FEM/995

LE VIOL EN SITUATION DE CONFLIT DOIT ETRE CONSIDERE COMME UN CRIME CONTRE L'HUMANITE

4 mars 1998


Communiqué de Presse
FEM/995


LE VIOL EN SITUATION DE CONFLIT DOIT ETRE CONSIDERE COMME UN CRIME CONTRE L'HUMANITE

19980304 La Commission tient une table ronde sur les femmes et les conflits armés

Dans le cadre de son examen du suivi de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes (Beijing, 1995), la Commission de la condition de la femme a organisé cet après-midi une table ronde sur la réalisation des objectifs stratégiques et les mesures à prendre dans le domaine critique concernant les femmes et les conflits armés. Ce faisant, elle a entendu les exposés des experts suivants : Mme Helga Hernes, Conseillère spéciale du Ministère des affaires étrangères de la Norvège; M. Bernard Muna, Membre du Tribunal pénal international pour le Rwanda; Mme Hina Jilani, Avocate auprès de la Cour suprême du Pakistan; et Mme Rafiga Azimova, Chercheur à l'Institut de philosophie et de droit de l'Académie des sciences en Azerbaïdjan.

Les experts ont ensuite tenu un dialogue qui a permis aux délégations de proposer certains mesures pour protéger les femmes dans les situations de conflits. Qu'elles soient femmes soldats, femmes vivant sous occupation étrangère, femmes déplacées ou femmes réfugiées, ces femmes sont toutes vulnérables et risquent de devenir victimes d'actes de violence. Il a donc été suggéré de renforcer ou de créer des mécanismes juridiques de protection des femmes en situation de conflit. A cet égard, certains intervenants ont proposé de qualifier le viol en situation de conflit de crime contre l'humanité et de traduire les responsables devant un tribunal international tel que la future cour criminelle internationale. Une intervenante a proposé la création au sein des Nations Unies d'un mécanisme chargé de punir les membres des forces de maintien de la paix responsables d'acte de violence. Beaucoup d'intervenants ont également plaidé pour une plus grande participation des femmes au processus de règlement des conflits et de maintien de la paix. Elles ne doivent plus être vues comme des victimes de la guerre mais comme des protagonistes de la paix. A cet égard, des interventions ont mis l'accent sur le rôle des femmes africaines dans le maintien de la paix. Un autre intervenant a proposé la nomination d'un assistant pour conseiller le Secrétaire général sur les questions liées aux femmes dans les zones de conflit.

La Commission de la condition de la femme se réunira ce soir en sa qualité de Comité préparatoire de l'examen de haut niveau en vue d'évaluer en l'an 2000 les progrès réalisés dans la mise en oeuvre des stratégies prospectives d'action de Naïrobi pour la promotion de la femme et l'application du Programme d'action de Beijing.

Table ronde sur la réalisation des objectifs stratégiques et des mesures à prendre dans le domaine critique concernant les femmes et les conflits armés

Exposés

Mme HELGA HERNES, Conseillère spéciale auprès du Ministère des affaires étrangères de la Norvège, a cité un certain nombre de facteurs qui affectent les femmes lors de conflits armés : le type de conflit; leur rôle, qu'elles soient réfugiées, officiers de maintien de la paix, membres d'une force de guérilla ou membres du personnel humanitaire; la phase du conflit; et l'absence de femmes dans la plupart des milieux de décision et leur manque d'influence dans la vie quotidienne. Toutes les recommandations visant à améliorer la situation des femmes devront tenir compte de ces aspects. Mme Hernes a rappelé qu'alors qu'au début du siècle, les civils ne comptaient que pour 10% dans le nombre des victimes de la guerre, ce chiffre est aujourd'hui de 80 à 90%. Aujourd'hui, la guerre est devenue beaucoup plus dangereuse pour les civils que pour les militaires. Dans de nombreux Etats en guerre, les gouvernements ne peuvent plus garantir la sécurité des citoyens car ils n'ont plus le monopole de la force à l'intérieur de leurs propres frontières. Dans certains pays, les forces de sécurité et la police elle-même deviennent une source de menace pour la population. Il existe aujourd'hui un manque de sécurité très sérieux dans de nombreuses régions du monde. Mme Hernes a ensuite attiré l'attention sur le danger que représente le grand nombre d'armes de petit calibre, en particulier pour les femmes. Les femmes ont rarement les ressources nécessaires pour acheter leurs propres armes. Les armes de petit calibre doivent occuper une place prioritaire sur l'ordre du jour international car elles sont les plus utilisées dans les conflits actuels, a-t-elle déclaré. Il est erroné de dire que la guerre ne relève que des hommes, car les femmes ont été présentes dans toutes les guerres. En outre, les femmes sont plus exposées à la violence que les hommes.

