En cours au Siège de l'ONU

AG/SHC/338

LA TROISIEME COMMISSION ENTEND LA PRESENTATION DES RAPPORTS SUR LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN IRAQ, EN IRAN ET AU BURUNDI

17 novembre 1997


Communiqué de Presse
AG/SHC/338


LA TROISIEME COMMISSION ENTEND LA PRESENTATION DES RAPPORTS SUR LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN IRAQ, EN IRAN ET AU BURUNDI

19971117 Poursuivant ce matin son débat sur les questions relatives aux droits de l'homme, la Commission des questions humanitaires, sociales et culturelles (Troisième Commission) a entendu la présentation des rapports du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en Iraq, M. Max van der Stoel; du Représentant spécial sur la situation des droits de l'homme en Iran, M. Maurice Copithorne; et du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Burundi, M. Paulo Sergio Pinheiro. Les représentants de l'Iraq, du Koweït, des Etats-Unis et du Burundi ont commenté les observations contenues dans les rapports.

La Commission a poursuivi son débat sur l'ensemble des questions relatives aux droits de l'homme et, dans ce cadre, plusieurs délégations ont déploré l'exploitation de la question des droits de l'homme par certains comme arme de politique étrangère. Une telle pratique ne fait qu'encourager la confrontation et compromettre la coopération internationale nécessaire à la promotion et la protection des droits de l'homme.

Les représentants des pays suivants ont fait une déclaration: Nouvelle- Zélande, au nom du Canada et de l'Australie, Cuba, Bangladesh, Fédération de Russie, Ukraine, Thaïlande, Turquie, Kazakhstan et Kenya. L'Observateur du Comité international de la Croix-Rouge a également pris la parole.

La Commission poursuivra ses travaux cet après-midi à partir de 15 heures et entendra notamment la présentation de plusieurs projets de résolution.

- 2 - AG/SHC/338 17 novembre 1997

Questions relatives aux droits de l'homme

Déclarations des Rapporteurs et Représentants spéciaux

M. MAX VAN DER STOEL, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur la situation des droits de l'homme en Iraq, rappelant que le Gouvernement iraquien refusait de travailler avec lui, a déclaré que six ans après sa première comparution devant la Troisième Commission en tant que Rapporteur spécial, il ne pouvait que répéter que des violations répandues, systématiques et graves des droits de l'homme se poursuivent en Iraq. Le Rapporteur spécial a parlé de violations des droits civils, économiques, politiques et sociaux et a souligné que ses conclusions étaient partagées par d'autres experts indépendants des Nations Unies et, en particulier, les 18 experts du Comité des droits de l'homme. Le Gouvernement iraquien ne fait rien pour modifier la situation terrible des droits de l'homme, a-t-il affirmé, estimant qu'il était dans la nature du système juridique et politique iraquien de ne rien changer puisque le système de dictature militaire exige des violations des droits de l'homme pour maintenir les positions et privilèges de ceux qui sont au pouvoir. Il a attiré l'attention, en particulier, sur quatre types de violations des droits de l'homme : violations de la sécurité personnelle et de l'intégrité des personnes; violations de la liberté d'opinion et d'expression; déplacements forcés et violations des droits à l'alimentation et à la santé.

Le Rapporteur spécial a dénoncé le fait que les services de sécurité et des personnes importantes au sein du régime ont le pouvoir de prendre la vie d'autrui en toute impunité. Le Gouvernement iraquien ne prend pas de mesures pour réduire ces assassinats et n'interfère pas dans le pouvoir de vie et de mort qui est effectivement accordé aux privilégiés du régime, invoquant une situation difficile et une trop forte criminalité. Le Rapporteur spécial a également dénoncé les déplacements forcés des populations non arabes, notamment dans la région de Kirkouk, qui ne laisse à ces populations, en particulier les Kurdes et les Turkmènes, que le choix de fuir vers le nord sans rien emporter, ou de déménager vers le sud avec leurs biens personnels. Les populations ne reçoivent aucune compensation pour les pertes ainsi subies et n'ont pas de possibilité de faire appel quant aux ordres de déplacement. Le Gouvernement tient clairement à assurer les privilèges d'un certain groupe de personnes seulement, a déclaré M. Van der Stoel.

Celui-ci a encore déclaré que depuis l'acceptation de la formule "du pétrole pour la nourriture", le Gouvernement avait cherché à manipuler le système de contrôle des Nations Unies et avait même, cet été, suspendu la vente de pétrole, interrompant ainsi la fourniture de l'aide alimentaire à des millions de personnes dans le besoin. Tant les agences des Nations Unies que le Gouvernement iraquien dénoncent le manque de nourriture et de médicaments. Partant, le Rapporteur a estimé surprenant que le Gouvernement iraquien ait choisi de suspendre sa fourniture de rations alimentaires. Il a souhaité que

- 3 - AG/SHC/338 17 novembre 1997

le Gouvernement iraquien réponde à l'appel constant de la communauté internationale de faire coïncider ses lois et politiques avec ses obligations internationales. Il a estimé, en conclusion, qu'il s'agissait d'une des pires dictatures depuis la seconde guerre mondiale.

