GA/PAL/782

LES ONG D'AMERIQUE DU NORD SUR LA QUESTION DE PALESTINE OUVRENT UN COLLOQUE SUR LE THEME "CINQUANTE ANS DE DEPOSSESSION DU PEUPLE PALESTINIEN"

15 juin 1998


Communiqué de Presse
GA/PAL/782


LES ONG D'AMERIQUE DU NORD SUR LA QUESTION DE PALESTINE OUVRENT UN COLLOQUE SUR LE THEME "CINQUANTE ANS DE DEPOSSESSION DU PEUPLE PALESTINIEN"

19980615 Le Colloque des ONG d'Amérique du Nord sur la question de Palestine s'est ouvert ce matin sous l'égide du Comité pour l'exercice des droits inaliénables du peuple palestinien et du Comité de coordination des ONG d'Amérique du Nord sur la question de Palestine. Présidé par M. David Graybeal, Président du Comité de coordination des ONG d'Amérique du Nord, le colloque se tiendra au siège jusqu'au 17 juin sur le thème "Cinquante ans de dépossession du peuple palestinien".

Les personnalités qui ont ouvert la séance et les participants au débat plénier ont abordé les conséquences historiques de l'évolution de la situation politique depuis l'adoption de la résolution sur la partition de la Palestine, le conflit israélo- palestinien, l'exercice du droit à l'autodétermination, le processus de paix et l'Etat palestinien. Dans sa déclaration liminaire, M. Nasser Al-Kidwa, Observateur permanent de la Palestine, a réitéré la volonté de l'Autorité palestinienne de réaliser la paix sur la base des accords contractés tout en soulignant la nécessité d'obtenir la reconnaissance des droits légitimes et historiques du peuple palestinien tels que le droit au retour et au dédommagement et la création d'un Etat palestinien avec Jérusalem pour capitale. Il a précisé que le peuple palestinien n'est pas prêt à accepter une justice partielle.

Le droit au retour du peuple palestinien dans son propre pays a été évoqué comme une des questions les plus délicates à régler. En effet, la question qui se pose est de savoir ce que l'on entend par son propre pays. Il a été demandé si la Palestine que les réfugiés ont quittée en 1947-1948 est le même pays que le nouvel État d'Israël ? La question des indemnisations a également été abordée, certains participants traçant un parallèle entre cette question et le processus actuel de dédommagement des victimes de l'holocauste. Il a été précisé que la valeur des biens palestiniens oscille entre des centaines de millions et des dizaines de milliards de dollars. Des questions sur le fond et la crédibilité du processus de paix israélo-palestinien et le rôle des Etats-Unis ont aussi été évoqués.

Les personnalités suivantes ont pris la parole: M. Ravan Farhadi, Président en exercice du Comité pour l'exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, M. Nasser Al-Kidwa, Observateur permanent de la Palestine, M. David Graybeal, Président du Comité de coordination des ONG d'Amérique du Nord sur la question de Palestine, M. Don Peretz, professeur en sciences

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politiques à l'Univerité Binghamton de l'Etat de New York, Mme Randa Farah du Centre d'étude et de recherche sur le Moyen Orient contemporain de Amman (Jordanie), M. Marc Ellis, chercheur associé à l'Université de Harvard, M. Ibrahim Abu-Lughod, professeur de sciences politiques à l'Université Birzeit et M. Baker Abdel Munem, Chef de la délégation de Palestine au Canada.

Une brève série de questions réponses a succédé aux déclarations.

La prochaine séance plénière aura lieu mardi 16 juin à dix heures.

