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CS/805

LE CONSEIL DE SECURITE ACHEVE SON DEBAT SUR LA SITUATION EN AFGHANISTAN : LES DELEGATIONS DEMANDENT AUX ETATS DE SOUTENIR LA MISSION SPECIALE DE L'ONU

15 avril 1997


Communiqué de Presse
CS/805


LE CONSEIL DE SECURITE ACHEVE SON DEBAT SUR LA SITUATION EN AFGHANISTAN : LES DELEGATIONS DEMANDENT AUX ETATS DE SOUTENIR LA MISSION SPECIALE DE L'ONU

19970415 Plusieurs délégations mettent en garde contre la reprise des hostilités avec l'arrivée du printemps

Réuni sous la présidence de M. Antonio Monteiro (Portugal), le Conseil de sécurité a achevé cet après-midi son débat général sur la situation en Afghanistan.

Les intervenants ont réaffirmé leur attachement à l'intégrité territoriale de l'Afghanistan en soulignant qu'une fragmentation du pays risquerait de compromettre la stabilité et la sécurité de l'ensemble de la région. Les intervenants ont donc appelé les belligérants à s'asseoir à la table de négociations pour former un gouvernement représentatif de toutes les fractions ethniques. Les intervenants ont dénoncé les Etats qui continuent d'alimenter le conflit en fournissant des armes aux parties au conflit. Ils ont appelé à la cessation de l'ingérence extérieure en Afghanistan et prié tous les Etats de soutenir les efforts de paix de la Mission spéciale des Nations Unies. Le représentant du Pakistan, se prononçant pour un embargo sur les armes en Afghanistan, a encouragé le Conseil de sécurité à entendre la voix de tout le peuple afghan dont les Taliban qui, a-t-il souligné, contrôlent Kaboul et deux tiers du territoire afghan. Compte tenu de cela, il a suggéré aux Nations Unies d'adopter la formule de la chaise vide en ce qui concerne la représentation de l'Afghanistan au sein de l'Organisation.

Les représentants des pays suivants ont pris part au débat : Pays-Bas, au nom de l'Union européenne, Turquie, Pakistan, Iran, Allemagne, Italie, Tadjikistan, Portugal, Afghanistan et Guinée Bissau. Le représentant de l'Organisation de la Conférence islamique (OCI) s'est également exprimé.

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Débat

M. JAN BERTELING (Pays-Bas), au nom de l'Union européenne et des pays associés suivants :Bulgarie, Chypre, République Tchèque, Hongrie, Lettonie, Pologne, Roumanie, Slovaquie et Slovénie, ainsi qu'au nom de l'Islande, du Liechtenstein et de la Norvège, s'est inquiété de l'intensification des hostilités en Afghanistan. Les factions continuent à croire en une solution militaire au conflit. L'Union européenne appelle toutes les parties à cesser les hostilités et à engager un dialogue politique en vue d'établir un gouvernement qui représente les différentes ethnies et les différents groupes religieux et en vue de réaliser une réconciliation nationale. En ce qui concerne l'influence néfaste de pays tiers dans la région, l'Union européenne demande instamment à ceux-ci de ne pas intervenir et de ne pas fournir d'armes aux factions en conflit. M. Berteling a rappelé que l'Union européenne a décidé, le 17 décembre 1996, d'un embargo sur les armes afin qu'aucun de ses Etats membres ne livre d'armes à l'une des factions en conflit en Afghanistan. Les pays associés ont soutenu cet embargo. L'Union européenne encourage tous les Etats à suivre une politique semblable. Elle encourage également les Etats de la région à soutenir les efforts des Nations Unies à promouvoir la paix et à encourager les parties afghanes à coopérer pleinement avec la Mission spéciale des Nations Unies en Afghanistan. L'Union européenne estime qu'un cessez-le-feu immédiat représenterait un premier pas important.

M. Berteling a évoqué les graves et continuelles violations des droits de l'homme et du droit humanitaire en Afghanistan. L'Union européenne s'inquiète particulièrement de la détérioration de la situation des femmes et des petites filles, surtout dans les zones contrôlées par les Taliban, et de la situation des personnes déplacées. M. Berteling a évoqué les conditions difficiles dans lesquelles le personnel international et celui des organisations non-gouvernementales doivent travailler en Afghanistan. Il a déclaré que la continuation du conflit risque d'augmenter le terrorisme international et le trafic de drogues et d'avoir un effet de déstabilisation dans la région et au delà. L'Union européenne qui est l'un des principaux contributeurs d'aide humanitaire en Afghanistan, s'inquiète des répercussions des violations des droits de l'homme sur les bénéficiaires de programmes de l'Union européenne, des Nations Unies ou d'autres. M. Berteling a demandé instamment aux parties afghanes en conflit d'une part de soutenir et de participer aux programmes de déminage et d'autre part de ne plus utiliser les mines antipersonnel.

