En cours au Siège de l'ONU

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CRIME DE GENOCIDE ET DE GUERRE ET CRIME CONTRE L'HUMANITE FORMENT LE NOYAU DUR DES CRIMES RELEVANT DE LA COMPETENCE DE LA FUTURE COUR

16 juin 1998


Communiqué de Presse
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CRIME DE GENOCIDE ET DE GUERRE ET CRIME CONTRE L'HUMANITE FORMENT LE NOYAU DUR DES CRIMES RELEVANT DE LA COMPETENCE DE LA FUTURE COUR

19980616 Le crime d'agression soulève la question des rapports entre le Conseil de sécurité et la cour

Rome, 15 juin -- La Conférence diplomatique de plénipotentiaires des Nations Unies sur la création d'une cour criminelle internationale, réunie sous la présidence de M. Giovanni Conso (Italie), a entamé cet après-midi son débat général qui a permis aux délégations de manifester un consensus sur la nécessité de créer une cour criminelle permanente au vu des atrocités que cette décennie a connues - ex-Yougoslavie et Rwanda - et pour prévenir de nouvelles violations graves du droit humanitaire international.

La Conférence a enregistré l'opinion des délégations qui ont estimé qu'une cour permanente se révèlera un mécanisme indispensable pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales. La Conférence a permis de dégager sur qu'il est convenu d'appeler le noyau dur des crimes relevant de la compétence de la future cour, à savoir crime de génocide, crime de guerre et crime contre l'humanité. L'ajout du crime d'agression, souhaitée par certaines délégations qui veulent y inclure les conflits et agressions armés internes, a soulevé la question du lien entre la cour et le Conseil de sécurité des Nations Unis. En effet, aux termes du Chapitre VII de la Charte de l'ONU, il revient exclusivement au Conseil, organe chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales, de déterminer l'existence ou l'absence d'un crime d'agression. Des délégations ont souhaité que la matière, la décision du Conseil soit un préalable à l'exercice par la cour de sa compétence alors que d'autres ont argué que les Etats parties devraient pouvoir saisir la cour au même titre que le Conseil. D'autres encore ont souhaité que le procureur du tribunal puisse lancer une procédure de sa propre initiative.

La Conférence a entendu en outre des délégations qui ont proposé d'ajouter à la liste des crimes, la violence à l'égard des femmes et des enfants, les attaques contre le personnel des Nations Unies et le personnel associé, ainsi que les activités des trafiquants de drogues. La Suède a proposé, compte tenu de l'évolution constante du droit international, de convoquer une conférence de réexamen de la liste des crimes quelques années après l'entrée en vigueur de la convention portant création de la cour.

La Conférence a entendu les chefs des délégations suivantes : le Ministre des affaires étrangères de l'Australie, M. Alexander Downer; le Ministre de la justice de l'Afrique du Sud (au nom de la Communauté pour le développement des Etats d'Afrique australe, (SADEC), M. A.M. Omar; le Ministre chargé du développement international et des droits de l'homme de la Norvège, Mme Hilde Johnson; le Procureur général de Trinité-et-Tobago, M. Ramesh Lawrence; le Ministre d'Etat aux affaires étrangères et au Commonwealth du Royaume-Uni, au nom de l'Union européenne, M. Tony Lloyd; le Ministre de la justice de la Suède, Mme Laila Freivads; le Ministre des affaires étrangères du Canada, M. Lloyd Axworthy; le Ministre des affaires étrangères de la Slovénie, M. Boris Friec.

Les représentants du Japon, du Venezuela, du Lesotho, de l'Egypte et de la République de Corée ainsi que la Haute Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Mme Mary Robinson, sont intervenus. Les représentants de la Commission du droit international (CDI) et de l'Organisation internationale de la francophonie ont pris la parole. Les ONG suivantes sont intervenues : Coalition des ONG pour la cour criminelle internationale, Mouvement national des droits de l'homme et Children Caucus international.

