En cours au Siège de l'ONU

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LA CONFERENCE DEVRA DECIDER DU POUVOIR DE DECLENCHER LE PROCESSUS D'ENQUETE ET DE POURSUITE DE LA FUTURE COUR

16 juin 1998


Communiqué de Presse
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LA CONFERENCE DEVRA DECIDER DU POUVOIR DE DECLENCHER LE PROCESSUS D'ENQUETE ET DE POURSUITE DE LA FUTURE COUR

19980616 Rome, 16 juin -- La Conférence diplomatique de plénipotentiaires des Nations Unies sur la création d'une cour criminelle internationale , réunie sous la présidence de M. Giovanni Conso (Italie), a poursuivi, cet après-midi, ses travaux. Elle devra déterminer le pouvoir de déclencher le processus d'enquête et de poursuite de la future cour. Les interventions, cet après- midi, ont porté sur la question de savoir si les Etats parties, le Conseil de sécurité et le procureur de la future cour sont habilités, séparément ou collectivement, à décider de l'action de la future cour. Faut-il subordonner le déclenchement des enquêtes ou des poursuites à la décision préalable des Etats ou du Conseil de sécurité. Les délégations ont argué de la nécessité de préserver l'indépendance de la cour et de la protéger de toute influence politique. Des délégations ont insisté sur l'opportunité d'octroyer au procureur le droit d'engager les poursuites de sa propre initiative. A cet égard, certains intervenants ont demandé la mise en place d'un mécanisme de contrôle pour prévenir une action "frivole" ou politiquement motivée du procureur.

Des délégations ont mis en garde contre l'acceptation de tout régime qui permettrait aux Etats de ratifier le statut de la cour tout en gardant leur droit de rejeter sa compétence. D'autres ont demandé que le statut n'accepte aucun régime de réserves au risque d'en affaiblir les dispositions. De l'avis de certains intervenants, il faudrait éviter d'exiger un nombre élevé de ratifications pour assurer la mise en place rapide de la future institution judiciaire.

La Conférence a entendu les personnalités suivantes : le Directeur de cabinet du Ministère des affaires étrangères d'Andorre, M. Juli Minoves- Triquell; le Vice-Ministre des affaires étrangères des Philippines, M. Laurol Baja; le Ministre des affaires étrangères de l'Albanie, M. Paskal Milo; le Ministre de la justice du Sénégal, M. Jacques Baudin; le Ministre de la justice de l'Allemagne, M. Edzard Schmidt-Jortzig; le Secrétaire d'Etat adjoint au ministère de la justice du Portugal, M. Jose Manuel de Matos Fernandes; le Ministre de la justice de l'Autriche, M. Nikolaus Michalek; le Ministre des affaires étrangères de l'Inde, M. Dilip Lahiri; le Ministre de la justice de la Namibie, M. E. N. Tjiriange; le Vice-Ministre des affaires étrangères de l'Afghanistan, M. A. Abdullah; et le Sous-Secrétaire à la justice du Chili, M. José Antonio Gomez.

Les représentants des pays suivants ont pris part au débat : Syrie, Colombie, Burkina Faso, Ukraine, Ghana, ex-République yougoslave de Macédoine, Sierra Leone et Espagne.

Les représentants de la Ligue des Etats arabes, du Comité international de la Croix-Rouge et du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, ainsi que les représentants des organisations non gouvernementales suivantes se sont exprimés : Union interafricaine pour les droits de l'homme, Commission internationale de juristes et Groupe de travail pour réhabiliter les victimes de guerre.

La prochaine réunion de la Conférence aura lieu demain, mercredi 17 juin, à partir de 10 heures.

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Débat général

M. JULI MINOVES-TRIQUELL (Directeur de cabinet au Ministère des affaires étrangères d'Andorre) : Depuis son adhésion à l'Organisation des Nations Unies, Andorre entend participer activement aux efforts déployés par la communauté internationale en particulier à ceux visant la création d'une cour criminelle internationale future. Il faudrait établir un équilibre entre la compétence de la cour et celle de l'Etat dans le jugement des crimes visés par le statut. La future cour devra se doter des capacités nécessaires pour intervenir de manière complémentaire dans le cas où lorsque les systèmes judiciaires nationaux deviennent inopérants. Le rôle du procureur est essentiel. Le procureur doit être à même de faire avancer les causes que d'autres n'oseront toucher, en prévoyant des garanties pour que ses décisions ne soient jamais aléatoires. La cour devra pouvoir étendre son action sans entrave majeure et pour ce faire, il faut que sa compétence s'impose à tous ceux qui en acceptent le statut. Andorre, dont la population est essentiellement jeune, attache un intérêt particulier aux actions concernant les jeunes, et particulièrement les enfants. La définition des relations entre la cour et les Nations Unies contribuera à donner une vigueur et une légitimité aux travaux de la Conférence diplomatique. Il convient de déterminer de manière précise les compétences respectives de la cour et du Conseil de sécurité afin d'assurer l'indépendance de la cour. Andorre rejette l'idée d'inclure la peine de mort dans le projet de statut. En outre, elle attache une importance particulière à l'équilibre des langues au sein de la cour.