Le représentant de l'Iraq a déclaré que les allégations contenues dans le rapport du Rapporteur spécial n'étaient que la répétition d'allégations non fondées. La question des droits de l'homme est utilisée pour s'opposer au régime iraquien. Les sources d'information émanent de parties qui ont toujours été hostiles à l'Iraq et ont toujours voulu s'opposer aux intérêts du pays. Ces informations ne peuvent donc être considérées comme crédibles, a-t- il estimé. Il a rejeté les allégations concernant la situation dans le nord de l'Iraq, déjà contenues dans les rapports précédents et auxquelles le Gouvernement iraquien a déjà répondu. Les allégations concernant l'incompatibilité des lois iraquiennes avec ses obligations internationales constituent une ingérence dans les affaires iraquiennes et sont basées sur des informations infondées. Pour le représentant de l'Iraq, le rapport tente de détourner l'attention de la situation dans le nord du pays, marquée par le conflit sanglant entre factions kurdes. Dans ce cadre, il a dénoncé les incursions de pays étrangers dans la région, et notamment de la Turquie, et a déploré que le Rapporteur spécial n'ait pas mentionné cette situation qui menace la stabilité de toute la région.

Le représentant de l'Iraq a rejeté également les accusations d'exécutions sommaires et arbitraires, ainsi que les allégations selon lesquelles le régime a dû faire face à un coup d'Etat. Ceci est tout à fait erroné, il n'y a pas eu de coup d'Etat, a-t-il déclaré. Il a affirmé que les déplacements de populations avaient été imposés par la lutte entre les différentes factions kurdes. Certaines personnes ont, par ailleurs, été évacuées des zones frontalières lors de la guerre avec l'Iran, dans le but de pouvoir assurer leur sécurité et ont été dédommagées, a-t-il assuré, estimant les allégations de déplacements forcés et de confiscations des propriétés infondées. Il a regretté le fait que le Rapporteur spécial ait ignoré les explications de l'Iraq sur la situation alimentaire et sanitaire, présentées dans ses rapports devant la Commission des droits de l'homme et a rejeté, en outre, l'ingérence du Rapporteur spécial concernant le système de contrôle de la distribution alimentaire, en rappelant que le Secrétaire général a souligné la pleine coopération de l'Iraq concernant le déplacement du personnel de l'ONU chargé de surveiller l'application de la résolution "pétrole pour nourriture". Il a indiqué que les mesures prises par le Gouvernement iraquien concernant les cartes alimentaires visaient à éliminer toute fraude. Le Gouvernement s'est efforcé de fournir des rations à tout citoyen iraquien sans discrimination dans toutes les régions du pays, a-t-il assuré.

Le problème des droits de l'homme en Iraq est que tous ces droits sont violés à cause du régime de sanctions et de l'embargo imposé à l'Iraq. La levée de l'embargo est la seule façon d'assurer que le peuple iraquien puisse

- 4 - AG/SHC/338 17 novembre 1997

jouir de tous ses droits. Pour le représentant iraquien, le Rapporteur spécial s'est largement écarté des directives de l'Assemblée générale concernant son mandat, ignorant toute nécessité d'objectivité et d'impartialité. M. Van der Stoel a utilisé son mandat pour noircir le Gouvernement iraquien. Ses affirmations selon lesquelles il ne peut pas y avoir d'amélioration des droits de l'homme en Iraq sans changement politique constituent une ingérence flagrante dans les affaires intérieures du pays et une violation du droit à l'autodétermination politique du peuple iraquien, a- t-il conclu.

La représentante du Koweït a indiqué que le peuple koweitien souffrait des atermoiements de l'Iraq pour libérer les prisonniers koweitiens et d'autres nationalités, toujours détenus en Iraq depuis la guerre du Golfe et a déploré le manque de progrès dans les négociations tripartites sur cette question. Les résultats de l'occupation iraquienne sont plus dangereux dans leur impact profond que dans le domaine matériel. Il en découle des problèmes sociaux et psychologiques résultant des violations flagrantes des droits de l'homme par les forces d'occupation iraqiennes, a-t-elle déclaré, évoquant les tueries de civils innocents, de femmes, d'enfants, de vieillards, et les pillages des richesses dans une tentative de détruire la société koweitienne. Elle a affirmé que les disparitions concernaient plus de 600 citoyens koweitiens et d'autres Etats et a demandé que toutes les mesures soient adoptées pour que les organisations internationales puissent avoir accès aux prisonniers en toute liberté.

Le représentant des Etats-Unis a félicité le Rapporteur spécial de son dévouement et de son courage et a rendu hommage à sa crédibilité. Il a regretté que l'Iraq continue à tout nier et a estimé qu'il devrait plutôt honorer ses obligations que se plaindre. Le Gouvernement iraquien ne doit blâmer personne d'autre que lui car il peut régler les problèmes qu'il a créé en collaborant avec les Nations Unies et le Rapporteur spécial, a-t-il déclaré.