Mme Hernes a déploré le fait que le potentiel des femmes ne soit pas pleinement utilisé dans les missions de paix et a souhaité que davantage de femmes y participent. Jusqu'à tout récemment, il y avait au sein même du département du maintien de la paix beaucoup de scepticisme à l'égard de la participation des femmes aux opérations de maintien de la paix, a-t-elle affirmé, en appelant au changement. Elle a estimé inacceptable le fait que des soldats soient envoyés sur le terrain sans formation en matière de droits de l'homme. La présence accrue de femmes dans ces opérations augmenterait la sensibilité des forces de maintien de la paix au fardeau des femmes dans les situations de conflit armé. Dans les camps de réfugiés, la présence d'un plus grand nombre de femmes au sein du personnel humanitaire permettrait de mieux prendre en compte les besoins des femmes et assurer leur droit à recevoir de la nourriture ou des couvertures de la même manière que les hommes. Aujourd'hui, ce sont les hommes qui contrôlent les ressources dans les camps. En outre le viol est devenu une arme stratégique en temps de guerre et une pratique très commune dans les camps de réfugiés.

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En conclusion, elle a plaidé en faveur de l'inclusion de davantage de femmes dans les opérations pré et post-conflits, qui doit aussi être reflétée dans les budgets. Il faut éduquer les forces de sécurité, les militaires et la police sur leur rôle dans la société, en tant que stratégie de prévention des conflits. Les gouvernements devraient faire davantage pour assurer une plus grande participation des femmes à tous les processus de solution et de négociation des conflits. Il faudrait en outre recruter plus de femmes pour les opérations de maintien de la paix, prévoir une éducation aux droits des femmes, et nommer davantage de femmes aux postes de Représentant spécial. La sécurité des femmes dans les camps de réfugiés doit être améliorée.

M. BERNARD MUNA, Membre du Tribunal pénal international pour le Rwanda, a classé les femmes dans une situation de conflit en distinguant les femmes soldats pouvant être victimes de leurs collègues ou des forces ennemies; les femmes des territoires occupés, sujettes à l'esclavage, la prostitution forcée ou le mariage forcé; les femmes déplacées fragilisées par l'éloignement; et les femmes réfugiées victimes de l'insécurité. Pour répondre à la situation particulière des camps réfugiés, il est important de garder à l'esprit qu'un camp de réfugiés, situé en particulier dans une région limitrophe, est comme une ville qui abrite plusieurs milliers d'habitants. Il faut donc le gérer comme tel et le doter d'une police et de structures sociales, médicales, et de justice devant laquelle les femmes pourraient faire valoir leurs droits. En ce qui concerne les femmes soldats, la priorité doit être de fournir une certaine éducation aux officiers pour leur faire prendre conscience des dangers que courent les femmes de la part des membres de leur propre troupe comme de leurs ennemis.

La violence contre les femmes en temps de conflits doit être considérée comme un crime contre l'humanité et il faut tout mettre en oeuvre pour que les responsables soient traduits devant un tribunal international. A long terme, la question sera de savoir si les tribunaux nationaux doivent avoir la compétence pour connaître de ces crimes. Dans l'ex-Zaïre, on estime à 10 000 le nombre de grossesses dans les camps de réfugiés et de 10 à 15 000 le nombre de femmes entre 15 et 62 ans qui ont été violées. Comment donc traiter de ces traumatismes lorsque que l'on sait la difficulté de mener des enquêtes en raison de la réticence des femmes à évoquer le viol. Il faut donc donner le pouvoir aux ONG de femmes auxquelles les femmes réfugiées se confieraient plus facilement. Les ONG devraient également être en mesure de contribuer à la poursuite des criminels. De manière générale, étant donné que la guerre signifie absence de droits, il faut éduquer la société pour assurer une protection des femmes et des enfants en temps de guerre. Dans l'immédiat, il faut de toute urgence prendre des mesures de gestion des camps de manière à en assurer la sécurité des réfugiés.