La Conférence a élu par acclamation les membres suivants du Comité de rédaction : Cameroun, Chine, République dominicaine, France, Allemagne, Ghana, Inde, Jamaïque, Liban, Mexique, Maroc, Philippines, Pologne, République de Corée, Fédération de Russie, Slovénie, Afrique du Sud, Espagne, Soudan, Suisse, Syrie, Etats-Unis, Royaume-Uni et Venezuela.

La Conférence poursuivre son débat général demain mardi 16 juin à 10 heures.

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Débat général

M. ALEXANDER DOWNER (Ministre des affaires étrangères de l'Australie) : Le XXème siècle sera marqué à jamais par les atrocités commises par le régime nazi en Allemagne, au Rwanda et au Cambodge. Dans ce contexte, la Conférence diplomatique constitue une étape historique pour confronter l'aspect le plus sombre de l'expérience humaine et pour prendre les mesures nécessaires pour le vaincre. Elle donne aux Etats l'occasion de créer un cadre permanent et concret pour traiter des crimes les plus graves qui préoccupent la communauté internationale. Nous sommes engagés dans une tâche difficile qui donnera lieu à un débat et à des négociations, mais qui sera couronnée de succès. Il ne faudrait pas que nos divergences fassent obstacle à nos devoirs. Par dessus tout, il ne faudrait pas oublier les véritables préoccupations humaines qui ont justifié notre présence à Rome. Il y a quatre jours, visitant le Musée sur l'holocauste à Yad Vashem, je me sentais très ému devant l'ampleur des méfaits du nazisme. Dans quelques jours, je me rendrai à une conférence qui vise à assister davantage le Cambodge à restaurer une société civile au lendemain des horreurs indescriptibles subies par la population. Les ampleurs de ces atrocités ne connaitront peut être pas le même sort que les accusés de Nuremberg.

En créant un mécanisme permanent pour juger ces crimes, il faudrait une dynamique pour donner l'élan aux enquêtes en cours et établir les responsabilités. Le Conseil de sécurité a mis en place des tribunaux spéciaux pour poursuivre et juger les violations graves commises au Rwanda et en ex- Yougoslavie. Les Etats Membres des Nations Unies ont également élaboré un projet de statut pour une cour criminelle internationale dont la présente Conférence est saisi. Notre tâche est de faire de ce texte une réalité en créant une cour criminelle internationale qui permettra à nos enfants de disposer d'une arme qu'ils pourront utiliser contre les tendances malveillantes ayant marqué ce siècel. Il faudrait établir un équilibre entre la compétence de la cour et celle des systèmes judiciaires nationaux.

L'Australie appuie fermement l'idée de la primauté des juridictions nationales lorsqu'elles sont efficaces pour juger des crimes graves. Il incombe en premier lieu à l'Etat de procéder à l'enquête et à la poursuite. Toutefois, la cour devrait également être en mesure de déterminer si une juridiction nationale peut juger de manière efficace les crimes visés par le projet de statut. L'Australie a toujours appuyé la saisine de la cour par la plainte soumise par un Etat partie au statut de la cour ou par le Conseil de sécurité en vertu de son mandat en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales. Adoptant une approche souple, l'Australie est prête à appuyer l'idée de donner la possibilité au Procureur d'engager directement des enquêtes. Toutefois, le droit du procurerur de saisir la cour doit être assorti de garanties pour éviter des plaintes politiquement motivées.

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M. A. M. OMAR (Ministre de la justice de l'Afrique du Sud, au nom de la Communauté pour le développement des Etats d'Afrique australe, SADEC) : La SADEC est convaincue que la création d'une cour criminelle internationale ne fera pas que renforcer l'arsenal des mesures de lutte contre les violations graves des droits de l'homme, mais contribuera également au maintien de la paix internationale. La création d'une telle cour enverra un message clair et sans équivoques sur la détermination de la communauté internationale de faire en sorte que les auteurs de crimes haineux ne puissent jouir de l'impunité. Pour la SADEC, la cour doit être le complément des systèmes de justice pénale nationaux, agissant selon les normes les plus élevées de la justice internationale. Sa composition doit donc refléter une représentation géographique équitable. Son principe de base doit être le renforcement de l'intégrité des Etats et l'égalité entre les Etats, conformément aux principes généraux du droit international.

