ECOSOC/385

UNE REFLEXION S'IMPOSE SUR LES MOYENS DE RENFORCER L'ARCHITECTURE DU SYSTEME MONETAIRE INTERNATIONAL ET D'ARMER LES PAYS CONTRE LES CRISES FINANCIERES

18 avril 1998


Communiqué de Presse
ECOSOC/385


UNE REFLEXION S'IMPOSE SUR LES MOYENS DE RENFORCER L'ARCHITECTURE DU SYSTEME MONETAIRE INTERNATIONAL ET D'ARMER LES PAYS CONTRE LES CRISES FINANCIERES

19980418 Le Conseil économique et social tient une réunion extraordinaire au niveau ministériel sur l'intégration financière mondiale et le développement

Conformément à la résolution de l'Assemblée générale sur les mesures visant à restructurer et revitaliser l'ONU dans les domaines économique et social, adoptée en 1995, le Conseil économique et social a organisé ce matin une Réunion de haut niveau extraordinaire avec les institutions de Bretton Woods (Fonds monétaire internationale et Banque mondiale) sur le thème : intégration financière mondiale et développement : les nouveaux enjeux. La Réunion doit être vue comme le premier exemple d'une collaboration concrète entre le Conseil économique et social et les institutions de Bretton Woods et donc comme le premier carrefour de deux approches différentes du développement. A la lumière de la récente crise de certaines économies asiatiques qui a montré la contribution de la mondialisation financière au développement mais également les risques et les défis qu'elle pose, des personnalités du monde financier, des affaires étrangères et de la coopération au développement ont ainsi été en mesure d'échanger leurs points de vues sur les moyens de promouvoir la stabilité financière tout en dessinant la voie que devrait emprunter la communauté internationale pour assurer l'intégration financière et le développement des Etats.

Dans sa déclaration liminaire, le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan a souligné que les échanges entre les communautés diplomatique, financière et de coopération en faveur du développement les encourageront à explorer des moyens visant à établir le bien-être commun, en éradiquant la pauvreté et en créant les conditions de la stabilité et de la prévisibilité. Tout en reconnaissant les avantages extraordinaires que le développement des investissements a apportés, notamment dans l'amélioration de la vie de millions de personnes, le Secrétaire général a fait observer qu'ils impliquent des risques énormes, comme l'a montré la récente crise financière en Asie. Au-delà des incidences sur le plan économique, il y a un risque continu de troubles sociaux, de rupture de l'état de droit et de la perte de confiance. Les agrégats macro-économiques ne captent pas le traumatisme que les individus et les familles doivent subir du fait d'une telle crise, a souligné M. Kofi Annan.

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- 1a - ECOSOC/385 18 AVRIL 1998

Les Nations Unies ont un rôle à jouer à la fois pour atténuer les conséquences de ces crises et pour mettre au point les aspects de prévention à long terme. Se félicitant que les Nations Unies ne soient plus contraintes par la rivalité Est-Ouest qui marquait le passé et que l'admission au FMI et à la Banque mondiale tend à devenir plus universelle, encourageant ainsi un plus grand consensus sur la question du développement, le Secrétaire général a fait remarquer que la coopération entre les trois institutions est très dynamique dans le domaine des activités opérationnelles.

Le dialogue qui a suivi la déclaration du Secrétaire général, a tenté de concilier, au niveau intergouvernemental, les points de vue des représentants des pays prenant part au processus de financement des institutions financières, d'une part, et des représentants des pays impliqués dans le processus de développement, d'autre part. Tous les intervenants ont convenu que la Réunion de haut niveau extraordinaire intervient à un moment où la communauté internationale et les institutions financières internationales évaluent le système monétaire international à la lumière de la crise en Asie. Dans ce contexte, les questions du renforcement de l'architecture du système monétaire et de la manière d'armer les pays face aux crises financières ont été soulevées. Partant, un consensus s'est dégagé sur la nécessité de renforcer les systèmes nationaux, d'élaborer des cadres de supervision des économies, de tenir compte de l'interdépendance des politiques et des risques de contagion des crises, d'instaurer une plus grande transparence concernant les données politiques et économiques et d'encourager l'intervention du secteur privé dans la règlement des crises financières.

De nombreux intervenants ont également évoqué les incidences négatives de la restructuration du secteur économique sur les groupes les plus vulnérables des sociétés. Ils se sont demandés comment concilier ce nouveau partenariat offert par la mondialisation de l'économie et la protection des intérêts de l'être humain. Le dialogue a donc ainsi permis de souligner les aspects sociaux des crises financières, la Banque mondiale et le FMI se voyant invités à contribuer à l'amélioration des secteurs sociaux des pays.

La Réunion de haut niveau s'est déroulée sous la forme de quatre tables rondes composées des huit membres suivants : le Vice-Premier Ministre et Ministre des finances et du commerce extérieur de la Belgique et Président du Comité intérimaire du Fonds monétaire international (FMI), M. Philippe Maystadt; le Ministre des finances de la Malaisie et Président du Comité du développement FMI/Banque mondiale, M. Anwar Ibrahim; le Ministre des finances de l'Indonésie et Président du Groupe des 77 à l'ONU, M. Fuad Bawazier; le Ministre des finances de l'Algérie et Président du Groupe intergouvernemental des 24, M. Abdelkrim Harchaoui; le Vice-Ministre des finances de la Colombie et Président du Mouvement des pays non alignés à l'ONU, M. Eduardo Fernandez; le Secrétaire d'Etat au développement international du Royaume-Uni, Mme Clare Short (au nom du Groupe des 10 pays industriels); le Président de la Banque centrale du Venezuela et ancien Président du Groupe intergouvernemental des 24, M. Antonio Casas Gonzalez; et le Président du Comité d'aide au développement de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), M. James W. Michel.

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Les exposés des membres de la Table ronde ont été suivis par un dialogue auquel ont notamment participé des ministres concernés des pays suivants : Bélarus, République centrafricaine, Italie, Lettonie, Lesotho, Pologne, Suède, Turquie, Croatie, Maroc, Norvège, Pays-Bas et Afrique du Sud. Le Président du Conseil d'administration et Directeur du Fonds monétaire international (FMI), M. Michel Camdessus, et le Directeur général de la Banque mondiale, M. Sven Sandstrom ont également participé au débat. Le Président par intérim et Vice-Président du Conseil économique et social, M. Paolo Fulci (Italie) a assuré le rôle de modérateur.

La Réunion de haut niveau extraordinaire était saisie d'une note du Secrétaire général invitant les participants à réfléchir aux défis de l'intégration financière mondiale et à la réaction appropriée face aux crises financières.