M. HUSEYIN CELEM (Turquie) a rendu hommage aux efforts déployés par la Mission spéciale des Nations Unies en Afghanistan et rappelé l'appui apporté à ces efforts par certains pays dont la Turquie. Citant le rapport du Secrétaire général, le représentant a jugé regrettable que la situation en Afghanistan ne se soit guère améliorée et que les Taliban continuent à privilégier l'option militaire. La Turquie, l'Iran et le Pakistan ont réaffirmé, le 5 janvier dernier, leur engagement à appuyer le peuple afghan dans le sens des objectifs des Nations Unies. La Turquie a également établi des contacts avec chacun des belligérants en vue d'explorer la possibilité

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d'une négociation. Bien que les réactions initiales aient été favorables, une des parties s'est finalement désisté. Au vu de cette situation, la Turquie estime que la Mission des Nations Unies doit s'efforcer de convaincre toutes les parties d'abandonner l'option militaire et d'opter pour les négociations. Un des obstacles importants sur cette voie est la fourniture continue d'armes par les pays étrangers. Tant que cette ingérence continuera, les Taliban continueront de privilégier l'option militaire. Il existe une menace de division ethnique en Afghanistan et les évènements risquent de compromettre la stabilité et la sécurité dans toute la région. Pour sa part, la Turquie est disposée à contribuer à la normalisation de la situation dans ce pays. Le jour où le Secrétaire général estimera qu'une réunion entre les belligérants peut contribuer à la réalisation de la paix, la Turquie sera disposée à accueillir une telle réunion.

M. AHMAD KAMAL (Pakistan) a déclaré que son pays adhère à une politique de stricte neutralité et de non-ingérence en Afghanistan. Il ne soutient aucune solution militaire et continue à croire que l'instauration d'un gouvernement représentatif est la seule solution viable pour un pays multi- ethnique comme l'Afghanistan. Le Pakistan accorde un intérêt particulier à la réalisation de la paix en Afghanistan du fait que l'instabilité dans ce pays a provoqué l'arrivée de plus 1,5 million de réfugiés sur son territoire. Le Pakistan est également victime du terrorisme, du trafic de drogue et d'armes qui résultent directement de la situation en Afghanistan. Les Taliban, a poursuivi le représentant, contrôlent Kaboul et deux tiers du territoire afghan. Ils ne peuvent donc pas être tout simplement ignorés. Compte tenu de l'appui indubitable de la population de toutes les provinces qu'ils contrôlent, il serait futile de laisser libre cours aux insultes, aux voeux pieux ou à la confrontation militaire. Il serait plus utile d'engager les Taliban dans un dialogue constructif pour les amener à modérer certains aspects de leur politique.

La communauté internationale doit prendre note du fait que les Taliban ont déclaré publiquement leur refus de diriger seuls l'Afghanistan. Ils ont manifesté leur volonté d'inclure tous les groupes ethniques dans la formation d'un gouvernement. Si l'actuelle polarisation continue et est encouragée par l'extérieur, l'on arrivera à une fragmentation de ce pays. Il est dès lors important que l'ingérence extérieure cesse. Il est également important que la communauté internationale réitère son engagement à préserver l'unité et l'intégrité territoriale de l'Afghanistan. L'embargo sur les armes doit donc être imposé. Il n'est pas seulement important d'être équitable, a souligné le représentant, mais il faut également paraître équitable envers toutes les factions. Le critère précédent en ce qui concerne la reconnaissance d'une des factions comme pouvoir légitime a été le contrôle de Kaboul. Aujourd'hui ce ne sont ni les représentants d'un pouvoir de facto de la capitale ni ceux d'un pouvoir légitime de jure qui représentent l'Afghanistan aux Nations Unies. L'Organisation devrait adopter la formule de la chaise vide comme l'a fait la Conférence islamique. Le représentant a en outre appelé le Conseil de

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sécurité à entendre la voix des Taliban pour équilibrer son opinion sur la situation en Afghanistan. Si le Conseil de sécurité n'entre pas en contact avec les Taliban, une fois encore son jugement ne reflètera pas les véritables sentiments du peuple afghan.

