FEM/961

LE COMITE POUR L'ELIMINATION DE LA DISCRIMINATION A L'EGARD DES FEMMES TERMINE L'EXAMEN DES RAPPORTS PERIODIQUES DU BANGLADESH

23 juillet 1997


Communiqué de Presse
FEM/961


LE COMITE POUR L'ELIMINATION DE LA DISCRIMINATION A L'EGARD DES FEMMES TERMINE L'EXAMEN DES RAPPORTS PERIODIQUES DU BANGLADESH

19970723 Il observe que la religion et la tradition sont utilisées comme prétextes pour faire obstacle à la promotion de la femme

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a poursuivi, cet après midi, l'examen des troisième et quatrième rapports périodiques du Bangladesh. Les experts ont commenté les réponses de l'Etat Partie aux questions posées par le Groupe présession. Les membres du Comité se sont félicités des mesures qui ont été prises pour la promotion de la femme et notamment de la levée de deux des réserves du Bangladesh à la Convention. Ils ont espéré que les réserves restantes seront bientôt retirées, notamment celles émises à l'article 2 qui sont incompatibles avec la mise en oeuvre de la Convention. La religion et la tradition sont utilisées comme prétextes pour faire obstacle à la promotion de la femme. Evoquant l'absence de plaintes déposées à la Cour suprême pour savoir si les lois religieuses sont en contradiction avec la Constitution, le Comité s'est demandé s'il est vraiment possible de remettre en cause le caractère inégalitaire des lois religieuses.

Les experts se sont déclarés particulièrement inquiets de l'augmentation et de l'aggravation des actes de violence commis contre les femmes ainsi que du développement du phénomène de la dot. Le Comité s'est réjoui du fait que des femmes occupent les postes de Premier Ministre et de chef de l'opposition, il a engagé le Gouvernement à étendre la participation des femmes à tous les niveaux de la vie politique et publique. Relevant le nombre important de départements et d'organes chargés des questions féminines, un membre du Comité a craint qu'ils fassent double-emploi et freine l'efficacité des efforts de coordination des politiques mises en oeuvre. Les experts ont évoqué l'amélioration de l'accès à l'éducation et des perspectives d'emploi pour les femmes.

Dans ses commentaires de conclusion, la Vice-présidente du Comité, Mme Charlotte Abaka (Ghana), a déclaré que le rapport était très clair et honnête en ce qui concerne les problèmes liés aux questions religieuses et traditionnelles et qui empêchent l'application de la Convention. Il est encourageant de voir que le Gouvernement prend des mesures pour assurer la

sécurité des personnes travaillant dans le secteur informel. Il faut toutefois que le secteur informel offre aux femmes une réelle sécurité. Le projet d'électrification des campagnes est encourageant et doit permettre de créer des emplois dans les zones rurales. Mme Abaka a espéré que les réserves du Bangladesh relatives à l'article 2 seront levées.

Le Comité se réunira vendredi 25 juillet afin d'adopter le rapport final de sa dix-septième session. L'heure de la réunion sera annoncée dans le Journal.

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Commentaires des experts à l'Etat Partie sur les réponses aux questions du Groupe présession:

Les experts se sont félicités des mesures prises pour la promotion de la femme au Bangladesh, notamment de la levée de deux des réserves relatives à la Convention. Ils ont espéré que les réserves restantes seront bientôt retirées. Les experts ont souhaité que l'exemple du Bangladesh soit suivi par d'autres pays qui lèveront également leurs réserves à la Convention. Les réserves sur l'article 2 sont incompatibles avec la mise en oeuvre de la Convention.

La réalisation de l'égalité entre les hommes et les femmes doit se faire avant tout dans la vie privée. La religion et la tradition sont utilisées comme prétexte pour faire obstacle à la promotion des femmes. Il est regrettable qu'il y ait encore des stéréotypes concernant les femmes. Les mesures prises par le Gouvernement sont insuffisantes. Les autorités ont un rôle essentiel à jouer, notamment dans les pays musulmans et dans les pays où les ressources sont insuffisantes. Les experts ont noté qu'il n'y a pas eu de plaintes déposées à la Cour suprême pour savoir si les lois religieuses sont en contradiction avec la Constitution. Qui peut s'adresser à la Cour suprême? Est-il vraiment possible de remettre en cause le caractère inégalitaire des lois religieuses? Cette remise en cause par le Gouvernement serait utile. Y a-t-il des femmes membres de la Commission de réforme des lois?

