DH/G/529

LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME RECOMMANDE À L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE CONVOQUER UNE CONFÉRENCE MONDIALE CONTRE LE RACISME

21 avril 1997


Communiqué de Presse
DH/G/529


LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME RECOMMANDE À L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE CONVOQUER UNE CONFÉRENCE MONDIALE CONTRE LE RACISME

19970421 Elle décide que sa prochaine session se tiendra du 16 mars au 24 avril 1998

Genève, 18 avril - La Commission des droits de l'homme a adopté, ce matin, deux résolutions dans le cadre de la mise en oeuvre du Programme d'action pour la troisième Décennie de la lutte contre le racisme et la discrimination raciale.

La Commission a adopté, par consensus, une résolution aux termes de laquelle elle décide de recommander à l'Assemblée générale de convoquer, au plus tard en l'an 2001, une conférence mondiale contre le racisme et la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée, dont les principaux objectifs seront de passer en revue les progrès réalisés dans la lutte contre le racisme et la discrimination raciale depuis l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de réévaluer les obstacles à la réalisation de nouveaux progrès et les moyens de les surmonter.

La Commission a également adopté par consensus une résolution sur les mesures à prendre pour lutter contre les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, aux termes de laquelle elle condamne sans équivoque toutes les formes de racisme, de discrimination raciale et tous les actes racistes, en particulier la violence raciste. Elle encourage tous les États à adopter et à faire respecter une législation visant à prévenir et à sanctionner les actes de racisme et de discrimination raciale.

L'Indonésie, le Brésil, l'Égypte, le Pakistan, l'Inde, Cuba, l'Algérie, la Bangladesh, le Canada, les Pays-Bas, les États-Unis et l'Uruguay ont fait des déclarations concernant ces deux résolutions.

La Commission a par ailleurs procédé à un échange de vues sur la question de savoir si elle est habilitée ou non à supprimer, à la demande de certaines délégations, un paragraphe du rapport du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale et de xénophobie dans lequel il indique que «l'utilisation de thèmes antisémites européens chrétiens ou laïques dans des publications musulmanes ne cesse d'augmenter en même temps que les extrémistes musulmans s'inspirent de plus en plus de leurs propres traditions religieuses, principalement du Coran, comme source première

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d'inspiration antijuive». Les délégations du Pakistan, de l'Algérie, de l'Égypte, de la Bulgarie, du Bangladesh et des États-Unis se sont exprimées sur ce point, en jugeant, pour la plupart, que cette remarque du Rapporteur spécial dépasse le cadre de son mandat et qu'elle doit être condamnée comme constituant une forme d'intolérance religieuse. La Commission a décidé de prendre l'avis du Bureau sur cette question et d'en informer ses membres cet après-midi.

Dans le cadre de l'organisation des travaux de la session, la Commission a décidé, par consensus, que sa cinquante-quatrième session se tiendra du 16 mars au 24 avril 1998.

La Commission clôturera ses travaux cet après-midi, à partir de 15 heures, en adoptant les dernières résolutions et décisions dont elle est saisie, qui concernent, notamment, la situation des droits de l'homme au Burundi et les droits de l'enfant.

Adoption de résolutions au titre de la lutte contre le racisme et la discrimination raciale

Aux termes d'une résolution sur les mesures à prendre pour lutter contre les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, adoptée sans vote telle qu'amendée, la Commission constate avec une profonde préoccupation et condamne sans équivoque toutes les formes de racisme, de discrimination raciale et tous les actes racistes, en particulier la violence raciste. Elle condamne catégoriquement le rôle que jouent certains organes de presse et certains médias audiovisuels ou électroniques dans l'incitation aux actes de violence motivés par la haine raciale. Elle encourage tous les États à adopter et à faire respecter une législation visant à prévenir et à sanctionner les actes de racisme et de discrimination raciale et à accorder la priorité à l'éducation, en particulier parmi les jeunes, ainsi qu'à la formation du personnel chargé de l'application des lois.

La Commission prie instamment tous les gouvernements de coopérer pleinement avec le Rapporteur spécial afin de lui permettre d'examiner les incidents relevant de formes contemporaines de racisme et tous types de discrimination dirigés notamment contre les Noirs, les Arabes et les musulmans, de xénophobie, de négrophobie et d'antisémitisme qui y est associée. Elle le prie de faire plein usage de toutes les sources appropriées d'information et de solliciter les réponses des gouvernements concernant les allégations formulées. Elle invite tous les gouvernements à prendre des mesures pour venir en aide aux victimes de ce type d'actes.

