En cours au Siège de l'ONU

CS/900

LE CONSEIL DE SECURITE LANCE UN APPEL POUR QU'IL SOIT MIS FIN D'URGENCE AUX COMBATS EN SIERRA LEONE

27 février 1998


Communiqué de Presse
CS/900


LE CONSEIL DE SECURITE LANCE UN APPEL POUR QU'IL SOIT MIS FIN D'URGENCE AUX COMBATS EN SIERRA LEONE

19980227 Il encourage le Président Kabbah à rétablir un gouvernement autonome et attend les propositions du Secrétaire général sur une présence de l'ONU dans le pays

A l'issue de consultations sur la situation en Sierra Leone, le Président du Conseil de sécurité, M. Denis Dangue Réwaka (Gabon), a fait cet après-midi, au nom des membres du Conseil, la déclaration suivante :

Le Conseil de sécurité rappelle sa résolution 1132 (1997) du 8 octobre 1997 et les déclarations faites par son Président les 27 mai 1997 (S/PRST/1997/29), 11 juillet 1997 (S/PRST/1997/36) et 6 août 1997 (S/PRST/1997/42), après le coup d'État militaire en Sierra Leone le 25 mai 1997. Il déplore profondément la violence, les pertes en vies humaines et la destruction de biens, ainsi que les immenses souffrances qu'endure depuis lors le peuple sierra-léonien. Il demeure gravement préoccupé par la poursuite des violences dans le pays et demande qu'il soit mis fin d'urgence aux combats.

Le Conseil se félicite que la junte militaire ait été dessaisie du pouvoir et souligne le besoin impérieux de rétablir immédiatement le gouvernement démocratiquement élu du Président Tejan Kabbah et l'ordre constitutionnel, conformément au paragraphe 1 de sa résolution 1132 (1997).

Le Conseil encourage le Président Kabbah à rentrer le plus tôt possible à Freetown et attend de lui qu'il rétablisse un gouvernement opérationnel et autonome dans le pays.

Le Conseil se déclare prêt à mettre un terme aux mesures imposées en application des paragraphes 5 et 6 de sa résolution 1132 (1997) dès lors qu'auront été remplies les conditions énoncées au paragraphe 1 de cette résolution.

Le Conseil félicite la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) pour le rôle important qu'elle a continué de jouer en vue du règlement pacifique de cette crise. Il encourage le Groupe d'observateurs militaires de la CEDEAO (ECOMOG) à poursuivre l'action qu'il mène en vue de

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rétablir la paix et la stabilité en Sierra Leone, conformément aux dispositions pertinentes de la Charte des Nations Unies. Il souligne qu'il importe que le Gouvernement légitime de la Sierra Leone, le Comité de la CEDEAO et en particulier son comité ministériel des Cinq sur la situation en Sierra Leone, les commandants de l'ECOMOG, l'Envoyé spécial du Secrétaire général et ses collaborateurs, les organismes des Nations Unies et les autres organisations internationales compétentes travaillent en étroite coopération, notamment à l'élaboration d'un plan de désarmement, de démobilisation et de réintégration dans la vie civile de tous les combattants en Sierra Leone. Dans ce contexte, il approuve l'intention qu'a le Secrétaire général, sous réserve que la situation en matière de sécurité sur le terrain s'y prête, de prendre rapidement des mesures en vue de la réouverture du bureau de liaison des Nations Unies à Freetown, de façon que l'appui nécessaire puisse être apporté aux activités de son Envoyé spécial, s'agissant en particulier de faciliter la réconciliation nationale et le dialogue politique.

Le Conseil considère que l'Accord de Conakry (S/1997/824, annexes I et II) et l'Accord d'Abidjan (S/1996/1034) apportent d'importants éléments en vue de l'établissement d'un cadre pour la paix, la stabilité et la réconciliation nationale en Sierra Leone. Il demande à toutes les parties sierra-léoniennes de s'employer à atteindre ces objectifs par des moyens pacifiques et le dialogue politique. Il condamne à cet égard toutes les exécutions perpétrées en représailles et autres actes de violence commis dans le pays et demande qu'il y soit immédiatement mis un terme.

Le Conseil attend du Secrétaire général qu'il lui présente des propositions détaillées concernant le rôle de l'Organisation des Nations Unies et sa présence future en Sierra Leone. Il prie le Secrétaire général de créer un fonds d'affectation spéciale à l'appui de ces activités et demande à tous les États Membres d'y verser rapidement des contributions.