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Mme HINA JILANI, avocate à la Cour suprême du Pakistan, a déclaré que les stratégies nationales et internationales de résolution des conflits devaient tenir compte du fait que les acteurs des conflits changent et que de plus en plus de conflits sont des conflits internes. Il faut se pencher sur les facteurs à l'origine des conflits et mettre en oeuvre des mécanismes visant à répondre aux besoins spécifiques des femmes. Parmi ces facteurs, elle a cité la diminution du niveau de tolérance à l'égard de la variété ethnique et religieuse et toutes les formes de diversité. Il faut étudier les conséquences des conflits mais aussi les causes qui doivent recevoir autant d'attention durant la période qui suit le conflit. Elle s'est en particulier inquiétée de la militarisation accrue des sociétés, soulignant que cette situation limite les voies d'expression et donne trop de pouvoir aux militaires. Les femmes souffrent de persécutions pour des raisons qui ne reçoivent pas l'attention qu'elles devraient, a-t-elle poursuivi, citant en particulier les raisons religieuses et les exemples extrêmes de l'Afghanistan et de l'Algérie, mais aussi du Pakistan. Ces actions sont souvent motivées politiquement. L'assassinat, la torture et d'autres traitements cruels sont le fait d'éléments liés, ou non, à l'Etat. Il faut donc mettre au point des mécanismes pour traiter des actions des Etats mais aussi des éléments non étatiques. Or, jusqu'à présent, la communauté internationale a été incapable de mettre au point des mécanismes permettant de répondre à la violence causée par ces éléments. Il faut aussi des mécanismes au niveau judiciaire et élargir la responsabilité de l'Etat dans ce domaine.

Mme Jilani a demandé que les sévices infligés aux femmes reçoivent davantage d'attention de la part de la communauté internationale, particulièrement une fois la paix restaurée. En effet, une fois que les tensions sont réduites, ces questions sont marginalisées. Les outrages contre les femmes sont passés sous silence et aucune mesure de réparation ou d'aide n'est prise après les conflits. Par ailleurs, il faut réviser les systèmes judiciaires nationaux et internationaux et les adapter au changement de nature des conflits. Mme Jilani a recommandé que des organes comme la Commission de la condition de la femme se penchent davantage sur les causes des conflits armés et étudient les situations de luttes ethniques, religieuses ou nationalistes, dans lesquelles les femmes sont particulièrement visées.

Mme RAFIGA AZIMOVA, Chercheur à l'Institut de philosophie et de droit de l'Académie des sciences de l'Azerbaïdjan, a rappelé que son pays est plongé depuis 10 ans dans un conflit armé qui a obligé plus d'un million de personnes à quitter leur foyer. Cette guerre a eu notamment pour conséquence une augmentation des maladies psychologiques, des maladies du système reproductif, de la tuberculose et de la mortalité infantile. En outre, on constate une baisse de la natalité qui s'explique par le fait que les conflits armés prolongés ont le pouvoir d'intensifier l'instinct de survie qui va de pair avec l'individualisme. Au bout de 10 ans de guerre, les femmes

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azerbaïdjanaises considèrent que la recherche de la paix doit devenir l'affaire et la responsabilité des groupes féministes de tous les pays du monde. Elles revendiquent un droit, le droit à la patrie. En concluant, l'experte a plaidé pour l'interdiction pure et simple, par la communauté internationale, des guerres d'occupation telles celle menée par l'Arménie contre son pays et pour la création d'un système international de sanctions politiques et économiques efficace contre tout Etat agresseur. A l'aube du 21ème siècle, a-t-elle insisté, il serait honteux de continuer à justifier l'agression d'un Etat contre un autre.