Reprenant la parole, le Rapporteur spécial a estimé qu'une fois de plus la position du Gouvernement iraquien n'avait pas beaucoup évolué. Il semble qu'il n'y a aucune volonté de respecter les résolutions du Conseil de sécurité et les recommandations du Rapporteur spécial et de la Commission des droits de l'homme. Si mon rapport est faux, pourquoi le Gouvernement iraquien refuse-t- il d'accepter la visite en Iraq d'un groupe d'enquêteurs indépendants nommés par le Secrétaire général, et pouvant circuler librement, ce qui permettrait de voir qui a raison. Je me demande ce que souhaite cacher le Gouvernement iraquien en agissant de la sorte, a poursuivi le Rapporteur. Sur un point, nous sommes d'accord, la population souffre terriblement. Mais nous ne sommes pas d'accord sur les responsabilités, a-t-il déclaré. Il a estimé que si la résolution "du pétrole pour de la nourriture" avait été appliquée plus tôt elle aurait évité beaucoup de souffrance. Il semble que l'Iraq estime que c'est à l'ONU de régler la crise alimentaire. Mais à mon avis, il faudrait un

- 5 - AG/SHC/338 17 novembre 1997

effort conjoint de l'Organisation et de l'Iraq. L'aide alimentaire fournie ne peut pas se substituer aux efforts du Gouvernement iraquien. Le Rapporteur spécial a déclaré qu'il n'avait pas outrepassé son mandat, qui le chargeait de voir si le Gouvernement iraquien honorait ses engagements en matière de droits de l'homme. Cela impose certaines limites que je suis tenu d'accepter, a-t-il souligné. Il a conclu en souhaitant que le Gouvernement iraquien utilise les mois à venir pour améliorer la situation des droits de l'homme en Iraq, car la situation est tout aussi mauvaise, voire pire que dans le passé.

M. MAURICE COPITHORNE, Représentant spécial sur la situation des droits de l'homme en Iran, a souligné que la situation des droits de l'homme en Iran n'a cessé, depuis de nombreuses années, de faire l'objet de critiques. Au vu des informations reçues, il est regrettable que ces critiques soient effectivement fondées. Les domaines de préoccupation sont nombreux, bien documentés et souvent complémentaires dans leur nature. Depuis le changement de gouvernement en Iran, plusieurs déclarations d'intention pour changer la situation dans le domaine des droits de l'homme ont été faites par le nouveau Président aussi bien que par les membres de son cabinet. Il reste à voir dans quelle mesure ces intentions seront traduites en actes concrets. Le Rapporteur spécial s'est toutefois déclaré optimiste, convaincu que les voeux du peuple prévaudront finalement car il semble que les revendications du peuple soient maintenant prises en considération. Partant, il a espéré qu'à la session prochaine du Comité des droits de l'homme, il sera en mesure de présenter un rapport qui fera état de changements substantiels et quantifiables en matière des droits de l'homme en Iran.

M. SERGIO PINHEIRO, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Burundi, a souligné que les violations des droits de l'homme commises durant ces derniers trois MOIS demeurent nombreuses et constituent un déni des obligations que l'Etat burundais est appelé à faire respecter comme partie aux principaux instruments internationaux des droits de l'homme. Les éléments rebelles violent pour leur part systématiquement les principes mêmes du droit international humanitaire qu'ils sont censés respecter. En outre, la population burundaise est frappée de plus en plus durement par les effets pervers des sanctions économiques imposées par plusieurs pays de la région. Par ailleurs, le rapporteur spécial s'est dit persuadé que les acquis des camps de regroupement sont très limités sur le plan de la sécurité. Ces camps pourraient n'aboutir qu'à rendre plus fragile encore la condition des populations regroupées étant donné qu'il n'y a pas de moyens suffisants pour assurer une protection permanente à ces civils. Le Rapporteur spécial a convenu que des progrès ont été accomplis dans plusieurs provinces en ce qui concerne l'état de la sécurité et que le Major Buyoya a réitéré à plusieurs reprises sa volonté de poursuivre les pourparlers en faveur de la paix avec l'ensemble des partis politiques et des factions armées en présence, malgré les réserves exprimées par certaines des parties concernées.

- 6 - AG/SHC/338 17 novembre 1997

Le Rapporteur spécial a regretté que la communauté internationale hors du continent africain persiste à faire preuve d'incapacité pour définir une stratégie cohérente qui tienne compte des intérêts profonds du Burundi et de ses besoins en matière de paix, de démocratie et de développement. Au lieu de parler d'une seule voix, la communauté internationale s'exprime dans une cacophonie qui ne peut que perpétuer l'immobilisme avec lequel le problème burundais dans son ensemble est approché. La crise burundaise fait partie d'une vaste mosaïque de conflits dans la région des Grands Lacs. Partant, le Rapporteur spécial demande qu'un embargo sur la vente d'armes soit imposé d'urgence à tous les pays de la région. En outre, il est injuste et inhumain de maintenir des sanctions économiques à l'encontre du Burundi qui frappent de plein fouet les populations les plus pauvres du pays. Par ailleurs, il est évident que les élections prévues ne pourront avoir lieu dans une société telle que celle qui existe au Burundi. La minorité qui contrôle l'armée doit être assurée de bénéficier de garanties contre toute tentative d'extermination tandis que la majorité doit recevoir des preuves concrètes qu'elle dispose des moyens nécessaires pour avoir aussi accès au gouvernement. La communauté internationale et les Nations Unies doivent adopter une démarche commune et énergique pour mettre fin à la violence et rechercher des solutions concrètes notamment aux problèmes d'identité ethnique et nationale et de développement économique durable.

