'y remédier si nécessaire. Cette suggestion suppose que les décideurs abordent les origines des distorsions en matière d'équité sociale, qui dépendent en fait des facteurs déterminants de production et de distribution. M. Sfeir Younis considère qu'il faut évaluer les systèmes de développement actuels, et notamment dans quelle mesure certains d'entre-eux sont biaisés et ont des coûts disproportionnés en termes d'éradication de la pauvreté et d'amélioration de la distribution des richesses dans la société.

M. MUNAWAR SAEED BHATTI (Pakistan) a estimé que la création du poste de Haut Commissaire pour les droits de l'homme a constitué un des progrès les plus notoires en matière de droits de l'homme. Le Haut Commissaire a apporté une contribution louable en institutionnalisant la coordination de l'ensemble du système des Nations Unies et en créant une prise de conscience quant à l'importance des droits de l'homme au sein des Nations Unies et dans le monde. Nous souhaitons que l'intégration du Centre des droits de l'homme au Bureau du Haut Commissaire pour les droits de l'homme renforcera la capacité de ce dernier à remplir son mandat. Le représentant a d'autre part appelé au renforcement des mécanismes de la Commission des droits de l'homme, des organes des traités et des groupes de travail qui ont souvent contribué à sauver des vies humaines. Il a souligné la nécessité de garantir leur indépendance et leur impartialité.

Aux yeux du représentant, le système des Nations Unies dans de nombreux cas, s'est montré inefficace pour prévenir des violations massives et graves des droits de l'homme et, notamment, en Bosnie-Herzégovine et au Rwanda. Les violations continues des droits de l'homme en Palestine, Kashmir et Kosovo menacent encore la paix et la sécurité dans les régions du Moyen Orient, des Balkans et de l'Asie du Sud. Ces drames témoignent de la nécessité de disposer d'un mécanisme d'alerte précoce au sein du système des Nations Unies qui lui permettrait de coordonner son action et de prendre des mesures efficaces à un stade précoce. Dans les situations après les conflits, les Nations Unies doivent s'assurer que ses opérations sur le terrain durent suffisamment longtemps pour faciliter la réconciliation et la réintégration.

Le représentant a estimé que les structures nationales peuvent jouer un rôle important dans la promotion et la protection des droits de l'homme et à cet égard, il a plaidé en faveur d'une plus grande coopération entre le système des Nations Unies et les Etats Membres. Soulignant que l'accroissement de la pauvreté dans les pays développés et les pays les moins avancés est un obstacle majeur à la pleine jouissance des droits de l'homme, le représentant a demandé que des efforts sérieux soient déployés par la communauté internationale pour la promotion du droit au développement et notamment par la biais d'une aide publique au développement accrue.

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M. WAWA BAMIALY, Ministère des affaires étrangères de la République démocratique du Congo, a déclaré que sa délégation use de son droit de réponse face à la déclaration faite la semaine dernière par le délégué de la Norvège, déclaration relative aux difficultés rencontrées par la Commission d'enquête des Nations Unies en République démocratique du Congo. Pour la délégation norvégienne à cette occasion, les droits de l'homme en République démocratique du Congo se résumaient principalement à la mission d'enquête de l'ONU sur les prétendus massacres de réfugiés rwandais sur le territoire congolais. Le Congo rappelle que le Conseil de sécurité s'est déjà prononcé sur cette question, et qu'il est de ce fait regrettable qu'on y revienne. Néanmoins, il faut relever les efforts et la volonté des nouvelles autorités du pays dans le domaine des droits de l'homme. Un bureau du Haut Commissaire aux droits de l'homme est déjà opérationnel en République démocratique du Congo. Et le dernier réaménagement technique au sein du gouvernement congolais a porté entre autres sur la création d'un ministère des droits humains.

Un séminaire sur "la place des droits de l'homme dans la stratégie de la reconstruction nationale" s'est tenu en mars 1998 sous l'égide de ce ministère. Parmi les principes dégagés par ce forum, on peut citer ceux de la revalorisation de la Fonction publique en assurant le renforcement de la neutralité des fonctionnaires; la restauration du principe du double degré de juridiction et la suppression des juridictions militaires d'exception au profit des juridictions militaires ordinaires; et la vulgarisation et la diffusion dans les quatre langues nationales de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Le Congo a d'autre part ratifié plusieurs instruments internationaux en matière de droits de l'homme parmi lesquels le Pacte international relatif aux droits économiques et sociaux.