Dialogue

Ouvrant le débat, la représentante du Rwanda a évoqué la situation délicate de son pays, les nombreuses femmes veuves, celles qui ont été violées, mutilées, et souffrent toujours des séquelles des violences qu'elles ont subies, les mères d'enfants nés de viols qui sont rejetées par la société et par leur famille, et les nombreux orphelins. Le génocide a tout détruit, a-t-elle affirmé. Malgré cette situation difficile, des initiatives et des programmes d'assistance ont été lancées en faveur des femmes. Nombre d'entre elles étant chef de famille, il était important de leur garantir le droit à la propriété et à l'héritage. Les femmes rwandaises se sont mobilisées et ont eu un impact sur la loi relative au génocide en faisant porter le viol dans la première catégorie de crimes. Des associations de femmes se sont formées pour créer des activités génératrices de revenus. Le Gouvernement a mis en place un fonds d'assistance aux victimes du génocide qui devrait recevoir l'appui de la communauté internationale. S'agissant du Tribunal pénal international, elle a demandé le renforcement de l'équipe de juristes qui s'occupent des violences sexuelles ainsi qu'un plus grand soutien aux organisations d'assistances aux victimes. Il faut mettre en place des structures spécifiques pour traiter des crimes sexuels car il est souvent difficile pour les victimes de parler, a-t-elle souligné. La représentante du Liechtenstein a, pour sa part, plaidé en faveur d'une meilleure représentation des femmes aux postes de Représentant spécial du Secrétaire général, et invité les gouvernements à se pencher véritablement sur les causes des conflits internes. Le représentant de la Colombie a évoqué le grand nombre de personnes déplacées dans son pays, dont il est encore difficile de mesurer l'ampleur exacte. La conséquence immédiate est l'augmentation du nombre de foyers ayant une femme à leur tête, a-t-il dit. Il a demandé qu'au cours de la présente session la question des personnes déplacées et de leurs besoins particuliers soit examinée plus en détail.

Pour sa part, le représentant du Liban a rappelé que son pays souffre de l'occupation étrangère depuis 1967. Ce conflit a laissé des traces sur les femmes qui sont victimes de la détention et de la torture physique et morale. Plus de 60 femmes ont ainsi été détenues pendant des périodes allant de 6 à 10 ans pour le seul crime d'avoir dénoncé les pratiques israéliennes.

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Il a insisté sur le fait que la plupart des victimes du massacre de Canaa en 1996 étaient des femmes et des enfants. Le représentant a, par ailleurs, souhaité connaître les mesures préventives préconisées par les experts pour protéger les femmes de l'occupation étrangère. Le représentant de la Syrie a plaidé pour une plus grande participation des femmes au règlement des conflits en attirant l'attention sur la situation des femmes arabes dans le Golan syrien occupé par Israël. Intervenant à son tour, le représentant du Swaziland a regretté le caractère politique de certaines interventions. Il a, par ailleurs, jugé nécessaire d'inviter les gouvernements à ratifier toutes les conventions qui protègent les femmes en temps de conflits armés telles que la Convention de Genève et son Protocole additionnel. A cet égard, il faut donner aux femmes les moyens d'exercer une pression sur les gouvernements. Il a souhaité savoir quel mécanisme la Commission de la condition de la femme peut élaborer pour faire en sorte que la communauté internationale réponde aux besoins en la matière, en particulier au besoin de traduire en justice les responsables de crimes pendant les conflits armés. Il a en conclusion dénoncé l'existence marchés d'armes clandestins en Afrique.

La représentante d'Israël a elle aussi regretté la politisation des travaux de la Commission de la condition de la femme. Elle a rappelé que des femmes israéliennes aussi ont elle aussi été victimes de la terreur. Elle a souligné que la grande majorité des femmes palestiniennes vit maintenant sous l'autorité palestinienne. Les organisations de femmes israéliennes et palestiniennes se réunissent régulièrement pour tenter de renforcer le dialogue et la confiance mutuelle. Ce n'est que par cette voie, qu'une nouvelle coexistence pacifique sera réalisée non seulement dans la région mais dans le monde entier.