Déclarations liminaires

M. RAVAN FARHADI (Président en exercice du Comité pour l'exercice des droits inaliénables du peuple palestinien), a souligné, au nom de M. IBRA DEGUENE KA (Président du Comité), le rôle essentiel que jouent les organisations non gouvernementales d'Amérique du Nord en faveur de la question de Palestine. Vous pouvez susciter un large appui en faveur du peuple palestinien mais en même temps vous devez veiller à ce que votre action renforce les efforts de la communauté internationale qui, au cours des années, a élargi le consensus sur les éléments essentiels d'un règlement pacifique. Ces éléments, a rappelé le vice-Président, sont le droit à l'autodétermination, le retrait des forces israéliennes des territoires palestiniens et autres territoires arabes occupés en 1967, y compris Jérusalem, l'abandon de la politique de développement des colonies de peuplement et de la confiscation des terres et la nécessité de régler le problème des réfugiés conformément à la résolution 194 de l'Assemblée générale. Les accords contractés à l'issue du processus de paix se fondaient sur la prise de conscience que le conflit ne peut être réglé que par des voies politiques et non par des moyens militaires et qu'il n'existe pas d'autres solutions pacifiques que la réconciliation mutuelle et le compromis sur la question des terres. Sur recommandation de notre Comité, l'Assemblée générale a réaffirmé que l'ONU assumait une responsabilité permanente en ce qui concerne la question de Palestine.

La communauté internationale continuera de déployer des efforts énergiques afin d'accélérer les progrès dans la direction prometteuse prise par les parties il y a 7 ans. En même temps, il faut continuer d'insister sur l'application rigoureuse des accords conclus entre les parties et de presser Israël pour qu'il s'abstienne d'utiliser ses positions dominantes afin d'obtenir des gains sur le terrain avant que les négociations sur le statut final soient amorcées. La proposition tendant à convoquer une conférence des Hautes Parties contractantes à la Quatrième Convention de Genève a également reçu le meilleur accueil et doit être maintenue à l'étude. Nous devons également continuer de mobiliser l'assistance en faveur du peuple palestinien dans les efforts qu'il déploie afin de développer ses infrastructures humaines, sociales et économiques et d'établir les fondations de son futur Etat. Le Comité pour l'exercice des droits inaliénables du peuple palestinien s'efforce de promouvoir ces objectifs importants par le biais de son propre programme de réunion et au sein de nombreuses instances. Un certains nombre de séminaires ont eu lieu et le Comité a demandé l'inscription à l'ordre du jour de la prochaine Assemblée générale des Nations Unies d'une question relative aux festivités de Bethléem 2000.

M. NASSER AL-KIDWA (Observateur de la Palestine) a souligné qu'il y a 50 ans, le peuple palestinien a été victime d'une injustice grave et historique. Plus de 50 % des Palestiniens ont été déracinés de leurs foyers et dépossédés de leurs biens. Il y a un mois, le 14 mai, les Palestiniens ont une fois de plus fait l'objet d'actes criminels de la part de l'armée d'occupation à l'occasion de la célébration de l'anniversaire de la "catastrophe ". Malgré

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tout, le peuple palestinien a survécu et il a réussi à renforcer son identité. Il lutte toujours pour recouvrer ses droits. Personne aujourd'hui ne peut nier l'existence de ce peuple ainsi que son droit au retour et au dédommagement. Les droits nationaux du peuple palestinien doivent être reconnus comme ils doivent être reconnus aussi pour tous les autres peuples. M. Al-Kidwa a demandé à Israël de présenter des excuses aux Palestiniens pour toutes les atrocités commises à leur encontre. Nous avons appris à faire la différence entre nos droits historiques et nos droits légitimes, a souligné l'Observateur. Nos droits légitimes comprennent la création d'un Etat palestinien avec Jérusalem pour capitale. Nous n'avons pas perdu espoir dans le processus de paix mais le gouvernement israélien donne nettement l'impression de vouloir s'en désengager. Les colonies de peuplement sont illégales et Jérusalem est notre capitale. Nous sommes néanmoins prêts à conclure la paix sur la base des accords contractés. La communauté internationale doit prendre les mesures nécessaires avant que les opportunités de paix nous échappent complètement. Nous avons fait des concessions mais nous n'accepterons pas une justice partielle. Le représentant a évoqué les déclarations faites par la première Dame des Etats-Unis et l'a remercie pour sa solidarité.

M. DAVID GRAYBEAL (Président du Comité de coordination des ONG d'Amérique du Nord sur la question de Palestine) a déclaré que les ONG d'Amérique du Nord appuient les droits inaliénables du peuple palestinien. L'agressivité et l'intransigeance d'Israël constituent un problème inacceptable. Quant à l'Autorité palestinienne, les avis sont partagés sur ses prises de positions, notamment concernant sa trop grande tolérance vis-à- vis des méthodes brutales de sa police envers les Palestiniens et aussi vis-à- vis des abus israéliens. Les ONG pensent que le favoritisme des Etats-Unis à l'égard d'Israël entame leur crédibilité dans les pourparlers sur la question de Palestine. Certaines ONG estiment même que les Nations Unies n'auraient jamais dû endosser la création de l'Etat d'Israël il y a 50 ans.