Le Comité s'est réjoui du fait que des femmes occupent les postes de Premier Ministre et de chef de l'opposition. Il s'est demandé de savoir dans quelles mesures les femmes qui occupent des postes importants étaient actives avant d'être nommées. Pourquoi les 30 femmes parlementaires doivent être élues par les autres membres du Parlement qui sont, quant à eux, élus au suffrage universel? S'agit-il de sièges du même rang que les autres sièges? Les experts ont évoqué l'amélioration de l'accès à l'éducation et des perspectives d'emploi pour les femmes. Le Plan quinquennal a été capital pour l'alphabétisation des filles et des femmes. Les programmes de crédit pour les femmes sont importants dans les zones rurales et urbaines. Il est toutefois regrettable que le mari doive donner son autorisation. Comment l'accès des femmes au micro-crédit a-t-il modifié le partage des responsabilités des ressources dans les familles?

L'opinion publique doit être mobilisée afin d'enregistrer les naissances et les mariages. Comment peut-on savoir quelle est l'évolution de la croissance démographique si l'on n'a pas accès aux données concernant les naissances? Il faut séparer les traditions religieuses et les tabous sociaux. Un expert a rappelé que l'Islam n'a pas inventé la polygamie qui était répandue dans de nombreuses sociétés mais a limité la polygamie à quatre épouses. Il a regretté que, dans le domaine du statut personnel et familial des femmes, il n'y ait pas eu assez de changements. Il faut que les musulmans participent au mouvement de l'histoire vers le progrès. Le Bangladesh doit concilier ses lois et sa culture nationale avec la Convention. Un expert a

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fait remarquer qu'il n'y a pas de statistiques dans le rapport sur la prostitution qui est perçue comme un problème économique et non pas social. Est-ce-que toutes les prostituées sont pauvres? Les experts ont espéré que les mesures prises par le Gouvernement pour empêcher la traite des femmes seront mises en oeuvre.

Rappelant que les obstacles principaux à l'avènement de l'égalité dans le pays sont la pauvreté et la tradition religieuse qui accorde la préférence aux fils, un expert a suggéré que le Gouvernement accorde une importance prioritaire à ces questions. Les inégalités entre les sexes renforcent encore les effets de la pauvreté sur les femmes, qui sont souvent les plus pauvres parmi les pauvres. Le Plan d'action national intègre-t-il des programmes de lutte contre la pauvreté, particulièrement destinés aux femmes? Il est important d'intensifier les programmes visant à éliminer les stéréotypes et les préjugés. La réalisation d'une série télévisée est un effort louable mais malheureusement limité. Il faut effectuer un travail permanent s'adressant à l'ensemble des groupes qui composent la société.

En matière de santé, des politiques fermes doivent être appliquées et les budgets alloués doivent augmenter. Sans ces avancées, la santé des femmes ne s'améliorera pas et les conditions de l'égalité ne seront pas réalisées, tout particulièrement pour les femmes rurales.

Que font les ONG, fort nombreuses dans le pays, en faveur de la participation des femmes à la vie politique? Les plans de mesures palliatives ont-ils été évalués? Le système des quotas pour la participation des femmes à la vie politique sera-t-il élargi? L'ensemble des sièges réservés aux femmes dans l'administration publique ont-ils tous été pourvus?

Les experts ont déploré que le rapport fasse état d'une augmentation de la violence à l'égard des femmes. L'accroissement du nombre des brûlures par acide est préoccupant. Le nombre de suicides des femmes est également en augmentation, s'agit-il réellement de suicides ou bien d'homicides cachés? Le rapport mentionne les sentences religieuses prononcées par les tribunaux communautaires. Les sanctions prévues sont inhumaines et cruelles et sont condamnées par les organisations des droits de l'homme. Un expert a notamment mentionné le cas d'une femme qui s'est suicidée plutôt que d'être lapidée. Le Gouvernement a-t-il entrepris une analyse des causes de la violence, ce qui lui permettrait de mieux aborder ce phénomène.

En matière d'emploi, un expert a souhaité obtenir davantage d'informations sur les femmes migrantes. Un organisme gouvernemental se charge-t-il particulièrement de leur situation et assure-t-il un suivi une fois qu'elles sont à l'étranger? Le Gouvernement envisage-t-il de protéger les femmes qui travaillent dans le secteur informel? Existe-t-il des plans de formation professionnel pour les employées de la fonction publique? Un expert a par ailleurs demandé s'il existe des garderies pour les enfants. Notant que le phénomène du travail des enfants est très répandu et que le trafic des

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femmes et des enfants est en augmentation, un membre du Comité a engagé le Gouvernement à déployer tous les efforts possibles pour protéger les femmes et les enfants. Indiquant que les conditions de travail sont très difficiles, plusieurs rapports d'ONG ont évoqué les cas d'hystérie massive sur le lieu de travail. Un expert a demandé si des efforts de formation sont faits en faveur des femmes afin qu'elles puissent avoir une carrière évolutive et éventuellement trouver un autre emploi lorsque les conditions de travail ne sont pas assez bonnes.