Déclaration du Président par intérim de l'ECOSOC

M. PAOLO FULCI, Président par intérim de l'ECOSOC et Modérateur de la réunion, a indiqué qu'il s'agissait, dans l'histoire des Nations Unies, du premier exemple de collaboration concrète entre le Conseil économique et social et les institutions de Bretton Woods qui associe des Ministres et des fonctionnaires de haut niveau du monde financier d'une part, et du milieu de la coopération pour le développement, d'autre part. M. Fulci a rendu hommage au Secrétaire général, M. Kofi Annan, pour sa détermination à promouvoir la réforme du secteur économique et social des Nations Unies sur la base d'une obligation de résultat et d'actions ciblées. Il a rappelé que la mondialisation de l'économie est déjà une réalité. Dans le domaine économique, les entreprises ont déjà éprouvé l'impact des progrès technologiques et des nouvelles méthodes de production. Le secteur financier lui aussi est déjà sur la voie de la mondialisation. Le processus de déréglementation, la levée du contrôle des échanges et l'existence de moyens de communication instantanés ont profondément transformé leurs activités.

Par ailleurs, a souligné M. Fulci, la diffusion à l'échelle mondiale d'une grande quantité de données constitue un nouvel aspect de la vie internationale. La mondialisation est synonyme de progrès, et à ce titre elle doit être encouragée mais elle implique néanmoins certains risques, notamment pour ceux qui ne bénéficient pas de ses retombées positives. L'expérience récente en Asie est significative dans la mesure où elle montre les contributions positives du processus de globalisation de l'économie en faveur du développement mais également les risques et défis que cela entraîne.

Déclaration du Secrétaire général des Nations Unies

Le Secrétaire général des Nations Unies, M. KOFI ANNAN, s'est félicité de la coopération que M. Michel Camdessus, Directeur général du Fonds monétaire international et M. Jim Wolfensohn, Directeur général de la Banque mondiale, ont développé avec les Nations Unies. Il a rappelé que nombre des participants reviennent des réunions de printemps à Washington. Ces échanges entre les communautés diplomatique, financière et de coopération pour le développement nous enrichiront tous. Ils contribueront à rompre avec les courants de pensée étroits et à nous encourager à explorer des moyens visant à établir le bien-être commun, en éradiquant la pauvreté, et à créer les conditions de stabilité et de prédictabilité. Le financement du développement constitue également un domaine où les réflexions ont changé considérablement au cours de ces dernières années. On reconnaît aujourd'hui universellement l'importance pour le développement des flux de capitaux privés internationaux: ils ont créé des avantages extraordinaires. Des progrès considérables ont permis d'améliorer la vie de millions de personnes. Toutefois, comme la crise financière en Asie l'a montré, ils impliquent des risques énormes.

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Il existe trois principaux domaines de préoccupation dans les incidences de la récente crise en Asie. Tout d'abord, il y a la situation des pays directement frappés par la crise. Nous sommes tous préoccupés par les lourdes conséquences que ces crises imposent sur l'ensemble de la population. Les plus touchés sont généralement les plus vulnérables. Les demandeurs d'emploi qui ont émigré au moment de la prospérité; les pauvres qui ne peuvent plus payer les produits de première nécessité à des prix plus élevés; et tous ces groupes qui sont employés dans les secteurs les moins organisés de l'économie. Au-delà, il y a un risque continu de troubles sociaux, de l'effondrement de l'état de droit et de la perte de confiance. Les agrégats macro-économiques ne captent pas le traumatisme que les individus et les familles doivent subir du fait d'une telle crise. Par ailleurs, l'impact précis de la crise asiatique ne peut être dissocié de tous les autres développements indépendants affectant l'économie mondiale. Il apparaît de plus en plus que les autres pays en développement et les pays en transition seront affectés plus gravement par la crise que leurs partenaires développés. En d'autres termes, le préjudice collatéral est plus grand dans les pays en développement qu'ailleurs.

Enfin, a fait remarquer le Secrétaire général, la rapidité de la détérioration et de la relance constitue un troisième domaine de préoccupation. Il y a un risque véritable que les succès réalisés au cours des dernières années en vue de réduire la pauvreté soient éliminés. Il s'agit de savoir si on peut trouver des moyens visant à préserver les avantages des marchés financiers ouverts, tout en réduisant les risques de crises et en élaborant des instruments pour y faire face qui seront moins coûteux en termes humains. Les Nations Unies ont un rôle à jouer à la fois pour atténuer les conséquences de ces crises et pour mettre au point les aspects de prévention à long terme. Les préoccupations à court terme peuvent conduire à la négligence des éléments fondamentaux du développement à long terme. Ces éléments doivent être fondés sur les investissements humains et sur les dimensions plus générales comme le respect des droits de l'homme, le développement institutionnel ainsi que la démocratie participative.

Le Secrétaire général a rappelé que lorsque l'Assemblée générale avait décidé, il y a deux ans, de convoquer la présente réunion, elle ne pouvait savoir combien cette Réunion spéciale venait à point nommé. La turbulence financière en Asie a présenté un défi considérable à la communauté internationale et aux pays directement affectés. Toutefois, les conséquences économiques, sociales et de développement qui en découlent ont permis de rappeler les inter-relations entre les responsabilités et les activités des Nations Unies et des institutions de Bretton Woods. En outre, les ramifications internationales sont de plus en plus apparentes aujourd'hui. Elles montrent de manière évidente les risques qui accompagnent les avantages de la mondialisation. Elles montrent également de manière tangible qu'une étroite coopération entre les Nations Unies et les institutions de Bretton Woods est une nécessité impérieuse. A Washington, les Comités intérimaire et de développement et le Groupe des 24 examinent les questions financières mondiales. Ces mécanismes intergouvernementaux visent des

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objectifs différents et font intervenir des acteurs différents mais ne sont pas sans relation. Les Nations Unies ne sont plus contraintes par la rivalité Est-Ouest qui marquait le passé, tandis que l'admission au FMI et à la Banque mondiale tend à devenir plus universelle. Force est de constater maintenant qu'il existe un plus grand consensus sur la nature du processus de développement. A cet égard, le Secrétaire général a fait remarquer que les trois institutions échangent leurs expériences et, dans certains domaines, offrent différentes perspectives. Ces divergences tendent toutefois à disparaître. La coopération entre les trois institutions est la plus dynamique là où elle importe le plus, à savoir sur le terrain. Le Secrétaire général s'est déclaré fermement convaincu que des progrès considérables ont été accomplis et continueront à être réalisés pour renforcer l'efficacité des activités opérationnelles de la Banque, du Fonds et de l'ONU.

