FEM/994

L'EGALITE DES DROITS ENTRE LES PETITES FILLES ET LES GARÇONS DOIT D'ABORD ETRE RECONNUE PAR LES PARENTS

4 mars 1998


Communiqué de Presse
FEM/994


L'EGALITE DES DROITS ENTRE LES PETITES FILLES ET LES GARÇONS DOIT D'ABORD ETRE RECONNUE PAR LES PARENTS

19980304 Poursuivant ce matin l'examen du suivi de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes (Beijing, 1995), la Commission de la condition de la femme a organisé une table ronde sur la réalisation des objectifs stratégiques et les mesures à prendre dans le domaine critique concernant la petite fille. Dans ce cadre, elle entendu les exposés de Mme Linda Laigo du Département de la protection sociale et du développement des Philippines; de M. Sadig Rasheed, Directeur de la Division des programmes du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF); de Mme Paloma Bonfil Sanchez, Secrétaire exécutif du Groupe interdisciplinaire sur les femmes, le travail et la pauvreté au Mexique (GIMTRAP); et de Mme Margaret Vogt, Professeur et Chef de la Division des études stratégiques de l'Institut des affaires internationales du Nigéria.

Au cours du dialogue qui a suivi la présentation des exposés, les intervenants ont cité l'accès à l'éducation comme moyen d'assurer la place de la petite fille dans la société. Ils ont convenu que les stratégies tendant à la reconnaissance les droits de la petite fille doivent d'abord viser le changement des mentalités au sein de la famille. Dans bien des cas, en particulier dans les pays en développement, la petite fille est encore considérée comme une simple "assistante" de la mère. C'est donc d'abord aux parents qu'il faut faire admettre que la petite fille mérite la même attention et le même traitement que le garçon et qu'elle possède la même valeur économique et sociale. Les intervenants ont également soulevé les questions du travail des enfants et de leur exploitation sexuelle. Reconnaissant les spécificités de la condition de fille, certaines délégations ont proposé la nomination d'un Ambassadeur spécial chargé des questions de la petite fille.

La Commission poursuivra ses travaux cet après-midi par l'organisation d'une table ronde sur le thème des femmes et des conflits armés.

Dialogue sur la réalisation des objectifs stratégiques et des mesures à prendre dans le domaine critique de la petite fille

Exposés

Mme LINA BELLOSILLO-LAIGO, Département du bien-être social et du développement des Philippines, a indiqué qu'aux Philippines, 49% de la population est âgée de moins de 18 ans soit, selon les chiffres de 1995, 33 millions de jeunes sur 68,6 millions de personnes. Sur les 3,7 millions d'enfants qui travaillent près de 3 millions sont des filles souvent victimes de la violence. En 1987, des milliers de cas de sévices sexuels contre des enfants ont été rapportés dont 80% concernaient des petites filles. Il est difficile pour les familles de reconnaître la situation désavantagée de la petite fille puisque traditionnellement son rôle est de remplacer la mère autant que possible. C'est la raison pourquoi elle est particulièrement vulnérable aux sévices sexuels de la part des hommes de la famille. Les Philippines ont mis en place des mécanismes d'aide destinés aux familles les plus pauvres. L'action a été menée dans les domaines de l'alimentation, du logement, de l'emploi, de la violence et de l'éducation de base. Après trois années, on a pu constater que les besoins de base ont été réduits de 57%. Une stratégie a également été mise en place à l'intention de la petite fille pour la libérer du travail ménager et autres et lui permettre d'avoir un accès à l'éducation au même titre que les garçons. Ces efforts ont révélé la nécessité d'entretenir le dialogue avec les parents pour les persuader de la place à accorder à la petite fille.

