En cours au Siège de l'ONU

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CONFERENCE SUR LA CREATION D'UNE COUR CRIMINELLE INTERNATIONALE : LA PARTICIPATION DES ENFANTS AUX CONFLITS ARMES DEVRA ETRE CONSIDEREE COMME UN CRIME DE GUERRE

18 juin 1998


Communiqué de Presse
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CONFERENCE SUR LA CREATION D'UNE COUR CRIMINELLE INTERNATIONALE : LA PARTICIPATION DES ENFANTS AUX CONFLITS ARMES DEVRA ETRE CONSIDEREE COMME UN CRIME DE GUERRE

19980618 L'UNICEF invite la Conférence à se pencher sur le sort de ces enfants et des autres enfants victimes d'autres abus

Rome, 18 juin -- La Conférence diplomatique de plénipotentiaires des Nations Unies sur la création d'une cour criminelle internationale, réunie sous la présidence de M. Giovanni Conso (Italie), s'est rendue à l'évidence, ce matin, au cours de la reprise de son débat général qu'un consensus se dégagerait sur le noyau dur des crimes, à savoir les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et le crime de génocide. Toutefois, il subsiste des divergences sur l'inclusion du crime d'agression dans le projet de statut, qui, d'après les délégations, n'a jamais été défini par aucun organe de la communauté internationale. Des délégations se sont prononcées en faveur de l'élargissement de la liste des crimes pour y inclure le trafic illicite des stupéfiants et le terrorisme. D'autres encore ont souhaité que l'utilisation et le recours à l'arme nucléaire, la pose de mines anti-personnel, les violences à l'encontre des femmes et des enfants, ainsi que les attaques perpétrées contre le personnel humanitaire soient considérés comme crimes de guerre. La question relative aux relations entre la future cour et le Conseil de sécurité a fait à nouveau, l'objet de prise de position de la part d'un certain nombre de délégations, en particulier celle du Nigéria, qui s'oppose à toute proposition visant à conférer un pouvoir exclusif au Conseil de sécurité pour déterminer les cas d'agression et pour les soumettre à la cour. La future cour ne devra subir aucune influence politique, ajoute le Nigéria qui a cité la position des non-alignés à cet égard.

Les personnalités suivantes ont pris part au débat : le Ministre de la justice du Soudan, M. Ali Mohamed Osman Yassin; le Garde des Sceaux et Ministre de la justice de Madagascar, M. Anaclet Imbiki; le Secrétaire d'Etat de la Suisse, M. Jakob Kellenberger; le Ministre de la justice et du développement constitutionnel du Swaziland, M. Maweni Simclance; le Directeur des poursuites publiques du Malawi, M. Kamudoni Nyasulu; le Président de la Cour suprême d'Oman, M. Sayyid Said Hilal Al-Busaidy; le Ministre de la justice du Nigéria, M. Alhaji Abdullahi Ibrahim; et le Directeur du Cabinet du Ministre des affaires étrangères de la République démocratique du Congo, M. Ruberwa Manywa.

La Conférence a entendu les représentants des pays suivants : Turquie, Thaïlande, Mexique, Bangladesh, Malaisie, Samoa, Qatar, Cap-Vert, Niger et Viet Nam; ainsi que les représentants des organisations intergouvernementales suivantes : Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF); Ordre militaire européen de Malte; et Communauté des Caraïbes (CARICOM). Deux organisations non gouvernementales, à savoir Human Rights Watch et la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté ont pris la parole.

La Conférence reprendra son débat général, cet après-midi, à partir de 15 heures.

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Débat général

M. ALI MOHAMED OSMAN YASSIN (Ministre de la justice du Soudan) : Il faut se féliciter que la Conférence ait reconnu le rôle primordial des systèmes judiciaires nationaux dans le jugement des personnes présumées coupables de crimes relevant de la compétence de la future cour criminelle internationale. La cour ne sera donc pas une instance parallèle aux juridictions nationales, ni une instance de contrôle ou une instance de remplacement desdites juridictions. L'efficacité et le pouvoir de la cour étant inséparables, il est essentiel que les Etats Membres s'abstiennent de s'immiscer dans ses activités et consolident plutôt la coopération judiciaire. Il est de même important de protéger la cour des ingérences des organes politiques internationales. En créant la cour, les Etats Membres devraient avoir pour objectif de consolider les principes juridiques du droit coutumier plutôt que de les violer; le premier de ces principes étant la souveraineté nationale des Etats. La consolidation de la coopération internationale et l'interaction des différentes cultures et civilisations qu'exige la création de la cour, ne peuvent être réalisées que dans une atmosphère saine respectant pleinement les caractéristiques culturelles de chaque nation.