Première Table ronde

M. PHILIPPE MAYSTADT, Vice-Premier Ministre et Ministre des finances et du commerce extérieur de la Belgique et Président du Comité intérimaire du Fonds monétaire international (FMI) a déclaré que la réunion d'aujourd'hui intervient à un moment important où la communauté internationale et le FMI évaluent le système monétaire international à la lumière de la crise en Asie. Le Comité intérimaire a centré ses travaux sur le renforcement de l'architecture du système monétaire et sur la manière de mieux armer les pays aux niveaux national et international face aux crises financières. Une des leçons tirées de la crise récente est que même les pays dont les résultats économiques sont enviables ne sauraient être à l'abri des variations des sentiments des investisseurs. Le fait de renforcer l'immunité des pays à l'égard des fluctuations des marchés constituent un défi majeur auxquels sont confrontés les décideurs nationaux et la communauté internationale. La crise en Asie a fait apparaître le fait que le monde des marchés financiers mondiaux durera. Les pays ne peuvent en effet se soustraire au processus international des marchés des capitaux. La libéralisation des flux est une bonne chose, elle a donné un accès aux financements extérieurs, au transfert des technologies et offert aux investisseurs des opportunités plus larges de diversification de portefeuille. En même temps, elle a engendré de sérieux risques. Comment mieux équilibrer les opportunités et les risques ? Au vu des discussions du Comité, il apparaît qu'il faut d'abord renforcer les systèmes nationaux. Les responsables nationaux en sont les premiers responsables et un consensus s'est dégagé sur la nécessité d'élaborer des cadres de supervision conformes aux pratiques internationalement reconnues. A l'instar du Comité de Bâle des Banques centrales européennes qui a publié des principes fondamentaux de supervision des activités bancaires, le FMI devrait collaborer avec d'autres organisations pour fournir une assistance technique et des conseils pour aider les pays à appliquer ses principes fondamentaux.

Le Comité a ainsi souligné l'importance qu'il y a à définir des normes en comptabilité, en matière de vérification des comptes, des faillites et de la gestion des crises. Etant donné la mondialisation des marchés financiers, le Comité a demandé d'intensifier la surveillance du secteur financier et des

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flux de capitaux. Ces demandes témoignent de la préoccupation du Comité face aux risques qui résultent d'inversions de flux de capitaux à court terme. Le FMI doit accorder une attention particulière à l'interdépendance des politiques et aux risques de contagion. Le Comité a insisté sur une plus grande transparence concernant les données politiques et économiques pour assurer le bon fonctionnement des marchés financiers. Les marchés fonctionnent mieux en effet lorsqu'ils disposent d'informations de bonne qualité. Le FMI peut aider ses membres à renforcer leur capacité de rassembler des données, d'augmenter l'utilité et l'accessibilité du système de diffusion des données et les encourager à publier les conclusions du Conseil d'administration sur les consultations annuelles. Le Comité a reconnu que la capacité du FMI à faire face à des crises est tributaire des ressources dont il dispose. Il ne faut pas attendre du Fonds qu'il soit en mesure de financer tout déficit de balance de paiement tant il est vrai qu'il ne peut que susciter des financements d'autres sources et les coordonner. Il faut des procédures efficaces pour faire intervenir le secteur privé dans la résolution des crises financières. Il faut faire en sorte que le soutien apporté par la communauté internationale ne suscite pas de dangers moraux dans le sens où le secteur privé doit assumer une charge équitable par rapport au secteur public. La question de la libéralisation des comptes des capitaux a également été abordée au cours de la session du Comité intérimaire. Ce n'est pas leur libéralisation mais bien leur forme et leur séquence qui ont amené les pays à être vulnérables aux sentiments des investisseurs. Aucun pays ne doit être forcé de se libéraliser immédiatement lorsque ce n'est pas justifié par des raisons légitimes.

M. ANWAR IBRAHIM, Ministre des finances de la Malaisie et Président du Comité du développement FMI/Banque mondiale, a indiqué que les implications de la crise en Asie ont été le thème principal de la récente session du Comité. Les débats ont permis de dégager un consensus sur la nécessité urgente pour des institutions telles que le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et la Banque asiatique de développement de se pencher sur la question de la sagesse conventionnelle et de développer une approche nouvelle pour traiter des questions liées aux ajustements économiques. Le Comité a accordé une attention particulière aux aspects sociaux de la crise asiatique. Un appel a donc été lancé à la Banque mondiale et au FMI d'aider davantage les pays affectés à améliorer leurs services sociaux, établir des fonds sociaux et plus généralement de renforcer leurs secteurs sociaux. Il existe un lien étroit entre les questions structurelles et le règlement de la crise. La Banque doit renforcer davantage ses compétences dans le secteur financier, veiller à la restructuration et la bonne gouvernance, et également à la lutte contre la pauvreté et à la durabilité sociale. Un des enseignements qu'il convient de tirer de la crise consiste à reconnaître la grande erreur qui a été de se concentrer sur les questions macro-économiques sans faire référence à ces facteurs essentiels.

Il est injuste de rejeter la responsabilité de la crise sur les gouvernements des économies affectées. Il faut reconnaître que l'architecture financière internationale est également, sinon plus, coupable. Si des

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questions telles que le caractère imprévisible du marché du capital international, l'impact déstabilisateur du flux du capital à court terme et la fragilité systématique du système monétaire internationale ne sont pas résolues, le monde s'achemine vers une série de convulsions financières d'une gravité croissante. Toutes les théories relatives à la croissance et au développement, la théologie du marché libre et l'efficacité des institutions multilatérales se trouvent aujourd'hui mises au défi. Dans une économie globalisée, les réformes nationales ne sauraient suffire à prévenir l'action des prédateurs. Quelle que soit la robustesse d'un système financier national, il ne saurait s'abriter des chocs extérieurs et des risques systématiques, en particulier ceux découlant du flux des capitaux à court terme. Le système financier international doit s'attacher à garantir que les emprunteurs et les prêteurs sont tenus pour responsables.

En Asie, comme dans d'autres parties du monde, l'un des éléments importants des économies est aujourd'hui le secteur privé. A cet égard, le Comité a accueilli avec satisfaction la décision récente d'approuver une augmentation du capital du "Groupe des préventions des risques" de la Banque mondiale. Le Comité a également fait part de sa préoccupation face au déclin de l'aide publique au développement. De plus en plus, le flux de l'aide se trouve assujetti aux performances des pays et notamment à la bonne gouvernance. Les pays riches doivent prendre l'engagement ferme de reconstituer les fonds de la Banque mondiale afin de lui permettre de continuer à aider les pays pauvres et donc d'assurer que la justice distributive ne devienne pas une proposition vaine.