Un expert s'est interrogé sur l'efficacité de la coordination des politiques en faveur des femmes du fait que tous les réseaux sont eux-mêmes présentés comme ayant une fonction de coordination. La coordination de ces politiques doit relever d'un seul ministère. En revanche, les experts se sont félicité du fait que le Gouvernement a mis en place une politique globale en faveur des femmes.

Le phénomène de la dot est particulièrement préoccupant. Comment explique-t-on le développement de ce phénomène? S'agit-il de la résurgence d'une pratique coutumière très ancrée ou est-il lié aux flux d'individus venant de l'étranger qui ont introduit cette pratique au Bangladesh? Le Gouvernement doit faire preuve d'une réelle volonté politique pour régler ce problème.

Un membre du Comité s'est particulièrement félicité de l'importance accordée aux femmes rurales. Compte tenu du poids du droit coutumier, les femmes du Bangladesh ont-elles accès à la terre? Peuvent-elles commercialiser elles-mêmes les produits issus de leur culture? Le Comité a recommandé que le Gouvernement entreprenne une campagne visant à améliorer l'image de la femme dans les campagnes. Des services de garderie des jeunes enfants sont-ils disponibles pour les femmes rurales? Se félicitant des efforts consentis en faveur de l'éducation, un expert a demandé si une attention particulière est apportée à la situation des fillettes des zones rurales.

Réponses supplémentaires de l'Etat partie aux commentaires des experts

M. ABDULLAH HAROON PASHA, Secrétaire du Ministère de la femme et de l'enfant, a réaffirmé l'attachement de son Gouvernement à l'émancipation de la femme. La levée de deux réserves, annoncée ce matin, en est la preuve. En ce qui concerne la loi personnelle islamique qui empêche de lever les réserves restantes, M. NAIMUDDIN AHMED, Ancien juge à la Cour suprême et membre de la Commission de révision des lois du Bangladesh, a expliqué que certaines des clauses des alinéas de l'Article 2 et de l'Article 16 de la Convention exigent un examen détaillé, de façon à établir une possible contradiction avec la loi islamique. La levée des réserves restantes n'est par conséquent pas complètement exclue. La Commission de révision des lois établie en 1996 ne comprend pas encore de femme, mais le Gouvernement entend élargir sa composition. De même, il n'y a pas de juge femme à la Cour suprême, mais cette absence ne dépend nullement d'une interdiction. C'est plus un problème

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de compétence. Il a expliqué que le fait qu'aucun litige relatif au caractère non constitutionnel de certaines dispositions du droit personnel islamique n'ait encore été porté devant les tribunaux est lié à l'esprit et aux convictions religieuses du peuple du Bangladesh, très attaché au Coran. Les femmes n'ont pas droit à hériter à la même hauteur que les hommes, aussi ne peuvent-elles que rarement devenir propriétaires de leurs terres, par ce biais. Les enfants mâles héritent deux fois la part des filles. La discrimination est en fait une discrimination en terme de partage. Le Coran n'impose pas la polygamie, mais il la permet et en pose les conditions. L'évolution de la société fait que le mariage polygame est de plus en plus rare, même dans le milieu rural. Il a reconnu que l'assistance judiciaire offerte par le Gouvernement n'est pas très efficace, en revanche le réseau d'aide judiciaire apportée par des bureaux privés est de bonne qualité.

M. Haroon Pasha a précisé que l'éducation des petites filles est un thème prioritaire des autorités. L'enseignement de base est non seulement gratuit, mais les enfants les plus pauvres reçoivent également de la nourriture à l'école, ce qui encourage les parents à y envoyer leurs enfants. Le problème est, en fait, le fort taux d'abandon scolaire mais des bourses ont été distribuées pour y pallier. La participation des petites filles à l'école a nettement augmenté ces dernière années.

La prostitution est un problème grave au Bangladesh et le Gouvernement a développé un programme de réinsertion des prostituées. Le départ à l'étranger des travailleurs femmes est également un problème préoccupant. Les campagnes d'information et de contrôle sont difficiles car un grand nombre de ces femmes quittent le pays illégalement. En ce qui concerne le trafic des enfants, un projet visant à lutter contre ce phénomène est à l'étude.

La loi sur les quotas et sur la participation de 30% de femmes au Parlement doit être en vigueur jusqu'en 2001, qui marque la fin du mandat des députés actuels. La nomination d'une femme Premier Ministre et d'une autre à la tête du parti d'opposition n'a aucun caractère symbolique mais découle de l'histoire de ces différents partis politiques.

Mme NAJMA CHOWDHURY a indiqué que le Gouvernement cherche à contribuer à l'émancipation des femmes en facilitant leur accès au crédit. En outre, un certain nombre de garderies ont été ouvertes, tant par le Gouvernement que par les ONG.

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