M. MEHMET GUNEY (Turquie) : La prolifération de tribunaux ad hoc risquant de donner lieu à des incohérences dans l'élaboration et l'application du droit pénal international, la Turquie appuie la création d'une cour criminelle internationale crédible, universelle, impartiale et indépendante. La future cour ne devant intervenir qu'en complément des juridictions nationales, il faut supprimer certains critères, tels le terme "inefficace", qui risquent de donner lieu à des interprétations et applications différentes. Le projet de statut devrait également préciser le droit du fond en spécifiant le type d'acte constituant un crime, la nature et les limites de la peine imposée pour ce crime. Il faut examiner d'une manière plus approfondie l'obligation des Etats parties de communiquer les éléments de preuve et d'extrader les criminels ainsi que la question du principe non bis in idem.

Dans le projet de statut, les crimes font l'objet d'une liste sans que soit précisé l'instrument international dans lequel ils sont définis. Cela constitue un recul par rapport au projet de la Commission du droit international. En outre les crimes d'agression et les crimes contre l'humanité ne sont pas définis avec la précision requise en droit pénal. Pour la Turquie, l'agression, qui n'est définie dans aucun instrument conventionnel, concerne au premier chef des Etats et non des individus. Il paraît donc difficile d'expliquer comment pourrait s'effectuer le passage d'un acte imputable à un Etat à un acte imputable à un individu. La gravité exceptionnelle et le caractère international du crime de terrorisme et des crimes liés au trafic de stupéfiants et de substances psychotropes justifient pleinement leur maintien dans la liste des crimes relevant de la compétence de la cour.

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Plaidant pour une certaine souplesse en ce qui concerne l'acceptation de la compétence de la cour par les Etats, la Turquie appuie l'approche "opt- in/opt-out". Elle estime en outre que le mécanisme de déclenchement devrait être réservé aux Etats parties et au Conseil de sécurité. Appuyant également une approche souple en ce qui concerne les réserves, la Turquie estime, d'autre part, qu'en matière de ratification, il faudrait trouver une solution qui fixe le nombre au moins à un tiers des Etats Membres de l'ONU. Un nombre moindre risquerait de priver la cour de l'autorité nécessaire pour agir au nom de la communauté internationale.

M. SAMBOON SANGIAMBUT (Thaïlande): La future cour criminelle internationale ne devrait pas se substituer aux juridictions nationales. Elle devrait les compléter lorsque ces juridictions sont inexistantes ou défaillantes. La Thaïlande est convaincue que les Etats doivent coopérer étroitement pour traduire en justice les responsables de trafic illicite des stupéfiants. La Thaïlande coopère, depuis de nombreuses années, dans ce domaine par le biais de l'extradition et d'autres formes de coopération internationale. Ces crimes sont transfrontières. La coopération bilatérale, par le biais d'accords bilatéraux ou du mécanisme d'Interpol ne suffisent pas à combattre ces crimes. La future cour pourrait constituer un mécanisme judiciaire crédible pour réprimer les crimes liés au trafic illicite des stupéfiants. En vue d'éradiquer ce fléau, la Thaïlande réitère sa proposition de soumettre le trafic illicite des stupéfiants et des substances psychotropes à la compétence de la cour. Pour ce qui est de son financement, la Thaïlande opte pour le budget ordinaire des Nations Unies dans la première phase des travaux de la cour.