Beaucoup de choses ont été faites pour faire comprendre les droits de l'enfant et la gravité des violations. Les Philippines ont maintenant rompu le silence sur les sévices dont les enfants sont victimes. Des centres de crises ont été créés, des accords bilatéraux ont été signés dans le domaine de la formation des médecins et des travailleurs sociaux et des échanges d'information ont été intensifiés sur les pédophiles. A cet égard, les procédures d'extraterritorialité des pays se révèlent importantes. Les Philippines ont également créé des tribunaux chargés de la violence dans la famille. Cela ne suffit pas car il semble que ces procédures juridiques victimisent davantage les victimes. Il est donc plus nécessaire d'offrir des services. Les Philippines organiseront en mars la Semaine de la petite fille qui sera l'occasion de poursuivre la réflexion.

M. SADIG RASHEED, Directeur de la division des programmes du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), a déclaré que, bien que l'on dispose d'excellents instruments et des progrès réalisés, les statistiques montrent en effet à quel point on est loin d'avoir atteint les objectifs en ce qui concerne les petites filles. Ainsi, 60% des 140 millions d'enfants en âge de fréquenter l'école primaire qui ne vont pas à l'école sont des petites filles.

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Deux tiers des 100 millions d'enfants qui abandonnent l'école sont des filles. Dans certaines régions, 75% des filles de plus de 15 ans souffrent d'anémie par manque de fer. Les grossesses précoces entrainent la mort de près de 146.000 filles chaque année, ce qui correspond à un quart des décès lors des accouchements. Deux millions de filles sont soumises à des mutilations génitales chaque année. Des millions de filles travaillent chez elles ou à l'extérieur, courant le risque de sévices physiques, notamment sexuels de la part de leurs employeurs. Des centaines de milliers d'adolescentes sont victimes d'exploitation sexuelle, a souligné M. Rasheed, citant encore les problèmes des enfants dans les conflits armés, des enfants des rues et des millions d'enfants sans abri.

Il faut se pencher sur les causes de ces phénomènes, a-t-il poursuivi, et faire preuve de persévérance dans la démarche que nous adoptons pour que les instruments donnent naissance à des actions internationales. Nous devons établir clairement les priorités et allouer les ressources adéquates correspondantes. Les organisations de la société civile ont montré qu'elles peuvent accomplir des progrès très rapides et apporter un vrai changement, a-t-il déclaré, citant notamment en exemple la mobilisation des femmes de 13 villages au Sénégal contre les pratiques traditionnelles de mutilation génitale des fillettes. M. Sadig Rasheed a ensuite insisté sur l'importance de l'éducation, sans laquelle les petites filles ne pourront pas sortir du piège de la pauvreté, de la discrimination et de l'apartheid sexuel. Il faut donc tout faire pour qu'elles puissent s'inscrire à l'école et terminer leurs études. Enfin, il faut être à l'écoute des petites filles et des jeunes filles pour répondre véritablement à leurs besoins. Ce n'est qu'à travers des coalitions mondiales, régionales et locales que nous pourrons arriver au changement, a-t-il conclu.

Mme PALOMA BONFIL SANCHEZ, Secrétaire du GIMTRAP au Mexique, a centré son exposé sur la mise en oeuvre du Programme d'action de Beijing dans les milieux ruraux et les obstacles rencontrés. Le fait est, a-t-elle dit, que si on laisse le monde rural continuer à s'appauvrir, il ne sera pas possible de freiner le processus de paupérisation qui empêche les petites filles de développer tout leur potentiel. Il faut également tenir compte de la diversité culturelle qui caractérise la plupart des milieux ruraux. L'émancipation de la femme ou de la petite fille ne peut donc se faire qu'en tenant compte de l'environnement culturel dans lequel elle évolue. Il faut obtenir des gouvernements qu'ils créent l'infrastructure dans le domaine de l'éducation, de la santé et de la culture mais obtenir aussi qu'ils tiennent dûment compte de la subordination dans laquelle vit la petite fille au sein de sa famille. Cette reconnaissance révélera la nécessité de créer des mécanismes de soutien aux familles. Il faut admettre que la famille n'est pas forcément une unité démocratique mais qu'elle est bien souvent le lieu

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d'un abus de pouvoir. S'il faut renforcer les liens familiaux et collectifs qui permettent aux membres des sociétés rurales de survivre, il faut surtout prévoir des processus permettant à la petite fille de s'individualiser et de rompre avec la tradition familiale et culturelle.