M. MATHE DISEKO (Afrique du Sud) a déclaré que l'année 1998 est une année très particulière pour les droits de l'homme, avec non seulement l'examen à mi-parcours de la mise en oeuvre de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne mais aussi le Cinquantenaire de l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Il a estimé que les mécanismes des droits de l'homme aux Nations Unies ont besoin d'être adaptés à la situation actuelle. Il est par conséquent nécessaire d'avoir un mécanisme préventif, a-t-il expliqué. Le renforcement des comités nationaux des droits de l'homme permet de promouvoir la culture et le respect de ces droits, ainsi que d'assurer l'application coordonnée des dispositions adoptées à Vienne. C'est pourquoi l'Afrique du Sud appelle la communauté internationale à renforcer son aide aux pays qui sont encore en train d'instituer de telle instances.

M. Diseko a mis en garde contre la prolifération des responsables des questions des droits de l'homme au sein du système des Nations Unies. Le Haut Commissariat pour les droits de l'homme étant le bureau désigné pour garantir la promotion des droits de l'homme, il doit demeurer le centre

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vers lequel convergent les activités du système dans ce domaine. L'ECOSOC devrait réaffirmer l'appel lancé par la Conférence de Vienne et le Haut Commissariat pour les droits de l'homme pour augmenter les ressources allouées aux activités pour les droits de l'homme. De l'avis de l'Afrique du Sud,les droits sociaux, culturels et économiques ainsi que le droit au développement ne sont toujours pas suffisamment respectés. En fait, l'augmentation des inégalités entre le Nord et le Sud ainsi que l'extrême pauvreté sont des négations flagrantes du droit au développement, a conclu le représentant.

M. JENÖ C.A. STAEHELIN, Observateur de la Suisse, s'est réjoui de la ratification de plus en plus large des principaux traités de protection des droits de l'homme. Il a toutefois déclaré que le bilan que l'on peut dresser 5 ans après Vienne est mitigé. La mise en oeuvre des engagements contractés à Vienne laisse à désirer et de nombreuses réserves ont été formulées, dont certaines sont contraires à l'objet et au but des traités. En outre, des violations graves des droits de l'homme continuent à être perpétrées. L'observateur s'est également inquiété du manque croissant de ressources disponibles alors que les tâches se multiplient. De l'avis de la Suisse, seule l'intégration de la protection des droits de l'homme dans les activités des différentes composantes du système des Nations unies et le renforcement de la coopération et de la coordination peuvent garantir une action cohérente et efficace des Nations Unies. C'est pourquoi les points focaux proposés par le Secrétaire général devraient être mis en place non seulement au niveau des sièges, mais aussi du terrain.

La Suisse considère que les droits des femmes doivent être pris en compte de manière spécifique car le respect de ces droits contribue à un meilleur développement économique et social des pays. Le renforcement de la coordination au sein du système des Nations Unies est nécessaire pour améliorer le respect du droit au développement, mais de manière générale des efforts accrus de coordination au sein de l'ONU sont indispensables. Il apparaît naturel que le Haut Commissariat pour les droits de l'homme exerce un rôle central dans cette tâche, a fait remarquer l'observateur, ajoutant qu'il est particulièrement important de mieux coordonner les activités des rapporteurs spéciaux avec d'autres mécanismes. Renforcer les mécanismes de promotion des droits de l'homme suppose des ressources financières supplémentaires, or, la part du budget ordinaire des Nations Unies qui leur est consacrée subit ces dernières années une tendance inquiétante à la régression. Le recours toujours plus accru à des contributions volontaires des Etats membres n'est pas une solution satisfaisante, car il comporte un risque de sélectivité, a regretté M. Staehelin. De l'avis de la Suisse, les organisations non gouvernementales jouent un rôle particulièrement utile. Aussi à l'avenir devraient-elles être impliquées encore plus directement dans les activités des Nations Unies et être mieux associées par les gouvernements à la mise en oeuvre sur le plan national des instruments relatifs aux droits de l'homme.