La représentante de l'Algérie a souligné que la situation de son pays ne peut en aucune manière être considérée comme une situation de conflit armé car cela reviendrait à conférer une légitimité et une respectabilité aux hordes terroristes en leur accordant ainsi le statut de groupe armé d'opposition. L'Algérie ne vit ni un conflit armé ni une guerre civile mais une guerre contre les civils. Il s'agit de terrorisme et d'un terrorisme qui attente au premier droit de l'homme; le droit de la vie. Le terrorisme, philosophie morbide, a pour objectif de paralyser la vie sociale, politique et culturelle, d'entraver l'exercice des droits et des libertés, et de mettre en échec les institutions démocratiques. Aujourd'hui, qu'elles aient un stylo, un cartable, un sac ou un fusil, les Algériennes affichent toute leur détermination à résister au terrorisme, a souligné la représentant; en ajoutant que chaque action qu'elles entreprennent au quotidien est un acte de résistance contre "les mutants" qui leur nient le droit à l'existence. La femme algérienne a besoin de la solidarité de la communauté internationale au nom des principes de Beijing. Il faut un renforcement des moyens d'action de la communauté internationale, une prise de conscience de l'opinion publique

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et une coopération sans calcul tactique pour que le fléau du terrorisme puisse être défait. Aucun pays n'est à l'abri du terrorisme et aucun pays ne doit être le sanctuaire du terrorisme. Le combat pour l'émancipation des femmes ne peut aboutir que si les femmes sont unies pour éliminer l'intolérance religieuse, a conclu la représentante.

La représentante de l'ONG Fédération des réseaux des femmes africaines pour la paix a plaidé pour une logique de prévention en matière de conflits armés. Elle a prié la Commission de s'assure que l'attention accordée aux femmes dans les conflits se porte également aux femmes vivant sous occupation étrangère. En ce qui concerne le sort des jeunes et des enfants, la représentante s'est dite préoccupée par leur recrutement dans les forces armées. Aujourd'hui des enfants sont enlevés par des factions combattantes et soumis à des sévices à travers le monde et notamment dans le nord de l'Ouganda. Elle a appuyé l'établissement d'un âge minium de recrutement dans les forces armées et défier les Etats au défi d'éliminer les mesures de coercition, de démobiliser immédiatement tous les jeunes. Le recrutement d'enfants dans les groupes armés doit être pénalisé. La représentante a en outre souligné la nécessité d'accorder l'attention aux initiatives locales en matière de recherche et de maintien de la paix en demandant la nomination d'un assistant auprès du Secrétaire général qui serait chargé de la question "femmes et conflits" et qui établirait le lien entre les initiatives locales et les Nations Unies. La représentante a conclu en proposant la création au sein des Nations Unies d'un mécanisme pour punir les membres des forces de maintien de la paix des Nations Unies responsables d'acte de violence à l'égard des femmes.

Le représentant de l'Indonésie a souligné la responsabilité des producteurs et vendeurs d'armes de petit calibre et a invité la Commission à se prononcer sur cette question. Il a plaidé en faveur d'une augmentation du nombre de femmes au Bureau du Haut Commissaire aux droits de l'homme, dans le Département du maintien de la paix et dans les opérations sur le terrain, et a demandé à la Commission d'accorder toute son attention à cette question. Le représentant a préconisé l'élaboration de normes pour répondre aux besoins des femmes dans les situations de conflit. Il faut veiller à ce que la perspective sexospécifique soit intégrée dans la future Cour criminelle internationale, a-t-il dit, en invitant la Commission à se prononcer sur cette question, ainsi que sur la nécessité d'accorder une plus grande attention aux besoins spécifiques des femmes. La représentante de la Slovaquie a évoqué, de son côté, les nombreux migrants victimes de guerre qui se trouvent dans son pays. Elle a expliqué les mesures prises par le Gouvernement pour régulariser la situation de ceux qui ont demandé le statut de réfugié et pour traiter des problèmes spécifiques des femmes qui représentent 45% de ces réfugiés. Si un plus grand nombre de femmes étaient responsables des décisions en temps de paix comme en temps de guerre, il y aurait moins de guerres, a-t-elle dit.