L'existence d'une cour efficace et indépendante est un élément nécessaire à la paix et à la sécurité internationales. La cour doit donc avoir compétence pour connaître des crimes de génocide, des crimes contre l'humanité, des crimes de guerre dans les conflits et agressions armées internationaux ou non.

La cour doit pouvoir décider de la recevabilité des questions relatives à l'incapacité, le manque de volonté ou la non-disponibilité des systèmes pénaux de traduire en justice les personnes responsables de crimes graves tout en respectant la complémentarité des relations de la cour internationale et ces systèmes.

La SADEC est favorable à l'institution d'un procureur indépendant qui, de sa propre initiative, peut lancer des enquêtes et des procédures d'instruction et ce, sans l'influence des Etats ou du Conseil de sécurité. Pour gagner la confiance des Etats, la cour doit faire preuve d'impartialité, de justesse et d'intégrité. Pour ce qui est du financement, les relations de la cour avec les Nations Unies doivent être telles qu'elles puissent lui assurer des ressources financières, techniques et humaines à long terme.

Mme HILDE F. JOHNSON (Ministre chargée du développement international et des droits de l'homme de la Norvège) : La création d'une cour criminelle permanente pourrait être plus propice pour le maintien de la paix que les tribunaux spéciaux mis en place pour des cas particuliers. Il serait difficile pour toute partie belligérante de qualifier une telle cour d'apolitique. En outre, si les auteurs de massacres devraient tenter de spéculer sur l'éventualité d'un jugement, l'existence d'une cour permanente rendrait le pari sur l'impunité peu sage. Dotée de mécanismes de saisine appropriés, la cour pourrait difficilement être déstabilisée. Le nombre de questions que la présente Conférence devrait régler au cours des prochaines semaines pourrait faire planer quelques doutes. Ceux qui ne souhaitent pas la création de la cour insisteront sur les difficultés techniques et mettront l'accent sur des dispositions propres à leur législation nationale. Il est nécessaire de faire preuve de courage pour réaliser l'objectif que nous nous

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sommes fixés. La Norvège insiste sur une liste exhaustive de crimes relevant de la compétence de la future cour. En mettant l'accent sur les crimes internationaux, qui sont clairement et largement reconnus, on pourrait promouvoir une acceptation plus large de la compétence de la cour. Il ne devrait pas y avoir d'incertitude sur la nécessité d'établir des règles appropriées sur les conflits armés internes et sur la violence sexuelle. D'autre part, toute tentative visant à étendre la liste des crimes pourrait compromettre le succès de la Conférence. La Norvège appuie la complémentarité entre la cour et les juridictions nationales conformément aux dispositions du projet de statut. Elle estime qu'à la fois les Etats et le Conseil de sécurité doivent être en mesure de saisir la cour. Lorsqu'une affaire est soumise à la cour, il appartient à la cour seule, par le biais de son procureur, d'enquêter et de poursuivre les individus sur la base d'un mandat véritablement indépendant. En outre, elle appuie les pouvoirs ex officio du Procureur pour saisir la cour, et la Conférence devrait explorer tous les moyens pour réaliser cet objectif. L'indépendance du procureur exige l'établissement de la confiance. La Norvège estime que les propositions concernant la création d'une chambre d'accusation pour contrôler les enquêtes constitue une étape particulièrement importante. De même, les Etats, ainsi que les organisations internationales impliquées dans des opérations militaires ou autres, pourraient avoir un intérêt légitime pour protéger des informations ou des sources d'informations de caractère confidentiel. Il est essentiel de donner la priorité à l'obligation de coopérer avec la cour. La Norvège rejette l'idée d'inclure la peine de mort dans le statut de la cour.

