LE COMITE CONTRE LA TORTURE EXAMINE LE RAPPORT DE L'UKRAINE
Communiqué de Presse
DH/G/536
LE COMITE CONTRE LA TORTURE EXAMINE LE RAPPORT DE L'UKRAINE
19970429Genève - Le Comité contre la torture a commencé, ce matin, l'examen du troisième rapport périodique que l'Ukraine présente conformément aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Les experts regrettent que la torture ne soit pas qualifiée de délit dans la législation ukrainienne. Ils ont exprimé leur préoccupation face aux conditions précaires de détention, à l'état des lieux de détention, à l'insuffisance de soins médicaux pour les détenus, à la discrimination pratiquée contre les malades du Sida et au nombre de décès signalés dans les prisons ukrainiennes. Ils ont souhaité savoir ce que prévoit l'Ukraine en guise de réparation au profit des victimes de torture. L'Ukraine est le deuxième pays du monde en termes d'exécutions, ont noté les experts. Selon Amnesty International, 167 personnes ont été exécutées en 1996.
Le rapport a été présenté par Mme Lada Pavlikovska, Ministre adjoint de la justice de l'Ukraine. Elle est accompagnée de Mme Laryssa Denysenko, Chef du département de la coopération juridique avec les organisations internationales au Ministère de la justice, ainsi que de membres de la mission de l'Ukraine près l'Office des Nations Unies à Genève.
Mme Pavlikovska a signalé que le rapport était en fait le premier de l'Ukraine indépendante, les deux précédents ayant été élaborés sous le régime soviétique. En cinq ans, l'Ukraine s'est attachée à se doter de structures législatives et administratives propres à un Etat de droit. Le pays a l'intention d'adopter des normes conformes à la Déclaration universelle des droits de l'homme. La nouvelle Constitution de l'Ukraine, qui a été adoptée le 28 juin 1996, stipule notamment que les normes internationales font partie intégrante des lois de l'Ukraine. Selon la loi, personne ne peut être mis en garde à vue sans accès à un défenseur. Tout détenu a le droit d'avoir recours à la justice pendant sa garde à vue. Personne n'est obligé de prouver son innocence, la charge de la preuve revenant à l'accusation. Chacun a le droit à l'assistance juridique gratuite et de choisir son avocat.
La Constitution établit que chacun a le droit, après avoir épuisé les recours internes, d'employer les voies de recours internationaux. Un groupe
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de travail a été créé dans le but d'harmoniser la législation nationale avec les normes internationales auxquelles l'Ukraine est partie.
À l'heure actuelle, le pays est passé à une étape décisive vers l'abolition de la peine de mort. Le projet de réforme du code de procédure pénale prévoit de remplacer la peine de mort par l'emprisonnement à vie. Un moratoire doit être décidé sur les condamnations à mort. En attendant, il n'y a plus eu d'exécution de condamné à mort depuis janvier 1997. La représentante a souhaité l'indulgence du Comité face aux efforts entrepris par son pays pour mener à bien une réforme législative à grande échelle, alors même que le pays connaît de graves difficultés économiques.
Le rapport de l'Ukraine indique que depuis son entrée au Conseil de l'Europe, le 9 novembre 1995, l'Ukraine a déployé des efforts considérables en vue d'aligner sa législation sur les normes et les principes du droit européens. À cette occasion, l'Ukraine a signé la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Lors de l'élaboration du rapport, l'Ukraine s'apprêtait à signer la Convention européenne pour la prévention de la torture.