M. LIONEL YEE WOON CHIN (Singapour) : Il faut créer une cour qui rend justice conformément aux normes juridiques les plus élevées et en conséquence qui jouit d'une autorité morale crédible, élément essentiel de son bon fonctionnement. Le principe juridique universel de nullum crimen sine lege doit également être appliqué pour définir les actions qui entraînent une responsabilité pénale. Il faut être réaliste et savoir ce qu'il faut mettre en place. La cour ne peut être une cour européenne ou interaméricaine des droits de l'homme. Beaucoup de régions ne disposent pas encore d'institutions des droits de l'homme. La création d'une cour doit donc être vue comme une reconnaissance de l'existence d'actes si abominables que la communauté internationale ne peut laisser leurs auteurs échapper à la justice qu'il s'agisse d'une juridiction nationale ou d'un organe international. Il faut créer une cour qui bénéficie d'une participation universelle et pour ce faire, tenir compte de la diversité des intérêts, des différents stade de développement, des différences sociales et culturelles et des positions des principales puissances.

M. H.E. LAURO L. BAJA (Vice-Ministre des affaires étrangères des Philippines) : La cour criminelle internationale devra avoir la primauté pour juger et réprimer les crimes. La future cour devra être complémentaire des juridictions nationales. La cour devra connaître des affaires relevant du noyau dur des crimes, à savoir les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité, le génocide et l'agression. En outre, il faudrait envisager une

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disposition qui permette d'inclure à l'avenir la compétence de la cour à connaître sur d'autres crimes qui affectent la communauté internationale et l'existence des êtres humains. Tout en garantissant l'indépendance du procureur, il faudra créer une procédure d'instruction pour prévenir tout abus politique. Le recours aux armes de destruction massive , notamment les armes nucléaires, doit être considéré comme un crime de guerre. Le recrutement dans les forces armées ne peut être autorisé en dessous de 18 ans. Les violences sexuelles et le viol commis dans les conflits constituent des crimes contre l'humanité.

M. PASKAL MILO (Ministre des affaires étrangères de l'Albanie) : L'évolution du monde s'accompagne de phénomènes négatifs dont de graves violations du droit humanitaire international. Les crimes perpétrés par les Serbes en Bosnie sont restés impunis et cela a permis aujourd'hui aux Serbes de mener en toute impunité une politique de génocide et de terrorisme d'Etat contre les Albanais du Kosovo soutenue par la machine politique, militaire et paramilitaire. La résistance et l'autodéfense du peuple albanais ne sauraient être comparées au terrorisme. Il arrive trop souvent que le retard de la communauté internationale à réagir contre des politiques de nettoyage ethnique et des violations des droits de l'homme donnent lieu à un sentiment de méfiance quant à l'efficacité des organisations internationales. L'Albanie est donc favorable à l'octroi à la future cour d'une compétence universelle contre le génocide, les crimes de guerre et toute autre forme de crimes contre l'humanité. L'heure de la mondialisation a donné lieu à une vaste gamme de crimes qui peuvent faire partie des crimes contre l'humanité et la paix internationale dont le terrorisme d'Etat qui met en péril l'ordre et la pérennité du monde. La communauté internationale doit décourager les abus criminels contre les droits de l'homme. Ce serait là le moyen d'appuyer les efforts de maintien de la paix et de la sécurité internationales.

La cour doit se voir accorder les attributs d'intégrité, d'autonomie et de compétence juridictionnelle indépendante. L'efficacité de la cour sera largement tributaire de la coopération des Etats et surtout de la volonté des membres permanents du Conseil de sécurité de lui garantir des compétences juridictionnelles et d'assurer le suivi de ses recommandations. L'institutionnalisation des poursuites et des peines pour les crimes contre l'humanité profiteront à la démocratisation et à la pérennité de l'ordre humain et civilisé.