En ce qui concerne la pauvreté, la première mesure doit être de reconnaître la valeur économique et culturelle du travail domestique de la petite fille et donc son rôle dans la famille, avant même de lui offrir des perspectives d'avenir grâce à l'éducation ou les services de santé. En ce qui concerne la diversité culturelle, il faut reconnaître que dans nombre de groupes ethniques en voie de disparition, ce sont les filles et les adolescentes qui sont les plus vulnérables. Pour assurer l'émancipation de la femme et de l'adolescente il faut non seulement leur offrir des informations sur leur santé, leur nutrition ou leur sexualité, il faut aussi leur apprendre à agir. Au Mexique des ateliers ont été organisés sur la violence familiale ou l'on a amené les filles à admettre le caractère inadmissible de la violence en leur donnant les moyens de lutter. La responsabilité des adultes est donc de faire connaître aux petites filles leur droit à l'éducation, à l'alimentation ou même à l'affection.

Mme MARGARET VOGT, Professeur et Chef de la Division des études stratégiques de l'Institut nigérian des affaires internationales, a expliqué que les conflits armés actuels avaient une incidence très forte sur les communautés des pays concernés, en particulier sur la petite fille. Jusqu'à la fin de la guerre froide, la plupart des conflits se produisaient entre Etats et ces Etats ne remettaient pas en cause les fondements des sociétés. Aujourd'hui, dans les conflits internes, la société civile, et la petite fille, sont devenues la cible même des conflits. Les milices qui sont sensées protéger la société s'attaquent aux petites filles et petits garçons, les entraînant à participer aux conflits armés. Les cellules familiales sont détruites, les parents sont tués et les petites filles doivent alors se tirer d'affaire seules et, souvent, s'occuper de leurs petits frères et soeurs. Elles deviennent des agents opérationnels pour ces milices, a-t-elle affirmé. Il faut tenir compte de ces changements lorsque l'on déclare les politiques en faveur des petites filles, car les instruments existant en faveur des femmes ne sont pas tout à fait valables pour les petites filles. Ainsi, le fait qu'elles peuvent être victimes de sévices sexuels et être enceintes très jeunes créent des besoins particuliers. Souvent, ces petites filles n'ont pas de foyer vers lequel retourner après les conflits, ou sont rejetées par leur famille car on considère qu'elles ont été souillées par ce qu'elles ont subi. C'est pourquoi, il faut mettre au point des programmes vraiment spécifiques pour que les enfants puissent être véritablement réintégrés dans la société.

Heureusement, on a pris conscience de l'enrôlement de force des enfants dans les conflits. Mais il ne s'agit pas seulement de petits garçons, des filles sont aussi concernées, a poursuivi Mme Vogt. Elle a insisté sur

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le fait qu'il faut faire appliquer les Conventions existantes, codifier les règles de déroulement des conflits et les faire respecter. Il faut, en outre, qu'au sein des sociétés, l'opinion publique comprenne qu'il y a des lois qui régissent les conflits armés. Il faut donc rapprocher les Nations Unies des communautés de base pour que celles-ci comprennent qu'il y a un prix à payer lorsqu'on viole ces conventions. Il y a aujourd'hui une impunité qui laisse à penser que beaucoup ne sont pas conscients qu'ils violent les conventions internationales.