Les injustices et les traitements inhumains infligés aux Palestiniens depuis des décennies n'auraient jamais du être acceptés ou tolérés par la communauté internationale. Malheureusement les médias et Hollywood sont remplis de prises de position et de propagande anti-palestiennes. Le "New York Times" par exemple ne se gène jamais de prendre des positions éditoriales inacceptables, et devraient faire rougir les journalistes et les supporters de ce journal. L'Islam lui-même est présenté sous des angles totalement négatifs dans les médias américains et tout ce qui est arabe et vu de façon négative.

Des exemples concrets de discrimination existent dans la vie quotidienne des Arabes américains. Pourquoi les Nations-Unies continuent-elles de tolérer et d'accepter les faits imposés par Israël et soutenus par les Etats Unis. Pourquoi, malgré le non respect par Israël des résolutions du Conseil de sécurité relatives à la Palestine, les Etats-Unis s'entêtent-ils à soutenir ce pays. Si c'était une autre nation qui agissait de la sorte, elle aurait depuis longtemps été exclue de l'Organisation. Même l'Europe reconnaît que l'attitude américaine est devenue intolérable dans ses abus sur la scène

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internationale. "Pourquoi l'Europe ne prend-elle pas fermement position contre les initiatives américaines ai-je demandé un jour à un officiel européen?". Parce que, comme le disait le Premier Ministre Mc Millan après la 2ème guerre mondiale, les Etats-Unis ont aujourd'hui le pouvoir", m'a-t-il répondu.

Rappel de l'histoire de la Palestine

Conséquences historiques des faits politiques survenus depuis l'adoption de la résolution sur le partage

M. DON PERETZ (Professeur émérite à l'Université de Binghamton à New York) a fait part de son expérience en Palestine de 1946 à 1948. Peu après le début de la première guerre israélo-arabe, il est apparu clairement que le problème des réfugiés arabes de Palestine constituerait un obstacle majeur au règlement du conflit entre les deux peuples, a-t-il expliqué. Tout comme les événements survenus en Europe au cours des années 30 et 40 ont contribué à la fondation de l'État juif, c'est la fondation d'Israël qui a entraîné le déplacement des Palestiniens. Il est donc juste en célébrant le cinquantième anniversaire d'Israël de ne pas oublier que pour les Palestiniens cet anniversaire est celui de la perte de leur patrie. Après quelques tentatives futiles pour trouver une solution dans les années 50, la question des réfugiés semble avoir été reléguée au second plan. Officiellement, Israël nie toute responsabilité dans la création du problème des réfugiés, bien que récemment de jeunes historiens israéliens ayant eu accès à des documents officiels remontant à la fin des années 40 aient jeté le doute sur la position de leur gouvernement.

Lorsqu'un règlement du problème des réfugiés sera finalement négocié se posera alors la question délicate de l'indemnisation. L'indemnisation des Palestiniens qui ont perdu leurs biens et leurs moyens d'existence en 1948 est loin de retenir autant l'attention. Rares sont les non-Palestiniens à avoir conscience de l'ampleur du problème : sur les 370 nouvelles colonies juives établies entre 1948 et 1963 et habitées essentiellement par de nouveaux immigrants, environ 350 ont été construites dans des villages et sur des terres qui auparavant appartenaient aux Palestiniens. Si Israël reconnaît la légitimité d'une indemnisation, il assortit ses offres de paiement d'exigences : l'indemnisation des Juifs qui ont quitté le monde arabe dans les années 50 et le versement des indemnités, non à des particuliers, mais à un fonds général.