Dialogue

Entamant la série de questions, le représentant de l'Afrique du Sud a soulevé la question de la durabilité des capitaux. Il s'est interrogé sur la partie du risque qui doit être socialisée et sur celle qui doit être privatisée. Dans un contexte où le rôle de l'Etat diminue, qui assumera la responsabilité de la réglementation pour prévenir ces risques ? Le représentant de la Turquie a souhaité que l'on inscrive dans la Charte du FMI les activités liées à la prévention des crises. La crise asiatique étant une étape de l'intégration financière mondiale, il faut que les crises financières puissent être prévenues grâce à une action efficace. Pour sa part, le représentant du Maroc a soulevé la question de la dette des pays les plus pauvres en se félicitant des initiatives prises jusqu'ici. Les pays préémergents doivent également faire l'objet de mesures incitatives pour leur permettre de poursuivre leurs efforts d'intégration de l'économie mondiale. Le représentant du Pakistan a fait référence au déclin de l'aide publique au développement en supposant que les ressources ainsi perdues sont certainement passées dans le mouvement des capitaux privés. Revenant également à la gestion des crises, il a attiré l'attention sur le fait que l'indépendance des banques centrales est une condition préalable à une bonne réglementation. Il faut aussi changer le fonctionnement du FMI pour permettre une intervention rapide et changer la manière d'appréhender les crises. Les institutions internationales doivent disposer de ressources et y avoir accès de manière

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plus rapide. Par ailleurs, le représentant a appelé à la prudence quant à la libéralisation des mouvements de capitaux privés. Le représentant de la Suède a souhaité que l'on mette fin à la structure des relations entre les institutions de Bretton Woods et les Nations Unies et attiré l'attention sur l'idée d'un Conseil économique mondial. Le défi du financement du développement doit être relevé: il doit demeurer prévisible, suffisant et équitable. Il faut aussi consacrer de l'énergie au financement de l'ONU et surtout se pencher sur la question de la lutte contre la pauvreté. Il s'agit là d'une question morale. L'aide internationale trouve ici toute sa pertinence. A son tour, le représentant du Japon a souligné le consensus sur la question de la mondialisation et estimé que la crise en Asie a illustré la nécessité d'intégrer harmonieusement les pays en développement à l'économie mondiale.

Répondant à la série de questions, le Président du Comité intérimaire du FMI, a estimé que la première question importante concerne la répartition des fardeaux en cas de crises de liquidités. Cette question difficile montre qu'il faut trouver les moyens de faire en sorte que le secteur privé assume une plus grande part du fardeau. Le Comité intérimaire a d'ailleurs suggéré cinq éléments pour atteindre ces objectifs. La deuxième question concerne elle la question de l'opportunité des interventions lorsqu'une crise apparaît. Le Comité intérimaire a souligné que les organisations financières internationales interviennent trop rapidement avec des fonds trop importants rendant ainsi difficiles l'intervention du secteur privé. Il faut des procédures pour atteindre l'un et l'autre objectif. Il faut réagir d'un façon qui amène les uns et les autres à assumer leur responsabilité. Il faut développer la capacité de survillace du Fonds qui devrait accorder plus d'attention aux comptes de capitaux et développer des indicateurs de vulnérabiité. Il devrait aussi accorder une importance à l'interdépendance et aux risques de contagion. Le Président a ajouté que les groupements régionaux peuvent être utiles dans le mécanisme de prévention des crises lorsqu'un gouvernement a des difficultés à mettre en oeuvre les recommandations du FMI. La pression des efforts régionaux peut s'avérer utile.

Le Président du Comité du développement FMI/Banque mondiale a, pour sa part, estimé que l'on ne peut examiner l'Asie comme une seule entité. Il ne peut être question d'inverser le sens de l'engagement pris en faveur de la libéralisation mais il faudra pourtant examiner les excès au niveau de la gouvernance, de la transparence de l'information et de la corruption. Il est important de faire le constat que ces excès dépassent les pays asiatiques et s'appliquent au système international. Il faut donc que les règles appliquées dans les pays s'appliquent également au système international. Il faut admettre qu'il convient d'apporter des ajustements pour renforcer le FMI ou la Banque mondiale et faire en sorte que les règles soient respectées.

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Table ronde II

M. ABDELKRIM HARCHAOUI, Ministre des finances de l'Algérie, Président en exercice du Groupe des 24, a déclaré que face aux craintes suscitées par les récentes turbulences monétaires et financières internationales et aux attentes légitimes de voir enfin la communauté internationale prendre en charge la problématique du développement dans toute sa complexité, on ne peut que se réjouir de l'initiative prise par l'Assemblée générale, qui se veut porteuse d'une dynamique nouvelle et de nouveaux espoirs à un moment où la recurrence des crises financières nourrit les appréhensions des pays en développement à l'endroit du processus de mondialisation. Ces préoccupations ont été au centre des discussions du Groupe des 24 qui viennent d'avoir lieu, à Washington, en marge des réunions de printemps du FMI et de la Banque mondiale, a-t-il rappelé. La crise financière qui a touché récemment l'Asie a rendu encore plus urgente la prise en charge de ces questions qui nécessite un sérieux effort de concertation et de coopération en vue de déterminer les conditions objectives visant à améliorer le fonctionnement de l'économie mondiale, à réduire les coûts potentiels et les risques de la mondialisation et à permettre à tous les pays de tirer avantage de leur intégration, au bénéfice de leur développement économique et social. Dans cette perspective, la stabilité du système monétaire et financier international est primordiale et requiert une intensification de la coopération entre les pays en développement et les pays développés, d'une part, et les institutions internationales, d'autre part.

Faisant observer que la récente crise en Asie a mis en évidence l'importance et les effets positifs remarquables d'une telle coopération, M. Harchaoui a indiqué que le Groupe des 24 est convaincu que cette concertation entre pays industrialisés et pays en développement permettra d'identifier les voies et moyens pour améliorer rapidement les capacités et les modalités de prévention et de réaction des institutions financières internationales face aux crises. Ce cadre devrait également permettre de mieux répartir les coûts de la stabilisation et surtout d'arrêter un dispositif approprié pour veiller à la protection des couches sociales vulnérables des pays touchés par ces crises. La baisse des prix du pétrole et d'autres matières et la réévaluation des risques par les pays industrialsés, induisant une diminution des flux financiers vers les pays en développant, ne manquera pas d'affecter de manière négative l'investissement et donc la croissance, et d'alourdir les coûts sociaux. Il est donc urgent de mettre en place des mécanismes efficaces d'orientation des flux de capitaux en direction des pays en développement et surtout des pays pauvres très endettés qui devraient, de surcroît, bénéficier de l'initiative concernant la réduction de leur dette. Les pays en développement restent confrontés à des situations qui rendent indispensables des actions énergiques de soutien de l'investissement tant par les institutions financières internationales que par les autres bailleurs de fonds. En l'absence de telles actions, il ne peut y avoir de croissance ni d'amélioration de la situation sociale dans le monde. L'actuel effort de réflexion doit donc s'inscrire dans le sens d'une prise en charge à la fois solidaire et concertée des enjeux induits par la mondialisation des problèmes

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monétaires et financiers. De fait, l'urgence qui s'attache à la redynamisation de la coopération internationale dans les domaines précités doit tirer profit des récentes expériences pour imprimer une nouvelle vigueur à l'action collective de la communauté internationale et lui ouvrir des perspectives à la mesure des aspirations de l'humanité.