Pour Mme Vogt, il est essentiel de tenir compte des besoins particuliers des petites filles dans les conflits et d'intégrer des mesures qui leur sont spécifiquement destinées dans les activités opérationnelles des Nations Unies. Dans de nombreux conflits, l'économie s'écroule et les enfants se retrouvent sans logis, avec peu de moyens de subsistance. Or, les responsables du maintien de la paix envoyés sur place reçoivent des bons salaires ce qui crée une inflation dans la région. Il est très important de mieux faire comprendre aux forces de paix leurs obligations. Ainsi, il existe des codes de conduite qui interdisent les relations sexuelles avec les petites filles, et qu'il faut veiller à faire appliquer afin que la conduite individuelle des forces de paix n'aggrave pas la situation des petites filles. La formation des membres de ces missions et des membres des ONG aux besoins des petites filles dans les conflits est extrêmement importante. Partant, Mme Vogt a préconisé des exercices pratiques pendant lesquelles les personnes concernées seraient mises en présence de petites filles afin d'apprendre leurs besoins spécifiques.

Dialogue

Prenant la parole à la suite des experts, le représentant de l'Italie a indiqué qu'en 1997, son pays a lancé un Plan d'action en faveur de l'enfance et de l'adolescence financé à hauteur de 900 milliards de lires. Par ailleurs, le deuxième rapport sur la condition de l'enfance et l'adolescence a été publié cette année et souligne les meilleures performances des filles par rapport aux garçons à tous les niveaux de l'instruction; ce qui met en évidence, a dit le représentant, l'importance d'investir de plus en plus de ressources pour l'éducation des filles. La représentante d'Israël a fait part des activités du Service des filles en détresse dans son pays qui s'occupent principalement des cas des immigrantes de l'ex-Union soviétique et des jeunes filles arabes. En effet, la communauté arabe fait face à une période de transition entre la tradition et la modernité susceptible de fragiliser la jeune fille. Pour sa part la représentante de l'Ouganda a indiqué que le choix des femmes de son pays a été de politiser la question de la promotion des droits de la femmes et encourager l'adoption d'action de discrimination positive. Le système démocratique décentralisé qui caractérise l'Ouganda

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permet véritablement au peuple de diriger le pays. Dans ce contexte, les femmes peuvent et doivent participer à la direction du pays et faire connaître leurs besoins. La représentante a en outre souhaité savoir quels sont les obstacles à l'intégration de la question des femmes et des petites filles dans les politiques et programmes gouvernementaux.

La représentante du Royaume-Uni, au nom de l'Union européenne, a jugé important que les gouvernements ratifient et mettent en oeuvre les instruments internationaux et participent à la mise au point d'un protocole facultatif sur l'exploitation sexuelle des enfants et la participation des enfants dans les conflits armés. Il serait également utile que la petite fille participe davantage à la mise en oeuvre de programmes qui la touche. La petite fille doit donc avoir un accès égal à l'éducation de façon à être mieux équipée pour participer à ce processus. Enfin, il faut joindre les efforts pour éliminer la discrimination en matière de santé et de nutrition. Le représentant a également souhaité connaître des exemples de participation de petites filles à la mise en oeuvre de programmes qui les touchent. Pour sa part la représentante de l'Ethiopie est intervenue sur la diversité culturelle évoquée par une des experts en expliquant que son pays a veillé à reconnaître cette diversité au point d'inscrire le droit à la sécession dans la constitution et d'instaurer un système décentralisé de gouvernement.

Le rapporteur du Groupe de travail sur la petite fille, a préconisé l'instauration d'un système international de solidarité pour les petites filles. Il faut aussi, a-t-elle dit, concevoir des solutions aux problèmes en examinant d'abord leurs causes profondes. Intervenant à son tour une petite fille de la Gambie a souligné à quel point les droits fondamentaux sont toujours refusés aux femmes et aux petites filles. Elle a surtout insisté sur le droit à l'éducation qui permet l'émancipation. Elle a exhorté la Commission à mettre tout en oeuvre pour améliorer la condition des petites filles en déclarant : "Il ne faut pas oublier que nous avons besoin de vous comme vous avez besoin de nous".