Le représentant s'est prononcé en faveur de l'organisation d'une conférence entre Afghans à laquelle participeraient comme observateurs les pays voisins. L'ordre du jour d'une telle réunion devrait comprendre l'établissement d'un cessez-le-feu et l'échange de prisonniers, la formation d'une commission politique formée de représentants de toutes les provinces et qui serait chargée de décider de la procédure de nomination aux organes étatiques, et la création d'une force nationale respectant le principe de la représentation proportionnelle de toutes les provinces pour collecter les armes lourdes et rétablir la sécurité. Les conclusions d'une telle réunion pourraient alors être approuvées par la communauté internationale pour donner plus de poids aux décisions ainsi prises par les Afghans eux-mêmes.

M. AHMET ENGIN ANSAY, Observateur de l'Organisation de la Conférence islamique (OCI), a rappelé que l'OCI collabore étroitement avec les Nations Unies dans les efforts déployés pour promouvoir le processus de paix en Afghanistan, et qu'elle n'a jamais cessé, depuis le début de la guerre civile dans ce pays, de demander la cessation des hostilités, condition sine qua non pour la création d'un environnement favorable au développement d'un processus de paix crédible, à même d'aboutir à la formation d'un gouvernement largement représentatif. Le Représentant s'est dit heureux d'être en mesure d'informer les membres du Conseil que les deux ressortissants français membres du personnel humanitaire qui étaient détenus à Kaboul ont été libérés et ont pu rentrer chez eux sains et saufs grâce à la médiation de l'OCI auprès des autorités du Taliban.

Il a en outre pleinement souscrit à la vue du Secrétaire général selon laquelle la victoire militaire d'une partie sur les autres n'apportera pas de solution durable au problème afghan. Si la responsabilité de la recherche de la paix est avant tout entre les mains du peuple et des dirigeants afghans, a-t-il par ailleurs ajouté, d'autres pays souffrant des conséquences de ce conflit, et les pays intéressés de la région ont une contribution importante à apporter au processus de paix. Il appartient à tous les pays qui peuvent exercer une influence sur l'une ou l'autre des parties au conflit de saisir l'opportunité qui leur est offerte de contribuer aux efforts de paix en empêchant toute livraison d'armes aux factions en présence, et en éliminant le trafic de drogues dévastateur dans la région. L'OCI lance un appel pressant aux diverses parties en présence en Afghanistan pour qu'elle ramènent la paix dans le pays. L'OCI est prête à coparrainer une réunion rassemblant toutes les forces afghanes, actives en Afghanistan ou à l'extérieur y compris celles de la monarchie et d'autres leaders potentiellement influents tel que le général Abdul Haq, qui pourrait se tenir à Jeddah ou Genève, ou en Turquie ou en Allemagne, afin d'explorer les voies de parvenir à un règlement durable du conflit. Il a formulé l'espoir que cette initiative recevrait le soutien du Conseil de sécurité, et a souligné que le Secrétaire général de l'Organisation

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de la Conférence islamique viendrait prochainement à New York en réponse notamment à l'appel du Secrétaire général, pour examiner la possibilité d'organiser une telle réunion.

M. KAMAL KHARRAZI, (Iran) a estimé que la présente réunion du Conseil de sécurité est particulièrement cruciale car elle a lieu au moment où avec l'arrivée du printemps, les opérations militaires et les bains de sang risquent de s'intensifier. Les membres du Conseil doivent envoyer aux parties en conflit un message ferme requérant qu'elles renoncent à la force et qu'elles s'engagent sur la voie du dialogue politique afin de parvenir à la réconciliation nationale et à l'établissement d'un gouvernement de pleine représentation nationale. Face aux souffrances incommensurables de la population afghane, la communauté internationale a la responsabilité juridique et morale de régler effectivement la situation. Le représentant a suggéré que la communauté internationale utilise à la fois "la carotte et le bâton", ajoutant que le Conseil de sécurité doit trouver le moyen de voir ses résolutions respectées. Parallèlement, il faut apporter une aide humanitaire et développer le processus de reconstruction du pays.