L'estimation de la valeur des biens palestiniens oscille entre des centaines de millions et des dizaines de milliards de dollars, a expliqué M. Peretz. Aujourd'hui, la plupart des solutions proposées préconisent l'utilisation des indemnités aux fins de l'absorption et de l'intégration des réfugiés, au moyen du développement régional, dans des pays comme la Jordanie, qui en accueille déjà la plus forte concentration. Une question fondamentale se pose alors : Comment ce développement sera-t-il financé? L'une des idées avancées est de confier les fonctions de l'UNRWA aux gouvernements locaux qui utiliseraient les centaines de millions de dollars aujourd'hui alloués à

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l'Office pour réinsérer les réfugiés en Jordanie et en Palestine. Une autre solution proposée est le partage des 3 milliards de dollars qu'Israël reçoit chaque année des États-Unis.

L'une des questions les plus délicates est celle qui a trait au "droit de retour". Qu'entend-on exactement par "droit de retour"? Pour les Israéliens comme pour les réfugiés palestiniens les moins sophistiqués et les moins informés, cela signifie le retour dans les foyers, fermes ou établissements commerciaux d'origine, autrement dit de 1948, ce qui ne tient pas compte de l'évolution politique, démographique, économique et physique des 50 dernières années. Ceux qui sont un peu mieux informés pourraient envisager le retour, sinon dans les foyers d'origine, du moins dans les villes ou villages d'origine. Les Palestiniens qui connaissent bien la question ont le sentiment qu'Israël doit reconnaître la légitimité du "droit de retour" en Palestine, et que si ce droit ne peut être mis en oeuvre à l'intérieur d'Israël, il doit l'être à l'intérieur de l'État de Palestine. Le droit international à cet égard est très ambigu bien qu'il consacre le droit de quitter son propre pays ou d'y retourner. En effet, la question qui se pose est de savoir ce qu'est son propre pays. La Palestine que les réfugiés ont quittée en 1947-1948 était-elle le même pays que le nouvel État d'Israël et les réfugiés forment-ils donc partie intégrante du nouvel État juif? Ainsi, la question demeure : Où seront réinstallés les 3 millions de réfugiés palestiniens ?

M. Peretz a évoqué en outre un ouvrage publié récemment Refugees Into Citizens dont l'auteur, Donna Artz, propose un plan fondé sur l'absorption des réfugiés dans la région qui prévoirait un partage des responsabilités entre tous les participants au processus de paix au Moyen-Orient. Chaque pays signataire d'un accord de paix final absorberait un nombre donné de familles de réfugiés sur une période d'environ sept ans. Le problème de l'apatridie serait réglé en donnant à chaque réfugié la nationalité du pays où il se réinstalle ainsi que la nationalité palestinienne, soit une double nationalité. Les réfugiés seraient répartis en fonction de la capacité d'absorption économique et politique de chaque pays hôte : par exemple, outre la population existante, le nouvel État palestinien en absorberait 350 000, la Jordanie 170 000 et Israël 75 000. La seule partie au conflit où le nombre de réfugiés diminuerait serait le Liban, des considérations politiques militant contre l'arrivée d'un grand nombre de Palestiniens dans ce pays.

Mme RANDA FARAH (Centre d'étude et de recherche sur le Moyen-Orient contemporain à Amman en Jordanie) a évoqué la recherche de l'identité du peuple palestinien et le rôle de la mémoire populaire dans la réalisation de la culture palestinienne. Après la guerre de 1948, de nombreux Palestiniens ont essayé vainement de rentrer dans leur village. En 1967, en raison de la guerre des 6 jours, ils ont encore été déracinés et sont devenus dès lors des réfugiés et des personnes déplacées dans leur propre pays. L'histoire de la Palestine et la vie dans les villages ont été retracées par les anciens. Les notions d'exil, de rapatriement et de village sont fortement ancrées dans la culture palestinienne. La mémoire populaire a donné naissance à un sentiment

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profond d'appartenance à la terre de Palestine. Les Palestiniens évoquent maintenant les camps de réfugiés comme un symbole de la lutte mais ils craignent de plus en plus que ces mêmes camps perdent leur signification politique et ne soient considérés que comme des bidonvilles. Ils ne voudraient pas en effet que les camps de réfugiés soient simplement considérés sous l'angle humanitaire, a expliqué Mme. Farah. Les réfugiés de la diaspora, quant à eux, ont le sentiment de rester en marge du processus politique. Il leur est demandé de ne plus se remémorer un passé vieux d'un demi-siècle. Les Palestiniens se voient offrir à présent des négociations sur leur statut final sans que le droit au retour soit envisagé; par conséquent il est difficile de considérer un avenir pacifique.