Le représentant du Burundi a réaffirmé l'engagement de son pays à collaborer avec la Commission des droits de l'homme et le Rapporteur spécial. Dans cet esprit et sans anticiper de la décision du gouvernement, je voudrais affirmer que la demande de se rendre au Burundi sera analysée favorablement dès que le Rapporteur spécial la soumettra à notre attention, a-t-il dit. Il a affirmé que le gouvernement, responsable de protection de ses citoyens, ne pourrait se départir de sa responsabilité face à la violation des droits de l'homme sur son territoire. Si les organisations de défense des droits ont le devoir de dénoncer les violations et de les porter à la connaissance du gouvernement, la communauté internationale doit aussi assister ce gouvernement dans la lutte qu'il doit engager en la matière. Le rapport de la Commission d'enquête internationale publié le 22 août 1996, a recommandé la création d'un tribunal pénal international pour le Burundi contre les horreurs du génocide qui pendant trois ans a décimé des milliers de Burundais. Le silence de la communauté internationale et nationale sur ces ignominies ne pourrait être que coupable et complice. Les Burundais, soucieux de la restauration de la paix et de la relance d'un processus démocratique sain, ont fait appel au Président Buyoya pour tenter de sauver une nation et un peuple en détresse. La réponse de certains à ces changements politiques a été l'imposition d'un embargo total à un petit pays enclavé, et ce, contre toutes les lois et Conventions internationales et régionales.

L'embargo imposé à un peuple animé par la volonté de restaurer la paix vient casser tous ses espoirs. Les mesures décidées par certains pays ne sont pas de nature à encourager la démocratie. Le représentant a lancé un appel à

- 7 - AG/SHC/338 17 novembre 1997

toute la communauté internationale afin qu'elle appuie le processus de paix au Burundi qui comprend trois volets : l'ouverture d'un dialogue politique de toutes les parties au conflit, la tenue d'un débat intérieur et l'organisation de conférences de paix pour les Burundais de l'étranger. Le Gouvernement burundais réaffirme son engagement à faciliter le retour volontaire de tous les Burundais et sa détermination à poursuivre le dialogue avec les pays d'accueil. Le gouvernement a déjà initié un programme de rapatriement, de reconstruction et de réinstallation des personnes déplacées.

Le Rapporteur spécial a remercié le représentant pour son invitation à se rendre au Burundi afin de compléter son rapport pour la prochaine session du Comité des droits de l'homme.

Documentation

Les rapports concernant la situation des droits de l'homme en Iraq, en République islamique d'Iran et au Burundi ont été présentés dans notre communiqué AG/SHC/333 du 13 novembre 1997.

Suite du débat général

M. ROGER BALL (Nouvelle-Zélande), prenant également la parole au nom du Canada et de l'Australie, a déclaré que les gouvernements de ces pays soulignent la nécessité d'intégrer les droits de l'homme dans toutes les activités des Nations Unies. Il convient donc d'améliorer la coordination entre les droits de l'homme et les efforts déployés dans le cadre des opérations de maintien de la paix et de consolidation de la paix, et les efforts humanitaires. A ce titre, il est essentiel que le Haut Commissaire aux droits de l'homme participe aux travaux des Comités exécutifs aussi souvent que possible. Abordant la célébration du cinquantième anniversaire de la Déclaration des droits de l'homme, le représentant a dit qu'il accueillerait avec satisfaction la tenue d'une réunion à haut niveau au cours de la prochaine session du Comité des droits de l'homme. Les événements de 1998 doivent traiter le fond de la question et ne pas être seulement une célébration. C'est pourquoi les Gouvernements de la Nouvelle-Zélande, du Canada et de l'Australie appuient l'idée de consacrer le segment de coordination du Conseil économique et social aux questions relatives aux droits de l'homme. Le segment serait ainsi une occasion importante de renforcer l'action de l'ensemble du système des Nations Unies dans le domaine de la promotion et de la protection des droits de l'homme.

L'année prochaine sera aussi l'occasion de réaffirmer le consensus de Vienne sur le caractère universel, interdépendant et indivisible des droits de l'homme. Dans ce contexte, une ratification universelle des instruments pertinents serait le meilleur fondement des actions internationales visant à promouvoir le respect des droits de l'homme. Le représentant s'est également dit convaincu que les Nations Unies doivent saisir cette occasion pour reconnaître les efforts de ceux qui oeuvrent en faveur des droits de l'homme à

- 8 - AG/SHC/338 17 novembre 1997

travers le monde, en adoptant une Déclaration des défenseurs des droits de l'homme. S'arrêtant sur la question des finances, il a regretté que l'efficacité du système de protection des droits de l'homme soit compromise par une insuffisance de ressources chronique. Il a donc attiré l'attention sur la nécessité urgente d'élargir la base financière des activités au-delà des contributions volontaires. Il a conclu sur la nécessité d'une plus grande efficacité en matière d'assistance technique en appuyant le mandat que le Secrétaire général a confié en la matière au Haut Commissaire aux droits de l'homme.