Répondant, en premier, aux questions des délégations, M. RASHEED a expliqué que de manière générale, l'expérience montre que les meilleurs systèmes de gouvernement en ce qui concerne la promotion des femmes sont ceux fondés sur la participation. Ce sont les gouvernements les plus sensibles aux droits de l'homme qui défendent le mieux les droits des femmes et des enfants. Les collectivités où la base participe à la prise de décisions sont souvent des systèmes qui savent évoluer, car ils permettent à la base de prendre l'initiative du changement. Partant, il est important d'assurer la participation politique des femmes, ainsi que leur participation aux processus de décisions.

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Il a expliqué, par ailleurs, que de nombreux programmes de l'UNICEF étaient élaborés par des coalitions de partenaires où figurent des enfants. L'UNICEF est à l'écoute des enfants et les fait participer aux programmes qui les concernent, avec la collaboration des pays. Ainsi, en Tanzanie, en Ouganda, au Burkina Faso, il y a une participation de plus en plus importante des enfants à l'élaboration de programmes de santé, d'éducation, de lutte contre les mutilations génitales. Pour mieux protéger les fillettes, M. Rasheed a préconisé l'adoption d'une démarche intégrée qui permette l'application parallèle de la Convention sur les droits de l'enfant et de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Evoquant les préoccupations concernant l'intégration des accords internationaux dans la réalité nationale des pays, Mme BONFIL a souligné le fait que de nombreux pays disposent des moyens juridiques à cet effet. Mais il faut chercher des mécanismes d'action positive permettant d'aller plus loin. Il ne suffit pas de stipuler que les hommes et les femmes sont égaux pour que cela se traduise dans la réalité. Le système traditionnel considère, en effet, la femme comme étant inférieure à l'homme. C'est pourquoi il faut sensibiliser les services gouvernementaux concernés, aux inégalités, ce qui n'est pas encore courant en Amérique latine, où l'on connaît le principe de l'égalité entre les sexes, mais où il n'est pas encore vraiment appliqué. Il faut rechercher des mécanismes qui encouragent la participation des citoyens, et notamment des femmes et des fillettes. Il faut aussi chercher des mécanismes qui permettent aux agences gouvernementales, au secteur privé et aux ONG de travailler ensemble. Il y a souvent une méfiance de la part des services gouvernementaux envers les ONG. La sensibilisation aux droits fondamentaux des femmes devrait s'accompagner d'une sensibilisation aux conditions culturelles et sociales dans lesquelles elles vivent. Il y a, en effet, à côté des droits fondamentaux, des droits culturels et sociaux propres à chaque société. Il existe des exemples qui permettent de mieux réfléchir à une meilleure manière d'intégrer tous ces droits, a-t-elle conclu.

Reprenant le débat, la représentante de la Tunisie a déclaré que la petite fille constituait une priorité dans son pays. Il faut faciliter l'accès des adolescentes à l'information et aux services de santé, ceci en particulier dans une optique de prévention, et encourager les gouvernements et leurs partenaires à mettre en place des programmes d'information sur la santé reproductive à l'attention des adolescentes. Evoquant la situation en Afrique, la représentante de l'Angola a souligné la persistance de la mentalité selon laquelle la fille doit rester à la maison pour s'occuper des plus jeunes enfants et des tâches ménagères. Peu de filles vont à l'école et souvent, elles ne terminent pas leurs études, ce qui en fait à l'âge adulte des femmes faibles ne disposent pas des moyens de se protéger. La représentante a joint à celles des autres participants qui ont demandé