M. JACQUES BAUDIN (Ministre de la justice du Sénégal) : La future cour criminelle internationale devra avoir une vocation universelle et permanente. Elle devra être complémentaire des juridictions nationales, juste et efficace. Le procureur devra être indépendant et habilité à déclencher les poursuites. En février 1998, un séminaire avait été organisé à Dakar, à l'initiative du Président Diouf, pour sensibiliser à l'idée de la création de la future cour. Aux termes de la déclaration qu'ils avaient adoptée, les participants avaient souligné la nécessité d'assurer l'efficacité et la crédibilité de la juridiction répressive supranationale en garantissant l'indépendance. La justice chasse le risque de vengeance que créent l'impunité des atrocités

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commises, ainsi que leur ampleur. Ces crimes abominables sont autant d'obstacles aux efforts de développement économique et social, notamment en Afrique où l'instabilité est chronique. Si la Conférence diplomatique ne parvient pas à la création de la cour criminelle internationale, cet échec constituerait un manquement grave à nos responsabilités dont il faudra répondre devant la postérité.

M. SAID AL-BOUNNI (République arabe syrienne) : La cour devra être compétente pour tous les crimes qui violent les droits de l'homme et le droit humanitaire. Ses relations avec les Nations Unies devront être définies clairement afin de lui assurer des liens étroits avec la communauté internationale, même si elle devrait être indépendante du Conseil de sécurité. En ce qui concerne le crime d'agression, la Syrie attire l'attention sur la définition donnée par l'Assemblée générale et estime que l'inclusion de crimes non définis rendra nécessaire l'introduction du principe nullum crimen sine lege. En outre, l'inclusion de crimes relevant de la compétence des tribunaux nationaux ne ferait qu'ajouter à la confusion. Il faut donc définir et préciser le principe de complémentarité tout en stipulant que la compétence de la cour ne prévaudra pas sur celle des juridictions nationales. Quant au financement, la Syrie est favorable à ce que la cour soit financée par un budget propre, bien distinct du budget ordinaire des Nations Unies.

M. EDZARD SCHMIDT-JORTZIG (Allemagne) : La présente Conférence diplomatique qui constitue un événement historique, doit être couronnée de succès. L'Allemagne appuie pleinement la création d'une cour efficace et indépendante. Le procureur doit jouer un rôle indépendant et bénéficier de la coopération de tous les Etats. Reconnaissant que les négociations seront complexes au cours de ces prochaines années, l'Allemagne estime qu'il faut reconnaître à la cour sa compétence à connaître des affaires relevant du noyau dur des crimes, en particulier l'agression, tout en respectant le rôle conféré au Conseil de sécurité par la Charte des Nations Unies. La cour devra avoir la primauté sur les affaires relevant du noyau dur des crimes. Elle doit être forte, indépendante et efficace. Un contrôle judiciaire pertinent au niveau de l'instruction pour éviter toute manipulation politique devra être envisagé. La future cour devra mettre fin à l'impunité.

M. ALBERTO ZALAMEA (Colombie) : La Conférence diplomatique constitue la dernière grande rencontre de la communauté internationale en cette fin de millénaire. Elle coïncide avec le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, de la Convention sur le génocide de 1948 et des quatre Conventions de Genève, piliers du droit humanitaire international. Aujourd'hui, il faut proclamer haut et fort que "nous les peuples des Nations Unies avons décidé que le moment est venu de créer une cour criminelle permanente internationale". Le projet de statut constitue un excellent point de départ afin de parvenir à cet objectif. Il faut que la compétence juridictionnelle de la cour porte sur les crimes les plus graves reconnus par

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le droit international. Il faut stipuler et en préciser les mécanismes de poursuite. La Colombie propose de confier à la Cour de justice de La Haye le règlement des différends entre les Etats parties au statut de la cour criminelle quant aux questions d'interprétation.

M. JOSE MANUEL DE MATOS FERNANDES (Secrétaire d'Etat adjoint du Ministre de la justice du Portugal) : La création d'une cour criminelle internationale se présente comme un impératif et le garant du respect des droits fondamentaux. La compétence de la cour devra porter sur les affaires relevant du noyau dur des crimes, à savoir le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre la paix et l'humanité. La cour devra être complémentaire des juridictions nationales et être seule à statuer sur la vérification de l'inexistence ou de la défaillance des juridictions nationales. Le Portugal estime que la définition des crimes devra inclure l'abus sexuel, surtout à l'encontre des femmes, et le recrutement des enfants dans les forces armées. La future cour devra également être compétente pour connaître de l'agression, à condition que le statut en donne une définition claire et précise. Le procureur devra être autonome vis-à-vis de tout organe ou entité. Le Portugal s'oppose à l'inclusion de la peine de mort dans le statut de la future cour.