M. RAMESH LAWRENCE (Procureur général de la République de Trinité-et- Tobago) : Lors de la quarantième session de l'Assemblée générale, le Gouvernement de Trinité-et-Tobago a réintroduit la question de la création d'une cour criminelle internationale pour connaître des activités criminelles transnationales dont le trafic de stupéfiants. Pour Trinité-et-Tobago, la cour doit être un organe indépendant et une juridiction permanente ayant compétence pour les crimes les plus graves. Sa compétence doit s'élargir aux conflits armés internes et aux actions des trafiquants de stupéfiants. La cour doit pouvoir disposer des ressources nécessaires pour enquêter de sa propre initiative. Toutefois, elle ne doit exercer sa compétence qu'en cas de défaillance des juridictions nationales. Trinité-et-Tobago, tout en reconnaissant le rôle positif du Conseil de sécurité, se prononce pour une indépendance totale de la cour par rapport au Conseil.

Trinité-et-Tobago appuie les propositions d'inclure dans la compétence de la cour les violences sexuelles contre les femmes et les enfants ou l'enrôlement des enfants dans les conflits. La cour est une institution qui peut contribuer à la paix et à la sécurité internationales. La communauté internationale suit de près les délibérations, tant il est vrai que cette cour peut aider à promouvoir l'état de droit et assurer que justice soit rendue aux victimes.

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M. TONY LLOYD (Ministre d'Etat aux affaires étrangères et du Commonwealth, au nom de l'Union européenne) : Les Etats Membres de l'Union européenne sont fermement engagés en faveur de la création d'une cour criminelle internationale universelle, efficace, indépendante et compétente pour connaître le noyau de crimes de génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre. L'Union européenne souhaite l'inclusion de l'agression - dont la définition devra être précisée - au projet de statut. Cela ne devrait pas pour autant affaiblir le rôle du Conseil de sécurité dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité internationales. L'Union européenne entend contribuer de manière active et efficace aux efforts favorisant un consensus sur une définition généralement acceptable des crimes de guerre. La cour doit être complémentaire des juridictions nationales existantes. Il faudrait établir une cour forte, dynamique, ayant un procureur hautement qualifié et indépendante. La cour ne pourra être efficace que si elle bénéficie de la coopération des Etats. Elle devrait être en mesure de déterminer l'indemnisation des victimes. Ses décisions devront être immédiatement exécutées. Le Conseil de sécurité devrait pouvoir saisir la cour lorsqu'il a constaté des situations dans lesquelles des crimes relevant de la compétence de la cour ont été commis.

M. HISASHI OWADA (Représentant permanent du Japon auprès des Nations Unies) : Pour le Japon, la cour doit être un organe indépendant et impartial et avoir le statut d'une organisation internationale capable d'accomplir sa tâche avec efficacité. Il faut donc lui assurer la coopération de tous les Etats concernés. Le principe de complémentarité doit être le principe de base et la compétence de la cour ne doit se justifier que lorsque les juridictions nationales se révèlent non opérationnelles. La cour doit viser une participation universelle. En termes de compétence, le Japon appuie l'inclusion dans les affaires à connaître par la cour du crime de génocide, du crime de guerre, du crime contre l'humanité et du crime d'agression. Il convient de définir les éléments constitutifs de ces crimes de manière précise, compte tenu de l'importance fondamentale du principe nullum crimen sine lege. Le Japon estime que les crimes qui doivent être inclus dans cette catégorie sont ceux liés aux crimes contre le droit de la guerre et qui sont couverts par les instruments internationaux existants. Les crimes de guerre faisant partie du droit coutumier international, doivent également être inclus.

Le Japon appuie l'inclusion du crime d'agression dans la compétence de la cour tout en gardant à l'esprit le fait que la définition de l'acte d'agression relève de la compétence du Conseil de sécurité et estime que cette compétence doit rester intacte. Le Japon appuie donc l'idée que la définition de l'acte d'agression par le Conseil de sécurité doit être une condition préalable de l'exercice par la Cour de sa compétence. La cour ne doit priver les tribunaux nationaux de leur compétence. Elle ne doit connaître d'une affaire que lorsque la justice ne peut être appliquée par la juridiction nationale. Le droit de saisir la cour doit être limité aux Etats parties et

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au Conseil de sécurité. Il n'est pas approprié de donner au Procureur le droit d'entamer proprio motu son enquête. Il est également essentiel de définir clairement les termes de la coopération entre les Etats et la cour et de souligne que la cour sera une institution indépendante des Nations Unies.