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M. ROMAN WIERUSZEWSKI (Pologne) a accueilli favorablement les propositions de réforme par le Secrétaire général présenté en juillet dernier et, notamment, celles visant à intégrer les droits de l'homme aux activités de fonds des Nations Unies. Pour cela, le Haut Commissaire pour les droits de l'homme et son Bureau doivent être correctement équipés pour être en mesure de devenir un partenaire à part entière des autres branches du Secrétariat. Il faut également que le Haut Commissaire bénéficie des ressources adéquates, de capacités humaines et logistiques suffisantes et d'un soutien politique vigoureux pour pouvoir remplir son mandat. La création d'un poste de Haut Commissaire pour les droits de l'homme est une des réalisations les plus importantes et visibles de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne. Pour respecter l'esprit et la lettre de ces derniers, il faut que les ressources allouées aux activités relatives aux droits de l'homme soient calculées en fonction du degré de priorité de ces activités au sein du système des Nations Unies et de l'augmentation du volume de travail des programmes relatifs aux droits de l'homme.

Aux yeux du représentant, il faut faire en sorte que le mécanisme des droits de l'homme des Nations Unies soit adapté aux développements dans ce domaine. La réalité quotidienne montre que la communauté internationale n'est pas capable de tirer pleinement parti du potentiel de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne. Le défi le plus important que nous avons dû relever au cours des dernières années est la violation des droits de l'homme dans le cadre des conflits armés. Mais ce n'est qu'après les événements traumatisants de l'ex-Yougoslavie et du Rwanda que cette approche a changé et que les droits de l'homme ont été perçus comme un élément clé de toute solution au conflit ainsi que comme un élément de stabilité après les conflits. La nature des conflits étant devenue de plus en plus complexe, il faut que les Nations Unies soient en mesure de mettre en place des activités relatives aux droits de l'homme sur le terrain qui doivent être parties intégrantes d'une opération de maintien ou d'édification de la paix. A cet effet, nous devons fournir au Bureau du Haut Commissaire pour les droits de l'homme des ressources financières et opérationnelles. Les opérations relatives aux droits de l'homme sur le terrain doivent être menées en étroite coopération avec les autres institutions du système des Nations Unies, les organisations régionales et sous-régionales. Il faut également garantir la participation des ONG aux différentes étapes des opérations. La création ou le renforcement des institutions nationales de protection des droits de l'homme devrait constituer une des priorités de la phase de reconstruction après les conflits. Pour ce faire, il est indispensable de mettre en oeuvre des stratégies à long terme.

M. SOMAR WIJAYADASA (ONUSIDA) a déclaré que son intervention porte essentiellement sur les activités de ONUSIDA en termes de coopération et de coordination avec les mécanismes des Nations Unies en matière de droits de l'homme; l'égalité en termes de droits de l'homme et de statut des femmes;

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et les groupes nécessitant une protection spéciale. Dans le contexte du VIH/sida, la protection des droits de l'homme s'inscrit tout particulièrement dans le cadre du respect de la dignité humaine et des conditions de vie. Il a souligné que les personnes atteintes du VIH/SIDA aspirent à vivre normalement, en dépit de l'infection, de la maladie et de la mort, or elles ont souvent à faire face à la discrimination et à des violations des droits de l'homme. Qui plus est, les personnes et groupes qui font dores et déjà l'objet de discrimination et dont les droits de l'homme ne sont pas protégés sont les plus vulnérables et enclins à contracter l'infection et les moins préparés à y faire face. Par conséquent, la promotion des droits de l'homme constitue une des composantes essentielles des programmes d'ONUSIDA en tant que moyen pour protéger la dignité humaine, réduire les risques d'infection et l'impact financier, social et personnel liés au VIH/sida. Pour atteindre cet objectif, ONUSIDA collabore étroitement avec ses co-parrains en fonction de leurs mandats et de leur expertise, en particulier avec l'UNICEF, le PNUD, le FNUAP, l'OMS, l'UNESCO et le Bureau du Haut Commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies. M. Wijayadasa a souligné que ONUSIDA est en train de créer un Groupe de référence inter-institutions sur le VIH/sida, les droits de l'homme, l'éthique et le droit. De plus, il a informé le Conseil que, en collaboration avec le Haut Commissariat aux droits de l'homme, ONUSIDA est entrain d'élaborer un projet portant sur des services de conseil et d'assistance technique dans le domaine des droits de l'homme.