Une solution politique au conflit passe par l'adoption d'une approche globale, tenant compte de tous les segments de la société afghane. En outre, la collaboration de tous les pays de la région et des Etats intéressés avec la mission spéciale des Nations Unies en Afghanistan est cruciale. Dans ce cadre, le représentant s'est félicité de l'initiative du Secrétaire général de tenir une nouvelle réunion sur la question en Afghanistan même. Les efforts de la Mission spéciale doivent d'ailleurs être soutenus plus avant et déployés avec plus de fermeté, de détermination et d'impartialité. Evoquant la réunion inter-afghane convoquée à Téhéran les 25 et 26 janvier de cette année, il a estimé que tous les efforts de paix régionaux et autres doivent être guidés par une série de principes, dont le respect de la souveraineté, de l'intégrité, de l'indépendance politique du territoire afghan, la cessation impérative des hostilités, la non ingérence de pays extérieurs, et le respect des libertés et des droits fondamentaux de tout le peuple afghan, notamment des femmes et des petites filles. Guidée par ces principes, la communauté internationale devrait redoubler d'efforts pour parvenir à l'ouverture d'un processus politique de paix. A cet égard, la première étape importante est la démilitarisation de Kaboul, ce qui, bien sur, demande une planification soigneuse ainsi que des négociations sur les mesures administratives intérimaires à prendre pour assurer la sécurité et l'ordre public.

M. STEFFEN RUDOLPH (Allemagne), a déclaré qu'il reste particulièrement inquiet de la situation des droits de l'homme en Afghanistan car malgré les diverses résolutions du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale, de graves violations continuent d'être perpétrées. Les politiques du mouvement taliban adoptées à l'égard des femmes et des petites filles, leur refusant l'accès à l'éducation et à de nombreux types d'emplois, sont particulièrement dérangeantes. Le représentant a apporté son entier soutien aux efforts inlassables et particulièrement de la Mission spéciale des Nations Unies en Afghanistan, en faveur d'une solution pacifique au conflit. Même si les

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parties prenantes ont pour l'instant décidé de poursuivre leur lutte, M. Norbert Holl, chef de la Mission en Afghanistan, est parvenu à maintenir ouverts les canaux de communication. La tâche de la Mission spéciale est donc cruciale, a-t-il fait valoir.

Pour convaincre les parties de renoncer à l'option militaire et de s'engager en faveur de la paix, le Secrétaire général et la Mission spéciale doivent intensifier les contacts avec les pays de la région et l'ensemble des Etats intéressés. A cet égard, la réunion prévue pour le 16 avril peut être une étape importante vers la paix. Toute session de négociation rassemblant les différentes parties afghanes devrait être présidée par les Nations Unies, a estimé le représentant, ajoutant que l'ensemble de la communauté internationale doit lui apporter son soutien et affirmer son refus de toute solution militaire.

M. GIULIO TERZI (Italie), s'associant à la déclaration faite par le représentant des Pays-Bas au nom de l'Union européenne, a déclaré que depuis longtemps l'Afghanistan souffre de tensions récurrentes, qui sont aggravées par les ingérences de pays étrangers, lesquelles vont à l'encontre du caractère profondément indépendant du peuple afghan. Une des leçons à tirer du passé récent est qu'il ne peut y avoir de solution militaire durable à la crise afghane et que la paix ne pourra être le fruit que d'un processus de négociations et de consultations politiques non seulement entre les principales factions mais aussi parmi les différentes composantes de la société afghane. Le représentant a également évoqué les pays voisins de l'Afghanistan qui depuis de nombreuses années portent le poids du flux de réfugiés afghans. Il est du plus profond intérêt de ces pays de voir une fin définitive à la crise afghane dans la mesure où elle favorisera le retour des réfugiés vers leurs foyers, a-t-il ajouté.

Abordant la percée des Taliban dans plusieurs parties du pays et les inquiétudes émises au sein de la communauté internationale, en ce qui concerne notamment le respect des droits fondamentaux des femmes, le représentant a rappelé que ces droits sont le patrimoine commun de toute l'humanité et doivent être respectés à tous moments. La communauté internationale ne sait que peu de choses sur la structure du Mouvement taliban et par conséquent fonde ses jugements seulement sur les décisions et les positions inquiétantes prises jusqu'à présent. L'Italie apporte son entier soutien aux activités de médiation de la Mission des Nations Unies en Afghanistan, qui doivent pourtant être améliorées. C'est pourquoi, elle a soutenu l'initiative du Secrétaire général de convoquer une nouvelles réunion des pays directement intéressés au conflit afghan. La production croissante de substances psychotropes sur le sol afghan est également un sujet d'inquiétude et si ce problème n'est pas nouveau, les mesures que peuvent prendre les différentes factions pour lutter contre ce phénomène ont désormais valeur de test démontrant leur volonté de participer de manière constructive à la reconstruction d'un nouvel Etat qui serait partie prenante de la communauté internationale.