M. BRUNO RODRIGUEZ (Cuba) a déclaré que son pays n'était pas et ne se proposait pas d'être un modèle pour tous les peuples mais qu'il était fier de sa démocratie, peut-être imparfaite, mais qui a trouvé des formules pour assurer à chaque Cubain, sans exception, une participation directe, complète et réelle dans les décisions nationales, du Gouvernement et du Parlement. Le pouvoir socialiste dispose toujours du consensus majoritaire des Cubains, qui choisissent les candidats au suffrage universel. Tous peuvent voter car l'éducation est garantie, de même qu'un niveau d'information et un emploi. A Cuba, les voix ne se vendent pas et ne s'achètent pas. Il n'y a pas de fraude électorale, comme à Miami, ni corruption de politiciens. Les candidats n'ont pas besoin de millions de dollars ni ne doivent sourire continuellement de façon ridicule. Il n'y a pas non plus de "contributions financières", ni de chambres à louer au Palais de la Révolution, aucun millionnaire n'a jamais dormi dans l'humble demeure de José Martí. A Cuba, les femmes votent et représentent 64 % des forces laborieuses. Les jeunes votent parce qu'ils ont un futur et ne consomment pas de drogue. Les personnes âgées votent car leur pension est assurée. Tout le monde vote car il n'y a pas de discrimination. A Cuba, ce sont les électeurs et non les partis, auxquels peu appartiennent et qui sont généralement corrompus, qui choisissent les députés. Nous n'avons pas de députés à vie, ni de monarque qui désigne les membres de quelque chambre et le droit des électeurs de rejeter un candidat est permanent et expéditif. La somme des bulletins blancs au cours des dernières élections étaient de 7,21 %, a expliqué le représentant.

On dit, et c'est apparemment vrai, que la majorité des systèmes politiques sont en crise. La plupart des gens ne croient plus et ne se sentent plus représentés par les politiciens et les taux d'abstention lors des élections sont élevés. Ceux qui veulent nous imposer leur système devraient donc d'abord convaincre leurs propres électeurs que ce système fonctionne. Il faudra ensuite nous convaincre que la diversité du monde peut être réduite à un seul modèle électoral et politique, et nous prouver que le modèle unique, qui semble fonctionner si mal et empirer dans le Nord, fonctionnerait mieux dans le Sud, où chaque année 12 millions d'électeurs meurent de faim, 800 millions d'électeurs ne mangent pas, 1 milliard ne peuvent pas voter car ils ne peuvent pas lire et 1,5 milliard n'ont pas accès aux soins de santé. Ils devront nous expliquer que nos cultures sont inférieures, que nos religions sont païennes et nos traditions barbares. En résumé, ils devront

- 9 - AG/SHC/338 17 novembre 1997

nous recoloniser. C'est pourquoi, a conclu le représentant, bien que le prétendu Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme à Cuba ait essayé, il n'a pas réussi à nous convaincre.

M. ANWARUL KARIM CHOWDHURY (Bangladesh) a estimé qu'une approche appropriée du droit au développement conduira à une compréhension adéquate de l'ensemble des droits de l'homme. Il a donc lancé un appel au Haut Commissaire aux droits de l'homme pour qu'elle envisage la création d'une branche distincte chargée de la promotion et de la réalisation du droit au développement. Dans ce contexte, le représentant a estimé nécessaire que Mme Robinson se penche sur la nécessité grandissante de renforcer la coordination et la coopération entre tous les mécanismes du système des Nations Unies afin de parvenir à une promotion plus efficace et à une pleine réalisation du droit au développement, avec un appui renforcé des organes pertinents.

Venant aux initiatives nationales, le représentant a fait part de la détermination de son pays à créer un cadre de promotion des droits de l'homme, y compris une commission nationale indépendante. Le Parlement devrait d'ailleurs adopter une législation relative à la commission dès le début de l'année prochaine. En outre, une étude sur le développement institutionnel des droits de l'homme a été entreprise avec l'assistance du PNUD. Par ailleurs, une commission juridique a été créée pour identifier et revoir la position du pays sur les instruments internationaux des droits de l'homme. Les projets du Bangladesh en faveur de la promotion des droits de l'homme sont nombreux, a souligné le représentant en attirant l'attention sur l'importance de l'assistance technique et financière du Haut Commissariat aux droits de l'homme et des institutions pertinentes des Nations Unies.

M. SERGEY LAROV (Fédération de Russie) a rappelé que les auteurs de la Déclaration universelle des droits de l'homme avaient l'intention de créer un monde plus juste et de mettre fin à la tyrannie et à l'oppression. A la veille du cinquantième anniversaire de la Déclaration nous devons nous demander si, à cette nouvelle étape de l'évolution de l'humanité, la Déclaration universelle nous permettra de combattre la faim, la pauvreté, les nationalismes agressifs avec la même force qui a conduit à démonter le rideau de fer. L'histoire, y compris celle des temps modernes, doit se lire avec beaucoup de nuances, elle est faite d'un écheveau complexe de traditions, cultures, religions et expériences. La vie elle-même exige la recherche constante du compromis et de l'entente. Elle exige que l'on soit attentif aux opinions des autres que l'on doit chercher à comprendre. La Fédération de Russie est persuadée que les activités relatives aux droits de l'homme doivent donner un élan au rapprochement des Etats et non devenir un facteur de discorde et de confrontation.