M. RAMON ESCOVAR SALOM (Venezuela) : L'examen de la responsabilité pénale de l'individu constitue un progrès considérable en droit international. Les principes se sont consolidés progressivement. Les illusions de certains visionnaires se sont concrétisées. En dépit des difficultés posées par les différents systèmes juridiques, il est possible de concilier les divergences et de permettre aux négociations d'aboutir.

Le Venezuela appuie la création d'une cour criminelle internationale. La complémentarité doit être déterminée de manière claire. Les efforts communs qui devront permettre le succès des négociations exigent une véritable volonté politique. De là, dépendra la force de la future cour. L'autonomie de ce nouvel organe ne devra pas seulement être concue d'un point de vue fonctionnel mais également conceptuel. Le Venezuela, qui a participé activement aux travaux du Conseil de sécurité sur la création du Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie, estime qu'il faudrait créer une institution judiciaire efficace.

Mme LAILA FREIVALDS (Ministre de la justice de la Suède) : La compétence de la cour ne pourra s'exercer que lorsque les juridictions nationales ne seraient pas en mesure de se saisir d'une affaire. La Suède rejette un régime de consentement autre que pour un Etat partie. Il devrait être suffisant que l'Etat où le crime est commis, l'Etat qui a arrêté le suspect ou l'Etat de nationalité du suspect soit partie au statut de la cour. Il est approprié que le Conseil de sécurité puisse saisir la Cour pour des situations où des crimes ont été commis. Il ne faudrait pas pourtant que le Conseil jouisse seul du droit de saisir la cour. Pour la Suède, les Etats parties devraient avoir ce droit. Le procureur doit être en mesure d'entamer une procédure d'instruction de sa propre initiative.

L'efficacité de la cour dépend de la coopération des Etats. Il faut prévoir une disposition obligeant les Etats à répondre favorablement aux requêtes de la cour. La Suède est d'avis que la compétence de la cour doit se limiter aux crimes les plus graves au regard du droit international, à savoir, le crime de génocide, le crime contre l'humanité, le crime de guerre et le crime d'agression si tant est qu'on le définisse de manière précise en tenant compte du rôle du Conseil de sécurité en la matière. La Suède souhaiterait l'inclusion des crimes contre le personnel des Nations Unies et le personnel associé et qu'une attention soit accordée aux crimes à consonance sexiste et à l'enrôlement des enfants. Compte tenu de l'évolution constante du droit international, la Suède appuie l'idée d'une conférence d'examen de la liste des crimes, quelques années après l'entrée en vigueur de la convention.

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M. LLOYD AXWORTHY (Ministre des affaires étrangères du Canada) : Une des priorités les plus pressantes, aujourd'hui, est d'assurer la sécurité des individus. La création d'une cour criminelle internationale donnera un sens véritable à la protection des individus. Il ne peut y avoir de réconciliation sans justice. La future cour devrait être indépendante pour fonctionner de manière efficace. Son financement devrait être assuré par le budget ordinaire des Nations Unies. Il faudrait intégrer la question de la violence à l'encontre des femmes et des enfants dans les dispositions du statut de la future cour. Ce siècle a connu de nombreuses atrocités commises essentiellement au cours de conflits internes. La cour criminelle internationale devrait avoir un caractère universel. La société civile a joué un rôle crucial aux travaux préparatoires. Pour réussir, il faudrait décider de manière claire ce que l'on attend de la future cour. La commuanuté internationale ne peut attendre qu'une autre catastrophe se produise pour réagir. Il faudrait faire du monde un lieu où les droits de l'homme sont respectés.

M. M. V. RADITAPOLE (Représentant du Lesotho) : Les efforts de la communauté internationale pour créer une cour criminelle internationale ne datent pas d'aujourdhui et remontent aux procès de Nuremberg et Tokyo. Outre un renforcement de l'état de droit, la cour constituerait la base d'un système de justice pénal international. Le but est presqu'atteint et la Conférence constitue une étape décisive de ce long voyage. La prospérité nous jugera sans indulgence si nous ne nous montrons pas à la hauteur de ce défi en créant une cour forte et indépendante. Même s'il ne faut pas sous-estimer la tâche qui nous attend de régler les questions non résolues. Le Lesotho ne peut qu'espérer que la confiance et l'esprit de coopération se maintiendront et s'accompagneront de la volonté politique de créer une cour véritablement indépendante.