M. SERGIO GONZALEZ GALVEZ (Mexique) : La présente Conférence diplomatique sur la création d'une cour criminelle internationale devrait déployer tous les efforts nécessaires pour réaliser l'objectif qu'elle s'est fixée. Une cour criminelle internationale permanente est indispensable. Le Mexique continuera à oeuvrer de manière efficace pour apporter une contribution importante à la finalisation du projet de statut. Ce texte doit préciser davantage les dispositions relatives au principe de complémentarité. Le Mexique présentera une proposition sur ces dispositions. La future cour visera à suppléer les juridictions nationales lorsqu'elles sont inexistantes ou inefficaces, mais ne se substituera pas à elle. Outre le noyau dur des crimes les plus graves, le Mexique souhaite que la future cour soit compétente pour connaître du crime d'agression. Ce crime doit être clairement défini. Evoquant le financement, le Mexique estime que la future cour devrait être financée par le budget ordinaire des Nations Unies.

M. MUHAMMAD ZAMIR (Bangladesh) : Il est temps de surmonter les divergences et d'agir ensemble pour mettre fin aux crimes qui hantent et qui continuent de hanter ce siècle. Ce faisant, il faut reconnaître que la future cour criminelle représentera un élément important du système du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Pour cela, il faut que la cour soit un organe indépendant et à l'abri de toute influence. Elle ne doit pas seulement jouir d'une compétence inhérente mais d'un appui de toute la

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communauté internationale. Pour ce qui est de la liste des crimes relevant de la compétence de la cour, le Bangladesh estime qu'il faut que les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité concernent les conflits internationaux comme les conflits internes tant il est vrai que cette distinction perd de plus en plus de sa pertinence compte tenu de la structure de la paix et de la sécurité mondiales. Dans ce contexte, il faut envisager l'inclusion des attaques perpétrées contre le personnel humanitaire et de maintien de la paix et la violence à l'encontre des femmes. Le Bangladesh estime qu'il faut envisager l'inclusion, au titre des crimes de guerre, de l'utilisation et de la menace des armes nucléaires. Il est important que ces crimes soient définis clairement et avec précision au nom de l'intégrité de la future cour.

M. ANACLET IMBIKI (Garde des sceaux et Ministre de la justice de Madagascar) : Il est évident que la cour criminelle internationale doit être indépendante, impartiale, efficace, respectueuse des droits de la défense selon les normes internationalement admises et des souverainetés internationales. Elle doit être compétente pour statuer sur les intérêts des victimes et protéger la sécurité des témoins. Dans un esprit d'équité et pour sa crédibilité durable, sa composition doit refléter une répartition géographique bien équilibrée. La cour devra avoir compétence pour connaître des crimes de génocide, d'agression, de guerre et des crimes contre l'humanité. Compte tenu de la gravité exceptionnelle de certains faits de nature à entraîner inexorablement la destruction massive des populations, la liste des crimes devant relever de la compétence de la cour peut être utilement complétée par les crimes suivants : le trafic de stupéfiants et de substances psychotropes, le dépôt des déchets toxiques ou nucléaires sur le territoire d'un Etat et la vente d'armes ou de munitions à des gouvernements non reconnus par la communauté internationale ou à des chefs de guerre.

Nous admettons que la CCI ne doit être saisie qu'à titre de complémentarité, c'est-à-dire dans deux types de situation : quand les institutions judiciaires d'un pays sont dans l'incapacité d'agir, par exemple, si elles se sont effondrées sous l'effet d'un conflit civil ou international. Et quand ces institutions n'ont pas la volonté d'agir, par exemple, si un Etat répugne à juger ses propres nationaux ou si ses représentants sont impliqués dans le crime qui fait l'objet de l'accusation. Tant qu'un Etat a la capacité et la volonté de mener une enquête et d'ouvrir des poursuites par ses propres moyens, la CCI n'aurait pas à intervenir. L'histoire contemporaine nous enseigne que la lenteur, la léthargie ou le refus du Conseil de sécurité de constater une agression, ont été à l'origine de massacres. C'est donc par souci d'efficacité que nous optons pour un procureur indépendant pour déclencher les poursuites, mais sans préjudice toutefois pour le Conseil de sécurité ou l'Etat partie de dénoncer la commission de crimes au procureur. Mais cependant, pour éviter que ce procureur seul, si indépendant et compétent qu'il soit, soit à l'origine de troubles internationaux ou nationaux par une décision inopportune, certaines précautions doivent être prises, par exemple,

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subordonner le déclenchement de la poursuite par le procureur à l'autorisation des juges de la chambre. Par contre, l'intervention du Conseil de sécurité est éminemment requise pour contraindre les Etats parties à exécuter la sentence de la CCI.