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S'adressant à l'experte de l'Azerbaïdjan, le représentant de l'Arménie, a protesté contre l'utilisation par Mme Azimova de sa position pour faire des allégations contre son pays. Il s'agit d'une tentative d'imposer certaines positions à un auditoire, a-t-il déclaré. Or, nous sommes ici pour essayer de trouver des solutions à des problèmes. Evoquant la déclaration de Mme Azimova qui a parlé des conséquences de "l'occupation par les agresseurs arméniens" de son pays, le représentant a reproché à celle-ci d'avoir oublié le sort des réfugiés arméniens, les massacres de la population arménienne, la mutilation et le viol des femmes arméniennes. L'Arménie a libéré unilatéralement tous ses prisonniers de guerre, a-t-il rappelé. Le représentant a tenu à attirer l'attention du Secrétariat de la Commission sur le choix des experts qui doivent siéger en tant que représentant de leur pays et ne peuvent donc utiliser cette position pour accuser d'autres pays. Prenant à son tour la parole, la représentante de la Palestine a évoqué les horreurs qu'ont connues et que connaissent encore quotidiennement les Palestiniens qui vivent sous occupation depuis 50 ans. Les femmes souffrent le plus, a-t-elle dit. Personne ne peut imaginer la terreur que connaissent celles qui luttent pour survivre après avoir tout perdu, de celles qui subissent des violences et dont les maisons sont détruites. Dans la zone autonome, les femmes continuent de souffrir en raison des pressions économiques qui ont encore aggravé leur situation. Elle a ensuite évoqué les problèmes de santé, et en particulier les décès dûs aux bouclages des territoires imposés par Israël. Elle a demandé aux Nations Unies et à la communauté internationale de protéger les femmes palestiniennes des actes illégaux commis par Israël, et à Israël de respecter les Conventions de Genève.

La représentante de l'Angola a elle souligné que la paix ne veut pas seulement dire absence de combats. L'Angola ne peut donc être considéré comme un pays en paix en raison notamment de la réticence d'une partie de finaliser l'application des accords signés. Les femmes angolaises, pour leur part, contribuent à tous les secteurs de la société et commencent à créer des groupes de pression et des ONG en faveur de l'éducation pour la paix. La représentante de la Chine a, de son côté, appuyé l'idée consistant à faire en sorte que la communauté internationale accorde une protection aux femmes dans les conflits et à faire participer davantage les femmes à leur règlement. Elle a insisté sur l'importance que revêt particulièrement pour les femmes le règlement pacifique des conflits.

Le représentant du Pakistan a regretté que les priorités de l'ONU et de la communauté internationale soient essentiellement déterminées par des raisons politiques. C'est la raison pour laquelle des problèmes tels que ceux de la Palestine ou du Jammu-et-Cachemire restent en suspens. Les femmes cachemiries continuent d'être les cibles des soldats indiens. Lorsqu'elles sont violées devant leur fils ou leur père, le prétendu réalisme politique force malheureusement la communauté internationale à passer ces faits sous

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silence. Le viol en situation de conflit doit être considéré une fois pour toutes comme un crime contre l'humanité. Pour le représentant du Royaume-Uni qui est intervenu au nom de l'Union européenne, il faut voir les femmes comme les protagonistes de leur propre salut non pas seulement comme des victimes. Elles doivent donc jouir de l'accès à tous les processus de prise de décisions et lorsque la communauté internationale répond à une crise, elle doit s'assurer d'intégrer la perspective sexospécifique dans les solutions, en particulier dans les efforts de reconstruction. La culture d'impunité ayant assez duré, l'Union européenne se prononce sans réserves pour la création d'une cour criminelle internationale. Pour le représentant aussi, le viol en cas de conflit armé constitue un crime de guerre et il faut que les procédures de la future cour soient telles qu'elles permettent aux femmes de témoigner sans craindre de représailles.

La Secrétaire générale de la Conférence de Beijing a elle souligné qu'aujourd'hui en Afrique, aucun développement n'est réalisable sans la résolution du problème des conflits et de leur impact sur les femmes. Les femmes africaines ont cessé de se voir comme des victimes et décidé de devenir des participantes actives au règlement des conflits et au maintien de la paix. Malgré l'égoïsme des hommes africains, les femmes ont créé des réseaux et fait en sorte que l'OUA adopte une résolution portant création d'un Comité de haut niveau de femmes chargé des questions de paix. Le Conseil de sécurité devrait se servir de l'exemple du continent africain car il faut une masse critique de femmes au sein du Conseil. La paix est l'affaire des hommes et des femmes et la guerre elle demeure l'affaire des hommes. Les femmes se retrouvent prisonnières de la volonté des hommes de faire la guerre et confinées dans un rôle d'exécutant. Il faut s'écarter de la vision des femmes en tant que victimes de la guerre et les voir en tant qu'acteurs de la solution. Il faut reconnaître le rôle qu'ont joué les femmes qui ont combattu seules et sans armes pour la démocratie, en Sierra Leone, en Somalie et partout ailleurs en Afrique.