Pour le Lesotho, la cour doit recevoir une juridiction automatique et ne doit pas être tributaire d'un consentement supplémentaire des Etats. Le Lesotho est opposé aux procédures envisagées dans l'approche dite du choix et souligne, que les relations entre la cour et les juridictions nationales sont définies par le principe de complémentarité. Le Lesotho est convaincu que l'évaluation du caractère opérationnel des juridictions nationales doit être laissée à la cour elle-même. Il ne faut pas que la primauté des juridictions nationales serve à faire obstruction à la cour. Le Lesotho s'oppose au point de vue selon lequel il faut à tout prix contrôler les activités du procureur et se prononce donc pour son indépendance complète. Le Lesotho reconnaît que le problème le plus épineux est la relation entre le Conseil de sécurité et la cour. Aucun conflit ne doit exister entre un organe politique et un organe judiciaire qui poursuivent tous deux le même objectif. Il faut prôner une relation de coopération et d'harmonie entre ces deux organes.

M. AHMED MEDHAT EL MARAGHI (Président de la Cour suprême de l'Egypte) : La question de la création d'une cour criminelle internationale a connu des progrès considérables au cours de ces dernières années. Cette idée est maintenant plus proche de la réalité. Le texte consolidé constitue une base

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solide pour les négociations qui se dérouleront dans le cadre de la présente Conférence. Le rôle du Conseil de sécurité devrait être restreint. Il appartient à la cour d'engager les poursuites. Il faudrait permettre au procureur d'initier l'action ex officio. Les décisions prises par le procureur devraient pouvoir faire l'objet d'un appel. La compétence de la cour doit être complémentaire, à savoir que la cour ne serait compétente que lorsque les juridictions nationales sont défaillantes. L'Egypte attache une importance particulière à la question de l'universalité. Des efforts considérables doivent être déployés pour réduire les divergences sur les questions importantes qui restent en suspens afin de parvenir à un consensus sur le projet de statut.

M. CHUNG TAE-IK (Représentant de la République de Corée) : La justice est un élément indispensable pour le maintien de la paix. C'est pourquoi le projet de statut de la cour, dont la Conférence est saisie, mérite un examen approfondi. Il ne sera pas aisé de dégager un consensus mais ce consensus est nécessaire et exige un esprit de compromis. La cour ne saurait empiéter sur la souveraineté judiciaire des Etats, elle la renforcera au contraire. La création de la cour doit reposer sur les piliers que sont l'indépendance, l'efficacité, l'équité et la fiabilité financière. Les crimes relevant de la compétence de la cour sont le génocide, le crime de guerre, le crime contre l'humanité et le crime d'agression. Il faut inclure ce dernier crime car son exclusion constituerait un recul par rapport à Nuremberg et à Tokyo. Il faut aussi que les conflits internes fassent partie des crimes de guerre. De plus, le procureur doit avoir autorité pour ouvrir des enquêtes au risque de saper l'efficacité de la cour. Les craintes de voir le procureur abuser de son pouvoir peuvent être apaiser par l'introduction de mécanismes de contrôle. L'indépendance de la cour ne doit pas être compromise par le Conseil de sécurité. Le Conseil comme tous les Etats membres doit avoir le droit de renvoyer devant la cour toute situation relevant de sa compétence. Pour ce qui est du principe de complémentarité, la cour doit avoir compétence pour décider de son intervention et il faudrait que l'Etat supporte la charge de la preuve.

La violence sexuelle et la protection des enfants doivent être prévus dans le statut. Enfin, la coopération des Etats parties constituent une condition préalable à l'efficacité de la cour. Il ne faut pas sous-estimer l'importance qu'il y a à garantir un bon financement à la cour. Dans un premier temps, le budget doit être couvert par le budget ordinaire des Nations Unies pour ensuite être couvert par les contributions volontaires.