M. JAKOB KELLENBERGER (Secrétaire d'Etat de la Suisse) : Aujourd'hui, la Conférence diplomatique a pour objectif de consolider et de gérer les expériences acquises des Tribunaux de Tokyo et de Nuremberg et des Tribunaux spéciaux pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, afin de créer une juridiction criminelle internationale permanente aussi efficace et universelle que possible. A quoi servent des règles de droit, si leur respect ne peut être assuré par des mesures de contrainte ? L'heure est venue pour franchir ce pas décisif. Un grand nombre de gouvernements - dont la Suisse - sont prêts à le faire et la société civile ne cesse de réclamer la création d'une telle cour. La future cour doit disposer, à l'égard des Etats parties à son statut, d'une compétence obligatoire, c'est-à-dire une compétence qui ne serait pas affaiblie par des réserves ou par l'exigence d'autorisations par les Etats ou des organes des Nations Unies. Si cette compétence fait défaut, la cour risque d'être reléguée au rang de tribunal à la carte, d'institution- alibi, incapable d'agir de façon efficace. Il est essentiel de définir clairement les crimes dont la future cour devra connaître. La saisine de la cour devrait être opérée par les Etats, par le Conseil de sécurité et par le procureur de la future cour, qui est censé représenter la communauté internationale. La création d'une cour criminelle internationale ne devrait pas libérer les instances nationales de leur obligation de punir des comportements individuels contraires au droit des gens. La Suisse attache une importance vitale au principe de la complémentarité. Ce principe doit être précisé dans le projet de statut pour éviter d'encourager l'impunité.

M. MAWENI SIMCLANCE (Ministre de la justice et du développement constitutionnel du Swaziland) : Après les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo, au lendemain de la deuxième guerre mondiale, les deux tribunaux spéciaux mis en place pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda montrent que la répression internationale des violations graves du droit humanitaire commise par des individus n'est plus une notion purement théorique. Considérant les difficultés inhérentes à la création ou aux activités de ces tribunaux, il est important de noter que la communauté internationale est confrontée à des défis considérables au moment où nous nous engageons dans cette nouvelle phase de la jurisprudence internationale et de l'histoire de l'humanité. Conformément au principe de la souveraineté des Etats, le principe de la complémentarité est crucial dans la création de la future cour criminelle internationale. La compétence de la cour devrait porter sur le noyau dur des crimes, à savoir le crime de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité lorsque les juridictions nationales sont inexistantes ou défaillantes. Il est essentiel que la cour exerce sa compétence en toute impartialité et en toute indépendance. A cet égard, les relations entre le Conseil de sécurité et la future cour sont cruciales. Le Swaziland émet l'espoir que la Conférence

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diplomatique parviendra à un consensus sur la question du rôle du Conseil de sécurité, conformément à son mandat en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Le procureur devrait être habilité à saisir lui-même (ou elle- même) la cour.

M. RAMANATHAN VANGADESAN (Malaisie) : Le principe de complémentarité entre la cour criminelle et les juridictions nationales doit être le principe fondamental du statut de la cour et ce, au nom de la souveraineté des nations. Il est également important que la cour soit un organe indépendant et efficace capable de rendre justice conformément aux principes du droit international. Cela ne sera pas facile, compte tenu de la diversité des systèmes judiciaires. La Malaisie accepte l'inclusion du crime de génocide et des crimes contre l'humanité, sous réserves des observations qu'elle a faites lors du comité préparatoire mais exprime sa ferme opposition à l'inclusion des crimes de terrorisme, des crimes contre le personnel des Nations Unies et des crimes liés au trafic de stupéfiants car ils doivent relever de la compétence exclusive des juridictions nationales.