L'époque de la confrontation idéologique nous a laissé en héritage la tendance à accorder la primauté absolue à certaines catégories des droits de l'homme et libertés fondamentales. Pourtant, lorsque nous observons les réalités quotidiennes de notre époque, force est de reconnaître que la torture

- 10 - AG/SHC/338 17 novembre 1997

infligée par la faim n'est pas moins pénible que les actes de torture infligés en prison. Les atteintes portées à la dignité humaine par la pauvreté ne sont pas moindres que celles des violations de la liberté de parole ou d'opinion. Enfin, il est temps de soustraire les droits de l'homme à la pratique de "deux poids, deux mesures". La Déclaration universelle des droits de l'homme doit s'appliquer à tous. Nous devons avoir à l'esprit ces questions lorsque nous nous attelons à la réforme des activités des Nations Unies relatives aux droits de l'homme. Nous ne devrons pas les oublier lors de l'évaluation du Programme d'action de Vienne.

Le représentant a émis l'espoir que Mme Mary Robinson parviendra à lancer un dialogue constructif et équilibré, dans un cadre d'égalité, sur les questions des droits de l'homme, de la démocratie et du développement et à dépolitiser ainsi la question. Il a souhaité que certains renoncent à se considérer comme "des élus et des intouchables", et que la protection de la dignité de l'homme et de la liberté devienne une composante incontournable du système international de sécurité collective.

En quelques années, la Russie s'est transformée d'un Etat totalitaire en une société ouverte sur le reste du monde, ayant épousé l'économie de marché, la pratique d'élections libres et ayant une presse indépendante. L'année 1998 a été proclamée Année des droits de l'homme par décret présidentiel. Une réforme est en cours pour renforcer la branche judiciaire en vue de protéger le pays de la corruption et des réseaux criminels organisés.

M. YURIY BOHAIEVS'KY (Ukraine) a déclaré que depuis la Conférence mondiale sur les droits de l'homme en 1993, un nouveau concept a émergé, la protection des droits de l'homme est considérée comme un facteur important pour garantir la paix, la stabilité et le développement. Le représentant a précisé que des efforts devaient être renforcés tant au niveau national qu'international afin de mettre en oeuvre les dispositions de la Déclaration de Vienne et le Programme d'Action. Le représentant s'est dit convaincu que le dialogue entamé par le Haut Commissaire pour identifier les obstacles qui gênent la pleine réalisation des droits de l'homme et les possibilités de renforcer et coordonner les actions de l'Organisation des Nations Unies dans ce domaine, contribuera à la mise en oeuvre des recommandations de la Conférence de Vienne. De l'avis du représentant, l'efficacité des actions de l'ONU dans ce domaine dépendra des résultats de la restructuration du Centre des droits de l'homme.

Le représentant a estimé que dans le domaine des droits de l'homme, la coopération entre l'Organisation des Nations Unies et les organisations non- gouvernementales se révélait importante mais qu'elle nécessitait de nouvelles approches. Le nombre croissant de délégations des organisations non- gouvernementales qui participent aux sessions des organes des Nations Unies, en particulier à la Commission des droits de l'homme, complique le travail des sessions et réduit les possibilités d'un dialogue constructif de la part des

- 11 - AG/SHC/338 17 novembre 1997

délégations gouvernementales. Il a suggéré, durant les sessions de la Commission des droits de l'homme, l'organisation de "tables rondes" comme forme de coopération avec les organisations non-gouvernementales.

En ce qui concerne la politique nationale de son pays en matière de droits de l'homme, le représentant a précisé que l'Ukraine a récemment élaboré de nouveaux concepts pour réformer les institutions chargées de faire respecter la loi et renforcer le rôle des organisations non-gouvernementales. En signant, le 5 mai 1997, le Protocole 6 de la Convention européenne sur les droits de l'homme concernant l'abolition de la peine de mort, l'Ukraine a fait ses premiers pas pour créer un Etat où personne ne sera exécuté. Tandis que l'Ukraine poursuit une politique pour assurer les droits des personnes appartenant à différents groupes ethniques, elle demande à ce qu'une attention adéquate soit accordée aux besoins de plus de 12 millions d'Ukrainiens appartenant à des ethnies différentes dans plus de 50 pays.

M. KARN CHIRANOND (Thaïlande) a souligné que la constitution de son pays garantit l'égalité des personnes devant la loi. Chacun a le droit de choisir sa religion du moment que les devoirs civiques et la moralité publique ne s'en trouvent pas sapés. La Thaïlande a reconnu depuis longtemps l'importance de l'éducation dans le renforcement de la compréhension mutuelle entre personnes de cultures et de croyances différentes. C'est pourquoi, toutes les religions sont enseignées à tous les niveaux de l'éducation. Evoquant le rapport du Rapporteur spécial sur l'intolérance religieuse, le représentant a estimé que les informations fournies par son pays n'y figurent pas et qu'elles n'indiquaient certainement pas que le bouddhisme était la seule religion expliquée dans les manuels scolaires. Bien au contraire, les informations montrent que la Thaïlande attache une égale importance à toutes les religions. Le représentant a donc souhaité que le Rapporteur spécial amende son rapport ou que le prochain rapport comprenne au moins son explication.