Mme CLARE SHORT, Secrétaire d'Etat pour le développement international du Royaume-Uni, au nom du Groupe des 10 pays industriels (G-10), a déclaré que la mondialisation est un tournant de l'histoire, un phénomène irrésistible. Elle a souligné la nécessité de déployer tous les efforts possibles pour éviter la marginalisation de groupes plus vulnérables, du fait du renforcement des inégalités. Mme Short a estimé qu'il n'est pas nécessaire de créer de nouveaux mécanismes internationaux pour faire face aux crise financières. Les Nations Unies et les institutions de Bretton Woods, ainsi que tous les autres partenaires oeuvrent en étroite coopération pour explorer les moyens qui permettraient de réduire la pauvreté et d'assurer aux pays en développement les moyens de bénéficier des avantages de la mondialisation. Le Secrétaire d'Etat a estimé qu'il faudrait s'éloigner de la dichotomie ancienne. Les grands progrès accomplis en Asie sont connus de tous. Toutes les régions du monde doivent être en mesure de procéder à des investissements pour une éducation universelle, pour réduire la pauvreté et pour renforcer les échanges économiques nécessaires à un développement durable. Si l'on ne peut tirer les leçons de l'histoire, nous serons dans une situation très difficile, a-t-elle mis en garde. Il est essentiel de tirer des leçons des expériences passées. Mme Short a reconnu que tous les pays ne disposent pas des moyens nécessaires visant à prévenir ou à faire face à une crise financière. Pour ces pays, le FMI et la Banque mondiale peuvent offrir des solutions. Aujourd'hui, il est temps de mettre fin à la corruption qui freine considérablement le développement des pauvres. Pour que les marchés fonctionnent de manière efficace, des efforts considérables doivent être déployés dans ce domaine. Les pays en développement devraient également déployer des efforts pour attirer les investissements étrangers et développer leur système bancaire tout en l'adaptant aux nouvelles réalités. Nous faisons face à un grand changement historique, du fait de la mondialisation. D'ici 2015, il est essentiel que la communauté internationale réalise notamment les objectifs d'une éducation pour tous et de la santé génésique.

Dialogue

Le représentant de l'Inde a fait observer que la crise en Asie a montré de manière évidente comment des pays bien organisés pouvaient être profondément affectés par une crise financière. Le partage du fardeau est crucial car le danger moral est important. La crise en Asie a également fait ressortir davantage les conséquences des politiques économiques adoptées par les pays développés. Tout en reconnaissant la nécessité d'une plus grande transparence, le représentant a fait observer qu'il n'y a pas de panacée à ce niveau.

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Le représentant de l'Italie a souligné que la mondialisation des marchés est cruciale. Pour cela, il faudrait élaborer une réglementation plus efficace afin d'éviter que certains pays adoptent des mesures trop protectionnistes. Faisant référence aux discussions concernant la mise en place éventuelle d'une Commission des devises en Asie, il a demandé si ces discussions se poursuivent.

Evoquant la pauvreté, la représentante de la Norvège a souligné que la mondialisation ne peut être un but en soit. Les objectifs de la mondialisation ne peuvent être confondus avec les mesures à prendre pour faire face à une crise financière. Les "filets de sécurité" ne répondent pas aux besoins des pays pauvres. Il est nécessaire de leur apporter une aide et en particulier dans les domaines de l'éducation et de la santé. En outre, la corruption est en contradiction avec les efforts de développement. Les riches s'enrichissent et les pauvres s'appauvrissent. La représentante a souligné la nécessité de renforcer la coopération et la coordination entre les Nations Unies et les institutions de Bretton Woods.

Pour sa part, le représentant de la Croatie a fait remarquer qu'une coopération efficace est nécessaire au développement. Il faudrait établir un équilibre entre les mesures nationales et les intiatives internationales. Pour prévenir les crises financières, il faudrait garantir une gestion efficace des investissements. Il a estimé qu'une coopération renforcée et nationale s'impose au niveau du renforcement du développement dans les régions les plus pauvres.

La représentante du Canada a souligné la nécessité pour le Conseil économique et social d'assurer de manière efficace le suivi des grandes conférences des Nations Unies. Le Canada a proposé cette semaine à Washington un mécanisme de prévention de crises financières qui n'alourdisse pasla bureaucratie. La représentante a émis l'espoir que les réunions tenues cette semaine à Washington et à New York permettront de prendre des mesures efficaces en faveur de l'Afrique afin de lui permettre de participer à l'économie mondiale.

Le représentant du Brésil a fait sienne l'idée que les crises comme celles intervenues en Asie sont lourdes de conséquences pour son pays. L'élimination de la pauvreté constitue entre autres une profonde préoccupation. La paix et la sécurité ne peuvent être dissociées du développement économique et social. Sans créer de nouveaux mécanismes, il est nécessaire de développer un dialogue intergouvernemental et de rendre le débat sur l'integration financière mondiale plus spontané.

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Table ronde III

M. FUAD BAWAZIER, Ministre des finances de l'Indonésie et Président du Groupe des 77 à New York, s'est demandé, à la lumière de la crise financière récente en Asie orientale, quelles mesures pourraient prendre les gouvernements asiatiques et la communauté internationale pour prévenir à l'avenir un effondrement des économies et pour faire en sorte que le choc de la restructuration du secteur économique n'entraîne pas l'imposition d'un fardeau injustifié sur les groupes les plus pauvres de nos sociétés. Le Ministre a estimé que la création de barrières protectionnistes contre les flux de capitaux ne contribuera pas à protéger le secteur financier national contre les crises financières. Le protectionnisme n'est pas un garant de la stabilité financière. Le Ministre a reconnu que son pays a bénéficié de gains importants à la suite de son intégration au sein des marchés financiers internationaux. Les gains économiques tirés de notre intégration financière dépassent les coûts sociaux et économiques de la crise des marchés asiatiques. Les flux de capitaux et l'efficacité accrue de nos produits et de nos marchés financiers ont mené à une période de croissance soutenue en Indonésie. Au cours des trente dernières années, le revenu par habitant a plus que doublé. L'essor rapide de notre économie et de nos exportations a donné lieu à une augmentation des possibilités d'emploi et par conséquent des salaires. L'une des réalisations les plus positives est la réduction significative du nombre de personnes vivant au dessous du seuil de pauvreté.