Depuis la proclamation de l'indépendance, l'Ukraine prend des mesures pour limiter les cas d'application de la peine capitale dans la législation en vigueur. Le nombre des délits passibles de la peine de mort a été ramené de 17 à 4. Le rapport observe cependant une tendance à l'augmentation du nombre de condamnations à mort ou d'exécutions capitales. Ainsi le rapport fait état de 112 condamnations à la peine capitale et 79 exécutions en 1991, contre 191 condamnations et 149 exécutions en 1995. Le rapport souligne que l'Ukraine envisage de signer le Protocole à la Convention européenne des droits de l'homme, qui prévoit l'abolition de la peine de mort en temps de paix. Le Code pénal a été augmenté d'un article prévoyant un sursis d'exécution pour les peines prononcées contre les femmes enceintes et les mères d'enfants de moins de trois ans. Le Code de la réinsertion par le travail a fait l'objet d'amendements et de compléments qui visent pour l'essentiel à humaniser les conditions de détention des condamnés et à garantir leur droits.
M. Alexander M. Yakovlev, expert du Comité chargé d'analyser le rapport de l'Ukraine, tout en se félicitant des réformes annoncées par la délégation, a souligné que le Comité était davantage intéressé par l'application des lois existantes. L'expert a voulu en savoir davantage sur les «dispositions temporaires» qui sont appliquées en Ukraine en attendant l'adoption des nouveaux codes pénal et de procédure pénale. En outre, et c'est un motif de préoccupation, a ajouté M. Yakovlev, certaines des dispositions de la Constitution ont été suspendues pour cinq ans, ce qui signifie qu'elles ne seront appliquées qu'au troisième millénaire. En outre, d'après des rapports établis par de nombreuses organisations non gouvernementales, les conditions de détention pendant l'instruction préliminaire ne sont pas conformes aux normes internationales et il semblerait que des actes de torture y seraient fréquemment pratiqués par des agents de l'État.
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M. Georghios Pikis, expert du Comité et rapporteur suppléant pour l'examen du rapport de l'Ukraine, rappelant que le Traité du 8 juin 1995 conclu entre le Conseil suprême et le Président de l'Ukraine constituait la base de toute protection des droits de l'homme, a demandé quel était le statut du Traité. Il a estimé que les mesures prises par l'Ukraine pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture ne sont pas suffisantes pour protéger les droits des détenus. Le nombre des personnes détenues illégalement est inquiétant. Selon lui, il faudrait que l'Ukraine envisage de créer un organisme indépendant de contrôle des personnes incarcérées et des motifs de détention.
M. Pikis a demandé à la délégation des renseignements complémentaires sur l'application des dispositions de la Convention relatives aux droits des détenus, et en particulier sur l'inadmissibilité des aveux obtenus sous la torture. Se fondant sur des informations révélées par Amnesty International dans son dernier rapport, M. Pikis a demandé des informations sur les cas de M. Sergey Vysochansky, condamné sur la base d'une confession volontaire, et de M. Vasily Mikhaylovitch, qui a été condamné et exécuté sur la base de ses propres aveux. Il s'est dit préoccupé par le nombre élevé des exécutions récentes en Ukraine, en dépit de l'engagement de l'Ukraine auprès du Conseil de l'Europe en septembre 1995 de déclarer un moratoire sur les exécutions et des appels adressés par Amnesty International en décembre 1996 et en février 1997. L'Ukraine occupe la deuxième place mondiale en termes d'exécutions. Selon Amnesty International, 167 personnes ont été exécutées en 1996.
D'autres experts ont regretté que la torture ne soit pas qualifiée de délit dans la législation ukrainienne. Ils ont exprimé leurs préoccupations face aux mauvaises conditions de détention, à l'état des lieux de détention, au manque de soins médicaux pour les détenus, à la discrimination pratiquée contre les malades du Sida et au nombre de décès signalés dans les prisons ukrainiennes. Ils ont souhaité savoir ce que prévoit l'Ukraine en guise de réparation au profit des victimes de torture.
Le Comité a suspendu sa séance publique pour poursuivre l'examen des plaintes déposées par des particuliers conformément à l'article 22 de la Convention. Il entendra, cet après-midi à 15 heures, les réponses de la délégation de l'Ukraine aux questions des experts et présentera ensuite ses observations et recommandations concernant l'application de la Convention en Ukraine.
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