Par une autre résolution concernant le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée, la Commission décide de recommander à l'Assemblée générale, par l'intermédiaire du Conseil économique et social, de convoquer, au plus tard en l'an 2001, une conférence mondiale contre le racisme et la discrimination raciale, la xénophobie et

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l'intolérance qui y est associée, dont les principaux objectifs seront de passer en revue les progrès réalisés dans la lutte contre le racisme et la discrimination raciale depuis l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de réévaluer les obstacles à la réalisation de nouveaux progrès et les moyens de les surmonter; d'étudier les moyens de mieux garantir l'application des normes et instruments existants relatifs à la lutte contre le racisme et la discrimination raciale; de faire mieux connaître le fléau que représente le racisme; de formuler des recommandations concrètes sur les moyens d'accroître l'efficacité des activités et des mécanismes des Nations Unies dans le cadre de programmes visant à combattre le racisme et la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée; d'étudier les facteurs politiques, historiques, économiques, sociaux et culturels, et tout autre facteur, qui conduisent au racisme; de formuler des propositions concrètes pour l'adoption de nouvelles mesures aux niveaux national, régional et international pour combattre toutes les formes de racisme; d'élaborer des recommandations concrètes afin d'assurer que les Nations Unies ont les ressources financières et autres nécessaires à son action en matière de lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée.

La Commission recommande à l'Assemblée générale de décider que la Commission devrait faire fonction de comité préparatoire de la conférence. Elle lui recommande en outre d'engager les États et les organisations régionales à tenir des réunions nationales ou régionales, ou à prendre d'autres initiatives, pour préparer la conférence. La Commission décide d'intituler désormais «le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée» le point de son ordre du jour intitulé «Mise en oeuvre du Programme d'action pour la troisième Décennie de la lutte contre le racisme et la discrimination raciale».

D'autre part, la Commission condamne catégoriquement toutes les formes de racisme et de discrimination raciale et demande à tous les États de promulguer et de faire appliquer des lois visant à prévenir et sanctionner les actes de racisme et de discrimination raciale. Elle recommande aux États de donner la priorité à l'éducation comme principal moyen de prévenir et d'éliminer le racisme et la discrimination raciale. Elle recommande que les activités organisées pour célébrer le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme comprennent des programmes visant expressément à combattre le racisme. La Commission prie instamment le Haut Commissaire aux droits de l'homme de fournir aux pays dans lesquels le Rapporteur spécial s'est rendu, sur leur demande, des services consultatifs et une assistance technique propres à leur permettre de donner pleinement suite aux recommandations du Rapporteur.

Déclarations

Le représentant de l'Indonésie, s'exprimant au nom des pays membres de l'Organisation de la Conférence islamique, a fait observer que les pays à majorité musulmane sont préoccupés par une affirmation contenue dans le

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rapport du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale et de xénophobie, qui souligne que malgré l'utilisation croissante de motifs chrétiens dans la littérature musulmane, les extrémistes musulmans se tournent de plus en plus vers le Coran comme source de référence justifiant leurs persécutions, notamment contre les juifs. Cette affirmation constitue un blasphème contre le Coran, a jugé le représentant. Il a estimé que la Commission ne peut rester silencieuse devant cette diffamation et lui demande d'exprimer sa réprobation.

Le représentant Brésil s'est dit satisfait que les délégations aient pu parvenir à se mettre d'accord sur ces deux textes. Il a toutefois regretté que, dans le projet ne figure plus le point de vue du Rapporteur spécial selon lequel les expressions racistes ne sont pas des opinions mais des délits. Il a par ailleurs fait valoir que son pays n'est pas satisfait que le projet L.9 se contente de demander aux gouvernements de décourager l'incitation à des actes discriminatoires fondés sur la haine et la violence raciales. Il a souligné que l'interdiction de tels actes est parfaitement compatible avec le respect de la liberté d'expression. La Commission devrait s'abstenir d'utiliser de tels termes à l'avenir, a-t-il estimé.

Le représentant de l'Égypte a déploré que le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme ait utilisé, dans son rapport, des slogans qui révèlent une hostilité envers l'Islam. Le Rapporteur spécial semble ignorer que «nous sommes nous-mêmes sémites», a en outre souligné le représentant égyptien.

Le représentant du Pakistan a déclaré partager l'opinion exprimée par les représentants de l'Indonésie et de l'Égypte. Il a déploré les affirmations qui figurent dans le rapport du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme qui équivalent à des insultes contre l'Islam voire à un blasphème contre le Coran. On ne saurait tolérer de telles affirmations dans des documents officiels de l'ONU, a estimé le représentant pakistanais. Chacun sait que la tradition de tolérance est le propre de l'Islam. Le représentant a demandé le retrait de la phrase offensante figurant dans le rapport de M. Maurice Glèlè-Ahanhanzo. Il a également souhaité que la Commission exprime sa réprobation par la voix de son Président.