En ce qui concerne le mécanisme de saisine, la Malaisie appuie l'approche "opt-in" car cette approche est réaliste et pragmatique et nous estimons que cette approche au cas par cas ne fera qu'instaurer la souplesse nécessaire aux Etats parties et à la cour. La Malaisie s'oppose à l'exigence du consentement de l'Etat de nationalité de la victime ou de l'Etat de nationalité de l'accusé. Elle s'oppose en outre à ce que le procureur jouisse du droit de lancer des enquêtes de sa propre initiative; cette position étant conforme au principe de complémentarité. Donner un tel pouvoir au procureur pourrait faire douter de son intégrité et laisser croire qu'il ne poursuit qu'un but personnel. Une telle situation ne pourrait que compromettre la nécessaire coopération des Etats.

M. KAMUDONI NYASULU (Directeur des poursuites publiques du Malawi) : Il est important que la future cour criminelle internationale soit un organe indépendant qui inspire le respect de toutes les nations et des personnes jugées. Le Malawi attend une cour à l'abri de toute influence extérieure, une cour impartiale qui ne rend pas seulement justice mais qui rend une justice véritablement internationale. Il faut une cour juste et libre qui ne montre aucune défaillance en termes d'efficacité. Elle doit donc avoir le pouvoir de remplir son mandat et d'obtenir des résultats au nom de la communauté internationale, des résultats propres à mettre fin à l'impunité. La cour doit viser à compléter les juridictions nationales et non à les concurrencer.

M. TUILOMA NERONI SLADE (Samoa) : Le moment est propice pour créer une cour criminelle internationale permanente. Des mesures ad hoc ne suffisent plus. C'est pourquoi, mon gouvernement se dit convaincu qu'une cour criminelle internationale permanente contribuera, de manière constructive, au maintien de la paix et de la sécurité internationales. Les auteurs des crimes contre l'humanité et d'autres crimes graves doivent être traduits devant la cour et tenus responsables. En établissant des dispositions claires relatives à ses pouvoirs et à sa compétence, une telle cour aura un effet dissuasif

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mondial efficace. On ne peut tolérer que des crimes très graves soient commis en toute impunité et que leurs auteurs échappent à la justice et restent impunis. Il est vital d'établir un lien entre la protection efficace des droits de l'homme et le respect du droit. Pour les petits pays comme Samoa, l'ultime protection réside dans un système de droit international qui est pleinement respecté et observé par tous les Etats. A cet égard, les Etats doivent s'engager à coopérer étroitement avec la future cour. La compétence de la cour doit être inhérente et couvrir le crime de génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. Les négociations en cours devraient tenir compte de l'arrêt rendu récemment par la Cour internationale de Justice concernant la légalité de la menace ou du recours aux armes nucléaires. Le projet de statut devrait inclure les violences commises à l'encontre des femmes et des enfants dans le contexte des crimes relevant de la compétence de la cour. Il est essentiel de garantir l'indépendance du procureur. Le Conseil de sécurité ne devrait pas être autorisé à mettre fin ou à retarder une enquête ou une poursuite engagée par la cour.

M. JASSIM BIN NASSER AL-THANI (Qatar) : La création d'une cour criminelle internationale doit viser à renforcer la paix et la stabilité dans le monde. La cour doit être capable d'assurer la coexistence des peuples dans des communautés développées. Elle ne doit pas se substituer aux juridictions nationales mais doit être protégées contre l'hégémonie des organes politiques quels qu'ils soient. Le rôle du procureur ne doit pas être limité à la réception des plaintes en provenance du Conseil de sécurité et des Etats. Le procureur doit disposer du véritable pouvoir de lancer des enquêtes de sa propre initiative.

M. SAYYID SAID HILAL AL-BUSAIDY (Président de la Cour suprême d'Oman) : La future cour criminelle internationale devrait jouer un rôle efficace pour juger des crimes les plus graves du droit international humanitaire. Il importe à tous de mettre une telle cour pour mettre fin aux atrocités. De nombreuses organisations non gouvernementales ont joué un rôle crucial pour faire progresser les travaux sur la création de la cour. Outre les crimes du noyau dur, à savoir le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, Oman appuie l'inclusion du crime d'agression dans les dispositions relatives à la compétence de la cour. Il ne faut laisser aucune chance aux criminels.