M. MICHEL KAFANDO (Burkina Faso) : Le projet de statut de la Cour ne comportant pas moins de 1700 points de divergence, les participants devront transcender leurs égoïsmes nationaux pour ne voir que l'essentiel. Pour que la future cour soit crédible, il faudra une adhésion de tous. Le Burkina Faso est venu à la Conférence confiant qu'ensemble la communauté internationale pourra relever le défi. Le temps n'est plus aux tergiversations sur la nécessité et l'urgence d'une juridiction pénale internationale tant le sens du devoir et de la responsabilité vis-à-vis des générations futures interpelle la communauté internationale. Le projet de statut de la cour devra tenir compte des préoccupations suivantes : le principe de complémentarité, l'initiative de la saisine par le Procureur, l'indépendance de la cour vis-à-vis de tout organe politique, et notamment, du Conseil de sécurité, la compétence de la cour dans la définition des crimes de guerre, et le non consentement des Etats dans le régime juridique de la cour. L'efficacité de la cour dépendra de son mode de financement et pour le Burkina Faso il faut qu'il obéisse, si possible, au système des quotes-parts en vigueur aux Nations Unies. L'Histoire doit retenir que Rome a non seulement vu naître l'une des civilisations les plus fécondes du monde mais aussi le traité le plus ambitieux contre l'avilissement et la négation de l'homme, à savoir, l'acte constitutif de la cour criminelle internationale pour connaître des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et des crimes de génocide.

M. VASSYL TATSIY (Ukraine) : La création d'une cour criminelle internationale est indispensable pour mettre fin à l'impunité des atrocités commises au cours de ce siècle. L'efficacité des travaux préparatoires ont montré que les délé_ations souhaitent oeuvrer ensemble pour parvenir à un consensus sur la question. La cour devra être compétente pour connaître des crimes les plus graves contre l'humanité. L'Ukraine est le premier pays qui a renoncé au recours à l'arme nucléaire. La cour devra être compétente pour

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connaître des violences commises à l'encontre du personnel des Nations Unies. Le financement de la cour devra lui garantir toute indépendance. La communauté internationale devra parvenir très rapidement à un consensus si elle désire créer la future cour.

Mme AANAA ENIN (Ministre de la justice du Ghana) : Toute action collective tendant à créer une cour pénale internationale devra inclure des mesures permettant de donner une réponse rapide et efficace aux crises et contenant un élément de prévention du génocide, du crime contre l'humanité et d'autres crimes relevant de la compétence d'une cour criminelle internationale. Bien qu'une telle initiative n'entre pas dans le champ du statut de la future cour, elle reste conforme aux concepts de justice, d'égalité et de coopération internationale, piliers de la cour que la communauté internationale veut aujourd'hui créer. La Ghana exhorte la famille des nations à se concentrer avec toute l'attention requise sur la nécessité d'établir les critères d'une réponse collective aux situations de crise dans le cadre des mécanismes existants. En un mot, la création d'une cour internationale ne devra pas être considérée comme une fin en soi. Il est essentiel que la cour ait une compétence inhérente à connaître les affaires relevant du noyau dur des crimes.

Tout régime permettant à un Etat de ratifier le statut tout en gardant la possibilité d'accepter ou de rejeter la juridiction de la cour ne donnerait naissance qu'à une cour moribonde. Le principe du consentement des Etats, comme préalable à l'exercice par la cour de sa compétence, ne saura en aucun cas renforcer son efficacité et le Ghana ne peut accepter une telle situation. La cour ne devra non plus en aucun cas supplanter les juridictions nationales ni devenir un organe de contrôle des systèmes pénaux nationaux. Elle devra toutefois détenir le pouvoir d'enquêter et de poursuivre les auteurs de crimes en cas d'incapacité des systèmes nationaux. Il ne faut pas créer une cour internationale à tout prix mais créer une cour à visage humain universellement acceptable, capable de traiter des vraies questions du terrain et bénéficiant de la confiance tant de l'accusateur que de l'accusé.