La mémoire et le conflit israélo-palestinien

M. MARC ELLIS (Research Fellow à l'Université de Harvard) a déclaré que pour quiconque s'intéresse à l'histoire du conflit israélo-palestinien et à la recherche d'une voie qui permettrait de dépasser la situation actuelle, la fondation d'Isrël et la catastrophe palestinienne sont à jamais indissociables. La seule question à se poser est de savoir si la division et l'horreur qui en sont le résultat, vont à jamais se perpétuer, ou si l'on saura trouver un moyen de créer une réalité nouvelle qui transcende la dichotomie entre célébration et commémoration pour l'amener à un niveau inconnu jusqu'ici dans ce conflit.

Etant donné la démographie, la culture, l'économie et l'architecture, Israël et Palestine existent quelle que soit l'option choisie. Les Palestiniens peuvent-ils devenir un peuple enfermé dans un ghetto sans que les Juifs aussi le soient? Si leur histoire est indivisible, leur avenir l'est aussi, car c'est seulement dans leur unité que les Juifs et les Palestiniens pourront trouver la liberté, la justice, la sécurité, une vie normale, la guérison et la prospérité. Maintenant que le cinquantenaire de la création d'Israël est passé, il faut modeler un avenir qui transcende les limites du passé. Mais pour y parvenir, les options traditionnelles - deux Etats, Israël et la Palestine, vivant côte à côte; un mini-Etat palestinien sur les rives occidentale du Jourdain et à Gaza; l'autonomie palestinienne sans Etat palestinien- doivent être abandonnées.

La mémoire a un poids crucial. Dés lors que le souvenir interpelle le présent pour lui donner des ordres, comme si le passé pouvait être confronté, réparé ou même vengé, la mémoire devient le combustible qui entretient un cycle d'horreur et de destruction. La mémoire peut être conservatrice et agressive lorsqu'elle isole les individus et les communautés en les persuadant de leur force et de leur bon droit. Elle peut aussi être conciliante et tournée vers l'avenir, s'efforçant de jeter des ponts et tisser une trame d'interdépendance. A partir du moment où la mémoire est libre de tout donner à l'avenir, un avenir pour lequel il faut combattre et qu'il faut gagner, le

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souvenir devient révolutionnaire. Et dès lors que la mémoire fonctionne sur un mode révolutionnaire, le pardon, autrefois redouté et jugé impossible, devient pensable et réel. Ici le pardon va au-delà de la piété, car il ne peut pas avoir prise tant que règne l'injustice et accompagne au contraire la marche vers la justice.

Dans l'oubli révolutionnaire, l'humanité de l'"autre" est redécouverte chez l'oppresseur et l'opprimé est réaffirmé dans sa personnalité et libéré. Le fait d'associer justice et pardon crée un lien générateur d'une profonde aspiration à une politique et à une société qui intègrent et transcendent le passé.

La mémoire: se souvenir de l'histoire de la Palestine

M. IBRAHIM ABU-LUGHOD (Professeur de sciences politiques à l'Université Bir Zeit) a délaré que le 29 novembre 1947 restera dans la mémoire palestinienne comme la date ou les Européens et les Américains, dominant le Conseil de sécurité des Nations Unies, ont annoncé la création d'un Etat juif et la dépossession officielle du peuple palestinien de sa terre. C'est un fait sans précédent dans l'histoire du 20ème siècle. Au moment ou s'amorçait les processus de décolonisation en Afrique et ailleurs, commençait le fait colonial du peuple juif, malgré les protestations palestiniennes contre cette injustice des Nations Unies. La population juive d'Europe avait déjà commencé à émigrer d'Europe orientale, favorisée par la politique et l'idéologie sionistes nées à la fin du siècle denier, et soutenues et favorisées par les politiques menées au Moyen-Orient par les Britanniques. Ces Juifs européens ont pu, grâce à l'aide qu'ils recevaient d'Europe, constituer une force militaire qui allait leur permettre de lancer des guerres d'agression contre les populations autochtones de la Palestine.