M. HORACIO SOARES (Cap-Vert) : L'idée de la création d'un tribunal criminel international intègre un ensemble de mesures adoptées au cours de ces dernières décennies qui visent la création d'un futur meilleur pour les générations à venir. C'est pour cette raison que le Cap-Vert a appuyé, dès le début, la création d'un tribunal pénal international. Nous appuyons un tribunal international permanent indépendant basé sur le principe de la complémentarité et avec juridiction sur les crimes de guerre et génocide, les crimes contre l'humanité et le crime d'agression. Les conflits armés internes constituent aussi matière de juridiction du tribunal.

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M. CHEKOU ADAMOU (Niger) : De l'avis de ma délégation, pour que la cour puisse atteindre ses objectifs et pour que nos populations croient en sa crédibilité, il est nécessaire qu'un consensus soit trouvé entre les Etats sur certains points du statut dont : les crimes de la compétence de la cour, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et les crimes d'agression. La cour ne doit souffrir d'aucune ingérence; le Conseil de sécurité et les Etats ne doivent en aucun cas retarder ou interrompre les enquêtes et les poursuites devant la cour. La cour doit avoir compétence pour juger les crimes les plus graves, c'est-à-dire ceux du noyau dur prévus par le statut. La cour ne saurait supplanter les juridictions nationales. Elle ne doit se saisir des affaires relevant de compétence que lorsque les juridictions nationales ne sont pas en mesure de poursuivre et de traduire en justice les responsables et complices des crimes énumérés dans le statut.

M. NGUYEN BA SON (Viet Nam) : La future cour criminelle internationale doit être indépendante, juste, impartiale et efficace. En tant qu'organe judiciaire international, la cour ne devrait pas subir d'influence politique, financière ou autre. L'indépendance et l'impartialité garantiront son efficacité à condition que le projet de statut bénéficie d'une large adhésion des Etats. Le principe de la complémentarité devrait être clairement stipulé dans le projet de statut. La future cour ne devrait pas se substituer aux juridictions nationales mais exercer sa compétence lorsque celles-ci sont inexistantes ou défaillantes. La compétence de la cour devrait porter sur le noyau dur des crimes, à savoir le génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. L'inclusion du crime d'agression est vigoureusement appuyée par le gouvernement du Viet Nam. La coopération internationale et l'assistance judiciaire des Etats parties au statut ne devraient pas être sous-estimées. La future cour ne pourra fonctionner pleinement et de manière efficace que si elle bénéficie de la coopération effective des Etats. Une représentation appropriée des différents systèmes juridiques garantiront l'efficacité des procédures applicables au sein de la cour.

M. ALHAJI ABDULLAHI IBRAHIM (Ministre de la justice du Nigéria) : La création d'une cour criminelle internationale efficace complémentaire des juridictions nationales contribuera largement au maintien de la paix et de la sécurité internationales. Pour le Nigéria, la menace ou le recours aux armes nucléaires, l'utilisation des mines terrestres antipersonnel et les autres armes de destruction massive devraient être inclus dans la définition des crimes de guerre. De même, les crimes liés au terrorisme international sous toutes ses formes, le blanchiment de l'argent, le trafic illicite des stupéfiants et les crimes commis à l'encontre du personnel des Nations Unies et personnel associé, devraient relever de la compétence de la future cour.

Concernant le rôle du Conseil de sécurité dans ses relations avec la cour, il faudrait adopter un accord sur le modèle de celui qui régit l'Autorité internationale des fonds marins. Le Nigéria s'oppose à toute proposition visant à conférer un pouvoir exclusif au Conseil de sécurité pour déterminer les cas d'agression et pour les soumettre à la cour. La cour ne devrait subir aucune influence politique. De même, le Nigéria émet une ferme

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réserve sur les pouvoirs ex officio du procureur en vertu de l'article 12 du projet de statut. Ces pouvoirs conférés à un individu sans aucun contrôle pourraient encourager des manipulations politiques. Conformément aux engagements pris dans le cadre du Mouvement des pays non alignés, à Cartagena en mai dernier, et de l'OUA, à Ouagadougou en juin dernier, le Nigéria souligne la nécessité de préserver la souveraineté nationale dans le projet de statut.