M. AHMET ARDA (Turquie) s'est réjoui du fait que le concept des violations des droits de l'homme par des groupes ou des individus soit actuellement discuté par des experts indépendants à la Sous-Commission de la prévention de la discrimination et de la protection des minorités et s'est déclaré convaincu que le rapport en préparation ouvrirait de nouvelles dimensions au débat sur les droits de l'homme. Le mandat actuel des mécanismes relatifs au droits de l'homme ne doit pas servir d'excuse pour ne pas discuter du rôle et des responsabilités des individus et des groupes dans le domaine des droits de l'homme. Le projet de résolution "Droits de l'homme et terrorisme" que la délégation turque soumettra à nouveau à la Troisième Commission cette année a été préparé dans cet esprit, a-t-il déclaré. Le représentant a déploré, par ailleurs, le fait que les ressources financières et humaines dont dispose le Bureau du Haut Commissaire aux droits de l'homme soient loin d'être adéquates pour ses besoins. Cette situation ne touche pas

- 12 - AG/SHC/338 17 novembre 1997

seulement le fonctionnement du Bureau, mais a aussi des répercussions sur la préparation des documents. Outre le retard dans la disponibilité des documents, on constate dans certains rapports des mauvaises interprétations, voire des distorsions, des sources d'information. La crédibilité devrait être le critère guidant le Bureau, a-t-il déclaré.

Le représentant a indiqué que la Turquie revoyait constamment sa législation en vue d'élargir la portée des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour ses citoyens. Il a déploré les allégations de l'Union européenne dans sa déclaration devant la Troisième Commission concernant des violations des droits de l'homme en Turquie. Nous pensions que l'Union européenne surveillait de près la situation des droits de l'homme en Turquie, ce qui semble ne pas être le cas. Nous sommes perplexes devant le fait que l'Union européenne choisisse de se limiter à se féliciter des déclarations du Gouvernement turc, tout en ignorant les mesures concrètes prises par celui-ci pour améliorer les droits de ses citoyens. A cet égard, il a indiqué qu'au cours des derniers mois, le gouvernement avait notamment réduit les périodes de détention au niveau de la plupart des pays européens, que l'état d'urgence avait été levé dans la plupart des provinces où il avait été imposé, qu'une agence de coordination interministérielle de haut niveau en matière de droits de l'homme avait été créée pour suivre les questions relatives aux droits de l'homme. Il a émis l'espoir que l'Union européenne revoit ses mécanismes de surveillance et reconnaisse que la Turquie a au moins réalisé quelques avancées majeures dans le domaine des droits de l'homme. Toutes les violations des droits de l'homme par les Etats, les groupes ou les individus doivent faire l'objet d'enquêtes approfondies et les manquements dans ce domaine ne peuvent être tolérés ni par les institutions nationales, ni par la communauté internationale. Par ailleurs, les allégations concernant les situations ou les violations des droits de l'homme dans d'autres pays ne peuvent pas être utilisées pour servir des intérêts de politique intérieure ou être exploitées en vue d'objectifs cachés, a-t-il averti.

Mme AKMARAL ARYSTANBEKOVA (Kazakhstan) a fait part de l'appui de sa délégation à la proposition du Secrétaire général de consolider le Bureau du Haut Commissaire et le Centre pour les droits de l'homme en une entité unique. Nous pensons que cette mesure devrait permettre d'améliorer la coordination des activités et des actions relatives aux droits de l'homme dans l'ensemble du système, a-t-il ajouté. Il s'est également prononcé en faveur d'une réforme des mécanismes conventionnels visant à les alléger.

Le Kazakhstan accorde une priorité absolue aux droits de l'homme et à l'instauration d'une société civile et d'un Etat de droit. A cet effet, il a entrepris de développer des institutions publiques garantissant le respect des droits de l'homme. C'est ainsi qu'une Commission des droits de l'homme a été mise en place, directement rattachée au Cabinet du Président de la République. Son rôle de surveillance des droits de l'homme et de formulation des

- 13 - AG/SHC/338 17 novembre 1997

politiques dans ce domaine complète l'action des structures juridiques traditionnelles. La Commission observe la situation des droits de l'homme dans le pays, analyse objectivement les causes et origines des violations et s'efforce d'identifier les moyens pour les atténuer et les éliminer. La Commission travaille en coordination avec les autres institutions publiques et privées, jouant un rôle charnière et souvent confidentiel entre les autorités, la population et les associations. A cet effet, la Commission a mis en place un système de représentants au niveau local.