Les politiques juives et sionistes ont visé à démanteler et à anéantir totalement la présence palestinienne sur sa propre terre. Les démolitions et les expropriations qui allaient suivre en 1948, ont porté un coup fatal à la propriété et à l'identité palestiniennes. La question de la Palestine a été volontairement oubliée des débats de l'Assemblée générale des Nations Unies à partir de 1953. C'est la naissance de l'OLP qui a permis de relancer le débat sur la Palestine, et après sa reconnaissance par les nations arabes, cette organisation a pu faire entendre sa voix sur la scène internationale. Grâce au fait que les pays du tiers monde et d'autres nations aient mis fin au monopole euro-américain sur les débats de l'ONU et sur la politique internationale, l'OLP a pu alors légitimer son combat.

L'histoire retiendra que l'Intifida fut le fait qui a rendu caduque l'occupation par la force de la Palestine par Israël. Ce sont les accords signés après l'Intifada qui ont obligé Israël à signer des Accords de négociation pour la paix qui ont mené à une certaine autonomie palestinienne dans quelques territoires. Mais Israël a conservé la capacité et le privilège abusif, illégitime et exorbitant de contrôler l'usage des terres palestiniennes. Les accords d'Oslo sont aujourd'hui considérés comme une

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direction devant conduire à la libération du peuple palestinien. Mais ces mêmes Accords sont aussi perçus par certains Palestiniens comme une cause de stagnation de la cause de leur libération. Toute démarche raisonnable doit viser à assurer la pleine application de ces Accords si l'on veut éviter de graves troubles dans un futur proche.

Exercice du droit à l'autodétermination: le processus de paix et l'Etat palestinien

M. BAKER ABDEL MUNEM (Chef de la Délégation générale de la Palestine au Canada) a déclaré que les Palestiniens, et les hommes politiques palestiniens en particulier, doivent souvent répondre à des questions ou des commentaires du genre: "Avez-vous le moindre espoir d'atteindre un accord avec le Premier Ministre Netanyahou? Le Premier Ministre Netanyahou est en train de tuer le processus de paix. Quelle est la situation économique présente du peuple palestinien à l'heure actuelle à Gaza et en Cisjordanie? Croyez vous au processus de paix? etc". Pour répondre à ces questions et comprendre ces remarques et commentaires, il faut avoir une bonne compréhension du passé et du présent, et aussi être capable d'avoir une bonne vision de l'avenir. Pour y arriver et comprendre où en est la psyché palestinienne vis-à-vis du statut du processus de paix , je voudrais donner quelques grandes lignes.

L'ensemble du peuple palestinien soutient la paix et aspire à la paix en Palestine. Dans sa majorité, le peuple palestinien soutient le processus de paix actuel, bien qu'une minorité, et ce n'est pas un secret, y soit opposée. Les points de divergence entre Palestiniens sur le sujet portent uniquement sur le coût de ce processus et sur les modalités de la paix recherchée.

Dans l'autre camp, c'est-à-dire du coté israélien, les mêmes divergences existent, ce qui permet de penser que l'évolution des différentes positions dépend des événements qui surviendront sur le terrain. Ainsi, chaque incident ou événement positif se répercutent dans les deux camps. Je pense, par conséquent, qu'il est du devoir des responsables politiques, des intellectuels, des négociateurs, bref de tous ceux qui soutiennent la paix des deux côtés, et même à travers le monde, de contribuer à créer des circonstances et des événements favorables destinés à conforter la volonté de paix à la fois du coté israélien et du coté palestinien.

Questions-réponses

Un participant a demandé à M. Perez d'expliquer ce qu'il entend par une "vision simpliste" du droit de retour.

M. Peretz a fait valoir trois perceptions différentes: le retour dans sa maison d'origine, le retour sur le site initial de départ, ou le retour à l'Etat de Palestine.

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Un autre participant a demandé au Professeur Abu Lughod si la création d'un d'Etat palestinien laïque et démocratique était possible. Le professeur Lughod a fait valoir que l'Autorité palestinienne n'est en aucune façon tributaire d'une autorité religieuse alors que l'Etat d'Israël est une communauté religieuse.

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