M. RUBERWA MANYWA (Directeur du Cabinet du Ministre des affaires étrangères de la République démocratique du Congo) : Le pays fait partie de la région des Grands Lacs, et à ce titre, a été victime des conséquences du génocide perpétré au Rwanda. Il s'est vu envahi par des millions de réfugiés auxquels étaient mêlés des auteurs impunis de crimes les plus graves au regard du droit humanitaire international. Cette présence dévastatrice a causé d'énormes préjudices, qui à ce jour, sont restés sans réparation. Il est évident que s'il avait existé une cour criminelle internationale, elle aurait joué le rôle de dissuasion suffisant et empêché de tels crimes et leurs conséquences néfastes. Elle aurait surtout réprimé leurs auteurs et évité la propagation de leur idéologie génocidaire.

La République démocratique du Congo est favorable à la création d'une cour efficace, indépendante, universelle, impartiale et permanente. Elle est favorable en outre à une représentation géographique équitable quant à sa composition ainsi qu'au respect des principes généraux du droit pénal et à la complémentarité entre la cour et les juridictions nationales. Elle est favorable à la coopération entre la cour et les Etats. La cour doit pouvoir fonctionner sans être entravée par les actions de tout autre organe, notamment, le Conseil de sécurité. Le procureur doit être suffisamment indépendant à l'abri de toute influence pour éviter l'expérience des enquêtes fondées sur des préjugés violant les procédures du droit et susceptibles de mener à des conclusions hâtives, douteuses et erronées. La cour devra connaître des crimes de génocide, des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre sans préjudice d'autres crimes que la Conférence aura à définir. La République démocratique du Congo appuie en outre la candidature des Pays-Bas pour abriter le siège de la future cour.

M. STEPHEN LEWIS (Directeur exécutif adjoint du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF)) : Le recrutement des enfants de moins de 18 ans dans les forces ou les groupes armés, ou leur participation aux hostilités doivent être considérés comme crime de guerre et relever de la compétence de la cour criminelle internationale. Le statut de la cour doit reconnaître la vulnérabilité particulière des enfants de moins de 18 ans à la violence dont témoigne le nombre croissant d'enfants impliqués dans la prostitution ou d'autres formes d'exploitation sexuelle. Il est urgent d'assurer que là où les enfants sont victimes, la cour criminelle considérera ces actes comme crimes de guerre et prononcera des peines plus sévères contre les personnes responsables. La cour ne devrait pas avoir de compétence pour les personnes

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âgées de plus de 18 ans. La cour ne doit pas mettre l'accent sur la réhabilitation car cela incombe à la justice pour mineurs. Il est important de reconnaître que les crimes perpétrés par les enfants sont souvent le résultat d'un endoctrinement ou d'une manipulation des adultes.

Pour l'UNICEF, l'imposition de la peine de mort, de la prison à vie ou d'une longue période d'emprisonnement ne doit pas s'appliquer aux enfants de moins de 18 ans. Le statut doit plutôt promouvoir des mesures de réhabilitation et de services psychosociaux. L'UNICEF estime aussi que les écoles, les églises et les hôpitaux ne doivent pas être désignés comme cibles des attaques militaires, et que la pose de mines antipersonnel doit être considérée comme crime de guerre. Les attaques contre le personnel humanitaire doit également relever de la compétence de la cour.

M. J. LINATI-BOSCH (Ordre militaire européen de Malte) : Si l'action humanitaire constitue l'épine dorsale de l'Ordre militaire de Malte depuis neuf siècles, on comprend aisément que l'on ne peut pas rester indifférent à la création d'un organe chargé de maintenir l'ordre international pour prévenir, poursuivre et réprimer les violations graves du droit humanitaire international commises dans les conflits armés internationaux ou internes. La présente Conférence diplomatique devrait examiner de manière très approfondie les questions de la compétence de la cour sur les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et le crime de génocide ainsi que du financement et de ses relations avec les Nations Unies. La présente conférence doit examiner en outre les garanties pour l'efficacité et l'indépendance de la future cour.