M. Wijayadasa a déclaré que, en fonction de la nature de l'épidémie et des conditions légales, sociales et économiques dans chaque pays, certain groupes de la population sont affectés de manière disproportionnée par le VIH/sida, en particulier les femmes, les enfants, les personnes démunies, les minorités, les populations autochtones, les réfugiés et personnes déplacées, les personnes handicapées, les prisonniers, les personnes opérant dans l'industrie du sexe, les homosexuels et les toxicomanes; or ces groupes souffrent déjà d'un manque de protection des droits de l, de discrimination à leur égard et de marginalisation sur le plan légal. M. Wijayadasa a particulièrement insisté sur la situation des enfants de moins de 15 ans atteints de VIH/sida, dont le nombre est estimé à 1 million en 1997, et sur le fait que l'épidémie touche surtout les jeunes entre 15 et 24 ans. Il a déclaré que, indépendamment de leur santé, et du fait qu'ils sont ou non atteints par la maladie, les enfants doivent pouvoir accéder aux soins, aux conseils, à l'éducation et être protégés contre toute forme de discrimination. Dans ce contexte, il a rappelé que ONUSIDA avait retenu le thème "Les enfants dans un monde avec le Sida" pour sa campagne mondiale de 1997 et "les jeunes de 15 à 24 ans et le VIH/sida" en 1998.

M. FABIO OCAZIONEZ (Colombie) a estimé qu'il faut veiller à ce que les recommandations de l'ECOSOC aboutissent à une prise en compte cohérente et équilibrée des droits de l'homme dans le système des Nations Unies ainsi qu'à l'établissement d'un lien réel entre les droits de l'homme et les processus de

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démocratisation et de développement économique dans les pays, dans le contexte général du droit au développement. L'Etat de pauvreté dans lequel se trouvent de nombreuses personnes dans le monde nous rappelle que le droit au développement est appliqué avec trop de lenteur, a déploré le représentant. L'ECOSOC doit prendre pleinement en considération les besoins des personnes particulièrement vulnérables, notamment les personnes déplacées dans leur propre pays. Il devrait faire en sorte que ces activités reçoivent les fonds nécessaires à leur mise en oeuvre. Le Haut Commissariat pour les droits de l'homme doit tout particulièrement bénéficier de ressources suffisantes.

La communauté internationale constitue le principal allié de la Colombie dans sa lutte contre le conflit armé qui sévit sur son territoire depuis 40 années. La présence des Nations Unies et notamment d'un Bureau du Haut Commissariat pour les droits de l'homme, à la demande du Gouvernement colombien, a eu un effet particulièrement positif, a fait observer M. Ocazionez. La Colombie est particulièrement préoccupée par l'ampleur croissante du problème des personnes déplacées dans leur propre pays. A cet égard, elle se félicite de la rédaction du Manuel sur les principes directeurs des Nations Unies concernant les déplacements internes. La communauté internationale doit veiller à ce que les réponses apportées par l'ONU soient adaptées aux circonstances, et qu'elles contribuent à réparer les dommages causés. La Colombie estime qu'il est très important d'intégrer à la pratique des Nations Unies les orientations proposées dans la Déclaration et le Programme d'action de Vienne en vue de la coordination des politiques et activités en matière de droits de l'homme.

M. ESMAEIL AFSHARI (République islamique d'Iran) a préconisé la rationalisation des activités relatives aux droits de l'homme par tous les organismes du système des Nations Unies. Un meilleur usage des ressources et une interaction plus compréhensible entre les organes des Nations Unies et les gouvernements avec lesquels ils travaillent. Il n'est pas besoin de dire que la Déclaration et le Plan d'action de Vienne devraient être appliqués de manière globale, et que certains aspects ne devraient pas recevoir plus d'importance que d'autres. Les droits économiques, sociaux et culturels devraient recevoir autant d'attention que les droits civils et politiques.

les efforts généraux de coordination au sein du système des Nations Unies doivent se concentrer sur les moyens d'éviter les doubles emplois. En 1993, la communauté internationale a reconnu la nécessité d'augmenter le niveau de la coopération internationale dans le domaine des droits de l'homme, coopération basée sur la transparence et le dialogue; sur l'universalité, l'indivisibilité et l'interdépendance de tous les droits, ceci dans le respect des particularités nationales et internationales, et des valeurs historiques, culturelles et religieuses; tout en tenant compte de l'interdépendance de la démocratie, du développement et du respect des droits de la personne humaine.