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la création d'un poste d'ambassadeur spécial sur les questions de la petite fille. La représentante du Mexique a estimé, pour sa part, qu'il fallait mieux informer le public sur les problèmes des filles, car on continue d'accorder une plus grande attention aux petits garçons qu'aux petites filles. Elle a interrogé les experts sur la façon dont on pourrait traiter la question des sévices et de l'exploitation sexuels des enfants au plus haut niveau. Il faut s'attaquer au problème à sa racine. Il ne s'agit pas seulement de lutter contre ce phénomène dans les pays où il se produit, mais chercher pourquoi il se produit, quels sont les aberrations qui font que ce phénomène puisse exister. Elle a demandé de quel manière faire prendre conscience aux femmes et aux enfants de leurs droits, ainsi qu'au reste de la société, et comment faire comprendre aux adolescentes leurs droits en matière de reproduction.

Intervenant également, la représentante du Ghana a indiqué que le programme lancé par son pays en matière des droits des filles vise surtout à supprimer les stéréotypes. Un projet de loi est débattu en ce moment au Parlement pour réglementer des questions telles que le travail des enfants, la limitation de l'âge, la suppression de toutes les formes de pratiques rituelles ou le maintien des filles dans le milieu éducatif. La représentante de l'Inde a, à cet égard, souligné que la question de l'éducation de la fille est une constante source de préoccupation pour son pays. Un programme a été lancé au milieu des années 70 pour assurer le développement de la fille d'une façon complète et intégrée. Le programme couvre 80% du pays, y compris des milliers de centres dans les villages. Huit millions d'enfants sont aujourd'hui touchés par le programme. Récemment un autre programme a été lancé qui met l'accent sur le changement d'attitude envers la petite fille. Dans ce cadre, une somme est accordée à la mère pour qu'elle s'occupe de sa fille et, plus tard, des bourses sont accordées pour assurer une certaine éducation. La représentante a souligné particulièrement la question de l'exploitation sexuelle liée au tourisme. Elle a demandé aux experts des suggestions pour lutter contre les opérateurs touristiques qui créent la demande et pour aider les gouvernements des pays touchés. La représentante de la Jordanie a, elle, attiré l'attention sur la Conférence d'Addis-Abeba qui a mis au point un programme de travail très concret. En Jordanie, un Parlement des enfants se réunit tous les ans pour discuter des problèmes spécifiques et tout est mis en oeuvre pour établir le contact entre ce parlement et la société civile. Elle a appuyé l'élaboration d'un protocole facultatif sur l'exploitation sexuelle des enfants et leur participation dans les conflits armés.

Une ONG a mis l'accent sur le sort des enfants travailleurs domestiques. Il s'agit surtout, a-t-elle dit, de fillettes éloignées de leur famille et qui se retrouvent piégées dans les familles de leurs employeurs. Ces petites filles travaillent de 15 à 20 heures par jour sans contrat. Elles sont soumises à la violence physique, verbale et sexuelle.

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Répondant sur la façon de traiter des droits de la petite fille au plus haut niveau, Mme LAIGO a indiqué qu'aux Philippines des données ventilées par sexe sont disponibles qui permettent de définir avec davantage de précision les politiques. Les ONG sont également très importantes dans la fourniture d'informations. Mme VOGT est, elle, revenue sur la façon d'appliquer les conventions et les accords relatifs aux droits de l'enfant. Tout le monde reconnaît aujourd'hui qu'il existe suffisamment d'instruments. Il faut maintenant "digérer" tout ce matériel et le faire connaître à tous les niveaux de la société. Il faut aussi mettre en place un système de sanctions qui permettrait de passer des mots à l'action et de faire que ces accords ne restent pas lettre morte. L'experte a également insisté sur la nécessité d'une démarche intégrée qui, d'une certaine manière, doit tout de même tenir compte des spécificités de la problématique des petites filles.