M. NIKOLAUS MICHALEK (Ministre de la justice de l'Autriche) : Les négociations sur le projet de statut d'une cour criminelle internationale constituent une étape historique. Ce n'est qu'au cours de ces dernières années que le projet de création de la cour a pris forme. La position de l'Autriche a été exprimée par l'Union européenne. Toutefois, elle souhaite souligner qu'en dépit des circonstances regrettables, les tribunaux spéciaux pour le Rwanda et pour l'ex-Yougoslavie ont donné l'élan aux efforts visant la création d'une cour criminelle internationale permanente. Ces tribunaux ne peuvent cependant se substituer à une juridiction permanente. Une cour permanente véritablement efficace devra jouer un rôle important pour appliquer les principes de la justice et du droit. Par son caractère permanent et indépendant, la cour devra permettre l'application de ces principes fondamentaux du droit pénal, quelle que soit l'opinion politique du jour. Cela aurait un effet dissuasif sur les responsables, renforçant ainsi les efforts de maintien de la paix et de la sécurité internationales. La cour ne

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devra être compétente que pour connaître les affaires relevant des crimes de génocide, des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et de l'agression. Les négociations sur la définition de l'agression ne doivent pas ralentir la création de la cour. L'Autriche appuie l'inclusion de crimes liés aux violences sexuelles commis dans les conflits armés. La cour devra être complémentaire des juridictions nationales. Ses décisions devront être exécutées par les Etats parties qui ont exprimé leur volonté d'accueillir les personnes jugées et condamnées. Les droits de la défense doivent être garantis. Il faudrait faciliter la procédure de la production preuves par les victimes.

M. GORGI SPASOV (ex-République yougoslave de Macédoine) : Une cour criminelle internationale s'impose si la communauté internationale désire réellement mettre fin à l'impunité des criminels. Le système de la cour doit être universel et fondé sur des normes acceptées. Il faut se féliciter que le système de justice de l'ex-République yougoslave de Macédoine dispose de toutes les conditions requises pour permettre le respect scrupuleux des conventions internationales et, en particulier, la convention portant création d'une cour criminelle permanente. Il est important que les Etats fassent preuve de la volonté politique nécessaire pour parvenir à un accord permettant la création de la cour à l'issue de la Conférence actuelle. Se félicitant du consensus dégagé jusqu'ici, l'ex-République yougoslave de Macédoine rejette toute idée de réserves au statut et l'inclusion de la peine de mort. Elle se prononce en faveur d'un rôle prééminent du Conseil de sécurité tout en plaidant pour l'indépendance totale de la cour.

M. DILIP LAHIRI (Ministre des affaires étrangères de l'Inde) : La création d'une cour criminelle internationale devrait être fondée sur les principes de la complémentarité, de la souveraineté nationale et de non- ingérence dans les intérieures des Etats. Son statut devrait être en mesure de répondre à l'adhésion du plus grand nombre d'Etats, dont le consentement constitue la pierre angulaire de la compétence de la cour. Il ne serait pas réaliste de concevoir une compétence inhérente de la cour face aux importantes divergences qui subsistent en ce qui concerne les éléments spécifiques de certains crimes, de l'inclusion de certaines dispositions d'instruments multilatéraux et en l'absence d'un consensus sur l'état actuel du droit international coutumier applicable à ces crimes. Il est inconcevable aux yeux de l'Inde et d'autres pays que les Etats dotés d'un système judiciaire et d'enquête bien établi et efficace soient placés sous le contrôle d'une chambre d'instruction. Cela irait à l'encontre de la complémentarité. Il faudrait maintenir la distinction entre l'autorité souveraine des Etats et le rôle du procureur. Le rôle prééminent du Conseil de sécurité pour saisir la cour constitue une violation de l'égalité souveraine et de l'égalité devant la loi, car cela présume que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité dotés du droit de veto ne commettent pas, par définition, les crimes visés par le projet de statut, ou s'ils les commettent, ils se placent au-dessus de la loi et bénéficient ainsi "de jure" de l'impunité. La présente Conférence diplomatique doit créer une institution judiciaire internationale et ne doit donc pas codifier des parties fondamentales du droit international.

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M. FODE M. DABOR (Sierra Leone) : Il est essentiel que la future cour ait une compétence inhérente et que le procureur ait le pouvoir de lancer des enquêtes propio motu. Le rejet de ce principe reviendra à subordonner la cour à un droit de veto généralisé; ce qui est inacceptable. Outre le génocide, le crime de guerre et le crime contre l'humanité, le crime d'agression doit relever de la compétence de la cour. Il est donc urgent de s'accorder sur la définition de ce crime et à cet égard, il est important que le Conseil de sécurité puisse renvoyer des questions devant la cour sans que cette dernière ne soit toutefois subordonnée au veto du Conseil. Il faut tout mettre en oeuvre pour que le Conseil ne puisse, de manière unilatérale, retarder les activités de la cour. La Sierra Leone est convaincue que la coopération des Etats est une condition préalable au bon fonctionnement de la cour et estime qu'un financement assuré par les Etats ne pourra que compromettre l'indépendance de la cour puisqu'elle serait ainsi amenée à dépendre par trop des puissances économiques. En outre, un tel type de financement pourrait décourager les ratifications et frapper, de manière inégale, les petits pays et les pays les moins avancés. La meilleure solution serait donc un financement à partir du budget ordinaire des Nations Unies.