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M. RASHID ALIMOV (Tadjikistan) a déclaré que les dangers d'escalade du conflit afghan et les tentatives des Taliban de résoudre la crise par des moyens militaires suscite une grande préoccupation au Tadjikistan. Selon certaines informations, les Taliban se livrent à des violations continuelles des droits de l'homme et des normes du droit international. Ces faits, a insisté le représentant, méritent la réaction la plus sérieuses de la part de la communauté internationale. Le Tadjikistan est préoccupé par le fait que les parties au conflit continuent de se préparer à la confrontation militaire. Il faut, à ce stade, souligner la menace qui ne cesse de peser sur la paix et la sécurité dans la région. Le Tadjikistan s'interroge sur les conséquences de la poursuite des actions armées en Afghanistan. Il se heurte déjà à certains problèmes comme l'augmentation du trafic d'armes et de stupéfiants. Compte tenu de cela, le Tadjikistan déploie de nombreux efforts pour neutraliser les conséquences du conflit et défendre les intérêts communs des pays de la région. Lors de la réunion des Ministres des affaires étrangères des pays d'Asie centrale qui s'est réunie en janvier dernier, les participants ont affirmé leur disposition à coopérer pour assurer la sécurité des frontières et ont appelé les pays concernés à contribuer au règlement politique du problème afghan. Le Tadjikistan estime qu'une solution viable de la question exige la constitution d'un gouvernement au sein duquel tous les groupes ethniques seraient représentés. Il se trouve aujourd'hui que les Taliban continuent de saper les tentatives de dialogue en rejetant toute proposition de négociations. Selon le Tadjikistan, l'ONU doit intensifier ses efforts avant que la situation ne s'aggrave. Il faut assurer la coordination des actions de toute la communauté internationale pour renforcer la pression sur les parties. Il faut donc s'abstenir de toute ingérence dans les affaires intérieures de l'Afghanistan, arrêter les livraisons d'armes et l'assistance militaire et technique.

M. ANTONIO MONTEIRO, (Portugal), a enjoint aux parties en conflit de cesser les hostilités, ce qui passe, en premier lieu, par l'adoption d'un cessez-le-feu permettant de négocier un règlement politique. C'est seulement à cette condition que l'intégrité territoriale de l'Afghanistan sera maintenue et que le peuple afghan pourra jouir de la paix au sein d'un Etat indépendant et souverain. Pour l'heure, l'une des parties semble convaincue qu'une victoire militaire sur l'ensemble du pays lui est possible et les Nations Unies doivent s'efforcer de briser ce cycle de violence. Le Conseil doit envoyer un clair message de soutien à la Mission spéciale en Afghanistan et s'assurer qu'il est bien compris par les parties prenantes ainsi que par les pays qui leur apportent un soutien. La Mission joue en effet un rôle central en faveur du processus de paix et tous les pays doivent coopérer avec elle.

Pendant trop longtemps l'Afghanistan a été l'objet d'ingérences extérieures qui ont contribué à perpétuer le conflit, notamment par la fourniture d'armes et de munitions et ce malgré la résolution 1076 du Conseil

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de sécurité et l'embargo décidé par l'Union européenne, a poursuivi le représentant qui a engagé tous les pays à respecter cet embargo. En outre, la poursuite du trafic de drogue et l'existence de camps d'entraînement de terroristes constituent également une sérieuse menace à la paix et à la sécurité de l'ensemble de la région.

En ce qui concerne le domaine humanitaire, le conflit n'a pas seulement causé de lourdes pertes mais a également chassé des milliers de civils sur les routes de l'exil. Les parties prenantes doivent donc permettre la livraison de l'aide humanitaire à l'ensemble du peuple afghan, sans distinction de leur race, de leur sexe ou de leur appartenance ethnique. Le représentant a également exprimé son inquiétude face aux violations nombreuses des droits de l'homme fondamentaux et notamment des droits des femmes. Le Conseil de sécurité doit à cet égard faire savoir aux protagonistes qu'il est également responsable du respect des normes internationales de droits de l'homme, telles qu'elles doivent être appliquées à chaque citoyen afghan. Désormais les parties prenantes doivent assumer leur responsabilité première. En effet, les pays qui contribuent à l'assistance humanitaire préféreraient diriger leur aide vers la tâche énorme de reconstruction du pays, mais ceci ne sera possible que lorsque les parties seront parvenues à la paix.