Le Ministre a estimé que pour jouir pleinement des retombées positives du phénomène de mondialisation de l'économie, il faut s'assurer du fonctionnement sain des institutions financières. Cela signifie que nos institutions doivent canaliser les ressources financières internationales afin de garantir leur utilisation maximale. Pour cela il faut veiller à ce que l'allocation de ressources financières se fasse en fonction de leur potentiel économique. La déréglementation du secteur bancaire ne signifie pas absence de réglementation. Le processus de déréglementation exige non seulement des lois mais également le personnel approprié nécessaire à la mise en application de ces règles et à la réalisation d'analyses. Ce personnel doit également pouvoir porter à l'attention des autorités la faiblesse de la qualité de ses avoirs. Nous étions conscients de la faiblesse de notre système financier mais le volume important de capitaux a contribué à créer un sentiment de sécurité artificiel qui nous a donné à penser que la réforme du secteur financier n'était pas urgente. Cette crise, a précisé le Ministre, nous a appris que le report de la réforme du secteur financier retarde non seulement la mise en oeuvre des activités nécessaires mais accroît également le coût des mesures de réforme éventuelles. Le Ministre a reconnu que des erreurs en matière de politique nationale sont à l'origine de la crise financière asiatique tout en évoquant des facteurs extérieurs qui ont créé un phénomène de contagion. Il est donc légitime de demander quelles mesures la communauté internationale pourrait prendre en vue d'éviter à l'avenir une telle crise financière. Il a précisé que le retrait rapide des capitaux a exacerbé les faiblesses du secteur financier de base. Les investisseurs internationaux sont en partie responsables de la crise qui a déferlée sur l'Asie car ils ont

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mal évalué les retombées à long terme des projets économiques qu'ils finançaient et la stabilité à court terme de cette région qui s'est trouvée inondée par des emprunts à court terme.

Le Ministre a évoqué les carences du système de surveillance des systèmes financiers. Il a estimé que la moindre des choses est de garantir une meilleure évaluation des capitaux privés, des informations fiables sur l'état de la dette privée, le contrôle du niveau des dettes à court et à long terme. Le Ministre a néanmoins mis en garde contre des mesures d'ajustement dont les effets négatifs pèseraient sur les groupes les plus vulnérables de la population notamment la population rurale, les femmes et les enfants. Nous devons donc nous assurer que nos exportations figurent au rang des priorités et que les pays industrialisés nous ouvrent leurs marchés et absorbent nos produits. Au sein de nos économies nationales, nous devons faire en sorte que les restrictions inévitables imposées à l'allocation de ressources financières ne contribuent pas à barrer l'accès des populations les plus pauvres aux services sociaux. Nous avons l'intention en Indonésie de créer un filet de protection sociale pour que les effets de la crise financière n'affecte pas la santé des groupes les plus vulnérables. Des politiques macro-économiques saines et transparentes couplées à un système financier bénéficiant d'une surveillance de meilleure qualité, nous permettront rapidement de faire usage du plein potentiel en ressources humaines et en infrastructures.

M. JAMES MICHEL, Président du Comité d'aide au développement de l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), a estimé que la croissance des flux des capitaux privés vers les pays en développement est d'une importance majeure pour le financement du développement. L'augmentation de ces flux s'est accompagnée d'une gestion économique améliorée dans les pays en développement et de l'accroissement des ressources nationales, source principale du financement du développement. Cela a donc entraîné une diminution des liens de dépendance des pays en développement vis-à-vis des pays développés. La capacité des pays à augmenter leurs ressources nationales doit être prise en compte dans le financement du développement. Le président du Comité a évoqué le rôle nouveau catalyseur joué par l'aide publique au développement qui correspond à un nouveau concept du financement du développement. Dans cette perspective, chaque pays doit être encouragé à poursuivre ses objectifs nationaux grâce à une aide économique intégrée. Les intervenants extérieurs devraient donc chercher à accorder leurs efforts avec ceux déployés par les pays en développement. Ce concept de partenariat doit mener à un consensus sur le rôle de chacun dans le financement du développement. Le président du Comité s'est néanmoins demandé comment saisir les occasions offertes par la mondialisation tout en tenant et en respectant les valeurs de l'être humain.

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Dialogue

Le représentant des Pays-Bas a évoqué la crise pétrolière, il y a 25 ans et rappelé qu'à cette occasion une architecture financière nouvelle avait été créée. Changeons cette architecture pour qu'elle puisse faire face aux situations nouvelles, a-t-il suggéré. Il a également proposé de modifier la composition, le mandat et la structure du Comité intérimaire pour qu'il associe les Nations Unies et non pas seulement le Fonds monétaire international et la Banque mondiale. Ces modifications sont nécessaires si l'on veut assurer la viabilité à long terme du développement et la cohésion de nos activités, a-t-il précisé. Il faut également donner pour tâche au Comité l'identification de nouvelles sources de financement.

Le représentant des Etats Unis a estimé que la crise asiatique intervient dans le cadre de grands changements mondiaux, notamment dans les domaines politiques. Dans ce contexte ,il a évoqué l'importance d'un partenariat ciblé. Il s'est félicité de l'amorce d'un processus de consultations dont témoigne cette réunion.

Le représentant de la Lettonie a appuyé l'idée de mettre en place un meilleur système de surveillance des systèmes financiers. Il a fait valoir les dangers que font peser sur les pays en transition le déficit des comptes courants et a espéré que cet élément sera pris en compte dans les activités des institutions de Bretton Woods.

Le représentant du Honduras a abordé les avantages de la libéralisation financière tout en soulignant la nécessité d'améliorer les mécanismes de surveillance internes grâce au renforcement des mécanismes prudentiels. Il a observé par ailleurs que dans ce type de situation liée à l'endettement on évoque la demande tout en négligeant l'offre. Il a demandé ce qui est fait pour contrecarrer cette difficulté liée aux mouvements de capitaux internationaux.

Table ronde IV

M. EDUARDO FERNANDEZ, Vice-Ministre des finances de la Colombie et Président du Mouvement des pays non alignés aux Nations Unies, a indiqué qu'au cours des dernières années, les économies nationales ont connu de profondes transformations à la suite de la mondialisation de l'économie. Les efforts de tous les pays, en particulier des pays en développement, ont tous visé à profiter de cette nouvelle situation. De nouvelles ressources de capitaux et de nouveaux projets d'investissements ont pu apparaître. De la même façon, des problèmes d'ordre social ont pu être réglés et l'accès aux technologies a été facilité. Cependant les activités spéculatives de certains pays ont fait peser une menace sur l'économie mondiale montrant que la libéralisation de l'économie ne saurait constituer une fin en soi si elle ne permet pas un partage juste et équitable des bénéfices qu'elle entraîne. Il ne faut pas négliger en fait que le mouvement des capitaux est d'abord motivé par la recherche de la rentabilité et du profit. Il faut donc tenir compte de la

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volatilité de ces capitaux et de ses répercussions possibles. Il ne fait aucun doute que la meilleure façon de garantir les investissements à long terme, c'est d'assurer une politique macro-économique, fiscale, monétaire et d'échange cohérente. Les organisations internationales multilatérales doivent participer à un renforcement des mécanismes de contrôle du système financier. L'imposition des règles de prudence aux organismes financiers des pays doit être menée avec le concours des organisations financières internationales. En outre, pour combattre la volatilité des capitaux, il conviendra de repenser les politiques de taxation des capitaux. Il faudra également créer un Fonds pour faciliter la tâche des gouvernements de mener des politiques macro- économiques cohérentes, d'assurer des investissements sociaux et de mettre à contribution les pays exportateurs nets de capitaux.