Mme ESTHER M. TOLLE (Kenya) a souligné le caractère universel, indivisible et interdépendant des droits de l'homme et la nécessité de garantir l'universalité, l'objectivité, l'impartialité et la non sélectivité de la question. De l'avis du Kenya, les principes fondamentaux de la culture et de tradition, du développement économique et même des institutions politiques doivent être bien compris et respectés par tous. Une telle approche peut permettre d'éliminer les confrontations qui ont dominé, par le passé, les travaux de l'Assemblée générale et de la Commission des droits de l'homme. A l'instar de plusieurs pays, le Kenya attache une grande importance au droit au développement comme droit universel et inaliénable et comme partie intégrante des droits de l'homme fondamentaux. Il appuie donc la recherche de solutions durables aux obstacles à la réalisation du droit au développement, en particulier dans les pays en développement. Ces solutions exigent des politiques de développement efficaces et solides, des relations économiques non discriminatoires et un environnement économique favorable, à l'échelle internationale. La représentante a, par ailleurs, demandé au Centre pour les droits de l'homme d'accorder la priorité à son programme d'assistance technique et renouvelé son appel en faveur d'une augmentation des contributions au Fonds de contributions volontaires pour la coopération technique en matière des droits de l'homme.

Elle a poursuivi en notant la préoccupation de l'Union européenne face au programme de réformes constitutionnel, législatif et administratif du Kenya. Elle a affirmé que le gouvernement de son pays a récemment institué des instruments qui créent un environnement favorable aux élections générales prévues le 29 décembre prochain. Elle a également précisé que le gouvernement continue de déployer tous les efforts pour s'assurer que la violence perpétrée par certains éléments soit portée à son terme et qu'elle ne soit plus tolérée à l'avenir. La représentante a conclu en appelant à plus de transparence, de coopération et de dialogue dans la promotion et la protection des droits de l'homme. La sélectivité et les doubles standards ne font qu'encourager la confrontation et compromettre l'esprit de coopération internationale dans le domaine des droits de l'homme.

M. DOMINIQUE BOREL (Comité international de la Croix-Rouge (CICR)) a expliqué que le droit des droits de l'homme et le droit humanitaire sont deux systèmes normatifs à la fois proches et distincts. Tous deux visent à protéger les droits les plus fondamentaux de la personne humaine : sa vie, sa dignité, un minimum de justice et de liberté. Mais ils se distinguent sur

- 14 - AG/SHC/338 17 novembre 1997

plusieurs points. Le droit humanitaire, comme droit d'urgence s'applique uniquement aux situations de conflits armés. Il vise à protéger autant que possible la vie, l'intégrité physique, la dignité de l'individu contre la violence et l'arbitraire. Il réglemente en outre la manière de mener les opérations militaires et pose les conditions essentielles pour l'action humanitaire en faveur des victimes. Une deuxième différence réside dans le fait que les droits de l'homme admettent des dérogations dans certaines situations et selon des modalités restrictives, alors que le droit humanitaire n'en accepte aucun. Enfin, le droit humanitaire s'adresse non seulement aux Etats, mais à toute partie à un conflit armé.

M. Borel a rappelé qu'au-delà des conflit couverts par les Conventions de Genève de 1949 et leurs Protocoles additionnels, les activités du CICR se déploient aussi lors de troubles intérieurs, de tensions internes et d'autres situations de violence collective. Vu que les activités du CICR sont liées à un contexte particulier - celui des situations de violence - elles reflètent ce lien étroit entre les droits de l'homme et le droit humanitaire. Le CICR oeuvre ainsi en faveur du respect des droits de l'homme qui se recoupent avec les règles et principes du droit humanitaire, que ce dernier soit applicable ou non. Une concertation adéquate s'impose sur le terrain, en sorte que le droit humanitaire et les droits de l'homme, ainsi que tout ce qui contribue à un environnement favorable à la protection, puissent répondre de façon complémentaire aux préoccupations des victimes. Il faut veiller à éviter aussi bien les doubles emplois que les lacunes dans les activités de protection. Pour être rationnelle et efficace, la promotion de la dignité de la personne humaine nécessite une complémentarité à tous les niveaux. Ce souci devrait s'inscrire en particulier dans les méthodes de travail des diverses institutions. Avec ses interlocuteurs, qu'il s'agisse d'un gouvernement ou d'un groupe d'opposition, le CICR recourt principalement au dialogue direct et confidentiel. L'accès répété aux victimes, la présence durable et la persuasion sont ses modes d'action complémentaires de ceux développés par d'autres organisations travaillant dans le domaine des droits de l'homme qui, elles, tablent en général davantage sur l'information publique.

Si le CICR a toute latitude pour agir en cas de conflit armé comme un intermédiaire neutre et impartial, les organisations des droits de l'homme ont un rôle important à jouer dans la période de transition vers la pacification en renforçant la capacité des autorités à respecter les droits de l'homme. En amont des conflits, ces organisations pourraient aussi s'engager dans la prévention, a poursuivi le représentant, en soulignant l'importance du respect du mandat de chacun. En outre, mises à part les opérations de terrain, le CICR considère comme important de promouvoir une complémentarité et un appui mutuels entre les activités du Bureau du Haut Commissaire et celles du CICR dans le domaine de la diffusion du droit humanitaire, de sa mise en oeuvre nationale ainsi que dans le domaine de la formation où l'expertise de chacun doit être utilisée.

* *** *

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.