Reprenant la série de questions, la représentante de la Namibie a appelé à des engagements concrets et plaidé pour la recherche d'un mécanisme de contrôle du respect des droits des filles. Elle a en outre demandé à l'expert de l'UNICEF comment la démarché fondée sur les droits doit-elle être envisagée au plan national. La représentante du Mali a indiqué que le gouvernement de son pays a créé une cellule de scolarisation des filles pour augmenter leur présence dans le système éducatif. Les actions menées ont fait passé le taux de scolarisation de 29% en 1992 à 36% en 1997. Le Mali a également créé un Comité national pour lutter contre les pratiques néfastes à la santé de la femme et de la petite fille telles que l'excision et le mariage précoce.

Le représentant d'El Salvador a interrogé les experts sur l'incidence de la mondialisation sur les zones rurales. Comment briser le cercle de la paupérisation dans les zones rurales, alors que les politiques adoptées tendent à favoriser les secteurs industriel et des services, au détriment du secteur rural et agricole. La représentante de l'Afrique du Sud a fait part des dispositions juridiques prises dans son pays pour intégrer les conventions internationales visant à protéger les femmes et les enfants. Elle a préconisé des programmes de sensibilisation aux effets néfastes des pratiques de discrimination à l'égard des petites filles. La représentante des Etats-Unis a déclaré qu'il fallait offrir de nouvelles perspectives d'avenir aux petites filles. Dans tous les domaines, si les filles progressent, les garçons progressent au moins autant, a-t-elle déclaré. Il faut lutter contre l'exploitation des enfants par le travail et prendre des mesures à cet égard, en finançant notamment les programmes de l'Organisation internationale du Travail (OIT) dans ce domaine. La représentante de l'Organisation non gouvernementale des femmes professionnelles a rendu compte des progrès accomplis au Royaume-Uni depuis Beijing. Elle s'est notamment félicitée de l'élaboration de statistiques ventilées par sexe, en tant qu'instrument permettant de mieux mesurer la situation des femmes et des petites filles.

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Répondant aux délégations, M. RASHEED a déclaré qu'il faut s'occuper des besoins des femmes et des petites filles, car c'est un droit fondamental que les gouvernements, la société et les familles devraient faire respecter. Il faut engager des ressources, reconnaître ces besoins et le fait que leur satisfaction est prioritaire, et s'assurer qu'il n'y a aucune discrimination. La non-discrimination doit commencer au niveau de la famille. La société civile et ses organes représentatifs, les coalitions nationales et mondiales ont un rôle à jouer dans l'abolition de l'exploitation sexuelle et de la prostitution des enfants. Il faut agir tant dans les pays d'origine que les pays d'accueil. A cet égard, les Nations Unies ont un rôle primordial à jouer, en inscrivant la promotion et protection de la femme et des enfants dans les programmes de développement, a-t-il conclu.

Répondant à ces questions, Mme BONFIL SANCHEZ a estimé que l'on dispose des richesses nécessaires pour agir aux plans local et global. Elle a estimé que la lutte contre les effets de la mondialisation sur les zones rurales relevait des gouvernements. Mais, a-t-elle ajouté, on peut au moins reconnaître les actions entreprises par les femmes elles-mêmes et les jeunes filles en faveur de leur protection, identifier la manière dont les discriminations se reproduisent, et changer les valeurs sociales qui font des femmes et des petites filles des êtres inférieurs aux hommes.

Pour sa part, Mme LAIGO a déclaré qu'il fallait partir des acquis et des expériences des ONG et des gouvernements. Il faut mettre l'accent sur un traitement égalitaire des jeunes filles. S'agissant des activités de plaidoyer, faire appel à des enfants est une excellente stratégie pour faire valoir les droits des jeunes filles. Il faut également mieux protéger les enfants victimes de sévices et d'exploitation sexuelle, a-t-elle dit.

Concluant le débat, Mme VOGT a insisté sur le besoin de partenariats fructueux entre l'ONU, les gouvernements et les ONG. Elle a cité en exemple le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) qui a fortement contribué à faire connaître certaines conventions. Selon elle, il faut rapprocher les Nations Unies des communautés de base.

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