M. E.N. TJIRIANGE (Ministre de la justice de la Namibie) : La Conférence diplomatique sur la création d'une cour criminelle internationale ne devra pas perdre de vue les atrocités que les dictateurs et les despotes ont fait subir à l'humanité. De nombreuses régions du monde sont encore sous le joug du colonialisme. Des atrocités sont commises chaque jour dans de nombreux pays. La présente conférence diplomatique ne doit pas échouer et il incombe aux délégations de veiller à ce que ces atrocités ne soient pas renouvelées. La position des pays de l'Association pour la coopération et le développement en Afrique australe a été largement exprimée par le Ministre de la justice de l'Afrique du Sud. La future cour ne devra pas être subordonnée au Conseil de sécurité. Elle doit être entièrement indépendante, au même titre que la Cour internationale de justice. La cour criminelle internationale devra avoir une compétence inhérente à connaître les affaires relevant du noyau dur des crimes, à savoir le génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité, commis dans des conflits internationaux ou conflits armés internes, et l'agression. Aucun consentement ne sera requis pour autoriser la saisine de la cour en la matière.

M. A. ABDULLAH (Vice-Ministre des affaires étrangères de l'Afghanistan) : L'Afghanistan a de bonnes raisons pour souhaiter la création d'une cour criminelle internationale. Au cours des vingt dernières années, l'Afghanistan a été victime d'agression et d'atrocités. Dans les années 80, l'ex-Union soviétique a envahi l'Afghanistan en recourant à tous les moyens, y compris le bombardement de la population civile, le déplacement forcé de la population, la déportation massive, les attaques délibérées de villages, la destruction du système d'irrigation, ainsi que la torture. Le Conseil de sécurité n'a pas pu s'acquitter de son mandat conformément à la Charte des Nations Unies tandis que, pendant neuf ans, l'Assemblée générale s'est contentée d'adopter des résolutions invitant au retrait des troupes étrangères. En dépit des nombreuses résolutions pertinentes et de la décision

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de l'Assemblée générale de 1974 sur la définition de l'agression, les Nations Unies n'ont pas été en mesure de condamner l'agresseur. Défiant toutes les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale et des normes internationales en matière de droits de l'homme, les mercenaires taliban, grâce à l'appui de milices et de militaires étrangers, continuent de perpétrer les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et le génocide. En dépit des graves violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire, les Nations Unies ne peuvent prendre de mesures efficaces pour mettre fin à ces crimes. Ces événements tragiques exigent la création d'une cour indépendante, crédible et impartiale qui, en tant qu'organe judiciaire, ne devrait pas devenir l'otage de l'organe politique. Les intérêts géostratégiques et géopolitiques des détenteurs du droit de veto ne devraient pas empêcher la cour de condamner l'agresseur. Les victimes sont en droit d'obtenir justice et les coupables doivent être punis. Aussi, est-il indispensable que l'agression figure dans le noyau dur des crimes les plus graves. La future cour devra être indépendante pour éviter l'application de la politique des "deux poids, deux mesures". Elle doit être complémentaire des juridictions nationales. A cet égard, il faudrait préciser la défaillance ou l'inexistence des juridictions nationales pour éviter les conflits de compétence.

Mme MARGARITA MARISCAL DE GANTE Y MIRON (Espagne) : L'interaction entre les divers systèmes judiciaires du monde ne peut conduire qu'à une synthèse, pour ce qui de l'élaboration des principes secondaires puisqu'aucun désaccord n'existe sur les grands principes. La compétence juridictionnelle de la cour doit porter sur un ensemble de crimes qui ont horrifié et continueront d'horrifier la communauté internationale tout entière. L'Espagne est disposée à tenir compte de toutes les initiatives pour ce qui est du crime d'agression. Elle est favorable à ce que la cour soit considérée comme un organe complémentaire des juridictions nationales et estime que la cour et son procureur doivent garder leur indépendance et restés à l'abri de toute influence politique. L'Espagne apportera toute sa coopération à la cour car les obligations du pays en matière de droit de l'homme font partie du jus cogens et ne portent pas atteinte à la souveraineté nationale. A ce stade, il est utile de se pencher sur les situations critiques comme celles des femmes et des mineurs.