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Mme SKELTON, représentant de l'Organisation non gouvernementale ATD Quart Monde, a déclaré que la pauvreté extrême constitue une violation des droits de l'homme et que son élimination est clairement stipulée aussi bien dans la Déclaration que dans le Programme d'action de Vienne. Elle a préconisé l'adoption de mesures permettant de mieux connaître ce phénomène et ses causes afin de promouvoir les droits de l'homme des personnes les plus désavantagées et de mettre fin à la pauvreté extrême et à l'exclusion sociale. Mme Skelton a exhorté les Etats à encourager la participation des personnes les plus désavantagées dans les processus de prises de décisions relatives à la promotion des droits de l'homme et à la lutte contre la pauvreté extrême. Depuis 1993, l'ONU a pris des mesures importantes pour mettre en oeuvre ces engagements. Développer une stratégie d'élimination de la pauvreté fondée sur les droits de l'homme signifie assurer que les pauvres ne bénéficient pas seulement d'une assistance, mais jouissent aussi pleinement de tous leurs droits. Il importe aussi de rechercher continuellement à atteindre les plus pauvres parmi les pauvres. Mme Skelton a souhaité que ces deux sujets constituent des priorités dans le cadre du suivi et de la mise en oeuvre coordonnés de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne.

Mme CATHERINE FITZPATRICK, Ligue internationale des droits de l'homme, a fait remarquer que l'examen quinquennal du Programme de Vienne intervient à un moment riche en changements, défis et nouvelles opportunités. La Conférence de Vienne a notamment permis d'ouvrir une nouvelle ère dont l'attention est centrée sur les activités sur le terrain en faveur des droits de l'homme, allant de l'éducation, à la formation et au suivi. Pour remplir parfaitement son mandat, le Haut Commissaire pour les droits de l'homme doit améliorer la coordination des activités. Le mandat du Haut Commissaire est, entre autres, de superviser les différents programmes des droits de l'homme et de coordonner ces droits au sein des activités du système des Nations Unies. Elle doit jouer un rôle actif dans l'élimination des obstacles qui se posent à l'application des droits de la personne humaine à travers le monde et, elle doit établir et entretenir un dialogue avec tous les gouvernements en vue d'assurer le respect de ces droits. Pour y arriver, beaucoup de coordination s'impose au niveau des activités en lesquelles les victimes d'abus placent beaucoup d'espoirs. Depuis la Conférence de Vienne, une nouvelle réalité politique a ouvert la porte aux droits de la personne humaine, leur permettant de faire totalement partie, et d'être au coeur de la mission de l'ONU. Le programme de réformes du Secrétaire général a reconnu le besoin d'inclure ces droits dans toutes les aires de réflexion et d'intervention de l'Organisation, et dans les travaux des comités exécutifs.

Il est cependant crucial, pour être efficace, d'éviter la voie facile qui consisterait à coller l'étiquette "droits de l'homme" à n'importe quel problème, ce qui, finalement, banaliserait tellement cette notion qu'elle serait partout et finalement nulle part. Les droits de l'homme sont le mieux servis par une approche préventive, qui peut arrêter et empêcher les violations, et prévenir leur escalade sous forme de conflit.

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La coordination qui doit donc être préconisée par l'ECOSOC, doit aller dans le sens de la prévention des violations. Les Nations Unies doivent faire face aux diverses violations qui sont identifiées par leurs propres mécanismes. Alors pourquoi ce silence sur l'Algérie, le Bélarus, la Chine, le Mexique, l'Irlande du Nord, la Syrie et la Turquie où tant de gens souffrent ? Nous pensons qu'une plus grande présence du Haut Commissaire aux droits de l'homme et des programmes visant ces droits s'impose au siège des Nations Unies à New York, de même que dans le cadre des opérations de terrain qui doivent être renforcées.

Droit de réponse

M. AHMAD AL-HARIRI (République arabe syrienne) a regretté que la Ligue internationale des droits de l'homme, ait évoqué la Syrie dans ce débat. Nous examinons dans ce forum ce qui a été mis en oeuvre et de qui ne l'a pas été dans le cadre de la Déclaration et du Plan d'action de Vienne, a dit le représentant. La ligue des droits de l'homme a politisé le débat, et a enfreint les règles qui régissent la participation des ONG aux travaux du Conseil économiques et social. Nous parlions aujourd'hui de coordination à l'intérieur du système de l'ONU et non pas de politique internationale. Et le fait que cette ONG, qui a des visées politiques, se soit permis de détourner le sens de ce débat peut nous amener à réexaminer son statut au sein de l'ECOSOC.

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