La représentante de la Jordanie a demandé à ce que soit mis fin aux souffrances des femmes et des peuples du Proche-Orient. Pour cela, il faut un règlement d'ensemble juste et équilibré et faire de la région un zone exempte d'armes. Elle a estimé qu'il fallait associer davantage les femmes aux négociations de paix. Le représentant de la République démocratique populaire de Corée a estimé, pour sa part, que l'asservissement sexuel et les violences sexuelles constituaient les crimes les plus odieux. Il a appelé à davantage d'efforts pour éliminer ces crimes contre l'humanité, à l'établissement d'un mécanisme juridique pour mettre fin à cette injustice et à des efforts d'éducation du public sur cette question. Le rôle des Nations Unies en matière de recherche dans ce domaine est crucial, a-t-il souligné. La représentante du Ghana a plaidé en faveur de la création d'un groupe chargé d'identifier les zones de conflits potentiels et d'intégrer un plus grand

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nombre de femmes dans les processus de résolution des conflits. Elle a lancé un appel à la ratification universelle des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme et a estimé qu'il fallait prendre des mesures pour punir sévèrement les fabricants d'armes, notamment les armes de petit calibre. Le représentant de l'Iraq s'est déclaré d'accord avec l'idée selon laquelle l'agression contre les femmes est une forme de génocide. Si on tue la femme, on tue la vie, a-t-il dit. Selon lui, les conséquences dramatiques, en particulier pour les femmes, du blocus imposé à l'Iraq constituent également un acte de génocide. Ce blocus cause la mort et la destruction dans les groupes les plus vulnérables, comme les femmes et les enfants. La représentante de la Côte d'Ivoire, a estimé qu'il fallait considérer la pauvreté comme une des causes des conflits armés, en particulier en Afrique. A cet égard, elle a invité la communauté internationale à soutenir les efforts de développement économique et social des pays en développement, en soulignant que la paix et le développement vont de pair. Elle a souligné le fait que dans les situations de conflit interne, les structures étatiques sont complètement détruites. C'est pourquoi, a-t-elle dit, il est important de renforcer les structures régionales et sous-régionales apporter à ces organisations des moyens logistiques afin de renforcer leur efficacité dans la prévention des conflits.

Répondant aux observations et questions des délégations, M. MUNA a estimé que la guerre est un instrument de domination. Il faut donc se tourner vers les ONG, les mouvements des peuples contre les guerres. Ceux-ci doivent imposer leurs solutions aux gouvernements élus. Dans le court terme, il faut toutefois essayer d'alléger les souffrances des populations, d'élaborer des mesures préventives et de punir ceux qui ont violé les lois, et de maintenir l'ordre et le droit.

Mme JILANI a déploré le fait que dans des situations comme en Algérie, les gouvernements traitent avec les extrémistes sans apporter de remèdes aux victimes, et notamment aux femmes. Elle a défendu la manière démocratique et le respect des droits de l'homme. Pour ce qui est des peines infligées aux auteurs de viols, elle a déclaré que cela dépendait beaucoup de l'établissement de preuves, ce qui est parfois difficile. Elle a, par ailleurs, souligné le fait qu'après les conflits, ce sont les systèmes nationaux qui sont le plus à même de répondre efficacement aux besoins.

Mme HERNES a déclaré, pour sa part, que la prévention des conflits devait être renforcée. Il n'y a pas de solution unique. Je crois dans le pouvoir des ONG mais nous avons besoin de gouvernements, d'organisations régionales et sous-régionales et des Nations Unies pour créer une atmosphère de règlement des conflits, a-t-elle estimé. Elle a déclaré que tant les fabricants et que les trafiquants doivent être punis.

Mme AZIMOVA a invité le représentant de l'Arménie à visiter les tentes sous lesquelles vivent les femmes de son pays. S'il y a de telles tentes en Arménie, je suis prête à les visiter, a-t-elle dit, avant d'être interrompue par le modérateur de la table ronde qui s'est élevé contre le caractère politique de ses propos.

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