M. JOSE ANTONIO GOMEZ (Sous-Secrétaire de la justice du Chili) : Les mécanismes actuels d'enquête et de sanctions des délits ont fait la preuve de leurs limites et de leurs défauts dans l'administration d'une justice véritable. La création d'une cour criminelle sera donc un facteur de dissuasion et d'affermissement de la règle de droit. Le principe de complémentarité reflète, de manière satisfaisante, les liens qui doivent exister entre la cour et les juridictions nationales. La structure de la cour devra prôner l'indépendance de toute influence extérieure que celle-ci soit politique ou autre. Il serait décevant d'établir une grande structure inefficace dans la pratique et il est donc fondamental que les mécanismes de

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financement garantissent cette indépendance. Il faut en outre qu'un nombre important de pays adhèrent au statut pour lui assurer une véritable universalité. Le moment est donc venu d'harmoniser les différentes positions. Mais ces compromis ne doivent pas donner lieu à une cour sans pouvoir réel.

Il est important que les mécanismes soient souples pour éviter des conditions trop stricts d'acceptation des compétences de la cour. La cour doit avoir une compétence inhérente pour tous les délits reconnus par les conventions internationales et, à cet égard, le Chili accorde une grande importance à l'inclusion des abus sexuels à l'encontre des femmes. Il juge important de donner au procureur une initiative en matière de procédure et de préciser les dispositions concernant la coopération des Etats et l'assistance judiciaire.

M. HUSSEIN HASSOUNA (Ligue des Etats arabes) : En dépit de divergences, la Ligue des Etats arabes souhaitent l'inclusion de l'agression dans la liste des crimes relevant de la compétence de la future cour criminelle internationale. En revanche, le crime de terrorisme n'étant pas défini de façon précise, il ne devrait pas figurer parmi ces crimes. L'intervention du Conseil de sécurité devrait être limitée à la soumission de certaines affaires au procureur de la cour. La Ligue souhaite voir le jour où une cour criminelle internationale indépendante, efficace et impartiale verra le jour.

M. CORNELIO SOMMARUGA (Comité international de la Croix-Rouge) : Le souci premier du CICR est de voir diminuer le nombre et les souffrances des victimes des conflits armés. Un tel objectif ne peut être atteint qu'en travaillant sur plusieurs fronts à la fois. Le CICR est très engagé dans des opérations de protection et d'assistance au coeur des conflits armés. Mais il a également un mandat qui lui a été donné par les Etats parties aux Conventions de Genève, aussi son propre souci de faire respecter le droit international humanitaire par tous ceux qui ont le devoir de l'appliquer. Or si la mise en oeuvre passe par des mesures répressives efficaces. Un droit sans sanction perd vite de sa crédibilité. Le CICR ne peut dès lors que soutenir les efforts entrepris pour développer des mécanismes efficaces de répression avec lesquels il pourra coopérer. A cet égard, le CICR salue la déclaration du Comité permanent interagences sur la Cour criminelle internationale. Une cour criminelle internationale s'impose aujourd'hui. Cette obligation est prévue dans les Conventions de Genève de 1949 et demeure valable. Il va de soi que des efforts accrus doivent également être faits pour que les Etats remplissent leurs obligations existantes et traduisent eux- mêmes en justice les auteurs présumés de crimes de guerre. Mais on ne peut ignorer les déficiences du système et c'est pour cette raison qu'il est essentiel qu'une cour criminelle internationale soit créée afin d'assurer que les criminels de guerre présumés soient traduits en justice dans les cas où ils ne sont pas effectivement poursuivis par les juridictions nationales.

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La cour criminelle internationale doit être compétente pour connaître des crimes de guerre commis en situation de conflit armé, aussi bien international que non international, d'autant plus qu'aujourd'hui la majorité des conflits sont de nature interne. En particulier, la liste des crimes de guerre qui sera adoptée dans le statut de la Cour devrait comprendre les violations les plus graves des protocoles aux Conventions de Genève de 1949. La cour criminelle internationale devrait avoir compétence inhérente ou propre pour juger les crimes de génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. Si l'on veut qu'elle soit efficacement complémentaire des tribunaux nationaux, la Cour criminelle internationale devrait être compétente pour juger de ces crimes dès qu'un Etat devient partie au traité qui créera la Cour. Le procureur devrait aussi être habilité à ouvrir une enquête et engager des poursuites de sa propre initiative tout en respectant, bien sur, le principe de complémentarité.