M. ANTONIO CASAS GONZALEZ, Président de la Banque centrale du Venezuela et ancien Président du Groupe des 24, a souligné l'essor considérable qu'a permis la mondialisation dans des domaines tels que les échanges, le transfert de technologies et les mouvements de capitaux financiers et humains. La libéralisation des mouvements des capitaux est une bonne chose si elle s'accompagne d'une approche ordonnée et prudente. Les pays en développement devront prendre des mesures pour améliorer la surveillance de ces mouvements, mettre en place un cadre macro-économique sûr et assurer la cohérence du développement en assurant l'efficacité des marchés, leur contrôle et la possibilité de prendre des mesures de prévention. Il faut savoir que les pays en développement sont plus exposés à la volatilité des mouvements des capitaux en raison notamment de la faiblesse et de la précarité de leurs institutions en général et de leurs institutions financières en particulier, et du fait que leurs économies ne reposent pas sur la thésaurisation interne mais sur les facteurs externes. L'intégration financière mondiale s'avère donc beaucoup plus rapide que le renforcement des institutions.

Dialogue

A la suite de cet exposé, le représentant du Bangladesh a souligné que la mondialisation ne doit en aucun cas signifier homogénéisation du monde. Il a, en outre, souligné la nécessité d'assurer une répartition équitable des avantages de cette mondialisation. Il faut, par ailleurs, réfléchir à la manière d'intégrer les économies des pays dont les monnaies ne sont pas convertibles. Chaque pays doit donc avoir le droit de décider du moment de son intégration. En ce qui concerne le coût de l'ajustement structurel, le représentant a mis l'accent sur le fait que ce sont d'abord les groupes vulnérables qui subissent le fardeau de ces politiques. Les gouvernements n'ont pas les moyens de faire face à ces besoins et se trouvent contraints de voir la détérioration de secteurs aussi essentiels que l'éducation ou la santé. Il faut donc analyser les effets de l'ajustement structurel sur chaque catégorie de revenus. S'agissant de l'axe entre la pauvreté et la corruption, il faut se rappeler que plus la société est inégale plus elle a tendance à être corrompue. Il faut donc d'abord résoudre la question de l'inégalité et celle des mécanismes réglementaires de supervision des flux. Intervenant à son tour, le représentant de l'Iran a regretté que la note du Secrétaire

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général n'ait pas tenu compte de la dimension internationale de l'intégration mondiale. Le fait que la récente crise financière en Asie soit intervenue dans le contexte d'une mondialisation et d'une libéralisation souligne la dimension mondiale de ce phénomène et montre la nécessité impérieuse d'un effort collectif pour chercher des solutions institutionnelles à des questions qui dépassent les économies nationales. Le représentant de l'Allemagne a lui soulevé la question de l'allégement de la dette en jugeant possible de maintenir l'élan acquis. Il a en outre évoqué la possibilité de prendre des mesures au niveau bilatéral. Ainsi l'Allemagne envisage l'annulation de la dette des pays les moins avancés à hauteur de 9 milliards de dollars et continue de promouvoir des mesures d'échange de la dette dans les secteurs de l'éducation ou de l'environnement. L'Allemagne a aussi décidé d'offrir des subventions à un certain nombre de pays les moins avancés et se voit aujourd'hui en mesure de contribuer à la charge financière d'un bon nombre de pays partenaires.

Déclaration du Président du Conseil d'administration et Directeur général du FMI

M. MICHEL CAMDESSUS, Président du Conseil d'administration et Directeur général du Fonds monétaire international (FMI), a souligné que l'initiative de convoquer aujourd'hui une Réunion extraordinaire de haut niveau sur le thème de l'intégration financière mondiale et le développement et les questions récentes, était cruciale. Le FMI continue notamment à promouvoir des efforts visant à réduire la dette en vue de contribuer à l'éradication de la pauvreté.

Répondant aux observations formulées par les délégations, M. Camdessus a rappelé qu'il participe pour la onzième fois aux sessions du Conseil économique et social. Il a indiqué que depuis les années 80, on assiste à la cinquième crise financière. Concernant l'aspect stabilité financière, il a fait remarquer que l'on parle de façon un peu ambitieuse d'architecture financière. On en est encore à la phase préliminaire. Cinq piliers ont été identifiés par la Commission financière publique internationale : la surveillance du FMI est renforcée et doit être étendue au système bancaire. Il faudrait avoir en temps utile une image réelle des conséquences d'une crise financière. La surveillance doit être étendue à tous les pays. Elle doit être suivie d'effets. Là où la médecine aurait suffi, il a fallu recourir également à la chirurgie.

M. Camdessus s'est déclaré convaincu que la surveillance fonctionne bien. On constate les crises graves comme celle que traverse l'Asie, mais on oublie celles qui ont été évitées grâce à la surveillance. C'est le cas du Brésil et des Philippines. La surveillance établie au niveau international peut être renforcée par une surveillance régionale. Evoquant la question des "standards", M. Camdessus a souligné que la transparence est cruciale. Elle a le grand mérite de contribuer à réduire la volatilité. Il faut être en mesure de déterminer les pays qui disposent des meilleurs mécanismes visant à prévenir une crise financière. Le FMI encourage un dialogue franc entre les institutions financières internationales et les gouvernements. Dans un monde

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de la globalisation, la libéralisation doit être aussi ordonnée que possible. Les pays sont conscients que dans un monde globalisé, il ne faut pas fermer la porte mais plutôt favoriser les échanges. M. Camdessus a souligné la nécessité de partager les risques et les responsabilités pour réagir face aux crises financières. Les pays doivent accepter de fermer les banques, de les recapitaliser et d'injecter des capitaux étrangers. A propos d'ajustement, M. Camdessus a souligné que l'ajustement est humain. Lorsqu'il n'y a pas ajustement, il y a marginalisation. Par ailleurs, le FMI estime que c'est maintenant qu'il faut déployer des efforts considérables en faveur de l'Afrique. Les instruments d'aide au développement et d'ajustement doivent être plus efficaces pour garantir à l'Afrique une croissance économique. Le FMI et la Banque mondiale se félicitent d'être parvenus à une réduction des dépenses militaires en Afrique. En concluant, M. Camdessus a fait observer que la crise est un mélange de chance et de danger. Comme l'a souligné récemment le nouveau Président de la République de Corée, la crise financière en Asie peut très bien produire des effets positifs. On peut toujours espérer un miracle mais maintenant il faudrait pouvoir passer du miracle à la maturité.