M. BORIS FRIEC (Ministre des affaires étrangères de la Slovénie) : La cour criminelle internationale doit être une institution judiciaire indépendante et forte. Il est important de garder à l'esprit le principe sous-jacent de la cour criminelle internationale, à savoir la primauté des droits et obligations des Etats eux-mêmes pour enquêter et poursuivre les crimes commis en violation du droit international. La cour devrait être complémentaire des juridictions nationales. Elle devrait avoir une compétence inhérente pour connaître des crimes de génocide, des crimes de guerre et des

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crimes contre l'humanité. Les Etats devraient donc accepter sa compétence en ratifiant le statut sans avoir à donner leur consentement ultérieur et sans appliquer un régime d'option. Le statut devrait permettre la saisine de la cour par les Etats, le Conseil de sécurité et par un procureur indépendant qui serait doté de pouvoirs en matière d'enquêtes et de poursuites. La cour devrait être compétente pour connaître des crimes de guerre commis dans les conflits armés internes et sans appliquer un seuil de la commission planifiée ou à grande échelle.

La Slovénie plaide en faveur d'une protection plus efficace des victimes et des témoins, ainsi que des suspects ou accusés, sur la base des garanties universellement établies pour un procès équitable. Le fonctionnement efficace de la cour serait gravement affaiblie par les réserves qui seraient émises par les Etats. Tenant compte de la complexité des différentes dispositions du projet de statut, la Slovénie estime que les réserves iraient à l'encontre de l'objet et des buts du statut. Le financement de la cour par le budget ordinaire des Nations Unies constitue le meilleur moyen.

M. HERVE CASSAN (Conseiller spécial du Secrétaire général de l'Organisation internationale de la francophonie) : Il est clair que si les pays membres de la Francophonie appartiennent à des systèmes juridiques différents, ils adhèrent largement aux mêmes valeurs juridiques. Ils possèdent une culture juridique spécifique, un idéal juridictionnel partagé, des concepts normatifs communs. De sorte que la Francophonie constitue aujourd'hui un véritable espace de coopération juridique et judiciaire. Cette spécificité de la Francophonie explique que les pays soient particulièrement attentifs à ce que la future cour criminelle respecte la diversité des systèmes et des cultures juridiques notamment en ce qui concerne les procédures à suivre. Cela explique aussi que l'Organisation internationale de la Francophonie ait à coeur de jouer un rôle d'instance de concertation entre ses membres pour préparer cette importante négociation internationale.

Ces concertations ont permis de favoriser le consensus sur un certain nombre de points importants dont le noyau dur des crimes relevant de la compétence de la cour, à savoir, le crime de génocide, le crime de guerre et le crime contre l'humanité. Un consensus s'est aussi dégagé sur l'extension de la notion de crimes de guerre aux conflits non internationaux ainsi que sur les rapports entre la cour et le Conseil de sécurité.

Mme MARY ROBINSON (Haute Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme) : Une cour criminelle forte pourra lancer un message de dissuasion très fort. Toute personne, quelles que soient ses fonctions, ne peut rester impunie. Chaque jour, des atrocités sont commises en toute impunité. Maintenant, il est indispensable de créer une cour criminelle internationale dotée d'un statut équitable. Il ne doit y avoir aucun doute sur le rôle de la future cour. Des dispositions devraient être établies pour reconnaître la compétence de la cour sur des crimes commis dans des conflits internes. La Haute Commissaire aux droits de l'homme a souhaité que la Conférence diplomatique sera en mesure de lever tous les obstacles existants et

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parviendra à un consensus sur le projet de statut. Il y a cinquante ans, les délégations avaient réussi à s'entendre sur les dispositions de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Cet élan devrait inspirer les participants de la Conférence diplomatique sur la création de la cour criminelle internationale pour faire de sorte que les efforts accomplis soient couronnés de succès.