M. SOREN JESSEN-PETERSEN (Haut Commissaire adjoint pour les réfugiés) : Une cour criminelle internationale permanente devrait rétablir l'équilibre en contribuant à empêcher, à l'avenir, les atrocités et les tragédies humanitaires qu'elles créent. En même temps, la cour devrait jouer un rôle clé pour encourager la réconciliation dans les sociétés qui sortent d'un conflit et, en particulier, celles où les atrocités ont pris une ampleur indescriptible. La cour devra assurer une application plus efficace de la clause d'exclusion figurant dans les instruments internationaux sur les réfugiés et aux termes de laquelle les individus qui ont commis des crimes contre la paix, des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité sont exclus de la protection internationale en tant que réfugiés. Les crimes commis dans des conflits internes sont tout aussi odieux que ceux commis dans les conflits internationaux et ne doivent pas rester impunis. Le HCR souhaite que la cour soit compétente pour connaître des attaques armées perpétrées contre des civils, y compris dans les zones protégées. De même, les attaques contre le personnel humanitaire devraient relever de la compétence de la cour. En raison de la nature de ses activités, le HCR est trop souvent le témoin d'atrocités. Il s'engage à coopérer, autant que possible, avec la future cour en échangeant des informations qui contribueraient à déférer devant la cour les responsables de ces crimes, comme il l'a fait avec les tribunaux spéciaux pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda. En même temps, le HCR a l'obligation de protéger son personnel dans l'exercice de ses fonctions, et sur la base desquelles dépendent de nombreuses vies humaines. Il est donc important que la future cour assure de façon appropriée la protection des témoins, la confidentialité et l'inviolabilité des documents des Nations Unies.

M. HAHDOU OUEDRAOGO (Union interafricaine des droits de l'homme) : La cour criminelle doit être permanente et indépendante et son procureur doit être à l'abri de toute force et de toute influence. La cour doit bénéficier d'un financement suffisant et constant, et ce financement ne doit faire l'objet d'aucun chantage. La cour doit pouvoir intervenir partout et ses actes ne doivent faire l'objet d'aucune restriction. Sa compétence ne doit se limiter ni dans le temps ni dans l'espace. La cour doit être universelle et viser à suppléer aux carences des juridictions nationales et régionales.

( suivre)

- 13 - L/205 16 juin 1998

Mme MONA RISHMAWI (Commission internationale de juristes) : La future cour criminelle internationale devrait être compétente pour connaître des crimes de génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Sans prendre position sur le crime d'agression, la Commission estime qu'il faudrait établir un mécanisme pour étendre la compétence de la cour, soit par le biais d'un protocole additionnel au statut, soit par le biais d'autres conventions. La définition des crimes devrait être suffisamment souple pour s'appliquer aux situations dans les conflits internationaux et les conflits armés internes. La compétence de la cour doit être inhérente. Il est essentiel que le procureur soit indépendant, aussi bien dans ses fonctions d'établir les preuves et de saisir la cour. Tout en permettant au Conseil de sécurité de présenter des affaires à la cour, le Conseil ne devrait pas empiéter sur la compétence de la cour. La cour doit être un organe universel associé aux Nations Unies et financé par leur budget ordinaire. Le traité qui sera adopté à la clôture de la Conférence diplomatique ne devrait pas ouvrir la voie à des réserves et il faudrait que le nombre des ratifications ne soit pas trop élevé afin de mettre en place rapidement cette nouvelle institution judiciaire.

Mme FIONA MCKAY (Groupe de travail pour réhabiliter les victimes de guerre) : La future cour criminelle doit tenir compte des droits et des besoins des victimes. Au niveau national, la tendance veut que l'on reconnaisse davantage les droits des victimes dans les procédures pénales. Il est essentiel que la cour soit capable de garantir la protection des victimes et des autres témoins. Cela nécessite la création d'une unité efficace dotée de ressources et de pouvoirs adéquats. Les femmes doivent disposer de structures propres à leur défense et ces structures doivent disposer d'un personnel au fait des questions sexospécifiques. La reconnaissance des crimes à l'encontre des femmes est d'ailleurs un aspect essentiel de la justice et du processus de réhabilitation. Les enfants victimes méritent également un traitement particulier et des mécanismes appropriés devront être créés pour s'occuper d'affaires relevant de ce domaine. Il est également important que les victimes soient impliquées dans le processus judiciaire. La cour doit de plus être capable de garantir le droit à la réparation des victimes et de leur famille qui comprend non seulement la compensation mais aussi la restitution, la réhabilitation, la satisfaction et la garantie de non-répétition. La cour doit particulièrement faire la preuve de sa capacité de traduire en justice les personnes responsables des crimes relevant de sa compétence de manière à ce que les victimes soient convaincues que justice a été faite.

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