Déclaration du Directeur général de la Banque mondiale

M. SVEN SANDSTROM, Directeur général de la Banque mondiale, a évoqué la réalité du miracle asiatique d'une ampleur sans précédent qui ne faut pas négliger. Nul doute que ce miracle se poursuivra ll nous faut cependant tirer des enseignements clés liés au problème soulevé par les mouvements de capitaux, à la nécessité qu'il y a à ne pas concentrer toute l'attention sur les emprunteurs mais également sur les prêteurs, et au rôle crucial des structures financières. Cette crise n'est pas seulement d'ordre financier mais également d'ordre social. Il faut donc veiller à ce que la mondialisation soit une force plus vive en vue de l'élimination de la pauvreté. La Banque mondiale a créé une unité spéciale et un budget spécial pour améliorer ses compétences dans le domaine social. Le Directeur a souligné à nouveau les succès réalisés par les pays en développement. Nous assistons à des taux de croissance de 5 % en Afrique. Il faut néanmoins passer à 7 % pour qu'il y ait une incidence sur la pauvreté. La clé de ce nouveau partenariat dont il a été question aujourd'hui est que les agences de financement doivent coopérer également au niveau des pays. En effet, le pays seul est notre centre d'intérêt.

Informations de base

La Réunion de haut niveau extraordinaire du Conseil économique et social avec les institutions de Bretton Woods s'est tenue en réponse à la requête de l'Assemblée générale contenue dans sa résolution intitulée " Mesures complémentaires pour restructurer et revitaliser l'Organisation des Nations Unies dans les domaines économique et social et les domaines connexes" (A/50/227). La résolution comprend, en effet, un chapitre sur les relations entre l'ONU et les institutions financières et commerciales internationales

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dans lequel la nécessité d'une coopération renforcée entre les institutions de Bretton Woods et les autres éléments du système des Nations Unies est soulignée. Une demande est faite à ces institutions de présenter des études et des rapports spéciaux au Conseil économique et social et à l'Assemblée générale sur des questions relevant de leur domaine de compétence.

Dans la même résolution, l'Assemblée générale demande au Conseil économique et social d'organiser périodiquement des réunions spéciales de haut niveau à une date proche de celle des réunions semestrielles des institutions de Bretton Woods afin de bénéficier de la participation de ministres et de chefs d'institutions financières et commerciales et autres organisations compétentes. Cette demande est motivée par la nécessité d'améliorer la communication et la coopération au niveau intergouvernemental entre le Conseil économique et social et les institutions financières et commerciales internationales, de faciliter les échanges de vues sur les problèmes hautement prioritaires de l'actualité mondiale et d'examiner les moyens par lesquels le Conseil et les institutions susmentionnées pourraient conjuguer leurs efforts pour promouvoir et coordonner les activités de programme relevant de leur compétence.

La Réunion spéciale de haut niveau intervient donc au lendemain des réunions du Comité intérimaire du Fonds monétaire international (FMI) - instance politique du Fonds - et du Comité du développement FMI/Banque mondiale qui se sont déroulées les 16 et 17 avril à Washington.

Pour sa part, le Secrétaire général des Nations Unies a soumis une note à la Réunion spéciale de haut niveau intitulée "Intégration financière mondiale et développement : les nouveaux enjeux" (E/1998/9). Cette note comprend deux parties principales portant sur les défis de l'intégration financière mondiale et la manière de réagir face aux crises financières. Le Secrétaire général introduit sa note en soulignant que le volume total de l'investissement privé international à destination des pays en développement qui s'élevait à 64 milliards de dollars en 1990, est passé à 235 milliards en 1996; le chiffre estimatif pour 1997 étant de 172 milliards de dollars. Dans la première partie de sa note, le Secrétaire général constatant que cette augmentation entraîne une interdépendance financière sans précédent entre les différents pays et, a, en conséquence, invité les participants à étudier la nature exacte des conditions requises pour que les pays parviennent à s'intégrer efficacement dans les marchés financiers mondiaux, étant entendu que les conditions préalables demeurent un environnement macroéconomique sain et un secteur financier intérieur en bonne santé. Le Secrétaire général a également proposé aux participants de déterminer si l'accès à des données et informations actualisées, précises et complètes sur les économies nationales, les institutions financières et les entreprises permet en lui-même d'atténuer la volatilité des marchés et les effets de contagion. Il leur a aussi proposé d'étudier le rôle que pourraient jouer les pays et les institutions internationales dans la définition de normes visant à faciliter l'accès à l'information dans ce domaine.

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Le Secrétaire général a, par ailleurs, invité les participants à analyser la nature et le fonctionnement des mécanismes multilatéraux de surveillance de toutes les mesures économiques nationales qui ont une incidence sur les mouvements internationaux de capitaux et sur les autres variables monétaires et financières. Une invitation leur a également été lancée de s'interroger sur les systèmes requis de surveillance prudentielle, de supervision et de réglemantation qui favorisent la concurence et soumettent le secteur financier à la discipline des marchés et ce, au niveau national et international pour tenir compte de l'intégration croissante des pays en développement et des pays en transition dans les marchés financiers mondiaux. Les participants ont en outre été invités à déterminer si les mécanismes internationaux de réduction des risques en place actuellement sont suffisants au regard du volume croissant des flux financiers internationaux.

Dans la partie consacrée à la réaction face aux crises financières, le Secrétaire général a proposé aux participants d'explorer des solutions qui permettraient de répartir équitablement les sacrifices à consentir pour rémédier à ces crises. Jusqu'à présent, les pays et les institutions internationales n'ont toujours eu que deux solutions : laisser la crise suivre son cours et faire payer les conséquences à ceux qui ont pris des risques exessifs, en contraignant les autres acteurs à les subir indirectement, ou amortir les effets et dans ce cas, les créanciers et les emprunteurs n'assument pas entièrement les conséquences de leurs actes mais les autres acteurs du marché sont moins durement touchés. Le Secrétaire général a en outre prié les participants d'examiner les mesures susceptibles d'atténuer l'impact des crises financières sur les groupes vulnérables. Enfin, le Secrétaire général leur a proposé de s'interroger sur l'action à mener pour relever les défis immédiats de la gestion des crises financières sans pour autant négliger les priorités à long terme telles que l'investissement dans le capital humain et certaines dimensions plus générales du développement comme les droits de l'homme, le renforcement des institutions, la participation et la démocratie.

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