M. JAMES CRAWFORD (Commission du droit international) : La principale caractéristique de la cour telle que définie par la Commission du droit international en 1994 est son caractère permanent. La Commission a également voulu que la cour soit créée par un traité et qu'elle fonctionne sous le contrôle des états parties en relation étroite avec les Nations Unies, en particulier le Conseil de sécurité. La cour devra également avoir compétence pour connaître des crimes graves de caractère international et sa juridiction devra dépendre de l'acceptation des Etats ou du mécanisme du Conseil dans le cadre du chapitre VII de la Charte. La cour devra également constituer un système intégré dans le système existant des juridictions pénales. Le projet de statut présenté aujourd'hui dévie du texte de 1994. L'esprit des principes énoncés y figurent à l'exception du lien avec les traités internationaux.

M. WILLIAM PACE (Coalition des ONG pour une cour criminelle internationale) : Progressivement, le monde a constaté que le fait de compter sur un Etat ou une armée pour châtier ses propres transgresseurs ne suffit pas. Lorsque des crimes sont commis à une telle importante échelle, on sait que l'Etat manque soit d'autorité soit qu'il ne souhaite pas y mettre fin. Ces crimes constituent souvent une part intégrante d'une politique systématique de l'Etat. Depuis la deuxième guerre mondiale, l'écrasante majorité des victimes des conflits armés sont des enfants et des femmes. La Coalition des ONG reconnaît qu'au cours de ces trois dernières années, il existe de plus en plus de pays favorables à la création d'une cour criminelle internationale. Toutefois, à la présente Conférence, il existe encore des gouvernements qui continuent de s'opposer à la compétence d'une telle juridiction. La question est de savoir si la majorité des pays galvaniseront la volonté politique pour résister à ceux qui ne sont pas prêts à reconnaître la compétence de la cour, à ceux qui essayeront d'empêcher l'adoption d'un traité solide ou qui tenteront de créer une juridiction faible ou dotée de peu de pouvoirs assujettie au contrôle ou au veto des pays les plus puissants ou qui exigeront le consentement des pays dont les responsables sont souvent les auteurs des violations graves du droit humanitaire international. Pourra-t-on remplacer la vieille règle de l'impunité par la règle d'un droit juste ?

Pourra-t-on créer une cour criminelle internationale qui constituera la dernière grande institution créée au cours de ce siècle, le plus sanglant de toute l'histoire ? Est-ce que la cour sera la dernière victime de guerre du XXème siècle ou un immense progrès visant à remplacer la loi du plus fort par la règle du droit au XXIème siècle? Qu'importe d'appeler cette conférence d'événement historique ? Si on réussit, cela signifiera la création d'une cour qui empêchera les viols et les massacres de millions de personnes au cours du prochain siècle.

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M. ROMEN OLMAR KLICH (Mouvement national des droits de l'homme) : Les pauvres, les femmes et les enfants ont toujours été les principales victimes des violations systématiques des droits de l'homme tant en temps de guerre qu'en temps de paix. La souffrance des peuples a redoublée lorsque le pouvoir politique impose des lois d'amnistie qui ne reposent pas sur la vérité ou sur la responsabilité des individus. Bien souvent, ces lois garantissent en fait la pérennité de la culture de l'impunité. Les systèmes judiciaires latino- américains prouvent que des tribunaux soumis aux ingérences politiques ne peuvent servir la justice. Il faut donc un mécanisme permanent efficace pour compléter les systèmes internes qui n'ont aucun moyen politique d'accomplir leur tâche avec efficacité. Ce serait donc une erreur de faire que le lancement des procédures d'une cour criminelle indépendante dépende des Etats parties ou du Conseil de sécurité. Il faut au contraire une cour véritablement indépendante.

Mme EVA BOENDERS (Children's Caucus) : La cour devra disposer des moyens nécessaires pour juger les auteurs de violations graves commises à l'encontre des enfants. Les enfants sont de plus en plus victimes dans les conflits armés et sont souvent délibérément visés. Children's caucus estime que la cour criminelle internationale ne peut être compétente pour connaître des crimes commis par les mineurs de moins de 18 ans. La protection des enfants dans les conflits armés est nécessaire. Le recrutement de jeunes enfants conduit à des abus sexuels qu'il faut empêcher.

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