Le Conseil accueille avec satisfaction le rapport de la Mission d'évaluation interorganisations en Sierra Leone (S/1998/155), en date du 10 février 1998, et félicite les États Membres et les organisations internationales qui ont apporté une aide humanitaire d'urgence au pays. Il demeure profondément préoccupé par la gravité et la précarité de la situation humanitaire, et demande à tous les États et aux organisations internationales de continuer à apporter une aide d'urgence à la Sierra Leone, ainsi qu'aux pays voisins touchés par la crise. Il demande à l'ECOMOG et à tous les intéressés d'assurer l'entière liberté d'accès, en toute sécurité, aux populations dans le besoin.

Le Conseil se déclare préoccupé par la sécurité de tout le personnel humanitaire en Sierra Leone, et condamne la prise d'otages par d'anciens membres de la junte déposée. Il demande que soient immédiatement remis en liberté tous les agents des organisations internationales et les autres personnes gardées en détention ou prises en otage. Il félicite l'ECOMOG pour les efforts qu'il déploie en vue de faire libérer les personnes détenues contre leur volonté.

Le Conseil demeurera saisi de la question.

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Documentation

Pour l'examen de cette question, le Conseil de sécurité était saisi d'un lettre datée du 20 février 1998 (S/1998/155), adressée à son Président par le Secrétaire général, par laquelle il lui fait tenir le rapport intérimaire de la mission d'évaluation interinstitutions conduite par le Bureau de coordination des affaires humanitaires.

Le 22 décembre 1997, le Conseil avait prié le Secrétariat d'établir une analyse technique détaillée de la situation humanitaire en Sierra Leone depuis le coup d'État, y compris les effets des sanctions imposées à ce pays. La mission a séjourné dans la région du 5 au 16 février. Toutefois, en raison de l'insécurité en Sierra Leone, la mission a effectué ses travaux à Conakry et a établi un rapport intérimaire sur la base d'informations et d'analyses fournies par les organismes des Nations Unies, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et les organisations non gouvernementales présentes en Sierra Leone.

S'agissant de l'aide alimentaire aux groupes vulnérables, la mission indique que les stocks de secours alimentaires en Sierra Leone sont désormais épuisés. L'amélioration de la récolte de riz en 1997 a quelque peu compensé les effets de la réduction de l'aide alimentaire et la poursuite d'activités commerciales, par la contrebande, a permis de combler une partie du déficit. Ces activités commerciales ne devraient cependant pas profiter aux groupes les plus vulnérables de la population, pour lesquels les vivres ont atteint des prix prohibitifs. La pénurie alimentaire n'a pas encore atteint la cote d'alerte pour la majorité de la population, mais des poches de malnutrition de plus en plus grave apparaissent et les groupes vulnérables touchés ont besoin de toute urgence d'une aide alimentaire minimum. Selon les estimations du PAM, de l'UNICEF, du CICR et des ONG, les besoins globaux en aide alimentaire sous forme d'aliments thérapeutiques et d'appoint pour les groupes vulnérables ciblés se chiffrent à 5 000 tonnes par mois. Les ONG planifient actuellement plusieurs programmes d'intrants agricoles d'urgence, le financement devant être assuré par le PNUD, la FAO, l'UE et USAID.

En ce qui concerne l'état nutritionnel des groupes vulnérables, le rapport souligne que la malnutrition a toujours constitué un problème grave en Sierra Leone. D'après les estimations de l'UNICEF, un enfant de moins de 5 ans sur trois souffre de retard de croissance. Pour faire face à la crise nutritionnelle chez les enfants, les organisations humanitaires — Médecins sans frontières-Pays-Bas, ACF, Merlin et l'UNICEF — ont intensifié leurs programmes d'alimentation d'appoint visant les enfants de moins de 5 ans. D'après ces organismes, 460 enfants bénéficient actuellement de ces projets d'alimentation thérapeutique (enfants souffrant de malnutrition grave), 2 500 enfants recevant une alimentation d'appoint (enfants souffrant de malnutrition modérée). Les quatre organismes qui fournissent cette aide ont informé la mission que leurs stocks de vivres thérapeutiques seraient épuisés dans deux à quatre semaines, compte tenu de l'embargo imposé par la CEDEAO. Il est impératif d'autoriser sans délai le transport en Sierra Leone des secours alimentaires requis qui se trouvent dans les entrepôts de l'ONU en Guinée, afin de réapprovisionner les organismes intéressés.