La représentante de l'Inde a déclaré que les consultations sur le projet de résolution L.12 ont été longues et complexes. L'Inde ne souhaite pas bloquer ou retarder le consensus, mais estime qu'elle ne peut abandonner sa position selon laquelle le racisme n'est pas une opinion, mais constitue un délit qui doit être combattu en tant que tel. La représentante a également exprimé son inquiétude devant le paragraphe selon lequel les gouvernements doivent décourager les incitations à la discrimination. L'Inde estime que ce texte est trop faible et elle exprime de sérieuses réserves à cet égard. S'agissant du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale et de xénophobie, la représentante a estimé que la question de l'intolérance religieuse ne s'inscrit pas dans le cadre de son mandat.

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Le représentant de Cuba a indiqué que son pays respecte le consensus auquel les délégations sont parvenues sur le projet de résolution L.12 mais a souligné que la suppression du paragraphe par lequel la Commission aurait pris note des conclusions des Rapporteurs spéciaux selon lesquelles, en vertu du droit international, le racisme ne serait pas une opinion mais un délit n'est pas satisfaisante. Cuba ne saurait en aucun cas se dissocier du point de vue des rapporteurs spéciaux sur ces questions et compte revenir sur ce point devant l'Assemblée générale.

Le représentant de l'Algérie a souhaité que l'on puisse reconnaître le racisme et la xénophobie comme des délits et non comme des concepts passibles de la violation à la liberté d'expression. Il ne saurait y avoir de liberté d'expression qui nie par essence notre existence en temps qu'êtres humains, a dit le représentant. Il a par ailleurs fait part de son inquiétude quant aux affirmations péremptoires du Rapporteur spécial, dont deux sortent clairement du cadre objectif de sa mission et qui se rapportent à son expression personnelle de ce que pourrait être l'approche de certains problèmes. En outre, la délégation algérienne rappelle qu'il n'y a pas de monopole du sémitisme. Étant Arabes, nous sommes sémites et dans les vulgates attachées aux trois religions abrahamiques on ne peut trouver aucune affirmation selon laquelle le Coran serait une source d'antijudaïsme, a-t-il rappelé. En conséquence, l'Algérie estime qu'il faut condamner cette attitude avec la plus grande vigueur car, en méconnaissant les faits de l'histoire la plus contemporaine, elle dénote un parti pris inacceptable qui relève en outre de l'intolérance religieuse.

Le représentant du Bangladesh a exprimé son profond mécontentement sur les affirmations du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale et de xénophobie à propos du Coran. Le Bangladesh condamne sans réserve et dans les termes les plus vifs de telles affirmations.

Le représentant du Canada, au nom également du Japon, du Liechtenstein et de la Suisse, s'est dit très préoccupé par le racisme et l'intolérance qui y est associée. Il a déclaré soutenir la tenue d'une réunion de haut niveau sur cette question. Il a appuyé l'idée d'une conférence mondiale pour lutter contre le racisme, à condition que cela ne constitue pas un précédent pour d'autres conférences de ce type. Il a également appuyé l'idée selon laquelle les fonds servant à cette conférence ne doivent pas être prélevés au détriment d'autres programmes.

Le représentant des Pays-Bas, au nom de l'Union européenne, a rappelé que le racisme est une question à laquelle les Quinze accordent une très grande importance et que c'est la raison pour laquelle ils ont fait de 1997 l'Année européenne contre le racisme. Il faut que cette lutte soit concrète et mette donc l'accent sur l'application des normes juridiques existantes. Il a été difficile de se mettre d'accord sur les textes adoptés ce matin, a rappelé le représentant qui a souhaité que l'on fasse preuve de prudence avant de décider d'une Conférence mondiale sur le racisme. Les Quinze auraient

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préféré des réunions aux niveaux national et régional à la tenue d'une Conférence qui pourrait grever les faibles ressources de l'Organisation.

La représentante des États-Unis a déclaré que son pays est fermement engagé dans la lutte contre le racisme et que l'harmonie sociale est un objectif du Gouvernement. Elle a annoncé qu'une série de mesures sont mises au point au niveau national et régional, notamment la convocation de conférences. Les États-Unis se félicitent du renforcement du mandat du Rapporteur spécial afin qu'il puisse examiner toutes les formes de racisme et l'intolérance qui y est associée et estiment qu'il est important pour les Nations Unies d'être une instance de lutte contre ce fléau. Les États-Unis n'appuient pas la convocation d'une Conférence mondiale sur la lutte contre le racisme, en raison de son coût élevé. La représentante a estimé qu'il existe des moyens de lutte plus efficaces à cet égard.

Le représentant de l'Uruguay a indiqué que son pays s'est associé au consensus sur les projets de résolution mais qu'il est d'avis que l'on n'aurait pas dû supprimer le paragraphe du texte qui faisait des propos racistes un délit et non l'expression d'une opinion.

Adoption d'une décision au titre de l'organisation des travaux

La Commission a adopté sans vote une décision par laquelle elle décide que les dates de ses sessions annuelles régulières soient reprogrammées pour que ces sessions se déroulent aux mois de mars et avril de chaque année, et que, par conséquent, la prochaine session de la Commission se tienne du 16 mars au 24 avril 1998.

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