M.A.R. GHAFOORZAI (Afghanistan) a remercié, au nom du peuple afghan, tous ceux qui ont participé au débat. Il a remercié tout particulièrement, au nom des femmes afghanes, tous les pays qui ont défendu les droits donnés aux femmes par Dieu lui-même. Poursuivant, le représentant a dit avoir pris note des appels lancés par les Etats membres des Nations Unies pour que les parties choisissent la négociation plutôt que le conflit et la guerre. Il a assuré les membres du Conseil que ce message sera dûment transmis au peuple afghan. L'Afghanistan, a poursuivi le représentant, a opté depuis longtemps pour une politique de respect des résolutions des Nations Unies. Ce sont les Taliban qui ont adopté une attitude intransigeante vis-à-vis des Nations Unies. Commentant les propos du Pakistan, il s'est déclaré déçu parce que, a-t-il expliqué, le Premier Ministre pakistanais a fait la promesse de réexaminer la politique de son pays vis-à- vis de l'Afghanistan. Il est clair que le Pakistan essaie encore de reconnaître les mercenaires Taliban.

L'Afghanistan détient toutes les preuves de la qualité de mercenaires des Taliban qui sont armés et équipés sur le sol pakistanais et envoyés ensuite en Afghanistan pour y opérer. Selon le Pakistan, les Taliban ne devraient pas être ignorés. Il se trouve que l'Afghanistan n'a jamais nié de rôle politique aux Taliban. Ce sont les Taliban eux-mêmes qui ont toujours rejeté toute proposition de dialogue. Les propos du Pakistan constituent une reconnaissance des Taliban. Est-il nécessaire que les Taliban s'expriment aux Nations Unies, comme le demande le Pakistan, alors qu'ils ont un représentant de choix, le Pakistan. Ecouter des mercenaires qui se prononcent contre les droits de l'homme constituerait un précédent dangereux. S'agissant de la formule de la chaise vide adopté prétendument par l'OCI, le représentant a rappelé que le Pakistan continue de siéger au sein de l'Organisation. La position de l'Afghanistan est simple, tant que les Taliban continueront de

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s'opposer aux négociations, le gouvernement n'aura d'autres choix que de s'opposer par tous les moyens à cette faction. Tolérer les Taliban revient à tolérer les ennemis des droits de l'homme et de la démocratie.

M. AHMAD KAMAL (Pakistan), a répondu à la déclaration du représentant de l'Afghanistan, affirmant que ce dernier a communiqué de fausses informations au Conseil de sécurité. La Conférence de l'Organisation islamique a décidé de pratiquer la politique de la chaise vide de l'Afghanistan, mais seulement dans les réunions de niveau ministériel, a-t-il poursuivi. Le Pakistan a réaffirmé à plusieurs reprises qu'il n'a pas de favori en Afghanistan. C'est seulement sur la base d'un dialogue qu'une solution peut être trouvée au conflit. Or les personnes qui parlent aujourd'hui au Conseil de sécurité au nom de l'Afghanistan n'ont pas de légitimité "de jure". Il leur a été donné huit mois, sur la base d'un arrangement fait à Islamabad, pour organiser des élections, ce qu'il n'ont pas fait; et c'est leur insistance à gouverner malgré leur position minoritaire qui a entraîné le pays dans la situation où il est actuellement. La solution au conflit n'est pas facile car le pays souffre de divisions ethniques depuis longtemps, toutefois elle passe par l'établissement d'un gouvernement à base très large. C'est d'ailleurs la mission fondamentale de la Mission spéciale des Nations Unies en Afghanistan, a estimé le représentant. Pour y parvenir il est essentiel que le Conseil entende tous les représentants du peuple afghan, dans toutes ses composantes. Ici même ou ailleurs, ces composantes doivent impérativement être entendues avant que toute conclusion ne soit tirée. Les vues échangées doivent l'être dans le cadre d'un dialogue franc et juste, a-t-il encore ajouté.

M. ALFREDO LOPES DA ROSA (Guinée Bissau) a déclaré qu'il ne serait pas bénéfique de laisser l'Afghanistan et le Pakistan se livrer à un échange de vues qui ne fait qu'exacerber les différences, ce qui serait contraire aux objectifs du Conseil. Il a lancé un appel à l'Afghanistan pour qu'il ne reprenne pas la parole afin de permettre au Conseil de poursuivre les consultations sur le texte d'une déclaration présidentielle.

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