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Pour ce qui est de l'état de santé et de l'accès aux soins de santé, la mission indique que l'espérance de vie en Sierra Leone n'est que de 43 ans, l'une des plus faibles du monde; les principaux problèmes de santé publique étant le paludisme, les infections des voies respiratoires et les poussées de maladies épidémiques telles que la rougeole et la fièvre de Lhassa. Étant donné le faible taux de couverture des programmes de vaccination, comme pour la rougeole (43 % en 1995), et l'effondrement de la chaîne du froid, l'OMS s'attend à une augmentation du nombre de poussées de maladies épidémiques. Depuis le coup d'Etat, le nombre de centres de soins opérationnels a chuté de 600 à 120, si bien que l'UNICEF estime à un quinzième seulement la proportion de la population qui a accès aux soins de santé de base.

Depuis mai 1997, l'approvisionnement en médicaments est extrêmement limité, ce qui provoque de fortes hausses des prix dans les pharmacies privées dans le cas des médicaments essentiels (par exemple, 25 % pour le paracétamol, antalgique et antipyrétique, et jusqu'à 50 % pour la pénicilline, qui sert au traitement d'infections aiguës des voies respiratoires (maladies No 3 chez les enfants de moins de 5 ans). La situation socioéconomique est telle que les médicaments sont hors de portée pour la majorité de la population. La situation s'aggravera sans aucun doute au cours des mois à venir si l'on n'autorise pas l'importation de médicaments.

Certes, l'embargo de la CEDEAO ne porte pas sur le secteur médical et les organismes de secours ont jusqu'à récemment introduit des fournitures médicales dans le pays, mais selon l'OMS, cela n'a pas suffi à modifier la situation générale en matière de morbidité. Au cours des deux dernières semaines, le CICR et MSF se sont vu interdire l'introduction de fournitures médicales en Sierra Leone, alors que les médicaments font plus cruellement défaut que jamais.

En ce qui concerne les déplacements de population, le rapport rappelle qu'à la fin de 1996, la Sierra Leone comptait plus d'un million de personnes déplacées du fait d'une guerre civile qui durait depuis cinq ans, auxquelles il convient d'ajouter 240 000 réfugiés sierra-léoniens qui ont cherché asile en Guinée et dans d'autres pays de la sous-région. Par ailleurs, la Sierra Leone accueille 14 000 réfugiés libériens, dont la plupart sont dans des camps situés à Freetown et aux alentours. Depuis, le coup d'Etat 160 000 nouveaux déplacés ont été enregistrés, d'après le Comité d'aide alimentaire. On présume que ce chiffre est en réalité beaucoup plus élevé, mais, faute d'accès, les organismes humanitaires ne sont pas en mesure de s'en assurer.

Le programme de réinstallation devrait reprendre dès que les conditions de sécurité le permettraient. À l'heure actuelle, on compte quelque 430 000 réfugiés sierra-léoniens dans les pays voisins. D'après le HCR, 260 000 sont en Guinée, 160 000 au Libéria et 10 000 dans d'autres pays. Sur ce chiffre, 77 000 se sont réfugiés en Guinée depuis le coup d'État militaire. La mission estime que s'il devient possible, à l'issue des derniers événements, d'entrer à Freetown en toute sécurité, il faudra d'urgence entamer des négociations avec l'ECOMOG pour procéder à l'évacuation et au rapatriement de ce groupe par mer vers le Libéria.

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La Mission recommande au Coordonnateur des secours d'urgence d'appeler l'attention du Conseil de sécurité sur la gravité de la situation humanitaire en Sierra Leone et demander son intervention pour faciliter l'importation, le transit et l'expédition transfrontière des secours humanitaires, compte tenu des sanctions imposées par l'ONU et de l'embargo imposé par la CEDEAO. Elle recommande également de demander aux organismes concernés des Nations Unies de remanier leur plan d'action de façon à pouvoir répondre à la crise humanitaire actuelle, tout en veillant à ce que l'assistance fournie soit à la hauteur de la situation et soit acheminée, en toute sécurité, aux populations qui en ont besoin, souligner l'importance qu'il y a à pouvoir, en toute impartialité, atteindre la population civile de sorte que l'assistance humanitaire puisse être acheminée sans être soumise au contrôle de telle ou telle force armée opérant dans le pays.

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