M. RAMESH LAWRENCE MAHARAJ (Communauté des Etats des Caraïbes - CARICOM) : Le statut de la future cour criminelle internationale devrait établir un équilibre entre le désir d'instaurer une justice internationale et la protection du principe fondamental de la souveraineté nationale. Le CARICOM attache une importance vitale au principe de complémentarité et souhaite que la future cour ne soit compétente que lorsque les juridictions nationales sont inexistantes ou défaillantes. Tout en soulignant la nécessité de garantir l'efficacité et l'indépendance du procureur, il faudrait établir les garanties appropriées pour empêcher tout abus par le bureau du procureur. La Conférence diplomatique devrait examiner de manière approfondie l'inclusion du trafic illicite des stupéfiants dans les dispositions du projet de statut relatives à la compétence de la cour. A cet égard, la CARICOM souligne que les petits pays insulaires sont extrêmement vulnérables. La Communauté des Etats des Caraïbes souhaite que les négociations en cours tiennent compte de sa position visant à inclure la peine de mort dans le projet de statut. En outre, dans la composition des principaux organes de la cour, il faudrait prendre en considération des questions de la représentation équitable géographique et de l'égalité des sexes.

M. KENNETH ROTH (Directeur exécutif de Human Rights Watch): Si la future cour criminelle internationale doit exercer sa compétence pour empêcher la commission des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et du crime de génocide, elle doit être forte et indépendante. La décision la plus

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importante que la présente Conférence diplomatique doit adopter est la nécessité d'éviter tout consentement par l'Etat. L'autorisation des Etats pour empêcher la cour d'exercer sa compétence sur chaque cas paralyserait la cour et ferait du Conseil de sécurité le seul organe compétent à saisir la cour. Cela pourrait signifier l'exercice du droit de veto de chaque Etat Membre. Tandis que le Conseil de sécurité jouera un rôle actif pour exécuter les mesures répressives, l'exécution des décisions de la cour dépendra, en pratique, beaucoup plus de la coopération des Etats qui, à son tour, dépendra de la crédibilité et de la légitimité de la cour. Pour garantir que les responsables de toutes les atrocités graves soient traduits en justice, même lorsque certains Etats ne le souhaitent pas, la cour devrait disposer d'un procureur indépendant habilité à engager des enquêtes et des poursuites contre les crimes abominables en tout lieu et quels qu'en soient les auteurs. La cour devrait être compétente pour connaître de tous les crimes, y compris les crimes de guerre commis dans les conflits armés internes - qui constituent l'écrasante majorité des atrocités commises au cours de ce siècle -, ainsi que les violences à l'encontre des femmes et des enfants. Est-ce que les Etats- Unis accepteront les garanties très vigoureuses contenues dans le projet de statut contre les poursuites "frivoles" ou sans fondement de ressortissants américains, notamment le régime complémentaire ? Ou insisteront-ils sur une garantie à 100% qu'aucun ressortissant américain ne sera jugé par la cour ? Human Rights Watch espère que la poignée d'Etats récalcitrants n'influencera pas la majorité. Cette majorité doit rester fidèle à ses principes et créer une juridiction efficace. Il serait erroné d'accepter un statut faible en espérant de façon irréaliste qu'il pourrait être amélioré à l'avenir.

Mme BARBARA BEDONT (Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté) : La cour criminelle internationale peut être un instrument de promotion de la paix dans le monde; l'impunité étant un grand obstacle à la paix. La crédibilité de la cour dépendra de la justesse du statut. Ainsi l'inclusion de l'emploi de certaines armes dans la définition des crimes de guerre est importante. Or il faut noter que le projet de statut ne vise que des armes utilisées par les petits pays et fait l'impasse sur les armes détenues par les pays puissants qui possèdent des armes nucléaires, des mines antipersonnel ou des armes aveuglantes. Il est important de remédier à cette situation.

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RECTIFICATIF

Dans notre communiqué de presse L/205, du 16 juin nous vous prions de lire dans la liste des intervenants : le Ministre de la justice de la Namibie, M. E.N. Tjiriange et la Ministre de la justice de l'Espagne, Mme Margarita Mariscal de Gante.

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